AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Louise Browaeys (92)


J'ai quitté un nombre incalculable de fois la femme que j'étais, en levant des peaux les unes après les autres, tel un oignon récalcitrant, parfois après de longues périodes d'aveuglement, pour devenir ce que je ne savais pas encore être. J’ai pensé souvent à ce chêne planté par mon père le jour de la naissance de mon frère et qui, à l'automne, laisse tomber ses feuilles ocre et pointues qui crissent sous les pieds. J'ai continué ainsi et quitter et être quittée, jusqu'à sentir vraiment la douleur de ce que l'on quitte : nous, des parts de nous, des peaux, du sang, des feuilles, des écorces, les autres, les autres en nous, ce que nous imaginons être les autres, nous désespérément accrochés comme du gui dans le corps des autres.
Commenter  J’apprécie          10
Audionaturaliste, un métier qui consiste à écouter et énumérer les bruits du monde - de plus en plus humains. Le bruit du vivant représenterait douze téraoctets. (Avant que tu m'expliques ce que signifiait cette unité de mesure, j'imaginais des monceaux de têtards) On y trouve des pets de gorille, le bourdonnement des butineurs, l'iceberg qui dérive, les grognements du morse, la parade du grand albatros des iles Crozet, les vastes prairies d'Italie remplies de grillons. On y trouve aussi les bruits qui n'existent plus, comme celui de l'outarde canepetière - qui habitait jadis la Beauce - ou de la reinette méridionale, une grenouille qui en 1977 coassait tellement fort en Camargue que l'on " se serait cru devant une mare africaine, écrasé par un mur de sons ". C'est à peu de chose près ce que je ressens lorsque nous faisons l'amour suffisamment longtemps, le matin, dans une sorte de chaos primordial jaune et bleu, moi à califourchon sur toi, juste avant que le soleil ne se lève.
Commenter  J’apprécie          146
Demain, nous écrirons des lettres, nous ferons de la broderie, nous lirons des manuels de survivalisme.
Demain, nous diviserons notre empreinte carbone par quatre, nous panifierons au lieu de planifier, nous cuisinerons les lentilles vertes du placard. Demain l'eau sera bonne. L'oppression des femmes et celle des sols auront concomitamment cessé. Des milliers de femmes oseront s'exprimer de leurs voix argileuses.
Commenter  J’apprécie          00
Demain, j'enjamberai le sommet des arbres grâce à des bottines à ressorts. Demain sera autant pétri de contradictions qu'aujourd'hui, mais peut-être saurons-nous mieux les chérir.
Commenter  J’apprécie          00
Alors j'écris cette Reverdie pour celles et ceux dont le ventre gargouille et qui n'ont pas de jardin où planter des pommes de terre, qui rêvent d'un saule pleureur penché au-dessus d'un ruisseau - ou simplement d'une feuille de laitue qui croque sous la dent. Pour celles et ceux dont le seul jardin est la littérature, dont le champ n'est que lexical et qui ne connaissent des feuilles que la blancheur d'un format A4. Pour celles et ceux qui ont toujours tenu dans leurs mains des crayons et jamais des brouettes ou des râteaux. Pour celles et ceux qui aiment s'égarer dans un roman comme dans un labyrinthe de charmille, découvrant immanquablement en elles, en eux, tant de petites lumières qui ne demandent qu'à scintiller. Et surtout pour celles et ceux tombés amoureuses, amoureux, bien après que les autres autour d'elles, autour d'eux, ont été mariés, installés, entourés d'enfants et de tabliers.
Commenter  J’apprécie          200
Puisque je ne peux pas sauver la forêt amazonienne, ça commence avec la tentation de sauver une autre partie de la vie, plus intérieure. Puisque je ne peux pas dans l'immédiat, être maraichère, ça commence avec l'envie d'écrire un livre de fragments sur la couleur verte.

Je veux décrire comme cette couleur, le vert, qui est celle du renouveau, m'a fait cheminer de robe en robe, d'homme en homme et de livre en livre. Je veux que chaque paragraphe soit un petit buisson qui parle et fructifie. Je veux que rien n'y soit enfermé. Je veux y trouver refuge comme dans une cabane avec mes enfants et tenter d'y transformer les mots en ailes de libellules. Tantôt vertes, tantôt farouches.

