Citations de Louis Calaferte (722)
Insouciantes, elles traversent des haies compactes de fous furieux, maniaques aux regards avides, tenus en laisse d'extrême justesse au bout de leurs instincts domestiqués.
Je veux tes pleurs, tes cris , ton visage blafard, creusé, crispé d'amour, et pénétrer au tréfonds de toi, toucher et revenir aux entrailles de la vie, et me planter, enseveli, dans le mystérieux espace de cette conque secrète qui fait que tu es femme, que tu es mon angoisse.
Il y a, comment dire ? une haine de peau entre les patrons et moi. Mésentente réciproque. La vérité, c'est que je n'ai pas plus que ça envie de travailler. Trois quarts de l'existence consacrés à la boustifaille. Exclusivement. Soustrayez le temps de dormir et voyez ce qui reste.
Et son sourire qui lui lime la gueule. Le genre d'homme à vous bousiller froidement sans jamais se départir d'une cordialité exquise.
Un désespoir calme remue vaguement en moi très en profondeur. Cette politesse qui désarçonne, intimide.
Si Livonnier ne veut pas me recevoir, j'irai m'asseoir sur le trottoir.
L'horloge sonne l'heure. Vol de pigeons. Le soleil sec blanc doré qui tape sur le goudron. Il est cinq heures dans un monde libre et civilisé. Chacun à sa place. Le gardien pisseux. Le vol de pigeons. L'horloge. Les mères. Les enfants. Le tas de sable. Le goudron chaud. La vespasienne. Et si vous le permettez, moi-même, vagabond attardé de la cinquième heure citadine du désespoir méthodique. Il est cinq heures d'un jour torride dans le siècle de la dévitalisation. Cinq heures d'un univers cimenté et mortel.
Tout est tellement mystérieux. Et pourquoi ne penserais-je pas aussi bien mort que vif, qu'y aurait-il de changé hors la forme, mais ma forme n'est-elle pas ma part visible d'éternité, déroutant, singulier, on bute contre quelque chose d'infranchissable.
La voiture me frôle au bord du trottoir, je n'ai eu que le temps de faire un bond en arrière ; le gros plein de soupe à côté de moi me regarde sévèrement comme si c'était sa vie à lui que je venais de risquer ; s'il m'adresse la parole je lui dis merde, pas un mot de plus.
Pourquoi justement pas moi ? A quoi ça tient, nomade par nature, velléitaire, enculeur de mouches, déclassé, asocial et la suite.
Se doutent-ils qu'il y a une divinisation de la réalité, et que si l'on parvient à l'atteindre, alors se révèle le point fixe de l'immortalité heureuse ?
On pousse la barrière du jardin et c'est pour s'apercevoir qu'il n'y a rien derrière. Même pas le vide qui constitue une entité en soi.
Voyez-vous, aussitôt qu'on commence à réfléchir sur ce qui nous conditionne, ça devient purement diabolique.
Moi, écrivain ! Moi qui ne fais que bredouiller ! Pour écrire, il faut être hanté, malheureux, persécuté, ou alors heureux au point de croire sérieusement qu'on a Dieu pour coéquipier.
Elle me sourit. Les yeux tout-sexe.
Ses yeux pétillent, se rétrécissent en me fixant, deviennent presque durs, effilés, avec une pointe de sourire au loin. Le même sourire congelé que doivent avoir les tortionnaires.
La joie pisse en cascades sur le monde rayonnant, larbin ! Vive la vie !
Toute cette liberté qu'on a aussi foutue en cage. Des arbres. De l'herbe. Des plantes. Les bêtes.
Quelque part au-dessus des toits, entre la barricade des cheminées droites. Le petit jour écarquille son œil ensommeillé.