Mark Welinski

... les psys sont les animaux les plus atroces de la Création, juste après les hyènes, les méduses et les cancrelats.

Tu ne t’en sortiras pas avec des mojitos, Partner. Non, ce qu’il te faudrait, c’est un vrai grand malheur. Là tu comprendrais ce que c’est que la difficulté de vivre.

J’aime bien la regarder quand elle se maquille. Elle dit souvent qu’elle ne se trouve pas belle, mais je pense que c’est de la coquetterie. Ses traits sont fins, réguliers et énergiques. Lorsqu’elle avait vingt ans, elle a fait appel à la chirurgie esthétique pour retoucher un nez qu’elle trouvait trop fort. Elle n’a jamais été réellement satisfaite du résultat. Ce nez long et mince que l’art chirurgical lui a façonné a conservé selon elle quelque chose d’un peu artificiel qui s’accorde mal avec la forme plutôt carrée de son visage. Elle aurait préféré, finalement, garder celui dont la nature l’avait dotée, et qui correspondait mieux à sa morphologie.

Le bonheur est le dividende que l’on tire d’un couple bien géré. Mais cette vision « business » de la vie à deux n’empêche pas un amour, tendre et profond, qui semble prendre de l’épaisseur avec les années, comme le bon vin.

Franchement, il n’y a pas péril en la demeure. Sauf que se retrouver seul à la maison, toute la journée, pendant que sa femme travaille, ce n’est pas la chose la plus exaltante qui soit. De curieuses pensées me trottent d’ailleurs parfois dans la tête : Agnès continuera-t-elle à m’aimer autant qu’avant ? Je suis à sa charge, maintenant, cela ne va-t-il pas me dévaloriser à ses yeux ? Elle qui est si brillante, so successful, disent ses partenaires américains admiratifs. Un jour, peut-être, lors d’un de ses nombreux voyages, elle rencontrera un type plus séduisant que moi, une sommité de la finance ou un avocat réputé. Elle en tombera amoureuse. Elle ne passera peut-être pas le reste de sa vie avec un chômeur vieillissant dont les deux seules passions sont le squash et la musique classique…

Après tout, être au chômage n’est pas une catastrophe quand on a une femme qui gagne bien sa vie et qu’on vit dans un magnifique appartement Quai de Béthune, au cœur de l’Île Saint-Louis.

L’argent, c’est important. Regardez, moi, je suis à la retraite et je ne peux même plus me loger à Paris. J’habite à Arcueil dans un minuscule trois pièces. La science, à quoi ça sert ? On se retrouve à la fin de sa vie à tirer le diable par la queue. Mais quand même, cela m’attriste qu’un aussi brillant cerveau, un agrégé de biologie, docteur en entomologie, spécialiste des coléoptères, soit définitivement perdu pour la science.

C’est drôle la mémoire, tout de même. On croit les choses oubliées, mais elles ne sont qu’enfouies et remontent à la surface par grappes.