Citations de Marcello Fois (135)
Tout homme est prisonnier de ses fantômes - W. Blake (Jérusalem)
L'esprit est à soi-même sa propre demeure,
il peut faire en soi un ciel de l'enfer,
un enfer du ciel.
J. Milton - Le paradis perdu
A Noël on voudrait être assez fort pour ne pas se laisser emprisonner dans la glu de l'affection commandée, dans le miel de la bonté périodique.
En suivant un chemin de terre, il atteignit une sorte de petite oasis formée de très jeunes chênes. Il s'arrêta pour écouter l'air immobile du tout premier matin qui portait en lui la mer et la terre, le sable et le rocher, qui sont d'ailleurs la même chose sous des formes différentes. Dans ce silence pullulant, il perçut le son léger d'une source. Il regarda autour de lui pour savoir d'où ce son provenait exactement. Il s'enfonça parmi les arbustes qui le dépassaient en hauteur tout au plus d'un empan, il sentit le parfum contomoso, douceâtre, humide, de la terre à l'ombre, et il vit le ruisselet qui jaillissait d'un rocher...
- Laisse-moi deviner. On disait : l'une est vraiment du genre a réussir, l'autre semble se sacrifier inutilement pour obtenir ce en quoi elle croit, mais elle a la scoumoune...
- N'utilise pas de mots vulgaires, tu sais bien que je ne les supporte pas.
- Quoi ? Scoumoune?
- Oui, ça...
- Ça n'a rien de vulgaire.
- Ah non? Alors tu peux me dire quand ce mot est entre dans le vocabulaire des gens convenables ? Hein?
C'étaient vraiment des temps terribles, les lieux n'étaient que des noms de lieux. L'humanité n'était que de la chair pour l'abattoir.
Noël est un fatras sordide de vitrines, un flottement trouble de mièvreries. Où tout un chacun sourit à soi-même. Oh oui. A Noël on voudrait être assez fort pour ne pas se laisser emprisonner dans la glu de l'affection commandée, dans le miel de la bonté périodique.
" Réponds à ma place", s'exclame Alessandra en lui tendant l'appareil. Marinella s'en saisit, hésitante.
"Moi ? Qu'est-ce que je dois dire ?
-Ce que tu veux ! Ah, dis que je ne peux pas parler, que j'ai une soeur égoïste qui, malgré mes efforts, refuse de me comprendre....
- Non, elle ne peut pas parler, vous savez, elle a une soeur égoïste qui, malgré ses efforts, refuse de la comprendre....On a raccroché."
Alessandra se jette sur le téléphone et se le réapproprie, étonnée que Marinella l'ait prise au sérieux.
" Allô...allô ? On a vraiment raccroché. Mais qu'est-ce qui t'a pris ?
- Je t'ai obéi...
-Tu dois être contente. C'était peut être un coup de fil professionnel, mais tu t'en fiches...Par les temps qui courent, le travail est précieux...
- Tu m'as demandé de répondre et tu m'as dit exactement quoi...
- J'ai dit ça comme ça...Tu l'as fait exprès !
- J'ai suivi tes instructions à la lettre, tu devrais être satisfaite....
- Ça, c'est bien toi ! Tu désobéis même quand tu obéis en apparence. Il y avait dans ce que j'ai dit une nuance que tu as préféré négliger...."
Alessandra était sa jumelle, raison pour laquelle Marinella n'avait pas besoin de la voir pour la sentir derrière elle.
Elles imaginèrent par exemple que la voisine adorait la lampe et que leur père la lui avait offerte. Elles virent la femme protester, objectait que c'était un souvenir de famille. Et leur père lui dire de l'accepter, affirmer qu'il ne faut pas accorder trop d'importance aux objets, car, à moins de s'user tant que nous sommes en vie, ils ont la mauvaise habitude de nous survivre. Dans le récit de ces traces, la voisine refuse encore...Mais quelques heures après, au retour de ses courses, elle trouve la lampe devant sa porte.Les objets prennent le chemin que veulent les gens.
Nous savons que la connaissance n'est pas de ce monde. Que les explications sont des voix, les voix des lieux. Ce sont les chants qu'un coeur module aux quatre vents.
Je croyais tout. Je croyais que le monde avait pris fin et, une seconde après, que tout allait recommencer. Je croyais qu'il y avait une vie après la vie et que nous serions alors récompensés de nos souffrances. Je croyais que tu étais forte et invincible. Je croyais que les martiens m'avaient vraiment attachée au lit, car je pensais que si je devenais ta victime, que si mon but consistait à ne pas avoir de but, alors j'aurais une chance de survivre... Comme ces animaux qui se rendent compte qu'ils n'ont aucune chance contre les prédateurs et qui s'inventent mille défenses inoffensives.
Que le destin était obstiné, voire pédant. Alessandra le savait bien, car elle était elle-même un agent du Destin dans le monde. Elle se considérait comme la seule personne sur terre a comprendre sans l'ombre d'un doute la marche des choses. On aurait dit une employée connaissant son chef de service sur le bout des ongles. Pour elle, les choses se produisaient ainsi qu'elles devaient se produire, parce qu'elles étaient conçues dans ce but même. Point final. Il existait quelques part un endroit immense ou l'on stockait les événements avant de les distribuer...
Pourtant, elle fut contrainte d'admettre qu'il régnait dans l'appartement une certaine propreté, comme si, en dépit des mois où il avait été inhabité, la poussière avait décidé de se ménager. Bien entendu, il s'agissait d'une netteté de façade, sans âme, une sorte de faux mimant le vrai.
Cet enfant a le coeur en forme de tête de loup, dit tout à coup Annica, il a le coeur anguleux comme celui des assassins.
Eh bien, aujourd'hui, je vous dis qu'on doit commencer à avoir peur de la bêtise, de l'arrogance et des nombreuses autres choses encore qui nous empêchent de réfléchir, d'aimer, de respecter la terre, la mer et les animaux. Les hommes eux-mêmes...
La douleur se conjugue comme un verbe défectif, elle change radicalement, mais elle est toujours, obstinément, la même.
Les amours durent exactement un instant parfait, le reste n'est que réévocation, mais ce moment peut suffire pour donner un sens à plus d'une vie.
Immobiles, elles écoutèrent le clapotis d'un crocodile qui glissait dans le fleuve, comme une île à la dérive, les yeux au-dessus de la ligne de flottaison, prêt à intercepter tout animal assez stupide et assoiffé pour oser s'approcher de la rive...
__Et toi, tu as passé ta vie à nourrir ta rancœur. Tous les jours. Tu n'as jamais été aussi fidèle qu'à ce sentiment...Tu n'as pas arrêté de te battre contre tout et tout le monde. Tu es une forêt remplie de bêtes qui luttent pour leur survie, pour une place dans l'étang,