Marcello Fois - La lumière parfaite
Tout homme est prisonnier de ses fantômes - W. Blake (Jérusalem)
L'esprit est à soi-même sa propre demeure,
il peut faire en soi un ciel de l'enfer,
un enfer du ciel.
J. Milton - Le paradis perdu
A Noël on voudrait être assez fort pour ne pas se laisser emprisonner dans la glu de l'affection commandée, dans le miel de la bonté périodique.
En suivant un chemin de terre, il atteignit une sorte de petite oasis formée de très jeunes chênes. Il s'arrêta pour écouter l'air immobile du tout premier matin qui portait en lui la mer et la terre, le sable et le rocher, qui sont d'ailleurs la même chose sous des formes différentes. Dans ce silence pullulant, il perçut le son léger d'une source. Il regarda autour de lui pour savoir d'où ce son provenait exactement. Il s'enfonça parmi les arbustes qui le dépassaient en hauteur tout au plus d'un empan, il sentit le parfum contomoso, douceâtre, humide, de la terre à l'ombre, et il vit le ruisselet qui jaillissait d'un rocher...
- Laisse-moi deviner. On disait : l'une est vraiment du genre a réussir, l'autre semble se sacrifier inutilement pour obtenir ce en quoi elle croit, mais elle a la scoumoune...
- N'utilise pas de mots vulgaires, tu sais bien que je ne les supporte pas.
- Quoi ? Scoumoune?
- Oui, ça...
- Ça n'a rien de vulgaire.
- Ah non? Alors tu peux me dire quand ce mot est entre dans le vocabulaire des gens convenables ? Hein?
C'étaient vraiment des temps terribles, les lieux n'étaient que des noms de lieux. L'humanité n'était que de la chair pour l'abattoir.
Noël est un fatras sordide de vitrines, un flottement trouble de mièvreries. Où tout un chacun sourit à soi-même. Oh oui. A Noël on voudrait être assez fort pour ne pas se laisser emprisonner dans la glu de l'affection commandée, dans le miel de la bonté périodique.

" Réponds à ma place", s'exclame Alessandra en lui tendant l'appareil. Marinella s'en saisit, hésitante.
"Moi ? Qu'est-ce que je dois dire ?
-Ce que tu veux ! Ah, dis que je ne peux pas parler, que j'ai une soeur égoïste qui, malgré mes efforts, refuse de me comprendre....
- Non, elle ne peut pas parler, vous savez, elle a une soeur égoïste qui, malgré ses efforts, refuse de la comprendre....On a raccroché."
Alessandra se jette sur le téléphone et se le réapproprie, étonnée que Marinella l'ait prise au sérieux.
" Allô...allô ? On a vraiment raccroché. Mais qu'est-ce qui t'a pris ?
- Je t'ai obéi...
-Tu dois être contente. C'était peut être un coup de fil professionnel, mais tu t'en fiches...Par les temps qui courent, le travail est précieux...
- Tu m'as demandé de répondre et tu m'as dit exactement quoi...
- J'ai dit ça comme ça...Tu l'as fait exprès !
- J'ai suivi tes instructions à la lettre, tu devrais être satisfaite....
- Ça, c'est bien toi ! Tu désobéis même quand tu obéis en apparence. Il y avait dans ce que j'ai dit une nuance que tu as préféré négliger...."
Elles imaginèrent par exemple que la voisine adorait la lampe et que leur père la lui avait offerte. Elles virent la femme protester, objectait que c'était un souvenir de famille. Et leur père lui dire de l'accepter, affirmer qu'il ne faut pas accorder trop d'importance aux objets, car, à moins de s'user tant que nous sommes en vie, ils ont la mauvaise habitude de nous survivre. Dans le récit de ces traces, la voisine refuse encore...Mais quelques heures après, au retour de ses courses, elle trouve la lampe devant sa porte.Les objets prennent le chemin que veulent les gens.
Nous savons que la connaissance n'est pas de ce monde. Que les explications sont des voix, les voix des lieux. Ce sont les chants qu'un coeur module aux quatre vents.