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Critiques de Maurice Dekobra (33)
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Le Sphinx a parlé

« le Sphinx A Parlé » marque un très net changement de ton et d'esprit de la part de Maurice Dekobra. Ce dernier a vu sa vie grandement changer suite au succès planétaire de sa « Madone des Sleepings ». Son élégance, son indéniable séduction, vont lui ouvrir bien des portes, dont notamment celles de la diplomatie. Bombardé attaché d'ambassade, Maurice Dekobra va donc voyager, aux frais de l'État, aux quatre coins du monde où il puisera de nouvelles inspirations pour ses romans.

Les années 30 marquent à la fois l'aboutissement de la carrière de Maurice Dekobra, enfin reconnu comme un estimable écrivain, et le déclin progressif de ces très frivoles Années Folles dont il fut une plume emblématique. Publié pile en 1930, « le Sphinx A Parlé » acte la transformation du style Dekobra en une littérature presque convenable, dépouillée de cet hédonisme lyrique et décadent qui fit tout le charme de cet auteur, mais aussi de son ironie, de son amour du "nonsense" britannique et donc de ses "dekobrades", répliques et punchlines aux métaphores volontairement ampoulées qui font ici cruellement défaut. Véritablement conçu, pensé, rédigé pour devenir un best-seller international, au point même de ne plus inclure un seul personnage français, « le Sphinx A Parlé » est un Dekobra pour tous publics, dont le formatage aurait pu être facilement désastreux, mais qui se révèle au final bien plus intéressant qu'on pouvait le supposer.

Rompant avec ses traditionnelles héroïnes décadentes et collectionneuses d'hommes, Maurice Dekobra fait de son « Sphinx » un roman d'hommes et d'amitié virile, où la femme passe relativement au second plan, nimbée de plus d'une ambiguïté suspecte. Par ailleurs, l'intrigue est tout à fait déconcertante :

le capitaine Edward Roberts appartient à l'armée coloniale britannique, détaché dans l'armée des Indes. Lors d'une permission en Angleterre, il fait connaissance avec Alba, la jeune épouse fort libertine d'un riche et vieillissant salonnier de Londres, Miguel de Nogualès. le couple est tout à fait libre, et Alba n'hésite pas à choisir ouvertement ses amants parmi les invités de son mari. Mais néanmoins, la passion charnelle qui s'empare d'Edward et d'Alba les amène bientôt à une relation de plus en plus étroite, ce qui embarrasse le mari. Miguel de Nogualès, pour autant, sait comment se débarrasser des importuns : son salon est aussi le plus célèbre tripot clandestin de Londres, et d'un air amical, Miguel de Nogualès invite Edward à une partie de poker enfiévrée durant laquelle, avec l'aide de complices et de cartes truquées, il dépouille non seulement Edward de tout son argent, mais lui ouvre un royal crédit pour qu'il tente de se refaire. Au bout de la nuit, Edward se retrouve avec une dette de jeu de près de 200 000 £.

Pour autant, fort riche, Miguel de Nogualès ne compte que modérément sur cet argent, et laisse tout le temps à Edward d'économiser longuement afin de le rembourser. Cependant, en tant que soldat ruiné et criblé de dettes, Edward ne sera plus le bienvenu au salon des Nogualès. Quant à Alba , bien que le procédé de son mari l'écoeure, elle trouve déjà beaucoup moins de charme à Edward à présent qu'il est pauvre, et rompt brutalement avec lui.

Cette double forfaiture est un coup rude pour le capitaine Roberts, qui s'était profondément attaché à Alba. Miné par le chagrin et la dépression, se sentant incapable de retourner en Inde et de faire face à ses camarades, il demande et obtient une mutation dans l'endroit le plus dangereux de l'empire britannique : l'avant-poste de Karam, non loin de Kaboul, en Afghanistan. Bâti au flanc d'une montagne, cerné par des steppes désertiques, parsemées de rocs calcaires, ce petit fort est régulièrement attaqué par des hordes de rebelles sanguinaires. Edward espère bien ne pas y faire long feu, et y mourir rapidement en soldat. Mais lorsqu'après un long voyage jusqu'à Kaboul, il entre en fonctions à Karam, l'ambiance est plus calme que prévu, les attaques des rebelles sont rares et désorganisées, et finalement Edward prend son parti d'une existence solitaire et relativement morne.

Un an plus tard, Edward Roberts apprend par télégramme qu'on va lui adjoindre un sous-fifre, le lieutenant Fred Nicholson, qui lui aussi a effectué une demande pour venir moisir dans cet avant-poste aux confins du monde civilisé.

Dès l'arrivée de Fred Nicholson, Edward sent chez son nouvel assistant une blessure secrète et ne tarde pas à lui faire avouer que sa demande de mutation a été aussi motivée par un chagrin d'amour, suite à une romance vécue avec une lady britannique rencontrée en Égypte. Mais autant Edward, bouleversé et entreprenant face à cette détresse si proche de la sienne, voudrait en savoir plus, autant Fred Nicholson, pudique et ayant cette méfiance obstinée des jeunes hommes face à des aînés trop familiers, se refuse à en dire plus long et se mure dans une affliction autiste. Cédant à une curiosité malsaine, peut-être aussi mû par un instinct secret, Edward profite d'une absence de Nicholson pour fouiller sa chambre et découvre ébahi, dans la valise de Nicholson, une photo d'Alba de Nogualès.

Dès lors qu'ils apprennent qu'ils ont eu le coeur brisé par la même femme, Edward et Fred se vouent aussitôt une haine et une jalousie féroce, d'autant plus qu'ils sont contraints de vivre et de travailler ensemble. La tension entre eux devient de plus en plus violente, jusqu'à ce qu'Edward, informé de la présence d'une vingtaine de rebelles dans une passe à quelques kilomètres, y envoie Nicholson, sous un prétexte de mission de routine, seul et insuffisamment armé, afin qu'il périsse sous les balles ennemies.

Mais au fur et à mesure que le soir descend et que la certitude de savoir son rival bientôt mort apaise la colère d'Edward, ce dernier réalise soudainement la monstruosité de ce qu'il vient de faire, et au coeur de la nuit, muni de plusieurs armes, il part sur les traces de Nicholson. Il le retrouve à l'endroit même où il l'avait envoyé. Les rebelles semblent s'être déplacés, mais l'un d'eux est resté pour torturer le prisonnier anglais. Au moment où Edward tombe nez à nez avec lui, l'Afghan se préparait à achever Nicholson. Une balle l'arrête net, mais la détonation allant certainement être entendue de ses complices, Edward se hâte de charger le corps supplicié de Nicholson sur son dos, et rentre précipitamment au fort, échappant de justesse aux balles ennemies des rebelles lancés à sa poursuite.

Ce sauvetage héroïque scelle une amitié fidèle entre les deux hommes, amitié renforcée par le fait que leur courage est récompensé par leur hiérarchie sous la forme d'une double montée en grade, suivie d'une très longue permission à Calcutta en attendant une nouvelle affectation pour l'un, une complète rémission pour l'autre.

Durant ces nombreux mois, les deux hommes s'offrent une vie de patachons bien méritée, car Calcutta, au temps de la colonisation, offrait une vie nocturne particulièrement intense. le major Stead, un des plus vieux amis d'Edward, leur présente un soir une ravissante indoue, qui n'est autre que la belle-soeur du Maharadjah de Bangamer. Séduite par les deux hommes, elle les invite à un séjour au palais de Bangamer pour une initiation à la chasse au tigre. Les deux hommes acceptent, mais s'étant rendu au palais quelques semaines plus tard, ils y découvrent deux invités inattendus : le prince de Zorren, et sa compagne… Alba de Nogualès.

Car en effet, à Londres, le tripot clandestin de Miguel de Nogualès, grâce auquel il dépouillait certains prestigieux invités, a vu un jour la police londonienne débarquer sans aménités. La tricherie du richissime homme d'affaires étant révélée, celui-ci a été condamné à une lourde peine de prison, et à une confiscation de ses biens. Afin de ne pas être arrêtée elle aussi, Alba s'est enfuie en Égypte, où elle avait quelques relations sûres. C'est là qu'elle rencontra Fred Nicholson, qui ne fut pour elle en réalité qu'une passade. Puis on lui présenta, au cours d'une soirée, le prince de Zorren, richissime monarque oriental, pour lequel elle quitta sans un remords le jeune Nicholson.

le prince de Zorren est un grand voyageur, dont la vie se résume à séjourner chez d'autres monarques du Moyen-Orient. Mais c'est un homme peu sensuel, qui ne s'est entiché d'Alba que pour le prestige d'avoir une compagne occidentale avec laquelle s'afficher. Alba espère mieux, et lorsqu'elle se retrouve en présence d'Edward, elle se jure de profiter de ce séjour de chasse pour le reconquérir. Edward, lui, est évidemment gêné : il ressent toujours du désir pour Alba, et apprécie d'apprendre que la tricherie et l'arrestation de Miguel de Noguarès le délivrent de son douloureux endettement. Mais il n'est plus amoureux d'Alba, et tient d'autant moins à renouer avec elle que son ami Fred ne le supporterait pas. Peu habituée à être repoussée, Alba est furieuse de constater la force de l'amitié qui unit ses deux anciens amants. Aussi va-t-elle profiter de ce séjour à Bangamer pour essayer de pousser ces deux hommes à piétiner leur amitié et à s'entretuer pour elle…

« le Sphinx A Parlé » frappe par le sérieux et le romantisme de son intrigue et de sa narration. Si un siècle plus tard, ce roman ambitieux accuse tout de même son âge, il reste passionnant, envoûtant, soigneusement rythmé et évoque volontiers les ambiances des romans de Claude Farrère ou de Pierre Benoît. L'influence de « L'Atlantide » est d'ailleurs tangible, même si Dekobra ne pouvant en reprendre le climat fantastique, « le Sphinx A Parlé » reste un mélodrame colonial plus ordinaire, quoique un peu tiré par les cheveux sur le plan scénaristique.

