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Citations de Leonardo Padura (893)


Jusqu’où était-il arrivé ? À combien d’années-lumière le docteur au stylo Montblanc se trouvait-il de l’enfant nu dans la cour d’un solar de La Havane ? Qui serait foutu de critiquer ça, que, face à l’imminence d’un effondrement, il se soit tiré sans regarder en arrière et qu’il vive comme il vivait à présent et même qu’il prétende être catalan et plus jamais cubain, y compris le Cubain qu’il avait été et qui, grâce à sa condition de Cubain, avait pu devenir médecin dans ce pays disproportionné qui s’appelait Cuba ?
(page 480)
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Mais la vie quotidienne des Cubains est un assemblage si complexe, elle est si pleine de singularités et d’incongruités que la presse internationale qui tente de la cerner n’arrive que rarement à effleurer son intériorité dramatique, entre autres raisons parce que même nous, les Cubains qui vivons cette réalité jour après jour, nous avons aussi du mal à trouver certaines réponses. Un exemple ?….. On dit officiellement qu’à Cuba il n’y a pas de chômage, plus encore, que le pays peut se vanter de connaître ce qu’on appelle le “plein emploi”. Aujourd’hui, alors que je tentais de donner forme à ces considérations, j’ai dû me rendre à la buvette du quartier, une de celles qu’on appelle “Rápidos”. Il était à peine onze heures du matin et, comme cela arrive souvent dans le Rápido en question, plus de dix personnes buvaient des bières (à un peso convertible cubain, quelque chose comme un dollar vingt) en écoutant un reggaeton tonitruant. Pendant ce temps, à l’extérieur, on aurait dit qu’il y avait une manifestation : des gens achetaient des légumes aux vendeurs de rue, il y avait la queue au “shopping” (magasin qui ne vend que des produits en devises) car c’est bientôt la fête des pères, plusieurs personnes attendaient des taxis collectifs à dix pesos cubains (un demi-dollar) le trajet, des individus déplaisants mais souriants bavardaient près du mur de l’église ou à l’ombre d’un flamboyant. Où travaillent tous ces gens ? D’où sortent-ils l’argent pour acheter ce qui est nécessaire et même ce qui est un luxe ? Vivent-ils tous de la débrouillardise, du vol et des magouilles ? Comment un être humain peut-il résister plus d’une minute au volume sonore du reggaeton qui résonne dans le Rápido de mon quartier comme dans tous les Rápidos, boutiques et établissements du pays.
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Trotski en caressant Azteka :

"Sieva lui parle en français, à la cuisine on lui parle espagnol, et moi je lui parle russe expliqua le vieillard. Et il comprend tout le monde. L'intelligence des chiens est un mystère pour les humains. Souvent, je me dis qu'ils sont intellectuellement très supérieurs à nous parce qu'ils ont la capacité de nous comprendre, même en plusieurs langues, et c'est nous qui n'avons pas l'intelligence pour capter leur langage.
- Je crois que vous avez raison ... Sieva dit que vous avez toujours eu des chiens.
- Staline m'a ôté beaucoup de choses, y compris la possibilité d'avoir des chiens. Quand j'ai été expulsé de Moscou, j'ai dû en laisser deux et quand j'ai été exilé, ils ont voulu que je parte sans ma chienne préférée, la seule que j'avais pu emmener à Alma-Ata. Mais Maya a vécu avec nous en Turquie et c'est là que nous l'avons enterrée. C'est avec elle que Sieva a appris à aimer les chiens. C'est vrai, moi j'ai toujours aimé les chiens. Ils ont une bonté et une capacité de fidélité supérieures à celles de bien des hommes.


"
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Avant la rupture dramatique dans sa vie, et dans la vie du noyau d’amis de la maison de Fontanar, Irving n’avait jamais sérieusement envisagé de s’en aller quelque part. Comme tout être humain normal avec des questionnements intellectuels, l’envie de voyager l’avait toujours titillé. Mais entre voyager et émigrer, il y avait un gouffre insondable. Et entre émigrer et se procurer un onéreux permis de « sortie définitive », scellant la transmutation du statut de citoyen en celui d’apatride, une horreur semblable au bannissement.
