Citations de Marlène Charine (135)
« Son poids manque de me faire basculer en arrière, à croire que la mort pèse plus lourd que la vie. » (p.306)
Madeleine n'efface pas vraiment celle que jai pu être autrefois. J'ai plutôt le sentiment qu'elle peint par-dessus une toile abîmée. Qu'elle substitue les couleurs sombres par des touches éclatantes, un coup de pinceau après l'autre. J'aime l'aspect de ce nouveau tableau. Sa composition, son équilibre. Et les émotions qui en émanent.
« Le Mal, c'est une foutue gangrène. Une saloperie qui prolifère trop vite. Ces victoire semblent si insignifiantes, au bout du compte. » (p.243)
« Poussé dans certains retranchements, même le plus doux, le plus droit et le plus pur des êtres humains peut se muer en monstre. » (p.233)
L'univers tend vers l'équilibre, mais il est sans cesse taquiné par cette salope d'entropie. La paix, le calme, ça l'irrite, alors elle donne un coup de pied dans la fourmilière, juste comme ça. En bonne sournoise. Juste pour le plaisir de nous observer, paniqués, à courir dans tous les sens, à vouloir réparer ce qui est brisé à jamais.
Tout le monde me hait, ou plutôt, tout le monde détestait la personne que j’ai été.
La compagne du diable.
Tout le monde me hait, ou plutôt, tout le monde détestait la personne que j’ai été.
La compagne du diable.
Ou, selon la désignation inventée par la presse, la muse du vampire. Un titre qui claque, il faut bien l’avouer. Qu’il soit ou non adapté, ça se discute. Ce qui est sûr, c’est que le terme vampire convient parfaitement à Luca.
Luca di Ferro. Homme d’affaires, grand sportif, amant passionné, amateur d’art, beau à se damner. Oh, et criminel de portée internationale, trafiquant en tout genre et meurtrier. Chemises bleu ciel, mains rouges de sang.
Je repêche le dossier que j’avais glissé dans le vide-poche de ma portière après y avoir jeté un simple coup d’œil, au début du voyage. Il contient toutes les informations sur ma nouvelle vie, tous les éléments nécessaires pour recommencer de zéro. Dont mon passeport. C’est la seule chose que j’aie ouverte. Je me suis arrêtée au nom. Madeleine Lemans.
Sérieusement ? Madeleine ?
— Avouez, c’est vous qui l’avez choisi, n’est-ce pas ?
Theven actionne son clignotant, déboîte sur la gauche, dépasse soigneusement un utilitaire aux couleurs d’une entreprise de nettoyage avant de répondre.
— Ça m’a semblé approprié.
— Je dois vous remercier de ne pas y avoir collé de Marie ?
— Je peux encore faire une modification, si vous y tenez.
— Il faut revoir vos classiques, Theven. Marie-Madeleine était une disciple du Christ, pas la vilaine pécheresse de la Bible. Celle-là n’est pas nommée… et Jésus lui lave les pieds. Un petit fantasme inavoué ?
Je n’ai pas toujours été une gentille fille, c’est vrai. Mais depuis ma mort, je m’applique à ne pas m’écarter du droit chemin
Les monstres, selon le terme utilisé par Theven. Ils sont vingt-huit, filles et garçons, à séjourner à l’institut. Seuls une poignée d’entre eux retournent dans leurs familles pour les vacances et quelques week-ends. Ils sont répartis en deux catégories informelles : les « oursins » et les « pains de mie ». J’ai levé un sourcil interrogateur à l’énoncé de ces groupes et Pedro a pris la parole pour m’expliquer :
— Les oursins sont les plus impulsifs. Délinquants juvéniles, issus le plus souvent de familles ou de quartiers à problèmes. Ils ont baigné dans la violence toute leur vie et ne connaissent que cette manière de communiquer.
Un moment de panique pure.
Il m’a retrouvée.
Mon cœur en déroute charrie des flots d’adrénaline dans mes artères. Une sueur glacée se répand dans ma nuque, le long de mon échine.
Luca m’a retrouvée. Il va se retourner, me sourire avec ce charme indécent qui est le sien. Il va venir s’asseoir au bord du lit, écarter les draps pour me contempler tout entière.
Et ensuite, il va me faire payer ma trahison. Lentement et avec délices.
Cette femme est un faux-semblant. Un perpétuel mensonge, incarné en être de chair et de sang.
Encore quelques centaines de mètres et l’impression que de lourds rideaux s’ouvrent progressivement, comme sur une scène de théâtre. Mes pupilles se sont réhabituées à la luminosité, donc pas besoin de plisser les paupières en débouchant dans la clairière. Je peux au contraire écarquiller les yeux face à ce qu’on croirait tout droit sorti d’un roman de Stephen King.
Un portail tout d’abord. Imposant. Fer forgé ouvragé en rosaces bicolores. La symétrie entre les deux battants, parfaite, crée un tout harmonieux lorsqu’ils sont fermés. Leur enchevêtrement pousse ensuite le regard vers le sommet et le nom des lieux, inscrit en lettres dorées sur un arc de cercle.
Les Trois Nuages.
Aucune autre indication. Juste ces deux portes closes et l’œil froid d’une caméra fixé vers le visiteur en attente. De part et d’autre, une clôture grillagée haute de trois mètres est grignotée par la forêt.
Dans tout son être, la lumière venait de jaillir au travers de milliers de fissures.
Les pires tempêtes sont celles qui font rage à l’intérieur.
Tous les silences ne sont pas désagréables. Certains sont aussi doux que des cocons de soie, aussi chauds que le ventre d'une mère aimante.
On ne connaît jamais vraiment personne, de toute manière. On échafaude des suppositions, on pose des pronostics, des paris à un contre vingt, cent, mille. Parfois on tombe juste, et là, la faute, la pire. On s’imagine savoir, pour de sûr. On croit avoir obtenu un ascendant sur l’autre, si je lis en toi, ça me donne un avantage. Alors que non. Nous sommes tous des âmes mouvantes.
Pourtant, nous commettons tous la même erreur.
Puis, étape obligatoire, la mise de lentilles de contact colorées. C’est Theven qui me les a fournies. Il jugeait mes yeux émeraude trop reconnaissables. Uniques, selon ses propres termes. J’ignore s’il s’agissait là d’un compliment, ou s’il voyait cela comme un désagrément à éliminer, un parmi tant d’autres. Un jour, il est arrivé à ma planque lesté d’un carton rempli de lentilles de contact. Avec elles, mes iris tournent à un marron tout à fait quelconque. Fadasse, mais nécessaire pour jouer le rôle de Madeleine Lemans.
— Ces enfants-là souffrent de divers problèmes. Traumatismes, déficits intellectuels, troubles du spectre autistique… Ils sont le plus souvent placés chez nous par des parents à bout de souffle. Parfois aussi par les services sociaux.