Maurice Dekobra n'en sort pas moins sa plus belle plume pour rédiger ce drame avec soin, sans aucune des fioritures mondaines auquel il était habitué, prouvant par l'exemple qu'il pouvait faire des romans tout à fait académiques, voire modernes, même si la modernité de ce roman est tout de même bien loin derrière nous.

L'essentiel et le plus remarquable, c'est avant tout que Maurice Dekobra ait aussi bien réussi une métamorphose littéraire dans laquelle il aurait pu véritablement se perdre. Si « le Sphinx A Parlé » n'a pas l'ampleur féroce et jouissive de ses romans des années 20, Maurice Dekobra n'en signe pas moins un ouvrage de belle facture, assez bien documenté, et qui, en dépit du lissage de toutes les aspérités d'un style jusque là libre et insolent, parvient à n'être ni bâclé, ni raté, ni même quelconque. Cela reste du Dekobra, avec tout ce que cela peut impliquer comme "bricolage littéraire". Seulement, le drame ici offre des qualités nouvelles et une atmosphère particulièrement cinétique, qui font oublier à la fois l'absence des qualités anciennes et l'intrigue tantôt rocambolesque, tantôt prévisible. Et contre toute attente, on se laisse volontiers embarquer dans cette étrange mélodrame…
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La biche aux yeux cernés - De gueules pourpre..

Si on a tendance à souvent citer les deux ou trois ouvrages fondamentaux du sémillant Maurice Dekobra, on oublie généralement qu'il fut un auteur éminemment prolifique, dont la carrière littéraire s'étale sur 60 ans, et qui nous a laissé plus d'une centaine de romans de différents styles, tournant assez souvent autour des aventures exotiques ou du genre policier, tout en se nimbant d'un érotisme hédoniste qui est loin d'être désagréable. Jamais tout à fait sérieux, jamais totalement superficiel non plus, Maurice Dekobra est un auteur qui a rarement fait des livres inutiles, et il y a donc beaucoup à gagner en piochant dans son impressionnante bibliographie.

« La Biche aux Yeux Cernés – De Gueules Pourpres sur Champ d'Azur » » fait partie des quelques expérimentations littéraires étranges, auxquelles Dekobra s'est ponctuellement livré. Il s'agit en fait de deux vaudevilles qui tiennent à la fois du roman et du théâtre : la forme se rapproche du théâtre, dans le sens où il s'agit principalement de dialogues, mais il n'y a ni découpages en actes ou en scènes, ni d'indications de jeux scéniques. Les parties non dialoguées, présentant les personnages et les lieux de l'action, sont narratives, comme s'il s'agissait d'un roman. Ces deux vaudevilles furent publiés en 1933, aux Éditions Cosmopolites. Un deuxième pressage fut rapidement proposé dans la célèbre collection « Ma Bibliothèque » avec la célèbre couverture marron et dorée. Suite à quoi, l'ouvrage tomba dans l'oubli le plus complet.

« La Biche aux Yeux Cernés » raconte l'histoire très classiquement boulevardière du marquis de Barestan, nobliau volontiers noceur, marié avec Billie, une Américaine un peu nonchalante. Barestan vient alors de rencontrer une sémillante brune, Simone, avec laquelle il partage un adultère tellement plaisant qu'il se décide à quitter Billie. Mais comme il craint sa vengeance, il choisit préalablement de la pousser dans les bras de son ami Lefumez, un jeune homme timide et introverti.

Pour cela, avec la complicité de quelques amis venus assister secrètement à la farce, il prétend partir pour un long voyage de trois mois, et laisse Billie dans son château en lui donnant Lefumez comme chaperon. Il compte bien que cette proximité entre sa femme et ce jeune homme si inoffensif, mais qui ne peut néanmoins cacher son attirance pour la belle Américaine, poussera cette dernière à la faute, et l'incitera donc à divorcer. En réalité, Barestan ne s'en va pas si loin, et s'offre juste un avant-goût de lune de miel avec Simone dans les environs.

Contre toute attente, la timidité respectueuse de Lefumez inspire une attitude semblable à Billie, et les deux jeunes gens développent chacun une amitié saine et distante, que Billie apprécie d'autant plus qu'elle n'est pas totalement dupe de la situation. Mais finalement, aussi désireux l'un que l'autre de ne pas céder à l'ambiguïté, ils se rendent compte qu'ils s'entendent parfaitement, qu'ils s'apprécient profondément et leur complicité devient rapidement un amour profond et réciproque, auquel il n'y a plus aucune raison de résister.

Lorsque Barestan revient, il a sensiblement revu son opinion : trois mois en tête à tête avec Simone lui ont fait réaliser qu'elle est une mégère parfaitement tyrannique dont il ne sait désormais plus comment se débarrasser. Et surtout, il réalise que Billie lui a terriblement manqué, que c'est une fille adorable, et que ce qu'il prenait pour de la nonchalance est simplement une qualité rare chez la femme : l'absence d'hystérie.

Hélas pour lui, son plan a trop bien marché : Billie est totalement amoureuse de Lefumez, qui le lui rend bien, et elle demande le divorce à Barestan. Celui-ci tente en vain d'avouer à sa femme qu'il a monté cette histoire de toutes pièces, qu'il s'est trompé et qu'il veut rester avec elle…. Trop tard, lui répondent en chœur Billie et Lefumez.

Non seulement Barestan se voit obligé de divorcer, mais étant d'un tempérament lâche, il n'ose pas dire à Simone qu'il ne l'aime plus et il se retrouve ensuite contraint de l'épouser et de vivre sous son joug...

Malgré une belle collection de "punchlines" et de "dekobrades" comme l'auteur sait magnifiquement en faire, cette comédie romantique boulevardière est peu convaincante et sensiblement dépassée. On s'y ennuie ferme, d'autant plus que l'intrigue est assez prévisible.

Plus intéressant (et légèrement plus court), « De Gueules Pourpres sur Champ d'Azur » est un vaudeville bien plus original et astucieux, même si là aussi, le contexte est un peu daté.

L'intrigue se passe dans un futur proche, où les troupes soviétiques tentent d'envahir l'Europe. En France, les sympathisants communistes et syndicalistes fomentent des coups d'états. Le comte André de Mortemaise, en son château, se sent perturbé par cette actualité révolutionnaire, aussi prend-il la décision, pour sauver sa tête, ses biens et son château, de rejoindre la cause communiste. Il sympathise avec le camarade Mercadol, le leader syndicaliste le plus influent de France, et lui fait une proposition intéressée : échanger pour un temps leurs logements respectifs. Mortemaise craint en effet que le futur coup d'état bolchévique entraîne le pillage voire la confiscation de son château. Mais si l'on sait que ce château est réquisitionné et habité par le camarade Mercadol et sa famille, c'est sûr, on n'y touchera pas. Pour le comte de Mortemaise, c'est une satisfaction qui vaut bien de faire l'effort de vivre quelques mois dans le petit appartement exigu et modeste des Mercadol à Belleville, en attendant le jour du Grand Soir.

La compagne du comte, une demi-mondaine boudeuse nommée Régine, ne voit pas la chose du même œil. Urbain, le très stylé domestique du château, se croit jeté en Enfer, à devoir servir ces prolétaires qui, en plus, exigent qu'il mange à la même table qu'eux, en famille. Les amis fidèles de Mortemaise tentent de le convaincre qu'il fait une énorme bêtise, mais celui-ci tient à son projet, et il a doublement raison : d'abord parce que son château se retrouve effectivement protégé de la hargne révolutionnaire, lorsque la tentative de renverser le gouvernement a lieu, mais en plus, le comte sympathise, tout au long des semaines qui précèdent, avec Fernande, la charmante fille de Mercadol, 16 ans à peine mais déjà délurée, qui va bien vite éclipser dans le cœur du comte la très fielleuse (et plus très jeune) Régine.

Le coup d'état bolchévique échoue. Arrêté par les autorités comme instigateur du complot, Mercadol risque la prison à vie. Heureusement, il n'y passera que quelques jours, le temps pour Mortemaise d'épouser la jeune Fernande, puis, le plus sérieusement du monde, d'exiger la libération de Mercadol, désormais beau-père du comte de Mortemaise.

