Au fond, ce qu’il y a de plus étrange dans cette « Etrange défaite », c’est son titre. On se demande ce qu’elle a d’étrange, tellement elle parait normale d’après l’état des lieux que fait Marc Bloch à chaud, peu après les évènements. Son témoignage est divisé en deux parties, l’une sur l’armée, l’autre sur la société civile, il y décrit tous les dysfonctionnements et les faiblesses qui ont pu mener à la catastrophe de 1940. Les causes sont nombreuses mais on peut les résumer à un principe, l’inadaptation de la France au monde moderne. Le général de Gaulle ne faisait pas un constat très différent en déplorant l’insuffisance de la motorisation des armées. Mais d’ailleurs c’est un livre qu’on peut qualifier de discrètement gaulliste. L’appel à la résistance n’est pas formulé clairement mais il ne laisse pas de doute.
Marc Bloch écrit : « le triomphe des Allemands fut, essentiellement, une victoire intellectuelle », parce qu’ils savaient que la vitesse était l’avenir, et si l’armée et la société française ne l’ont pas compris c’est à cause de ses vieux dirigeants incapables de sortir des ornières d’une expérience désuète. Tout était vieux, vétuste et lent en France. Les autres choses, comme la bureaucratie kafkaïenne, les incohérences, la rétention d’information, le défaitisme, peuvent être classées comme des causes secondes de cette France sclérosée et rhumatisante.
Donc, Marc Bloch, qui était encore animé par une colère palpable quand il écrivait ce témoignage, met essentiellement cette défaite sur le dos d’un conservatisme profond de la société française d’avant-guerre. Il n’oublie pas non plus de tancer le pacifisme des communistes, ni les influences étrangères dans la politique intérieure de la France, ni les fautes du front populaire et de son camp puisqu’il soutenait la gauche républicaine.
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C'est après avoir lu "L'étrange défaite" ( livre présent dans cet ouvrage) que j'ai voulu en apprendre un peu plus sur cet auteur.
En parcourant ce livre , vous aurez accès à des écrits sur la Première Guerre Mondiale , sur les fausses rumeurs qui circulaient à cette période ( déjà à cette époque ! ) , sur ses souvenirs de combattant .
Nous découvrons également comment Marc Bloch conçoit le métier d'historien ainsi que la création qu'il a entreprise avec Lucien Febvre des "Annales d'Histoire Economique et Sociale" en 1929, création commune qui leur vaudra une renommée mondiale.
Il fut, pour sa part, l'Historien spécialiste du Moyen Age.
Le livre se termine sur des extraits de conférences données par l'auteur ainsi que sur des écrits clandestins pendant la Seconde Guerre Mondiale et enfin, par des lettres d'hommages de personnes l'ayant rencontré à différents moments de sa vie.
Marc Bloch qui, fidèle à ses principes, s'était engagé dans la Résistance est
mort exécuté par les nazis en juin 1944.
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Publié en 1939 et régulièrement réédité, cet ouvrage de 700 pages de Marc Bloch, "La société féodale", fut considéré dès sa première parution comme une oeuvre maîtresse qui a fourni les structures sociales et économiques de la pensée historienne sur le Moyen Âge.
Marc Bloch plaça au coeur de son oeuvre la formation du système féodal, le système social qui caractérise les sociétés médiévales chrétiennes de l'Europe occidentale. Le projet était ambitieux car il consistait, comme le souligne l'auteur lui-même, à fournir « (…) l'analyse et l'explication d'une structure sociale avec ses liaisons… ». Ainsi formulée, la position du problème semble émaner d'une préoccupation différente de celle qui a orienté les travaux des médiévistes du XIXe siècle et même quelques contemporains de Marc Bloch. Autrement dit, il ne se propose pas de narrer les événements de l'Europe de l'Ouest et du Centre entre le IXe et le XIIIe siècle, mais il tente de faire une large place aux soubassements de l'évolution sociale et est ainsi à l'origine d'une révolution dans l'approche de l'Histoire ancienne. C'est ce qui explique le titre de l'ouvrage et le plan adopté. Celui-ci est focalisé sur deux grands axes : l'évolution des liens entre les hommes d'une part et la formation des classes sociales et des pouvoirs publics d'autre part.
L'auteur se détache résolument des événements et des héros et fait émerger les courants qui agitent la société à travers les générations. C'est ainsi qu'il met en évidence le lien d'homme à homme par lequel se caractérise la société médiévale et nous plonge dans la psychologie et la sensibilité de l'Homme du Moyen-Âge.
Cet ouvrage n'est pas seulement un livre d'histoire comme tant d'autres, mais il nous apprend à regarder le passé d'une autre manière et sert toujours de base aux recherches actuelles, restant une référence pour les médiévistes.
Livre de référence indispensable pour toute personne s'intéressant au Moyen -Âge.
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Ouvrage magistral dont la lecture est nécessaire à quiconque souhaite avoir une vision transversale du long moyen âge. L'alleu, le fief, l'hommage, et bien d'autres éléments caractéristiques de la période féodale sont décryptés par Bloch dans leurs définitions successives, dans ce français remarquable des universitaires de la troisième république.
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ce livre est un chef d’œuvre. plein d'informations sur le Moyen Age occidental.
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Marc Bloch (1846-1944) fut un homme remarquable, résistant, il paiera de sa vie ses combats pour notre liberté.
