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Citations de Marta Hillers (101)


La hiérarchie à laquelle nous a habitués la Prusse militaire ne semble pas avoir cours parmi eux. Les étoilés n’appartiennent pas à une couche sociale particulière et ne sont en rien supérieurs à leurs hommes, ni par les origines ni par l’éducation. Ils n’ont pas de code d’honneur particulier non plus et, pour ce qui est de leur attitude envers les femmes, ils sont absolument pareils. Les traditions occidentales de la chevalerie et de la galanterie n’ont même pas effleuré la Russie.
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Homo homini lupus, voilà qui demeure vrai, en tout lieu et en tout temps. Et aujourd'hui plus que jamais, même entre frères de sang. Je veux bien croire tout au plus que les mères affamées donnent la priorité à leurs rejetons - sans doute parce qu'ils font partie de leur chair. Mais combien de mères n'a-t-on pas collées en taule, ces dernières années, parce qu'elles avaient revendu leurs tickets de lait ou les avaient troqués contre des cigarettes? Dans l'homme affamé c'est le loup qui l'emporte. Moi-même j'attends le moment où, pour la première fois de ma vie, j'ôterai le pain de la bouche d'un plus faible.
P. 291
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Drôle de période. On vit l'Histoire en direct, des choses que plus tard on racontera et on chantera. Mais, quand on est dedans, tout n'est que fardeau et angoisse. L'Histoire est lourde à porter.
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Aux environs de midi, il y a eu un enterrement dans la rue, je l'ai entendu dire, la veuve du pharmacien y était. Une jeune fille de dix-sept ans, éclats d'obus, une jambe arrachée, hémorragie fatale. Les parents ont enterré leur enfant dans le jardin de la maison, derrière un groseillier. Comme cercueil, ils ont utilisé leur armoire à balais.
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Parfois, je voudrais que tout soit fini, enfin. Drôle de période. On vit l’Histoire en direct, des choses que plus tard on racontera et on chantera. Mais, quand on est dedans, tout n’est que fardeau et angoisse. L’Histoire est lourde à porter.
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Vu dans la rue. Un homme qui tirait une charrette à bras, sur le charrette une femme morte, raide comme une planche. Mèches grises soulevées par le vent, tablier de cuisine bleu; les longues jambes maigres, dans des bas gris, dépassaient comme des piques à l'arrière de la charrette. Personne ou presque ne prêtait attention. Comme avant, pour l'enlèvement des ordures ménagères.
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Ce qu’il y a de drôle, c’est que les soldats commencent toujours par demander : « Tu as un homme ? » Quelle est la réponse la plus efficace ? Si l’on dit non, ils deviennent aussitôt gourmands. Si l’on dit oui pour avoir la paix, le questionnement continue : « Où est-il ? Il est resté à Stalingrad ? » ? (Beaucoup de nos hommes ont combattu à Stalingrad et portent alors une décoration spéciale.) Si l’homme toujours en vie est présent et qu’on peut le leur faire voir (comme le fait la veuve avec M. Pauli, bien qu’il ne soit que son sous-locataire et rien d’autre), ils font d’abord un pas en arrière. En soi, peu importe ce qui leur tombe sous la main, ça leur est parfaitement égal, ils prennent aussi bien des femmes mariées. Mais ils préfèrent tout de même ne pas avoir l’homme dans les pattes, et veulent donc l’envoyer paître, ou l’enferme, que sais-je ? Non pas par crainte. Ils ont bien vu qu’ici aucun mari n’explose aussi facilement. Mais il les dérange, du moins aussi longtemps qu’ils ne sont pas complètement bourrés.
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10 mai 1945 Voilà le cadavre de Berlin ... Sans le vouloir, la veuve et moi parlions tout bas, la gorge sèche, car la ville morte nous coupait le souffle.
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On ne se representera jamais assez a quel point les cultures anciennes avaient une vision du monde vague et floue.Fantomatique,un cauchemar,un magma de chuchotements vehiculant des choses effroyables et abominables,des malveillances et des jalousies divines
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Il semblerait que les livraisons de saucisson et de viande soient stoppées, une fois de plus. Sur le coup, cela agace les femmes plus encore que la guerre elle-même. C'est là notre force. Ce que nous ne perdons jamais de vue, nous les femmes, c'est la minute qui suit. Nous sommes toujours heureuses de pouvoir fuir les ruminations sur l'avenir et d'investir le présent immédiat. Pour l'instant, c'est le saucisson qui occupe la première place dans nos cerveaux, bouchant l'horizon des grandes causes encore éloignées.