On retrouve ici le Maurice Dekobra qu'on adore, avec ses thématiques grandiloquentes et son anticommunisme goguenard. « De Gueules Pourpres sur Champ d'Azur » n'est guère très crédible et reflète les appréhensions d'une autre époque, mais il est extrêmement amusant à lire, et Maurice Dekobra y est bien plus drôle et délirant, ses personnages y sont aussi plus complexes et très attachants.

Ce charmant vaudeville plein d'ironie compte clairement parmi les meilleures réussites de Dekobra, et justifie l'achat du volume dans son intégralité, même si l'on baillera un peu sur « La Biche aux Yeux Cernés »...
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La Madone des Sleepings

Absolutly fabulous
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La Madone des Sleepings

Découvrez les aventures rocambolesques et feuilletonesques de Lady Diana 'La Madone des Sleepings', et surtout de son secrétaire, le Prince Séliman, un gentleman désoeuvré et attachant.

Les péripéties se succèdent dans toute l'Europe, mêlant humour, actions et sensualité, dans une ambiance d'entre deux guerres parfaitement rendue.

Une jolie écriture, fluide, accessible.

Bonne lecture de vacances (entre autres pour les passionnés d'histoire et de politique).

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Fusillé à l'aube

Encore un bon livre de Dekobra.

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Pourquoi Mourir ?

Au début des années 30, Maurice Dekobra est au sommet de sa carrière. Depuis le double sacre de ses deux best-sellers, « Mon Coeur Au Ralenti » (1924) et « La Madone des Sleepings » (1925), il est devenu le chouchou des garçonnes des Années Folles, et la bête noire des critiques littéraires, qui ne voient en lui qu'un fumiste, bien que la ferveur des premières soit en réalité fort efficacement renforcée par l'acharnement des seconds.

Maurice Dekobra était-il vraiment un fumiste ? Durant les années 30, il ne va rien faire pour prouver le contraire, allant jusqu'à publier quatre à cinq romans par an, dont les intrigues sont de plus en plus minimales, et centrées sur les égarements du coeur féminin.

Dekobra, en réalité, était un charmeur, et ses lectrices ne s'y trompèrent pas. Pour autant, l'auteur est loin de cette réputation de médiocrité qu'il traînera toute sa vie. Il appliquait en réalité une recette qui demandait d'autant plus de doigté et de finition que ses ingrédients étaient restreints – et restreints à dessein.

Durant cette féconde période des Années Folles, les romans de Maurice Dekobra sont moins des récits individuels que les chapitres épars d'une saga morcelée, basée sur les thèmes perpétuellement imbriqués de l'amour-passion, de la vie de luxe et d'un certain dilettantisme poseur, très sensuel au début, plus volontiers mondain par la suite.

Tout ça pourrait sembler très ordinaire, mais c'est tout le talent de Maurice Dekobra que de narrer ses histoires sur un ton très particulier, à la fois affecté et goguenard, où l'académisme du style est parsemé de "nonsense" à l'anglaise, de saillies spirituelles, de "punchlines" comme on dirait aujourd'hui, exprimant bien mieux que la plupart de ses contemporains ce mélange d'insouciance et d'insolence propre à son époque.

« Pourquoi Mourir ? » (1931) est un roman relativement mineur de cette période faste avec laquelle Dekobra ne parviendra jamais à renouer après-guerre. Maurice Dekobra reprend ici les traits de son alter-ego littéraire, l'écrivain Frédéric Lambrun, déjà mis en scène dans « Flammes de Velours » (1927), jalon important de la bibliographie de l'auteur, et dont « Pourquoi Mourir ? » est une sorte de prolongement.

Lambrun passe quelques jours de vacances loin de Paris, sur le schooner de quelques amis, en rade dans le port de Cannes, lorsqu'après bien des circonvolutions, un courrier adressé à Paris, et que la Poste a fait suivre jusqu'à Cannes, lui parvient, signé par une mystérieuse admiratrice, qui le supplie de lui venir en aide. Prise dans un tourment amoureux sans issue, la jeune femme en appelle à cet immense expert en intrigues sentimentales et tortueuses qu'est Frédéric Lambrun. Ce dernier s'interroge brièvement sur la sincérité d'une telle missive, qui pourrait cacher une proposition sexuelle biscornue, mais outre qu'une telle perspective n'est pas pour lui déplaire, la possibilité qu'il s'agisse véritablement d'une amoureuse ayant besoin de conseils, et ayant donc une histoire croustillante à raconter, le motive tout autant comme écrivain, et c'est donc d'un coeur léger et amusé qu'il répond favorablement à la sollicitation qui lui est faite.

Sa mystérieuse correspondante, dont le hasard fait qu'elle habite justement à Antibes, non loin de Cannes, se révèle être rien moins qu'Anielka de Marnowska, une ravissante comtesse polonaise, en villégiature en France, et à la tête, par héritage, de la deuxième plus grosse production de manganèse au monde. C'est dire si une telle femme n'a pas lieu de se préoccuper d'autre chose que de trouver le grand amour.

Huit ans plus tôt, Anielka avait épousé le comte Darbiewski, un homme ayant le double de son âge, mais qui lui apportait une alliance honorable, étant issu d'une lignée aristocratique plus ancienne que celle d'Anielka. Darbiewski était aussi à la tête d'un empire minier international qu'il avait passé sa vie à construire, et qu'il promettait de laisser à sa femme et à ses enfants, quand il en disparaîtrait. On pouvait difficilement imaginer meilleur parti, d'autant plus qu'en dépit de son âge, Darbiewski était bel homme et encore très séduisant. le mariage d'intérêt décidé par la famille d'Anielka fut donc aussi, fait exceptionnel, un authentique mariage d'amour.

Le comte Darbiewski ne voulait pas imposer trop tôt à sa jeune épouse une maternité qui pouvait attendre. Mal lui en prit : huit ans plus tard, son coeur le lâcha, et il ne laissait derrière lui qu'une jeune femme seule et à peine trentenaire.

Darbiewski était un homme unanimement apprécié, qui ne se connaissait qu'un seul ennemi, l'américain Lawrence O'Neil, l'autre géant du manganèse, contre lequel il avait âprement disputé l'exploitation de plusieurs mines. le hasard met un jour en présence la jeune veuve Anielka et Lawrence O'Neil, qui sont semblablement frappés par un même coup de foudre.

Sincèrement épris, O'Neil inonde la jeune femme de fleurs, de lettres d'amour, de demandes en mariage, parvenant à la retrouver dans toutes les villégiatures où elle tente de se cacher. Car, en dépit de toute la douceur que son coeur ressent face aux assiduités d'O'Neil, Anielka refuse de lui céder, et ce pour deux raisons : d'abord parce que Lawrence O'Neil était le plus grand ennemi du comte Darbiewski, et que ce serait faire injure à la mémoire de son mari que de refaire avec sa vie avec le seul homme sur Terre qu'il haïssait de toute son âme. Ensuite, parce qu'au-dessus de cette passion, plane la menace d'une OPA déguisée, qu'O'Neil, une fois marié à Anielka, pourrait effectuer sur l'empire Darbiewski, afin de devenir le leader mondial du manganèse. Leurs positions respectives imposent à Anielka le devoir de ne pas croire à la sincérité des sentiments d'O'Neil, qui aurait trop d'intérêt à jouer les grands sentiments pour doubler sa fortune et son influence.

Pourtant, sur ce point, Anielka se trompe : Lawrence O'Neil est réellement sous le feu d'une grande passion, et désireux de convaincre la jeune femme, il n'a hélas pas d'autre argument pour la convaincre que de soutenir un harcèlement continu, de toute la force – mais aussi de toute la balourdise – de sa mauvaise éducation de yankee habitué à tout obtenir des autres par la brutalité et la corruption.

Frédéric Lambrun ne tarde pas à réaliser que la situation d'Anielka est en effet inextricable, au point que de conseiller sentimental, il va vite se retrouver bombardé chaperon d'Anielka, car la jeune femme, de par son statut de millionnaire et de femme d'affaires, est très sollicitée dans des réceptions mondaines, où fatalement, Lawrence O'Neil parvient à se faire inviter, et tente de s'isoler avec elle afin de la convaincre de l'épouser, y compris par la force si elle refuse de céder.

Pour Lambrun qui n'a ni l'âme ni la carrure d'un garde du corps, la tâche est particulièrement ardue, car non seulement il faut protéger Anielka de Lawrence, mais il faut aussi la protéger d'elle-même, car il vient toujours un moment dans la soirée où Anielka, débordant d'amour pour son tendre harceleur, cherche à fuir sa camériste ou l'attentionné Frédéric Lambrun, pour tenter de rejoindre celui pour lequel son coeur palpite. le moindre verre d'alcool peut ainsi avoir des conséquences désastreuses, et se terminer en course-poursuite burlesque dans les jardins d'une ambassade, à une heure avancée de la nuit.

Bientôt, en dépit de son dévouement désintéressé de chaque instant, Frédéric Lambrun sent le découragement le gagner, et après mûre réflexion, il se dit qu'un seul homme peut sauver Anielka d'elle-même : le docteur Hugo Schomberg !