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Le baiser se prolongea, s'approfondit, se fit vorace, et il sentit le réveil de ses impulsions, plus paresseuses avec le poids des années, capables encore de répondre quand on le poussait dans ses retranchements avec les arguments adéquats... Et il se laissa vaincre par l'ennemi.
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De la même manière que Felipe Martinez et pour des raisons très semblables, Horacio fut condamné au déracinement. Les deux hommes, qui avaient lutter pour quitter Cuba, qui avaient renié l’environnement cubain et risqué leur vie dans la traversée téméraire du détroit de Floride, étaient deux êtres au cœur à jamais brisé : condamnés à être sans pouvoir être ce qu’ils étaient, à vivre une existence en suspension, avec les racines apparentes (déracinés), avec une tendance trop marquée à idéaliser un passé glorieux (presque toujours exagéré) de nuits de bringue, d’ivresse, pleines de musique et de jolies femmes, ce temps de l’apprentissage où ils avaient grandi. Plus que des exilés, tous deux avaient la complicité des réfugiés perpétuels, nourris de la mémoire affective et de la douce illusion d’un rêve de retour. Vivants ou morts.
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Comme il aimait la maison qui allait au-delà de ses rêves, Darío taillait et nettoyait le jardin avec autant de soin et d’habileté qu’il en mettait pour s’occuper d’une boîte crânienne. Il réparait les clôtures, peignait les murs, nettoyait réservoirs et citernes et, si c’était à sa portée, faisait des travaux de plomberie, d’électricité, de menuiserie et de maçonnerie, avec ses mains habiles et son cerveau bien fait : si je peux extirper une tumeur d’un cerveau, comment je ne serais pas capable, merde, de réparer une fuite d’eau ou d’enduire une fissure.
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- À l’époque, tout ce qu’on faisait était « historique », ironise Rafa. On était en train d’écrire l’Histoire avec un grand H, putain ! On était le phare qui éclairait le monde ! (page 52)
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-" Pour l'art, la liberté est sacrée, elle est son unique salut. En matière d'art, quand on dit que tout est permis, cela doit être TOUT ", conclut-il.
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Cela devait être le parti de la cubanité humiliée, de l’honneur patriotique retrouvé, des bonnes mœurs et de l’esprit de progrès, ainsi qu’ils le proclamaient. Et beaucoup de gens avaient gobé l’histoire. Ou pas, mais dans cette île tropicale frappée par le soleil, où le cynisme est devenu un mode de vie – et le fait de ne pas dire ce que l’on pense vraiment une pratique irréprochable –, cela n’avait jamais eu beaucoup d’importance.
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Car, en reprenant la perception d'un autre écrivain que je respecte, que je m'approprie et que je cite de nouveau : plus qu'à un pays, un romancier appartient à une ville. Une ville qui a une existence matérielle mais aussi, et surtout,un état d'esprit et un réservoir d'histoires personnelles, vécues ou acquises grâce aux lectures et aux confidences.
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En regardant votre œuvre, une chose lui avait semblé évidente : l’art est pouvoir. Seulement cela ou surtout cela : le pouvoir. Non pas pour dominer des pays et changer des sociétés, pour provoquer des révolutions ou opprimer les autres. C’est le pouvoir de toucher l’âme des hommes et, à la fois, d’y semer les graines de son amélioration et de son bonheur…
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Vous avez changé ma vie, Maître. Et pas seulement parce que vous m’avez appris à peindre. Le meilleur de ce qui m’est arrivé dans la vie, c’est à mon grand-père, au haham Ben Israël et à vous que je le dois, parce que tous les trois, chacun à votre façon, vous m’avez appris qu’être un homme libre c’est plus que vivre dans un lieu où on proclame la liberté. Vous m’avez appris qu’être libre, c’est une bataille qu’il faut livrer tous les jours, contre tous les pouvoirs, contre toutes les peurs.