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[...], en réaction à tous les projets du monde, je m'accrochais à cette phrase : « La somme des larmes reste constante. » Quelles que soient les formules ou les bannières auxquelles les peuples se rallient, quels que soient les dieux auxquels ils croient ou leur pouvoir d'achat : la somme des larmes, des souffrances et des angoisses est le prix que doit payer tout un chacun pour son existence, et elle reste constante. Les populations gâtées se vautrent dans la névrose et la satiété. Ceux auquel le sort a infligé un excès de souffrances, comme nous aujourd'hui, ne peuvent s'en sortir qu'en se blindant. Sinon, j'en viendrais à pleurer jour et nuit. Or, je le fais tout aussi peu que les autres. Il y a là une loi qui régit tout cela. N'est apte au service que celui qui croit à l’invariance de la somme terrestre des larmes, n'a aucune aptitude à changer le monde ni aucun penchant pour l'action violente.
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A l'époque, je me faisais constamment la remarque suivante : mon sentiment, le sentiment de toutes les femmes à l'égard des hommes, était en train de changer. Il nous font pitié, nous apparaissent affaiblis, misérables. Le sexe faible. Chez les femmes, une espèce de déception collective couve en surface. Le monde nazi dominé par les hommes, glorifiant l'homme fort, vacille - et avec lui le mythe de l”Homme”. Dans les guerres d'antan, les hommes pouvaient se prévaloir du privilège de donner la mort et de la recevoir au nom de la patrie. Aujourd'hui, nous, les femmes, nous partageons ce privilège. Et cela nous transforme, nous confère plus d'aplomb. A la fin de cette guerre-ci, à côté des nombreuses défaites, il y aura la défaite des hommes en tant que sexe.

221 - [Folio n° 4653, p. 77]
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Il m'a donné un petit cahier, un dictionnaire militaire bilingue allemand-russe. Je l'ai déjà parcouru en entier. Il contient une foule de termes très utiles, comme "lard" , "farine", "sel" . D'autres mots importants tels que "peur" et "cave"en sont absents. Le mot mort, dont je n'avais pas eu besoin pendant mon voyage, me fait souvent défaut dans la conversation. Je le remplace toujours par kaputt, que tout le monde comprend et qui sert aussi à traduire d'autres choses. En revanche, le dictionnaire contient des expressions dont nous n'aurions pas l'usage, même avec la meilleure volonté du monde, comme "Haut les mains!" et "Garde à vous!" Tout au plus pourrait-il arriver qu'on nous les dise à nous.
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Elle m'avoua que trois Russes l'avaient prise sur un sofa, d'abord l'un après l'autre, puis tous dans le désordre. Une fois l'acte perpétré, les jeunes gars avaient fouillé le frigo et n'y avaient trouvé que de la confiture et de l'ersatz de café. Morts de rire, ils avaient alors étalé la confiture à la cuiller sur les cheveux de Gerti, et saupoudré le tout d'ersatz de café.
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Les vitres y étaient remplacées par de vieilles radiographies fixées dans l'encadrement des fenêtres et affichant de curieux thorax.
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J'ai calculé que nous étions dimanche, le 29 avril. Mais dimanche, c'est un mot pour les civils, aujourd'hui il ne veut plus rien dire. Le front ne connaît pas le dimanche.
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Quelles que soient les formules ou les bannieres auxquelles les peuples se rallient,quels que soient les dieux auxquels ils croient ou leur pouvoir d'achat:la somme des larmes,des souffrances et des angoisses est le prix que doit payer tout un chacun pour son existence
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Pourtant, cet hôpital-ci fait tout ce qu'il peut pour rester un îlot protégé du tumulte généralisé. Sur le toit sont peintes de gigantesques croix et sur les pelouses, devant l'édifice, de grands draps blancs sont étendus sur le sol, eux aussi en forme de croix. Mais les mines aériennes sont impartiales, et dans le tapis de bombes, il ne se trouve pas de trous de miséricorde.
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Le soir, j’ai lu au hasard des volumes puisés dans la bibliothèque du propriétaire de l’appartement. Il s’y trouvait de tout. j’ai pris un Tolstoï intitulé Polikei et l’ai relu pour la énième fois. Puis, je me suis attaquée à un recueil de drames d’Eschyle et y découvris ses Perses. La longue plainte sur la misère des vaincus est à la mesure de notre défaite -et, d’un autre côté, elle ne l’est pas du tout. Notre triste sort d’Allemands a un arrière-goût de nausée, de maladie et de folie, il n’est comparable à aucun autre phénomène historique. A la radio, on vient encore d’entendre un reportage sur les camps de concentration. Ce qu’il y a de plus horrible dans tout cela, c’est l’esprit d’ordre et d’économie : des millions de gens utilisés comme engrais, rembourrage de matelas, savon mou, paillasse de feutre - et cela ne se trouvait pas chez Eschyle.
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Tout le monde a été persécuté, et personne n’a dénoncé. Moi-même, étais-je pour ? Étais-je contre ? En tous cas, j’étais en plein dedans, et j’ai respiré l’air qui nous entourait et nous donnait une certaine couleur, même si nous ne voulions pas.
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