Schomberg (ou Schönberg, selon les romans) est l'un des personnages les plus ébouriffants de toute la mythologie dekobraïenne. Il apparaît pour la première fois dans « Flammes de Velours » (1927), où il tient le rôle central, celui d'un inventeur de génie devenu, à la suite de la fuite de son épouse Mareva du foyer conjugal, un savant fou obsédé par une idée monomaniaque : celui d'ôter à tout jamais le sentiment amoureux du coeur des femmes, afin qu'elles ne soient plus en mesure de briser la vie des hommes.

Dans « Flammes de Velours », il fait enlever des mondaines réputées pour leur séduction, les soumet à une machine hypnotique de son invention, et les persuade chacune qu'elles sont un personnage féminin célèbre et redoutable de l'Histoire : la reine Cléopâtre, la comtesse Bathory, Catherine de Médicis, Charlotte Corday, etc… Formatée à l'esprit de ces femmes monstrueuses ou souveraines, les jeunes filles hypnotisées, quotidiennement habillées comme leurs modèles, étaient conditionnées ainsi pendant plusieurs mois, imprégnées des âmes grandiloquentes et mégalomanes qui leur étaient assignées, puis "relâchées" dans la nature, avec pour mission de briser le plus de coeurs masculins possibles.

On retrouve aussi Schomberg ponctuellement sur la trace de son infidèle épouse, notamment dans « Sérénade au Bourreau » (1928), où il sauve Ibrahim Bey, l'amant de son épouse Mareva, des geôles turques, à la seule fin de lui offrir une année de bonheur complet, au terme de laquelle Ibrahim Bey acceptera de se suicider pour laver l'honneur de son bienfaiteur outragé.

On peut être étonné de la création et de la récurrence d'un personnage aussi feuilletonesque chez un auteur des années 20, furieusement moderne pour son temps. Mais le Schomberg de Maurice Dekobra n'est pas uniquement un personnage négatif, vecteur d'intrigues alambiquées : Maurice Dekobra en fait volontiers un symbole de l'homme à la fois dépendant et victime de la femme, sans laquelle il ne peut pas vivre, mais aussi de l'homme exclusif et fidèle – fidèle même à celle qui a déserté son foyer, laquelle ne lui en demande pas tant.

Pour cet indécrottable papillonneur libertin qu'était Maurice Dekobra, Schomberg représente en effet l'homme du XIXème siècle, le mari dénaturé, ni sentimental, ni sensuel, pétri de valeurs conservatrices et de machinisme froid et scientiste. Celui qui ne jouit pas, et empêche les autres de jouir, celui qui veut changer l'âme naturellement facétieuse de la femme.

Malgré tout, l'auteur ne porte jamais sur son personnage un regard véritablement haineux. Au contraire, on sent en Dekobra un certain attendrissement pour le docteur Schomberg, peut-être parce que ce personnage représente ce qu'il avait peur lui-même de devenir, ou ce qu'il serait devenu sans l'immense succès féminin que lui valût sa littérature.

D'ailleurs, l'alter-ego de l'auteur, Frédéric Lambrun, avait déjà combattu Schomberg dans « Flammes de Velours », sans pour autant cesser d'avoir avec lui des rapports amicaux. Schomberg ne s'offense pas que l'on déjoue ses plans. Quelque part, cela prouve à ses yeux qu'ils n'étaient pas si bons qu'il le supposait. C'est donc avec une grande confiance que Lambrun fait appel à son ancien ennemi, en lui apportant un cobaye rêvé : Anielka, une jeune femme qui ne veut plus être amoureuse.

Schomberg s'est installé en France, dans un manoir aux allures de forteresse, situé à Louveciennes, dans les Yvelines. C'est là qu'il accueille Lambrun et Anielka en pension, tout en travaillant dans son laboratoire sur un projet secret dont il ne veut rien dire, visant à guérir totalement Anielka de son amour pour Lawrence. Schomberg se fait aussi livrer des copies de toutes les photos existantes de Lawrence O'Neil. C'est d'ailleurs cette démarche qui finit par renseigner Lawrence O'Neil sur l'endroit où se cache Anielka. L'amoureux transi débarque donc à Louveciennes, et, comme on refuse de le laisser entrer, il déclare qu'il fera chaque nuit le siège du manoir jusqu'à ce qu'Anielka sorte d'elle-même pour le rejoindre.

Afin d'empêcher qu'O'Neil puisse tenter d'entrer par effraction, Frédéric Lambrun passe chaque nuit assis à ses côtés devant le manoir. Les deux hommes finissent, au fil de ces nuits blanches, par nourrir une certaine estime mutuelle, en dépit de toutes leurs différences.

Un soir, alors qu'ils devisent en début de nuit, ils sont interrompus par un cri d'épouvante émanant, au premier étage, de la fenêtre d'Anielka. Frédéric rentre en toute vitesse au manoir, tandis que Lawrence grimpe le long du mur jusqu'à atteindre la fenêtre d'Anielka. Les deux hommes débouchent ainsi en même temps dans la chambre, et découvrent un spectacle qui les laissent totalement médusés.

Durant ces mois enfermés dans son laboratoire, Schomberg a construit... un robot, un androïde ressemblant trait pour trait à Lawrence O'Neil, qu'il téléguide depuis son laboratoire. Cet androïde n'a que deux missions : se rendre nuitamment dans la chambre d'Anielka, et la violer sauvagement, provoquant ainsi un traumatisme de nature à éteindre en elle tout sentiment amoureux envers O'Neil.

Les efforts conjugués de Frédéric et Lawrence ne sont pas de trop pour mettre hors d'état de nuire cette machine infernale, née du cerveau malade de Schomberg. Néanmoins, cette horrible aventure aura eu le mérite de prouver à Anielka que Lawrence est réellement prêt à risquer sa vie pour elle, et donc, elle décide finalement de lui accorder sa main. Lawrence, pour la tranquilliser tout à fait, cède à sa jeune épouse les rênes de son entreprise. Il n'a véritablement besoin que d'Anielka pour être heureux, et jamais l'idée d'une absorption ne l'avait effleurée.

« Pourquoi Mourir ? » est donc un mélodrame assez risible, qui n'est pas crédible un seul instant, mais ne cherche pas vraiment à l'être. Il y a une dimension tout à fait comique, voire parodique, que Maurice Dekobra distille avec beaucoup de savoir-faire. Il connaît son lectorat féminin sur le bout des doigts, et il sait se montrer joueur et ambigu, charmeur et volontiers plaisantin. Sa narration est rarement sérieuse, mais elle l'est tout de même suffisamment pour que ce roman ne puisse être tout à fait considéré comme humoristique.

En réalité, la coquetterie féminine est ici omniprésente, même chez le personnage de Frédéric Lambrun, peu viril dans ses actions comme dans ses réactions, jouant au final moins un rôle d'éminence grise que celui très féminin de confidente ou de prêtre débonnaire. C'est d'ailleurs lui qui, alors qu'Anielka, songe au suicide, lui demande : « Pourquoi mourir ? », sur un ton qui veut véritablement dire : « Pourquoi résister ? ».

Car si dans le roman, pour des questions de convenance, Anielka est veuve, tout ce roman remet en question la notion de fidélité envers un mari absent ou vieillissant, quand on se sent prise, corps et âmes, par un soupirant plus jeune. Bien que l'on puisse s'affliger de l'intrigue absurde et rocambolesque de ce récit, on appréciera l'habileté du tentateur Maurice Dekobra, qui sait pousser ses lectrices sur la pente glissante de l'adultère.

Jeune, belle, immensément riche, son Anielka n'oppose à son amour que des principes un peu vains, qui permettent aisément à la lectrice de s'identifier à ce prestigieux personnage, tiraillé entre le devoir et l'envie, justifiant une certaine instabilité émotionnelle par l'excuse de la passion. Mais cette identification confortable permet à Maurice Dekobra d'amener sa lectrice là où il le désire, tant en réalité, Anielkla n'a pas de raison déterminée de fuir Lawrence; tant Lawrence lui-même, derrière le portrait très caricatural de l'Américain tenace et dépensier, prouve son attachement par son harcèlement continu; tant la seule manière de combattre cet amour se révèle au final l'aberrante solution imaginée par Schomberg.

Tout cela permet de comprendre que l'intrigue est ici volontairement sacrifiée à un message tourné vers la promulgation de l'infidélité et le libertinage par une sorte de bon sens résigné, tout en se donnant les apparences – tout juste crédibles – de la vertu et de la passion amoureuse. Chaperon devenant au final entremetteur, Maurice Dekobra, via son sosie Frédéric Lambrun, se donne un rôle à la fois secondaire et essentiel, celui de l'ami dévoué qui s'abstient en permanence de juger Anielka, et qui loin de se comporter en pygmalion ou en arbitre incorruptible, se contente le plus souvent de mettre au service de la jeune femme ce statut de conseiller qu'elle lui a donné, mais de manière pragmatique, conciliante et perpétuellement compréhensive.

De par cette duplicité minimale entre un récit farfelu et dépouillé, servant un message libertin tout à fait de son temps, on réalise pourquoi Maurice Dekobra fut durement jugé par les critiques de son temps, qui ne perçurent de son oeuvre que la mince facture narrative, sans disposer de toutes les clefs de l'adroit travail psychologique effectué par l'auteur auprès de ses lectrices.

