J'ai rendez-vous
mais je n'y vais pas
je dirai que j'ai raté le train
Les morts sont moins dangereux que les vivants. Et je me suis habitué à traîner au milieu des fantômes. Parfois, je finis presque par me croire immortel. (p110)
"Justement, on vient ici se vider les boyaux de la tête, et vous êtes censé nous aider à tirer la chasse, non ?" lui ai-je rétorqué. (p51)
'Parfois, je dois me faire violence pour sortir le nez de mon livre et rejoindre les allées de gravier. Il s'y passe rarement grand chose alors que dans les livres c'est un univers sans cesse renouvelé."
Je me souviens, c’est dimanche au petit matin. Il fait froid et tout le monde dort encore, même les chiens de la baraque à côté, même les oiseaux, même le ciel. Dans la vieille cheminée, le feu a disparu sous une épaisse couverture de cendres. J’ai froid. J’ai froid et je n’arrive plus à penser à quoi que ce soit d’autre. Quand le froid commence à rentrer dans toi, c’est comme si tout le reste disparaissait. Tu deviens un grand récipient vide dans lequel se balade parfois une idée saugrenue. Une idée comme essayer d’avoir encore plus froid pour ensuite avoir moins froid. C’est ce que je dis ce matin-là et je ne suis pas bien vieille et je ne suis pas bien maline. Je décide d’aller faire un tour dehors avec mon gilet par-dessus le pyjama, avec mes yeux crottés, avec ma double paire de chaussettes qui colle au givre du jardin.
[…]
Je me souviens, c’est dimanche. Quelque chose s’est passé dont on ne parlera jamais.
Sans titre #4
On dirait que tout s’est figé
et qu’on va rester coincé là
comme dans le paysage noyé
d’une boule à neige
Saigner la nuit à blanc
picoler sa sève
cuver le trop-plein de rêves
dégriser le long du jour
recommencer
tant que la nuit continuera
de trébucher
de nous tomber dessus
tant qu’il y aura des soifs
de demain à étancher
Un jour, j'ai pas dormi de la nuit
embouteillage sur l'autoroute du sommeil
pas de repos en vue
[…]
Un jour, j'ai pas dormi de la nuit
Un peu de moi reposait en paix entre les draps
est-ce qu'il existe un raccourci vers l'oubli ?
[…]
Un jour, j'ai pas dormi de la nuit
immobile à outrance
j'ai impressionné le matelas avec mon minimalisme
[…]
Un jour, j'ai pas dormi de la nuit
le reste du monde poursuivait sa course boiteuse
tout valsait dans la grande gangrène généralisée
[…]
Un jour, j'ai pas dormi de la nuit
je crois que j'avais des sentiments pour vous
blancs comme une fleur de lyrisme
[…]
Papa est rentré. La porte a claqué. « J’ai pas faim », il a fait. Il a jeté sa veste sur le canapé avant de s’enfermer dans la chambre. Il sentait le pastis et la sueur. Maman est allée réchauffer le repas sans desserrer les dents. J’ai allumé la télévision. Pour faire diversion. Pour avoir quelqu’un avec qui parler. Pour me rassurer. Il se passait sûrement des trucs dans le monde. Des trucs plus graves. Je me répétais ça, jusqu’à ce que le ronronnement des mots finisse par m’apaiser.
Des trucs plus graves.
Des trucs plus graves.
Des trucs plus graves