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Citations de Léon Frapié (40)


– ...Mais je sais que la fonction d’un délégué cantonal est d’examiner la tenue de l’école ; il n’a nullement à s’occuper de moi.
– Oh !... tout le monde peut faire des misères à une subalterne : y a même pas besoin de motif.
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« Louise Guittard manquait à l’appel depuis trois semaines, j’avais entendu parler d’un coup de pied trop sévère lancé par son pseudo-père. A quatre heures (...), j’ai appris qu’elle avait la jambe cassée : une chute dans l’escalier, dit-on sans insister, il a fallu la placer à l’hôpital. (...)
Et voilà que j’entends, au passage, une voix émue, heureuse :
« Pauv’ gosse ! d’avoir la jambe cassée, elle n’a jamais été à pareille fête ! »
Je suis demeurée ébahie devant l’air émerveillé, attendri de toutes les ménagères, y compris la principale intéressée. Du reste, celle-ci m’a saisi par le bras et m’a fourni des explications avec complaisance et fierté, pour m’éblouir en même temps que les autres commères :
« Figurez-vous que Louise a un lit ! un vrai lit ! du linge blanc ! des repas réguliers... Mme la directrice l’a visitée et lui a apporté une poupée. »
C’est une joie qui emplit les coeurs et gagne tout le trottoir ; le rassemblement augmente : décidément, d’avoir la jambe cassée, elle n’a jamais été à pareille fête ! Pauv’ gosse, quel bonheur pour elle ! Les yeux en sont tout humides.
Une pointe d’envie se discerne dans l’enchantement de certaines mamans et des regards se promènent sur des moutards, comme si l’on cherchait ce qu’on pourrait bien leur démolir. »
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C'était un jeudi, dans le mois d'octobre. Le train qui, régulièrement, à deux heures de l'après-midi, éveille pour un instant la petite station de Bailloire endormie dans l'ombre de vieux marronniers, amena de Paris une jeune fille étrangère à la localité.
Après S'être renseignée auprès de l'employé de la gare, elle prit la route longue de trois kilomètres qui conduit à Chabois.
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Une ancienne institutrice vient de se présenter à l'école pour photographier les élèves par groupes.
En place pour le premier groupe, dans la cour. Les élèves de la grande classe par étages : une rangée d'enfants accroupis, ceux de la seconde rangée assis sur des bancs, ceux de la troisième rangée debout.
Mon cœur se serre devant ce lot débordant de pauvreté, de maladie, de laideur et de vice. On en finit pas de les placer convenablement : on a beau masquer des horreurs il en ressort toujours des nouvelles ; c'est la petite Doré qui louche plus que d'habitude, c'est Virginie qui remue ses gros orteil par les trous de ses chaussures, c'est Vidal qui abuse de sa bosse...
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– Qu’est-ce que c’est le samedi ?
Julie devine qu’on veut lui faire dire une gentillesse ; elle se contorsionne, baisse les paupières et sourit sans répondre.
– Tu ne sais pas ?
– Si.
– Tu ne veux pas le dire ?
– Si.
– Eh bien, qu’est-ce que c’est le samedi ?
Alors, la mignonne, délicieuse, fière, séraphique :
– C’est le jour où qu’on se soûle.
Je n’entends pas. On n’entend jamais ces étourderies qui sont sans réplique ; on bifurque vivement 
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J'ai écrit dernièrement qu'il fallait subordonner la morale aux faits individuels ; eh bien, à ce propos je veux vous exposer une opinion qui me tracasse depuis l'âge de raison : je suis absolument révoltée de la façon dont on attribue de la vertu au gens par rapport à d'autres gens.
Pourquoi dire que l'industriel gagnant 50.000 fr. par an est plus honnête que le camelot affamé qui a volé ? Pourquoi dire que Mme Prudhomme, satisfaite en tous ses désirs, est plus vertueuse que Mlle Nana ?
On n'en sait rien.
Pour pouvoir comparer, il faudrait que le riche industriel, que l'heureuse Mme Prudhomme se fussent trouvés exactement dans les mêmes conditions de besoin que le camelot et que Mlle Nina.
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Je me rappelle, en effet, la mère Fondant amenant ses trois enfants à l’école et poussant à part l’aîné Gaston.

– Celui-là, madame, n’ayez pas peur de taper dessus, c’est un sale enfant ! il a tous les défauts !

Elle criait ces mauvaises paroles avec une passion sincère, saisissante.