Auteur de charme, tout comme il existait des chanteurs de charme, Maurice Dekobra pensait ses romans comme des roucoulades parfaitement formatées aux incohérences de l'esprit féminin, sachant flatter aussi bien leurs besoins narcissiques d'être adorées que leurs soucis d'honorabilité sociale, ou leur imagination débridée et érotique. Et c'est dans cette subtile prose, faite de compromis à demi-mots et d'aveuglements choisis, que Maurice Dekobra mettait réellement tout son génie, tout son art de séduire la femme, et d'entretenir en elle des envies de fantaisies dont il entendait bien être le premier bénéficiaire.

« Pourquoi Mourir ? » est, en ce sens, le travail sophistiqué et exemplaire d'un dandy se donnant les faux attraits d'un expert en complexité sentimentale, mais ne délivrant que des certificats d'incitation à la débauche, et nombreuses sont celles qui s'y sont laissé prendre.



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La Madone des Sleepings

Lecture distrayante mais sans plus pour moi. C'est rythmé, plein de péripéties et de rebondissements, mais ça ne restera pas une histoire que je garderai longtemps en mémoire. On voyage beaucoup dans ce livre avec des personnages haut en couleurs et sympathiques, mais j'ai l'impression qu'il s'agit d'une suite dont je n'aurais pas lu le premier tome. Les passages sur les considérations politiques m'ont un peu ennuyée, marxisme, communisme, capitalisme, bolchévisme... avec leurs révoltes, et leurs contre-révolutions ne sont pas trop ma tasse de thé.
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Sérénade au bourreau

« Sérénade au Bourreau » est, plus ou moins, la suite de « Flammes de Velours » , dans le sens où on y retrouve le sémillant Docteur Hugo Schönberg, savant fou autrichien et misogyne qui avait longuement exposé ses théories délirantes dans cet excellent précédent volume, dont la lecture n'est toutefois pas nécessaire pour apprécier ce roman-ci.

Pour ceux qui, cependant, ont lu « Flammes de Velours », on se souviendra que le Docteur Schönberg avait enlevé et hypnotisé plusieurs femmes afin de les déguiser en grandes figures féminines de l'Histoire, et de leur distiller, sous cette double identité, une philosophie les incitant à renier l'idée même d'amour, pour n'être plus que des créatures sublimes et lubriques, qui ne feront plus jamais souffrir aucun homme, puisque se donnant indifféremment à tous. Lors de sa très longue diatribe sur sa théorie, le Docteur Schönberg avait révélé que toute sa démarche découlait de l'infidélité et de l'abandon du domicile conjugal par sa propre épouse. C'est du destin parallèle de cette épouse qu'il va être question ici, et de la manière dont son mari va la recroiser et tenter de tirer d'elle et de son amant une vengeance sadique.

Mareva Schönberg vit en effet une passion torride avec un jeune flambeur égyptien Ibrahim Bey. Le couple très riche traverse tout le continent européen, passant d'une ville sublime à une autre. Mais Mareva est une personnalité hors-norme, qui se pique de politique et notamment de politique turque, du fait que son père possède un commerce en difficulté à Istanbul (que les Occidentaux appellent encore Constantinople, voyant d'un très mauvais oeil la mainmise arabe sur ce pays longtemps sous domination grecque).

Acoquinée avec un groupe terroriste communiste, Mareva entraîne Ibrahim dans le projet fou d'une tentative d'assassinat de Mustafa Kemal, très populaire (encore aujourd'hui) libérateur de la Turquie, et décidé à un rapprochement d'égal à égal avec l'Occident.

L'attentat échoue lamentablement pour cause d'impréparation, et la plupart des terroristes sont capturés. Mareva parvient à s'enfuir, mais Ibrahim tombe dans les mains de la police turque. Loin de le sauver, sa nationalité étrangère et son origine hautement bourgeoise le font passer pour un agent de l'étranger, voire pour le commanditaire de l'attentat. Il n'a hélas rien d'autre à rétorquer que le simple fait qu'il n'a participé à cette tentative d'assassinat que pour les beaux yeux de la femme qu'il aime, et que néanmoins il se refuse à dénoncer. Une défense que bien entendu aucun tribunal ne saurait prendre au sérieux. Sans surprise, après un bref procès, Ibrahim Bey et tous les autres participants du complot sont condamnés à mort.

La nuit précédant son exécution, alors qu'il déprime sur le banc de sa cellule, Ibrahim reçoit la visite de son avocat qui lui propose un marché : un homme puissant qui tient pour l'instant à garder l'anonymat se propose, avec la complicité d'un gardien, de le faire évader cette nuit-même, en échange de sa promesse d'exécuter un contrat qui lui sera stipulé en temps et en heure.

La proposition est douteuse, mais à quelques heures de finir sur l'échafaud, Ibrahim se dit non sans raison que tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir, et il accepte par avance l'offre qu'on lui demandera. Il est doucement exfiltré de la prison par son avocat et conduit secrètement sur le yacht de son puissant protecteur. "L'Andromède" se met en mouvement, et lentement, tandis qu'Ibrahim Bey dans sa cabine goûte enfin un repos bien mérité, le yacht quitte tranquillement Istanbul…

C'est seulement le lendemain matin qu'Ibrahim Bey rencontre son bienfaiteur : le redoutable docteur Hugo Schönberg, le mari trompé et abandonné de son amante. Ibrahim s'étonne de devoir la vie à l'homme qui est censé le haïr plus que n'importe qui d'autre : c'est que Schönberg à mûri un plan machiavélique.

Dans un premier temps, il offre à Ibrahim tout ce dont un homme peut rêver : la liberté d'abord, une nouvelle identité ensuite, celle de Jamii El-Khazen, homme d'affaires égyptien. Puis une somme plus que confortable sur un compte en banque alloué à ce nom, et enfin l'opportunité d'user à loisir de toutes les femmes que Schönberg lui présentera, toutes converties à sa philosophie du désamour. Deux françaises, Daphné et Lucinde, sont déjà disponibles, passant leurs journées à bronzer sur la terrasse de "L'Andromède".

En contrepartie de ces bonheurs livrés à domicile, Schönberg exige une chose, c'est que le 5 juin 1929, soit exactement dans un an jour pour jour, Ibrahim se suicide de la manière qui lui conviendra le mieux, et en présence de Schönberg. D'ores et déjà, Schönberg exige en échange de ses bienfaits une lettre d'adieu antidatée qui le délivrera de tout ennui avec la justice. D'ailleurs, Ibrahim Bey n'est nullement prisonnier : il n'est tenu à demeurer sur le yacht de Schönberg que le temps d'être évacué en dehors de Turquie, où sa tête comme prisonnier évadé est fortement mise à prix. Après cela, Ibrahim pourra quitter le yacht quand il veut, où cela lui plaira, sans profiter du harem de Schönberg ou en se choisissant l'une de ses pensionnaires, s'il le désire.

Ibrahim Bey comprend mal le projet de Schönberg : celui-ci explique alors qu'en tant que mari outragé, il estime que la vie d'Ibrahim Bey lui appartient. Il pourrait le tuer de suite ou le vendre à la police turque, mais son idée est, au contraire, d'offrir à Ibrahim un an de sursis, un an de vie merveilleuse et confortable au terme duquel Ibrahim devra se supprimer. Pour l'ex-condamné à mort qu'il était, c'est à la fois un sursis qu'on ne peut refuser, et un cadeau qui rendra sa mort plus injuste encore. Évidemment, si au terme de cette année, Ibrahim Bey ne met pas fin à ses jours, Schönberg se juge libre de communiquer sa nouvelle identité à la police turque, et fera tout ce qui est en son pouvoir pour le retrouver et le livrer à la justice...

La proposition est évidemment perverse et sinistre, mais fraîchement évadé et ayant besoin de l'aide de Schönberg, Ibrahim Bey n'a d'autre choix que de l'accepter.

Dans un premier temps, Ibrahim Bey reste en compagnie de Schönberg, même si, par répugnance pour ses vestales, il n'en use pas. Daphné et Lucinde sont pourtant très drôles, et leur brève apparition en "Madones du Yachting" est tout à fait appréciable.

À l'occasion de sa première sortie, à Alexandrie, Ibrahim Bey sauve une danseuse de cabaret d'une tentative de viol. Miss Paprika est une petite fofolle montmartroise qui tombe sincèrement amoureuse de son sauveur. Émue par la candeur sincère de la jeune femme, il décide de consacrer à elle seule sa dernière année de vie, et quitte le yacht de Schönberg avec l' accord de ce dernier, qui promet de le laisser en paix jusqu'à la veille du 5 juin 1929.

Ibrahim reprend avec Paprika la vie itinérante qu'il menait avec Mareva, mais contrairement aux prévisions de Schönberg, le cœur n'y est plus. Non seulement la perspective de sa mort prochaine l'empêche d'être pleinement heureux avec Paprika, mais malgré toute l'affection qu'il lui voue, le souvenir de Mareva revient le hanter. Alors que la date fatidique de son suicide programmé se rapproche dangereusement, Ibrahim écrit à l'adresse autrichienne de Mareva pour lui raconter son histoire, sans être certain qu'elle pourra la lire.

