Béatrice Duval - Éditions Denoël .
Béatrice Duval vous présente la rentrée littéraire 2014 aux éditions Édition Denoël : "La mécanique des fluides" de Lidia Yuknavitch http://www.mollat.com/livres/yuknavitch-lidia-mecanique-des-fluides-9782207117552.html "La mort d'un père Volume 2 : Un homme amoureux de Karl Ove Knausgaard" http://www.mollat.com/livres/knausgaard-karl-ove-mort-pere-homme-amoureux-9782207110010.html "Le clan suspendu" d'Étienne Guéreau http://www.mollat.com/livres/guereau-etienne-clan-suspendu-9782207118108.html "Gueule de bois" d'Olivier Maulin http://www.mollat.com/livres/maulin-olivier-gueule-bois-9782207118290.html Notes de Musique : ?Mieux Vaut en Rire? (by 2methylBulbe1ol). Free Music Archive
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Quand on ferme les yeux, l’univers entier devient intérieur.
Qu’importe la douleur lorsqu’il s’agit d’inscrire l’histoire d’une vie sur mon corps ?
Je me cache les yeux dans les mains, pour que l’obscurité soit plus proche de celle de l’espace, ou de la mort, ou de mon souvenir des salles de cinéma. Des étincelles blanches dansent sous mes paupières fermées. Ma mémoire se déploie en petits fragments condensés et disparates, comme un minuscule film d’avant-garde.
Dans le noir, l’ombre d’une personne n’est rien. C’est la lumière du passé qui s’éteint.
Vous voyez, c'est important de comprendre à quel point les gens esquintés ne savent pas toujours dire oui, ou sauter sur l'occasion de leur vie, même si elle est là, sous leurs yeux. C'est de la honte qu'on porte. La honte de vouloir quelque chose de bien. La honte de ressentir quelque chose de bien. La honte de ne pas croire qu'on mérite d'être dans la même pièce au même titre que tous ceux qu'on admire.
Brûler est un art. Après avoir retiré ma chemise, je m’avance vers la table où j’ai disposé mes outils, bien alignés. Je me badigeonne le torse et les épaules d’alcool de synthèse. Mon corps d’albâtre se découpe sur le noir de l’espace, où nous flottons dans une station orbitale. Le CIEL.
(incipit)
Lorsqu’ils possèdent la langue, nous sommes des terroristes. Lorsque c’est nous, nous sommes des révolutionnaires. Ceux qui renversent la Terre.
On se dit toujours que l’impensable n’arrivera jamais : ce qui ne peut exister en pensée ne peut exister dans la réalité, c’est évident. Et puis… et puis en un clin d’œil, dans un moment de vulnérabilité, un personnage jaillit de terre pour forger son pouvoir sur nos échecs et sur la faiblesse de nos désirs.
Ce sont nos cheveux qui ont disparu en premier, suivis des pigments de notre peau. Le CIEL a donné à l’humanité de nouveaux corps, créé une armée de sculptures blanches comme le marbre. Rien à voir avec les statues de l’Antiquité, pourtant. Peut-être est-ce le géocataclysme qui est responsable de notre transformation, peut-être l’un des premiers virus, peut-être une erreur dans la fabrication de notre environnement artificiel, ou peut-être simplement un juste retour des choses pour avoir assassiné le monde naturel.
Personne ne dit rien, surtout pas moi.
Ça fait mal. Le silence.
On roule.
Il me semble voir des vaches passer sur le côté de la route, mais ce sont peut-être simplement ces taches qu'on a dans les yeux lorsqu'on essaie de ne pas pleurer.
(p. 208-209)