Pauvre bambin inerte ! « Tous les défauts » Il ne parlait pas, n’agissait pas, il ne cherchait qu’à se cacher ; sitôt lâché par sa mère, il se réfugiait effaré dans les jupes de la maitresse présente. Pareil à un chien qui discerne les personnes amies des bêtes, il m’avait devinée, sa préférence était pour moi
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Oui, dans le peuple, on a beau laisser les enfants sans soins et les brutaliser d’importance, on les aime et on les respecte.
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Je m'étais couchée, je me suis relevée.
Je me remet à écrire sans bas, en chemise de nuit, je veux avoir froid, je veux que mes orteils se glacent.
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Louise Guittard manquait à l'appel depuis trois semaines, j'avais entendu parler d'un coup de pied trop sévère lancé pr son pseudo-père. A quatre heures, - j'ai appris qu'elle avait la jambe cassée : une chute dans l'escalier, - dit-on, sans insister, - il a fallu la placer à l'hôpital.
Sa mère s'était arrêtée devant la porte de l'école, après avoir communiqué des nouvelles à la directrice. Tout un groupe de femmes bavardait avec elle.
Et voilà que j'entends, au passage, une vois émue, heureuse :
- Pauv'gosse ! d'avoir la jambe cassée, elle n'a jamais été à pareille fête !
Je suis demeurée ébahie devant l'air émerveillé, attendri de toutes les ménagères, y compris la principale intéressée. Du reste, celle-ci m'a saisie par le bras et m'a fourni des explications avec complaisance et fierté, pour m'éblouir en même temps que les autres commères :
Figurez-vous que Louise a un lit ! un vrai lit ! du linge blanc ! des repas réguliers... Madame la directrice l'a visitée et lui a apporté une poupée.
C'est une joie qui empli les cœurs et gagne tout le trottoir ; le rassemblement augmente : décidément, d'avoir la jambe cassée, elle n'a jamais été à pareille fête ! Pauv'gosse, quel bonheur pour elle.
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Petit papa, c’est aujourd’hui ta fête…
J’avais des fleurs pour couronner ta tête…
Cette fois, un père amenait sa fille à force de gifles et de poussades ; une troupe d’élèves accourus de tous les bouts du quartier formait cortège ; il y eut un envahissement tumultueux. L’enfant battue fut projetée la première dans le préau. Je l’ai vite prise par le bras et conduite au lavabo, sa figure de pauvre mouton, barbouillée de larmes, était enflée, labourée d’ecchymoses.
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Par ce froid terrible, les enfants apportent des têtes violacées et pochées d’ivrognes pleurards. Des petites filles clopinent raidies, cassées en deux comme des vieilles, les mains ramenées au creux de l’estomac, un panier au coude, au lieu de cabas. Je dénoue les grands fichus de laine attachés derrière le dos ; des avortons allongent leurs mains tuméfiées devant mon tablier bleu, comme ils les approcheraient d’un poêle brulant.
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– Chantons !
On dit qu’il est un petit vieux
Cent bouches s’ouvrirent, rondes, d’où jaillit un son unanime :
On dit qu’il est un petit vieux
Qui vient le soir jeter du sable
Dans tous les pauvres petits yeux
Des enfants qui sortent de table.
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Ah ! cette tare de l’instruction ! Je ne sais quoi me trahissait : les employés me toisaient, mal disposés.
– Femme de service ?… Il faut des aptitudes.
J’avais beau torturer ma pauvre tête pour trouver le mot trivial, pour forger la tournure de phrase incorrecte, j’avais beau m’appliquer à faire des cuirs, ces messieurs se méfiaient ; une prévention hostile se devinait sous leur politesse étriquée.
– Les emplois de femme de service sont des emplois
modestes, qui ne permettent aucune ambition, mais qui exigent des qualités pratiques, sérieuses. On les destine de préférence à des personnes de condition ordinaire, sans prétentions.
C’est qu’il s’agit de ne pas dépasser le niveau, quand-on brigue un emploi !
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Pourtant, depuis le début de sa récréation, le petit Georges Mélie se tient tout près de mademoiselle Bord, de côté, sous son bras gauche, et il reste là parce que sa plainte n’obtient pas satisfaction.
C’est un blondin de cinq ans et demi, pâlot et déguenillé ; sa figure triste et timide exprime une sorte d’entêtement doux ; il fait penser à un malade qui ne veut pas mourir.
Voilà cinq jours qu’il n’a pas quitté mademoiselle à aucune récréation. Le premier jour, elle a essayé, selon sa coutumière méthode expéditive, de lui répondre et de le renvoyer, mais il s’est obstiné avec une telle force de désespoir qu’elle a renoncé à se défaire de lui.
D’ailleurs, elle finit par ne plus s’apercevoir de sa présence ; il est si menu, si peu bruyant, si effacé qu’il ne la gêne pas du tout.
Et aussi il n’est pas exigeant, il se contente de bien peu, cet enfant ; il sait ne prendre qu’une part bien raisonnable : il raconte sa peine au tablier de mademoiselle.
Oui, il lui parle d’une petite voix posée, gentille, en le regardant, en lui souriant avec tristesse, en le touchant amicalement. Il babille sans interruption, trottinant à mesure que mademoiselle se déplace et ne s’émouvant pas des cris, des rires, des gesticulations de ses deux cents camarades.
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- Moi, dit-elle, j'ai au moins cet avantage de "vouloir". Seulement, je ne discerne pas quelle est ma meilleure aptitude. Je sais bien que je ne serai pas supérieure en étant simplement la femme de mon mari, eût-il cent mille francs d'appointements par an, et d'autre part je sais aussi que pour être une femme méritante, je n'ai pas besoin d'accomplir des actions d'éclat, ni de faire des découvertes savantes, je puis être telle, sans sortir de ma sphère, par bonté agissante... Alors, Berthe, toi qui me connais, indique-moi mon génie... Ce je ne sais quoi de généreux dont la révélation me fera distincte des femmes quelconques?
Mme Charmin se récria:
- Oh! mais non!... Ta sensibilité dominante, il faut que tu la trouves toi-même! Il serait sans effet de te l'indiquer (en admettant que je ne me trompe pas), il faut que tu la vibres.
Aline fit une moue piteuse:
- Mais, ma chérie, comment veux-tu que je trouve? Il y a trop d'aspirations en moi...
Elle taquinait du doigt le sucrier, le pot à crème, les pièces délicates du service à thé comme si elle tâtait ses aspirations diverses, et sa voix pleurait presque:
- Savoir, c'est comparer. Au physique, parbleu, on a des miroirs pour connaître son image; mais comment se regarder l'âme? Comment voir, - afin de le cultiver, - ce qu'on a de plus beau en soi?
Elle apercevait son visage et celui de son amie dans la glace enguirlandée d'un panneau; elle comparait sans trop de désolation, car un sourire lui vint:
- Voyons Berthe, on éveille l'enthousiasme conquérant de son mari, par son charme plastique... eh bien, on doit éveiller la puissance intellectuelle de ce monstre aimé par sa beauté d'âme... je cherche quoi dévêtir de mon âme pour rendre Charles fort et généreux de pensée...
Mme Charmin se renversa au dossier de son fauteuil et répliqua lentement, le front haut et ensoleillé par la clarté blanche venant du jardin.
- Tu brûles, ma jolie; voici le secret: il y a des miroirs à âmes, comme il y a des miroirs à visages... les miroirs à âmes s'appellent les livres.
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...Tricot [...]est en guenilles : sa chemise passe au derrière, ses genoux de pantalon sont arrachés, son tablier sans bouton échappe aux épingles, sa figure est en mauvais état, ses cheveux semblent avoir servi à balayer.
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C’est abominable ce qu’il a fait là, et il n’a pas d’excuse, il venait de déjeuner ; et quand même il aurait eu faim, jamais, jamais il ne devait manger les petits oiseaux.