Fort heureusement pour lui, Mareva est bien rentrée en Autriche. Elle rejoint Ibrahim et Paprika, là où ils se sont installés dernièrement, à Saint-Raphaël, dans le Var.

Paprika voit d'abord avec hostilité cette ancienne rivale refaire surface, mais consciente qu'elle seule peut sauver Ibrahim, elle fait profil bas et instinctivement laisse sa place. Mareva n'a aucun mal à retrouver l'hôtel où, patiemment et avec délectation, Hugo Schönberg attend son heure. Elle parvient à l'embobiner, à le persuader qu'elle désire revivre avec lui, et parvient sans trop de mal à lui arracher la lettre d'adieu signée un an plus tôt par Ibrahim Bey, seule preuve dont aurait disposé Schönberg pour le dénoncer. Enfin, échappant à son mari, elle offre à Ibrahim la meilleure protection possible : la fuite en sa compagnie. Il ne reste à Schönberg que la colère et la frustration de s'être ainsi fait rouler dans la farine, et à Miss Paprika, que ses pauvres yeux pour pleurer…

Il manque à « Sérénade au Bourreau » un peu de la folie et du lyrisme flamboyant de « Flammes de Velours », mais en choisissant de faire de ce roman une sorte de thriller atmosphérique, Maurice Dekobra est parvenu assez bien à se renouveler, tout en restant sur une thématique et des personnages semblables à son précédent livre.

« Sérénade au Bourreau » se veut moins littéraire, et se lit plus facilement, même si l'intrigue est plus ordinaire, plus prévisible, et consacre un peu trop de place à la dimension "fantasmatique" du personnage d'Ibrahim Bey, idéal masculin un peu suranné de nos jours mais qui certainement fit vibrer bien des imaginations féminines en son temps. Les personnages féminins de ce roman sont paradoxalement bien plus intéressants, malgré leurs rôles plus discrets.

À noter, pour l'anecdote, que lorsque Ibrahim Bey tente de préparer Paprika au fait qu'il serait possible qu'il meure le 5 juin 1929, comme celle-ci est prise d'un brusque mouvement de panique, il ajoute en tempérant : "Je dis cette date, comme je pourrais dire le 5 juin 1974".

Or Maurice Dekobra est mort le 1er juin 1973. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'involontairement, il n'était pas tombé loin…
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Le lys dans la tempête

Les années 50 sont une période difficile pour Maurice Dekobra, pur produit vieillissant des Années Folles dont le discours libertin et élitiste peinait à retrouver, après la Seconde Guerre Mondiale, son lectorat frivole.

Après quelques livres néanmoins bien ficelés, publiés aux Éditions du Scorpion, Maurice Dekobra signa à la fin de la décennie trois romans pour le compte de la S.N.E.V. (Société Nouvelle des Éditions Valmont) qui ont peiné à trouver leur public, dont deux récits "américains" qui tentaient pourtant de renouer avec le succès de « Mon Coeur Au Ralenti ».

« Le Lys Dans la Tempête » (curieusement orthographié "Lis" dans le texte et sur la page de garde) est le premier de ces romans "américains". L'héroïne, Valérie Bourgès, est une jeune employée de banque partie en vacances sur la Riviera avec ses amies et collègues. C'est une fille absolument sublime, mais sage, dénuée d'ambition et jugeant qu'elle a bien le temps de trouver l'amour. Ses amies l'incitent à s'encanailler, mais la jeune femme préfère passer ses soirées au camping à lire sous la tente. Pour lui faire une farce autant que parce qu'elles jugent qu'elle y a toutes ses chances, ses amies l'inscrivent en cachette à un concours de beauté local. Valérie bougonne un peu, mais accepte finalement d'y participer, persuadée qu'elle ne risque guère d'être élue. Bien évidemment, elle fait un triomphe et est couronnée du titre de Miss Estirel.

Aussitôt un businessman américain l'approche, et lui propose de venir à Hollywood afin d'y être lancée comme actrice. Quelques renseignements pris auprès des journalistes présents l'informent effectivement que l'homme est bel et bien un "chasseur de nouvelles têtes" grassement payé par Hollywood. Pour la petite employée de banque timorée, c'est une soirée hautes en émotions. Elle est tentée de s'enfuir et de rentrer à Paris, mais tout le monde autour d'elle l'enjoint à accepter la proposition de l'homme d'affaires américain, ne serait-ce que parce qu'une opportunité comme celle-ci ne se représentera jamais, et que Valérie, en s'y refusant, risque de passer sa vie à regretter d'avoir laissé passer une telle occasion. La belle se laisse convaincre, un peu malgré elle tout de même...

Une semaine plus tard, Valérie Bourgès s'envole donc pour Hollywood, où bien entendu, elle va vivre d'abord de sérieuses désillusions : sur la Riviera, elle était Miss Estirel, mais à Hollywood, elle n'est qu'une starlette parmi des milliers d'autres, qui plus est sans aucune expérience d'actrice. Le producteur auquel l'homme d'affaires l'a envoyé est un vieillard lubrique qui ne négocie ses placements d'actrices qu'en échange de faveurs sexuelles. Valérie s'y refuse, et se retrouve donc sans contrat, et sans aucun appui. Elle sympathise avec deux acteurs de seconde zone qu'elle a eu l'occasion de rencontrer sur place, dont un jeune premier, Jimmy Mitchell, qui s'éprend très vite d'elle et la confie à son agent artistique, Ralph Higgins. Celui-ci lui propose d'abord des roles de figuration que Valérie, peu consciente que la gloire est un long et douloureux chemin, refuse avec dédain. Agacé, Higgins lui propose alors un rôle de doublure pour une comédienne célèbre à qui elle ressemble comme une soeur, Constance Roggers. Finalement, après qu'Higgins ait menacé de la laisser tomber face à son air dubitatif, Valérie accepte.

Mais si Constance Roggers veut une doublure, cela n'est pas exactement pour un film. L'actrice est sous la coupe de maîtres-chanteurs qui exigent d'elle une grosse somme d'argent, sinon ils se chargent de la kidnapper. Constance n'a pas l'intention de payer, mais elle mesure toute la publicité que l'affaire peut lui valoir. Elle persuade Valérie de prendre sa place, lors de la remise de la rançon à la bande de kidnappers. Elle compte sur le fait que Valérie ne leur remettant qu'une somme dérisoire, les gangsters vont la kidnapper, persuadés d'avoir affaire à la vraie Constance Roggers. Celle-ci n'aura alors plus qu'à faire une conférence de presse, et révéler que c'est sa doublure, et non elle-même, qui aura été enlevée. Les gangsters libèreront alors leur proie sans valeur, et la publicité sera énorme, tant pour Constance Roggers que pour sa courageuse doublure.

Evidemment, Valérie dans un premier temps se refuse à risquer sa vie dans une histoire pareille, mais Constance Roggers sait se faire persuasive : la publicité à Hollywood, c'est un passe-droit extraordinaire. Un nom imprimé dans les journaux, et présenté comme victime dans une affaire criminelle, voit sa valeur marchande décuplée. Valérie songe qu'effectivement, cela résoudrait tous ses problèmes et ça lancerait enfin sa carrière. Elle accepte donc de jouer ce jeu dangereux...

Hélas, si les choses se passent comme prévu, les gangsters comprennent eux aussi que cette figurante française bénéficie de la publicité de son enlèvement, et donc qu'elle a désormais une valeur. Non seulement ils ne la relâchent pas, mais ils exigent une forte rançon, faute de quoi ils l'exécuteront.

Constance est atterrée par sa propre inconscience. Elle ne dispose pas de la somme demandée. Quant aux producteurs et aux studios d'Hollywood, vers lesquels elle se tourne, ils estiment, non sans raison, que cette Valérie Bourgès n'est sous contrat avec personne, et que sa mort n'éclaboussera que Constance elle-même, laquelle se retrouve prise au piège qu'elle voulait tendre.

D'abord furieux contre l'actrice, Jimmy Mitchell s'associe avec elle puis avec la police américaine (apparemment très sensible au bénévolat) pour tenter de délivrer Valérie. Heureusement, tout finira par un mariage entre Valérie et son Jimmy. Comme prévu, un film sera tourné sur ce kidnapping, et les producteurs et les studios qui s'étaient détournés se verront obligés de payer une fortune pour disposer des acteurs et des droits de diffusion...

Comme on le voit, « Le Lys Dans la Tempête » est une bluette grossière pour adolescentes, teintée de polar noir, qui ne risquait guère de passionner des lectrices de plus de 14 ans. Comme souvent chez Dekobra, rien n'est crédible. C'est bien la peine d'être un grand voyageur qui a visité tous les pays du monde (ce dont il se vante bien inutilement en quatrième de couverture), si c'est pour bâtir des intrigues qui ne tiennent pas debout un seul instant.