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Le plus singulier de l’histoire étant que Laurent Cantet, qui est français, a réalisé un film non seulement profondément cubain mais viscéralement nécessaire : rarement je crois (j’ose l’écrire et j’assume les réactions possibles), de façon aussi profonde et douloureuse, on aura montré au cinéma les drames existentiels et matériels d’une génération de Cubains qui, qu’ils vivent sur l’île ou dispersés à travers le monde, se voient eux-même comme les acteurs et les survivants d’une expérience traumatique que l’histoire, le destin, la politique et la géographie nous ont fait vivre parce que nous sommes nés et avons vécu dans le pays qui est le nôtre. Le pays où nous sommes nombreux à avoir continué à vivre, à créer, à travailler, parce que, comme le dit le personnage d’Amadeo : « Ce pays est aussi mon pays … Mon-pays, bor-del ! » « Ma maison. » Celle de tous les Cubains.
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La décision de projeter finalement « Retour à Ithaque » dans le cadre de la programmation du Festival de Cine Francès célébré tous les ans à Cuba a été le fruit d’une victoire collective des créateurs cubains, particulièrement les cinéastes. Et les applaudissements à l’issue d la projection, le 2 mai 2015, ont confirmé que nous avions raison et que l’art a encore beaucoup à faire et à dire dans une société telle que la société cubaine, qui a besoin de plus d’espaces de confrontation, de débat, de liberté d’expression.
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... vous m'avez appris qu'être un homme libre c'est plus que vivre dans un lieu où on proclame la liberté. Vous m'avez appris qu'être libre, c'est une bataille qu'il faut livrer tous les jours, contre tous les pouvoirs, contre toutes les peurs.
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La conviction que le monde pouvait être un champ de bataille mais qu'une bibliothèque était un terrain inviolablement neutre et collectif s'était enraciné dans son esprit comme un des apports les plus beaux de sa vie.
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Comme une bonne partie de la moyenne bourgeoisie commerciale, depuis la fin de la guerre, Valladares était parvenu à multiplier son capital. Le jeune homme l’avait fait en spéculant sur la monnaie espagnole et, ensuite, en détournant des biens de l’État grâce à ses relations et à son poste au gouvernement. Il avait été l’un de ces officiers sans scrupules de l’Armée libératrice cubaine de plus, qui, profitant d’une position privilégiée, s’étaient mis dans les poches une bonne partie du crédit accordé par les États-Unis pour le paiement d’indemnités aux vétérans des combats indépendantistes. Mingo Valladares était la preuve vivante que le fait d’avoir été courageux durant la guerre (même si, en fait, ce n’était pas son cas) et d’avoir pour cela été élevé au rang de héros ne garantissait pas que tu étais une bonne personne encore moins un homme honorable, et que tu ne te consacrerais pas ensuite à saigner comme une insatiable sangsue le pays pour lequel tu as un jour combattu. Et le pire était que tout cela était vox populi, car même les chiens errants en ville connaissaient peu ou prou les qualités du personnage. Et ils votaient quand même pour lui ? Quel désastre.
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Car c’est là, en découvrant que certains de mes camarades d’études écrivaient des nouvelles et des poèmes, qu’en bon pelotero mon esprit de compétition latent me poussa dans cette direction : si les autres écrivaient, pourquoi pas moi ? C’est ainsi, par pur esprit de compétition, que je me suis mis à écrire et que je me suis engagé sur le chemin définitif de ma vie : celui d’un joueur de base-ball frustré devenu écrivain
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Je connais bien cette histoire, renchérit Conde pour appuyer l’affirmation de l’autre.
- Moi aussi. Ton ami Andrés m’en a parlé. Il est resté des années sans nouvelles de son père qui vivait aux États-Unis et lui à Cuba. Ça en faisait presque des ennemis… Quelle absurdité !
- L’Homme Nouveau ne pouvait avoir de relations fraternelles qu’avec ceux qui partageaient son idéologie. Un père aux États-Unis, c’était comme une maladie contagieuse. Il fallait tuer la mémoire du père, de la mère, du frère, s’ils ne résidaient pas à Cuba. Ce fut beaucoup plus qu’une absurdité…
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