Mistigris rampait, levait à moitié sa tête sournoise ; il voulait faire croire qu’il ne savait pas : on lui avait appris que c’était bien d’attraper les souris, alors il attrapait toutes les petites bêtes.

Non ! la dame disait qu’il ne devait jamais tuer, même des souris ; car les souris sont de pauvres animaux qui ne font pas grand dégât.

Et elle le chassa en jetant son dernier caillou :
– Allez-vous-en, vilain monstre !
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Je l’ai compris plus tard : dans les bureaux, j’aurais dû rire bêtement et complaisamment en tortillant la pointe de mon corsage, les paupières baissées, l’air subjugué ; j’aurais dû peut-être laver moins mes mains, répandre sur ma robe un peu d’eau-de-vie, de façon à présenter l’odeur de ma condition ; sait-on les choses qui donnent confiance à l’administration ?
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- Voyez comme nous observons les règlements sur l'hygiène ! Voyez comme nous avons souci de l'extrême propreté si indispensable à la santé des enfants ! Voyez la netteté du plancher !
Cet hiver, parfois, les tout-petits ressemblaient à des animaux, chats, chiens, hors de la maison, qui désirent rentrer ; pelotonnés dans leurs loques, ils fixaient obstinément les fenêtres, la porte du préau où il faisait chaud, comme si la force de leurs grelottements devait faire ouvrir.
- Pas moyen de vous réchauffer, mes chéris, nous attendons le délégué cantonal...
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