Certes, la description du milieu hollywoodien et de la mentalité arriviste qui y règne est assez bien rendue, avec d'ailleurs une discrète ironie que toutes les lectrices n'ont pas dû saisir. Grand amateur de polars américains, Maurice Dekobra connaît suffisamment les clichés du genre pour trouver le style et le rythme qui font basculer le petit conte de fées moderne dans un polar façon Lemmy Caution. De même, il sait insuffler à ses lectrices le goût des rêves de gloire sans cacher les vices, les rivalités et les corruptions qui attendent la jeunesse candide sur le parcours de la célébrité. Malgré tout cela, son roman laisse tout de même entendre que la réussite repose sur des prises de risque inconsidérées et sur la nécessité de se corrompre pour tenir la dragée haute aux autres corrompus. Certes, Valérie Bourgès ne négocie pas sa carrière sur un canapé avec un vieillard, mais elle le fait en risquant sa vie face à des bandits pour avoir un peu de publicité. Est-ce que c'est plus recommandable, au final ? Dekobra semble penser que oui, mais il y aurait là, à mon sens, matière à débat...

Comme on s'en doute, ce roman n'a pas vraiment été un best-seller. Il faut dire qu'on ne sait trop ce qui a passé par les têtes de Maurice Dekobra et de son éditeur : ce livre s'adresse tout de même à un public très juvénile, bercé de films hollywoodiens, ce qui n'était ni la spécialité de l'auteur (alors septuagénaire), ni celle de sa maison d'édition. De plus, l'illustration de couverture évoque plus volontiers une actrice hollywoodienne des années 1920-1930. Nous étions quand même en 1959, et les modes et les coiffures étaient un peu différentes, une ado ne pouvait pas s'y tromper...

Bref, on serait tenté de voir derrière ce roman un drame du gâtisme, si Maurice Dekobra ne restait, même à cet âge avancé, un narrateur chevronné, qui avait perdu en folie ce qu'il avait gâgné en efficacité. Certes, son intrigue ne tient pas la route, mais il fait tout pour la rendre cinématique et envoûtante. Moins verbeux et lyrique que dans sa jeunesse, il se montre ici en professionnel soigneux du roman populaire, il colle au style policier des années 50, il aborde la jeune génération avec une idée juste et précise de l'image qu'elle se fait d'elle-même. Poupée inconsistante et paradoxale, sa Valérie Bourgès est conçue pour servir de réceptacle élastique et ajusté à l'identification de toutes ses lectrices. Les vieux cochons sont très cochons, les voyous sont très voyous, le jeune premier est idéal : tous les repères des rêveries à peine pubères sont à leur place. Il y avait là, sur mesure, de quoi faire rêver celles qui pleuraient encore la mort de James Dean. Mais il est peu probable qu'elles aient été très nombreuses à avoir l'occasion d'y sécher leurs larmes ou d'y découvrir de nouveaux frissons...

Néanmoins, malgré son insuccès et, reconnaissons-le, son caractère fort peu convaincant, « Le Lys Dans la Tempête » se laisse doucement lire, et fixe assez bien ce que pouvait être l'imaginaire d'une jeune fille française des années 50, gavée de cinéma et de romans policiers. À ce titre, on peut trouver à ce roman un vague intérêt historique, à condition toutefois de ne pas être trop exigeant sur l'aspect socio-culturel.
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Opération Magali

Garagiste honnête (si, ça existe !) et apprécié de ses concitoyens de Courseulles-sur-Loire, Mario Lespinasse nage dans le bonheur. Ce soir là il a invité quelques amis pour participer au repas donné en l’honneur de son jeune fils Raymond qui vient d’être baptisé. Parmi les quelques invités, figure monsieur Abel Paoli, ancien commissaire de police à la PJ parisienne, venu cultiver son lopin de terre dans le Nivernais, un peu comme le Candide de Voltaire.



Mais ne philosophons point trop, car l’heure n’est pas vouée à la littérature mais à des retrouvailles dont Mario se serait bien passé. Deux clients attendent Mario dans le garage. Une réparation fictive car les deux hommes, Mario les connait bien. Cela faisait plus de dix ans qu’il ne les avait pas vu. Une plongée dans son passé de truand marseillais dont il pensait s’être débarrassé.



César et La Fouine sont envoyés par leur patron Zacco, lequel a tiré d’un très mauvais pas avant guerre Mario. Et naturellement notre garagiste possède une dette envers le malfrat marseillais. Zacco vient de voler les bijoux du comte de Saint-Meyral dans la villa Sémiramis à Antibes. Seulement lors du casse il se fait surprendre par le comte et il l’abat. Zacco ne craint rien de ce côté-là, ayant changé d’identité seulement c’est un coureur de jupons. Il a une maîtresse officielle, Magali, et une autre poire pour la soif, la très belle et jeune Manon.



Or Magali qui tient un bar a reçu une lettre l’avertissant de son infortune et de rage elle a clamé partout qu’elle allait avoir la peau de Zacco. Aussi César et la Fouine demandent à Mario de sortir Zacco du pétrin dan lequel il s’est fourvoyé. La solution, se débarrasser de Magali. Mario est plus qu’embêté mais il doit laver sa dette, sinon sa femme, la belle et bonne Fernande deviendra veuve.



Il a quarante-huit heures pour réfléchir aussi le lendemain, Mario se rend chez monsieur Abel Paoli, son ami, et lui narre ses ennuis. Comme l’ancien policier n’a pas de casseroles sur le feu, il propose à Mario de se rendre à Marseille en sa compagnie et de l’aider à démêler l’imbroglio.



Arrivé à Marseille, Mario veut s’entretenir avec Magali, seul, mais il tombe sur un os. Magali vient juste de se faire buter. Mario est dans de sales draps, sans avoir couché.



Ce roman, qui a obtenu le Prix du Quai des Orfèvres 1951, voit donc un ancien truand qui s’est fait une virginité allié avec un ancien policier. Ce n’est pas flic ou voyou, mais flic et voyou repenti.



Les deux hommes vont rencontrer sur leur chemin de nombreux incidents de parcours, mais nonobstant, ils s’accrochent. D’abord ils font la connaissance de la belle Manon qui se produit dans un cabaret, ainsi que son petit ami, car elle aussi fait porter des cornes à Zacco. Monsieur Abel Paoli se fait passer pour un imprésario, laissant miroiter un avenir radieux comme chanteuse à Manon, mais il se retrouvera enfermé dans une cabine d’un yacht, destiné à nourrir les requins de la Baie des Anges.



Un roman agréable, qui n’a guère vieilli, du moins dans la trame, et l’auteur n’oublie rien, expliquant tout dans l’épilogue. Il ne se perd pas en cours de route, retombant sur ses pieds à la fin, et le lecteur n’est pas déçu. Et, pour être dans l’air du temps, il use parfois de l’argot, mais un argot compréhensible du lecteur lambda.


Lien : http://leslecturesdelonclepa..
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samouraï 8 cylindes, ou le beau voyage au pay..

Témoignage intéressant sur le Japon de 1935.

L’auteur découvre : la beauté de la femme japonaise (Geisha) la soumission de la femme marié, la tradition du suicide, etc … Bref les quelques clichés.

Mais lors de la discussion avec un prêtre bouddhique l’auteur critique la société de consommation (déjà en 1935 !!). De même les 3 derniers chapitres décrivent l’animosité japonaise envers les américains en 1935. On sait les conséquences que cela va avoir …

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Sept ans chez les hommes libres

De 1939 à 1946, période douloureuse pour la France, Maurice Dekobra s'est expatrié aux Etats-Unis, selon lui à la demande d'un journal qui lui avait commandé une série de reportages sur le mode de vie américain. de ce journal, il ne sera rien dit, pas même le titre, même si l'on devine que l'entrée de la France dans la guerre a dû faire avorter ce projet. Il ne sera rien expliqué non plus sur le fait qu'en dépit de ce changement de programme, Maurice Dekobra n'a pas jugé utile de rentrer en France, et toujours selon ses dires, aurait tout de même rédigé ses articles et ses reportages durant ces années d'exil, dont ce livre, paru à la rentrée 1946, se veut un recueil exhaustif.

On l'aura compris, "Sept Ans Chez Les Hommes Libres" est probablement un livre "diplomatique" qui visait à bien faire savoir que non seulement Maurice Dekobra n'avait pas continué son travail durant les années sombres comme si de rien n'était, mais qu'en mettant un océan entre sa terre natale et lui-même, il se désolidarisait de Baudinière, son éditeur historique qui, pendant tout ce temps, s'était compromis avec des publications antisémites.

S'il est plus certain que Maurice Dekobra a bien passé les années d'Occupation en Amérique, il est également plus que probable que tous les articles de ce recueil n'ont pas été toujours été rédigés sur le moment, et l'on repère facilement des articles bien plus longs, écrits d'une plume bien plus ferme, se réclamant visionnaires sur la situation politique de la France sous l'Occupation, et qui n'ont aucun mal à l'être, dans le sens où ils ont sûrement été rédigés postérieurement à la Libération. Toutefois, comme on le verra un peu plus bas, Dekobra se fait une idée somme toute assez lucide sur ce que va être le "monde d'après".