Fondateur de la fameuse Écoles des Annales, il contribuera à redonner un nouvel élan aux études historiques en les ouvrant à de multiples autres sources complémentaires aux seuls archives.
J'ai lu "La société féodale" dans le cadre de mes études en Histoire du Droit et je l'ai relu pour mon seul plaisir.
L'ouvrage est magistral. Une somme de 620 pages qui dissèque le fonctionnement de la société féodale en décrivant tout d'abord le contexte général pour s'approcher ensuite au plus intime des relations et des liens très complexes entre personnes.
Liens de seigneur à vassal, servitudes et fiefs puis classes et gouvernance.
Un ouvrage qui reste inégalé et totalement indispensable à qui veut comprendre profondément l'essence même de cette société féodale.
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Co-fondateur de la revue "Les annales", Marc Bloch propose un regard historique différent. Ici, l'on ne s'intéresse plus aux chronologies, aux héros et aux monstres. On pénètre dans la quotidienneté. Et le tour de force réalisé par Marc Bloch, c'est qu'il parvient à ne jamais nous ennuyer.
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Critique de Joël Chandelier pour le Magazine Littéraire
Ces Mélanges historiques de Marc Bloch, quarante-deux textes parus entre 1911 et 1945, retracent le parcours intellectuel de l'historien. Marc Bloch (1886-1944) est le saint patron de la science historique française. Tout y concourt. Il est le fondateur, avec Lucien Febvre, de l’une des écoles historiques les plus importantes du XXe siècle (l’École des Annales), et il a profondément renouvelé la manière de faire de l’histoire en portant son regard sur les évolutions socio-économiques longues et non plus seulement sur les événements politiques. Par son oeuvre, en premier lieu ses livres devenus des classiques, Les Rois thaumaturges (1924) et La Société féodale (1939), il n’a ainsi cessé depuis près d’un siècle d’inspirer les historiens. Enfin, homme engagé, il a participé à deux guerres mondiales sans renoncer à sa capacité d’analyse, et est mort en martyr sous les balles allemandes après une résistance active dans la clandestinité. C’est dire l’intérêt de la republication, par les éditions du CNRS, de ces Mélanges historiques qui réunissent la majorité des articles scientifiques publiés par l’auteur dans diverses revues pendant les trente années de son activité intellectuelle.
Rassemblés par Charles-Edmond Perrin et publiés pour la première fois en 1963, ces quarante-deux textes parus entre 1911 et 1945 permettent de retracer de manière privilégiée le parcours intellectuel du grand savant. Non pas, certes, comme on y est trop souvent poussé par une illusion rétrospective, pour y déceler une éventuelle unité, mais plutôt pour y lire l’exigence toujours renouvelée de recherche de la vérité, fût-ce au prix de retours en arrière et d’autocritique. Dès ses premières études sur le servage et l’Ile-de-France, on remarque à la fois l’extrême érudition et l’attention soutenue aux problématiques économiques et sociales ; mais on voit aussi l’historien mettre en oeuvre les préceptes de l’histoire-problème qu’il promeut, notamment dans ses articles majeurs sur la classe servile (« Liberté et servitude personnelles au Moyen Âge », 1933). Au fur et à mesure que la maturité vient, pointe un intérêt toujours plus vif pour les questions de méthode («Que demander à l’histoire», 1937), mais aussi une volonté de synthèse, qui annonce les grandes oeuvres de la fin de sa vie. Enfin, on note, tout au long de son parcours intellectuel, une attention jamais démentie pour le monde dans lequel il vit : de son article célèbre « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre » (1921), où il porte son regard de médiéviste sur le conflit qui vient de s’achever, à ses remarques inquiètes sur l’évolution de l’Allemagne dans ses conférences des années 1930, Marc Bloch allie avec bonheur travail historique et conscience citoyenne.
La réédition, qui n’est malheureusement pas exempte de quelques coquilles, conserve l’ordre choisi en 1963, c’est-à-dire un classement thématique des articles suggéré par Marc Bloch lui-même ; mais une attention précise aux textes montre que les mêmes thèmes sont traités selon des formes parfois très variées : certains articles sont très pointus, abordant des questions précises avec une rigueur de raisonnement jamais démentie ; d’autres sont de larges synthèses, livrant une vision personnelle sur une masse de travaux avec une clarté d’exposition remarquable ; d’autres encore sont tirés de conférences à destination d’un public plus large, et démontrent une grande maîtrise rhétorique. Rigueur, clarté, élégance : telles sont les principales qualités d’un bon historien, enseignées ici non comme un credo à apprendre, mais par l’exemple de leur application concrète.
Dans son introduction de 1963, Charles-Edmond Perrin justifie la publication de l’ouvrage par le fait que de nombreux articles sont difficiles d’accès, voire introuvables. À l’heure de la numérisation accélérée des bibliothèques et des livres, cette justification n’est plus guère valable, et pourtant la republication de l’ouvrage n’en reste pas moins à saluer. Car la somme des articles ne doit pas tromper le lecteur : c’est bien à un vrai livre que l’on a affaire, au véritable discours de la méthode d’un historien que l’on suit au jour le jour dans le cheminement de ses travaux et de ses réflexions. Au Moyen Âge, après leur mort, on rédigeait la Vie des saints pour graver dans la mémoire de tous les récits des miracles accomplis. L’hagiographie de Marc Bloch, elle, ne pouvait prendre meilleure forme que celle de ces Mélanges qui ne doivent cesser de nous inspirer.
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