La couleur verte a apaisé mes colères et accru mes audaces.
Commenter  J’apprécie          190
Et bien avant, lorsque j'étais enfant, j'utilisais un stylo-plume pour écrire mes listes et mes lettres : des sornettes de petite fille en cage, une sorte de feuilleton tragique et primesautier. Maintenant, sur mon ordinateur, je n'épouse plus la cambrure des virgules, je ne vois plus mes ratures, je n'ai plus de bosse au majeur ni d'encre sur toute la longueur de l'index. Je passe mon temps à râler en cherchant mon chargeur dans la maison. Je t'appelle dès que la connexion Internet plante. Je vais trop souvent à la ligne, comme si je semais des radis. J'abuse du correcteur d'orthographe.
Commenter  J’apprécie          00
Je suis donc sortie de ma cabane par un dimanche matin ordinaire et j'ai entrepris une bonne taille. J'ai coupé toutes ces phrases de ma tête et de mon corps avec un sécateur professionnel et j'ai décidé que ce qui était sur mon corps était beau, parce que singulier. Comme au Japon, où l'on répare les objets en soulignant leurs lignes de faille avec de l'or, au lieu de chercher à les masquer, je me suis déployée sous le soleil, telle une nymphe d'insecte affamé, avec toutes mes fêlures et mes irrégularités.
Commenter  J’apprécie          00
Alors j'écris cette Reverdie pour celles et ceux dont le ventre gargouille et qui n'ont pas de jardin où planter des pommes de terre, qui rêvent d'un saule pleureur penché au-dessus d'un ruisseau - ou simplement d'une feuille de laitue qui croque sous la dent. Pour celles et ceux dont le seul jardin est la littérature, dont le champ n'est que lexical et qui ne connaissent des feuilles que la blancheur d'un format A4. Pour celles et ceux qui ont toujours tenu dans leurs mains des crayons et jamais des brouettes ou des râteaux. Pour celles et ceux qui aiment s'égarer dans un roman comme dans un labyrinthe de charmille, deviennent immanquablement en elles, en eux, tant de petites lumières qui ne demandent qu'à scintiller.
Commenter  J’apprécie          00
J'ai essayé de raconter ce que j'observais autour de moi et d'accueillir tout ce que je ne comprenais pas. Une verdure, c'est une journée ordinaire à laquelle on ne comprend rien et sur laquelle on écrit pour tenter d'en éclaircir le mystère.
Commenter  J’apprécie          00
Une permacultrice qui conçoit un jardin, comme une écrivaine qui compose une phrase, cherche avec entrain à positionner au mieux les verts et les verbes de manière que chacun puisse interagir avec les autres, voir leur sourire et les illuminer.
Commenter  J’apprécie          10
Je veux que chaque paragraphe soit un petit buisson qui parle et fructifie. Je veux que rien n’y soit enfermé. Je veux y trouver refuge comme dans une cabane avec mes enfants et tenter d’y transformer les mots en ailes de libellules. 
Commenter  J’apprécie          10
Comme les arbres, nous sommes faits de cercles concentriques. Nous pouvons essayer de nous connaître en en longeant un seul, mais nous pouvons aussi essayer de tous les chevaucher - après les avoir laissé nous chevaucher. Nous pouvons essayer de nous affronter et de nous aimer entièrement. De nous tenir droit dans l'incertitude, comme si nous étions déjà debout dans l'eau jusqu'à la taille. Marchant, dansant et nageant côte à côte. Pendant que la Terre tourne sur elle-même et autour du Soleil, et que la lumière gravite, scintillant au bord du monde et sur la cime des dernières jungles.
Commenter  J’apprécie          20
Si j'écrivais comme Déborah Levy dans un cabanon silencieux, entre un congélateur douteux et un pôele au gaz, et que je décidais d'y apporter dix livres essentiels, que j'étalerais de façon ostentatoire sur les étagères, au-dessus des bacs à légumes et des filets à papillons, j'aurais beaucoup de mal à choisir quels livres emmener. Les Vagues de Virginia Woolf, Noces d'Albert Camus, Eloges de Saint-John Perse. Le manuel de maraîchage biologique d'Eliot Coleman. Tout Proust et un passage de la Bible - mais lequel ? Le Manuel de la vie sauvage d'Alain Saury - le fondateur de l'association Les Mains vertes mais aussi ancien acteur porno - au cas où les choses tournent mal. Qui sait cependant s'il ne serait pas plus intéressant d'avoir sous la main un livre de Marguerite Duras en cas d'effondrements successifs de la civilisation occidentale ? Sans parler de Joyce Carol Oates, Franz Kafka et Annie Ernaux. D'Etre ici est une splendeur, de Marie Darrieussecq, dont le titre est déjà une invitation.
Commenter  J’apprécie          20
Une écrivaine, comme une permacultrice, tente de faire beaucoup avec ce qu'elle a sous la main, c'est-à-dire peu : un mot, une virgule, une goutte de pétrole, un élytre, une graine de séquoia, deux années de prépa bio, un vide, une variation de lumière.