"Sept Ans Chez Les Hommes Libres" prend volontiers la forme d'un journal non intime, même si les entrées sont généralement mensuelles, et que des coupures non justifiées de plusieurs mois en altèrent le suivi. On regrette que Dekobra n'aie pas tenu une sorte de journal de voyage, témoignant de sa découverte progressive de la société américaine. Mais pour tout dire, Maurice Dekobra ne semble pas tant que cela intrigué par les Etats-Unis, ou du moins, il ne tient que modérément à partager son enthousiasme. Il se montre avant tout critique. Les premiers articles sont brefs et factuels, mais au fil des années, le journaliste soucieux de rigueur laisse la place à l'écrivain excédé de ne pas pouvoir publier, et plein de doutes sur son avenir.

Si Dekobra évolue d'un thème - ou d'un groupe de thèmes - à un autre de manière linéaire, il ne semble pas y avoir eu de plan préconçu. Ses choix sont arbitraires et pas toujours très représentatifs. Dans un premier temps, Dekobra se passionne pour des thèmes qui voisinent un minimum avec ses propres activités. La littérature populaire, d'abord, dont il découvre un peu effrayé une industrie parfaitement rodée qui ne craint ni le ridicule ni le mauvais goût, mais on note également un article extrêmement instructif sur la conception des feuilletons radiophoniques, qui en ce temps-là passionnent la fameuse ménagère de moins de 50 ans, devenue depuis la référence absolue en matière de création populaire.

Déjà, dans les années 40, ce type de fiction est l'objet de nombreux brainstormings et de sondages d'opinion, pour affiner les programmes aux goûts - ou aux bas-instincts - de l'auditoire. Ces anecdotes, au sujet d'un type de fiction totalement révolu de nos jours, semblent d'une surprenante modernité, tant on ne devine que trop bien qu'elles président encore sous une forme semblable à l'actuelle industrie des séries télévisées.

Dekobra consacre également un bon tiers de son recueil à Hollywood, où il semble avoir été bien introduit auprès des studios de cinéma, mais aussi auprès d'un certain nombre de stars vieillissantes du cinéma muet : Theda Bara, Betty Blythe, Constance Bennet, Janet Gaynor, Claire Windsor et, seule exception masculine au sein de ce gynécée, le tragédien John Barrymore. Dekobra consacre aussi un assez long article à une personnalité totalement oubliée, Barbara Woolworth Hutton, "la pauvre petite fille riche", multimillionaire par héritage à seulement 6 ans, et qui fut toute sa vie une mondaine triste, morose et exagérément courtisée. Elle fut également un temps mariée au célèbre acteur Cary Grant, qui put mesurer tout l'ennui qu'il y avait à être l'époux de la femme la plus riche du monde.

Bien qu'il prétende avoir rencontré en personne toutes ces célébrités, il est à peu près certain que Maurice Dekobra a glané beaucoup d'anecdotes les concernant dans le "Who's Who" ou dans la presse people. Il faut néanmoins reconnaître à l'auteur une déontologie remarquable : même les anecdotes les plus privées ou les informations les plus secrètes se sont révélées authentiques. Un peu affabulateur quant à ses propres mondanités, mais bien renseigné tout de même, l'ami Maurice... Il est vrai qu'un certain nombre de ses articles sont inspirés ou paraphrasés d'articles de la presse américaine, et Dekobra n'en fait pas mystère. Il adapte ces articles, les enrichit d'anecdotes biographiques pour présenter à ces lecteurs des personnalités publiques américaines qui ne leur sont pas familières, et y ajoute des commentaires de son crû.

Tout cela fait de "Sept Ans Chez Les Hommes Libres" un témoignage très copieux sur la société américaine des années 40, et permet aussi de réaliser à quel point, dans certains domaines, elle a fort peu évolué. Si la qualité de ces anecdotes est inégale, tout comme l'inspiration de Maurice Dekobra, dont on peut mesurer au fil des mois le changement d'humeur et de motivation, cela reste quand même un ouvrage instructif et dépaysant qui intéressera certainement tous les nostalgiques de cette période de l'histoire américaine.

"Sept Ans Chez Les Hommes Libres" aurait certainement beaucoup gagné en s'attardant d'avantage sur la vie quotidienne de l'Amérique de la première moitié des années 40, mais c'était apparemment le choix de l'auteur, sans doute pour fuir ses propres idées noires en tant qu'exilé, de s'en tenir à une sorte de bottin mondain un peu ironique.

Le morceau de roi de cet ouvrage tient néanmoins surtout dans ses dernières pages. Alors qu'en mai 1946, il s'apprête enfin à reprendre le paquebot pour rentrer en France, Maurice Dekobra s'interroge sur le devenir de l'Europe après la chute du Nazisme, et se projette dans une utopie étonnamment visionnaire sur les futurs Etats-Unis d'Europe, seul remède selon lui pour écraser les nationalismes et les velléités de guerre fratricide ou de solution finale. En dehors de toute idéologie politique, ce qui est remarquable chez Maurice Dekobra, c'est qu'il mesure pleinement la nécessité pour ces futurs Etats-Unis d'Europe de s'aligner entre eux sur le plan économique et libéral. S'il ne peut bien évidemment pas imaginer l'avènement d'une monnaie unique (avant la création de l'euro, la plupart des citoyens des pays d'Europe avaient un rapport affectif, identitaire et historique très fort avec leurs monnaies nationales), il milite ouvertement pour l'ouverture des frontières et la suppression des douanes, afin de faciliter les imports-exports et les voyages internationaux.

C'est dans ce rêve finalement très réaliste et très sage de lendemains qui chantent - et qui chantent en chœur - que l'on mesure tout l'impact du traumatisme qu'a pu être la Seconde Guerre Mondiale pour cet écrivain bien loin de chez lui, et qui fut longtemps un élitiste et un hédoniste qui méprisait les existences modestes des petites gens. La transfiguration du dandy de ces dames, créateur du "roman cosmopolite" colonial, en citoyen européen convaincu et humaniste, c'est sans doute la preuve la plus flagrante que Maurice Dekobra, malgré son exil, a beaucoup été changé par les évènements et qu'il a puisé, lors de son long séjour en Amérique, des idées nouvelles d'unité sociale qui étaient à cent lieues de ses préoccupations de jeunesse. Posant un regard curieux mais lucide sur la jeune société américaine, il en a finalement retenu que ce qui en était remarquable, progressiste et applicable à l'Europe. Quel dommage que nous n'ayons pas su, aussi bien que Maurice Dekobra, faire preuve d'autant de discernement afin de séparer le bon grain de l'ivraie !...
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Mon coeur au ralenti

« Mon Cœur Au Ralenti » est assurément un roman plaisant, malgré quelques maladresses scénaristiques. Maurice Dekobra y révèle son immense talent de conteur et son amour immodéré des femmes. Sur bien des plans, le roman s’inspire des premiers « polars noirs » alors en vogue aux Etats-Unis, mais l’intrigue policière n’est ici que prétexte à parler des femmes et de l’addiction, les sujets de prédilection de Maurice Dekobra, qu’il maîtrise déjà fort bien et qu’il ne cessera jamais d’aborder. Le cœur bat ici au ralenti sous l’influence de l’opium, et c’est à dessein que les aventures de Gilbert Dextrier / Séliman tiennent parfois du cauchemar embrumé et psychédélique. Piégé entre trois femmes idéales – l’épouse affectueuse, la lolita extravertie, la catin accomplie -, Gilbert ne peut choisir, perd la maîtrise de ses sens, ne sait plus quoi faire, quoi dire, comment agir, et sa lente déchéance semble ne receler pratiquement aucune issue de secours.

Nous avons bien là affaire à la mentalité quelque peu étriquée d’un homme à femmes, dont le roman cherche à démontrer avant tout qu’il faudrait n’en aimer aucune ou pouvoir les aimer toutes. D’ailleurs par le biais de son personnage, Maurice Dekobra excuse hypocritement son goût pour le papillonnage en faisant de Gilbert un homme faussement irréprochable, dans le sens où la tentation de l’adultère lui est permanente, mais il ne parvient pas à ses fins. Néanmoins, il est puni par sa femme comme s’il l’avait fait. On doit comprendre, derrière cette apparente injustice, que Dekobra invite ceux ou celles qui rêvent d’adultère à aller jusqu’au bout, puisque dès lors que les intentions seulement sont connues, on subit le même sort que si on était passé à l’acte, sans le plaisir de l’avoir réellement fait. Ayons une pensée émue pour Mme Dekobra, fidèle épouse de l’auteur, et dont les cornes, pour reprendre une image traditionnelle, devaient dépasser la hauteur de la Tour Eiffel…

Si l’on fait abstraction de cette morale hypocrite et faussement galante, si l’on a le courage de rire en plein milieu de ce récit d’un plaidoyer fasciste aberrant et inutile dont aujourd’hui encore on comprend difficilement l’intérêt littéraire, « Mon Cœur Au Ralenti » est un roman tout à fait fascinant, extrêmement bien documenté, sachant allier suspense à l’américaine et marivaudage à la française avec une exceptionnelle maîtrise, et qui témoigne avec beaucoup de vivacité et une notable qualité rhétorique de l’esprit des Années Folles. C’est l’une des premières pierres fondatrices de l’œuvre à la fois colossale et légère d’un auteur aujourd’hui très mésestimé, mais qui a su occuper, au panthéon de la littérature populaire, une place unique, inclassable, presque indéfinissable.
Lien : https://mortefontaine.wordpr..
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