Une permacultrice qui conçoit un jardin, comme une écrivaine qui compose une phrase, cherche avec entrain à positionner au mieux les verts et les verbes de manière que chacun puisse interagir avec les autres, voir leur sourire et les illuminer.
Commenter  J’apprécie          10
Oui l'attente aurait pu être toute ma vie de femme. Et la difficulté de ce petit voyage réside dans cet équilibre à trouver entre une patience qui ne serait pas lâcheté, une détermination qui ne serait pas de l'entêtement et une sincérité qui ne serait pas de l'égoïsme.
Commenter  J’apprécie          10
Alors j'écris cette Reverdie pour celles et ceux dont le ventre gargouille et qui n'ont pas de jardin où planter des pommes de terre, qui rêvent d'un saule pleureur penché au-dessus d'un ruisseau - ou simplement d'une feuille de laitue qui croque sous la dent. Pour celles et ceux dont le seul jardin est la littérature, dont le champ n'est que lexical et qui ne connaissent des feuilles que la blancheur d'un format A4. Pour celles et ceux qui ont toujours tenu dans leurs mains des crayons et jamais des brouettes ou des râteaux. Pour celles et ceux qui aiment s'égarer dans un roman comme dans un labyrinthe de charmille, découvrant immanquablement en elles, en eux, tant de petites lumières qui ne demandent qu'à scintiller. Et surtout pour celles et ceux tombés amoureuses, amoureux, bien après que les autres autour d'elles, autour d'eux, ont été mariés, installés, entourés d'enfants et de tabliers.
Commenter  J’apprécie          10
Puisque les émotions, et donc les arts, sont incontournables pour métaboliser la situation écologique. Puisque la lecture permet autant de se cultiver qu'un grand jardin d'herbes et de légumes. Puisque la lecture comme le jardinage sont devenus des actes de résistance - non rentables dans un monde où toute activité est soumise à un arbitrage coût-bénéfice. Puisque l'écologie et la littérature sont des sciences de liens, des révélateurs de réciprocité, et qu'elles m'ont tout simplement sauvé la vie. Puisque les bibliothèques et les jardins sont des espaces à notre mesure pour rencontrer le vivant et entrer nous aussi dans la danse.
Commenter  J’apprécie          20
Je libère mon partenaire de l'obligation de me compléter.
Je libère mes parents du sentiment qu'ils ont échoué avec moi.
Je ne manque de rien, j'apprends de tous les êtres, tout le temps.
Je dois plus que jamais être fidèle à moi-même en marchant avec la sagesse du coeur, je sais que j'accomplis mon projet de vie, libre des loyautés familiales qui peuvent perturber ma paix et mon bonheur, ce détachement est de ma responsabilité.
Je renonce au rôle du sauveur, d'être celui qui unit ou répond aux attentes des autres.
Je chéris mon essence, ma façon de l'exprimer, même si tout le monde ne peut pas me comprendre.
J'honore la Divinité en moi et en toi.
Je t'honore, je t'aime et te reconnais innocent.
Nous sommes libres.
Commenter  J’apprécie          20
Agir raisonnablement n'a de sens que pour les petites décisions de tous les jours. Pour ce qui bouleverse l'existence, pour s'enfoncer allègrement en terres inconnues, il faut simplement couper les fils et cesser de se bombarder de questions.
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Louise Browaeys (193)Voir plus

Quiz Voir plus

L'apache aux yeux bleus

Quel âge a le personnage principal ?

3 ans
6 ans
13 ans
11 ans

10 questions
277 lecteurs ont répondu
Thème : L'Apache aux yeux bleus de Christel MouchardCréer un quiz sur cet auteur

{* *}