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379 pages
SFELT (01/09/1946)
4/5   1 notes
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De 1939 à 1946, période douloureuse pour la France, Maurice Dekobra s'est expatrié aux Etats-Unis, selon lui à la demande d'un journal qui lui avait commandé une série de reportages sur le mode de vie américain. de ce journal, il ne sera rien dit, pas même le titre, même si l'on devine que l'entrée de la France dans la guerre a dû faire avorter ce projet. Il ne sera rien expliqué non plus sur le fait qu'en dépit de ce changement de programme, Maurice Dekobra n'a pas jugé utile de rentrer en France, et toujours selon ses dires, aurait tout de même rédigé ses articles et ses reportages durant ces années d'exil, dont ce livre, paru à la rentrée 1946, se veut un recueil exhaustif.
On l'aura compris, "Sept Ans Chez Les Hommes Libres" est probablement un livre "diplomatique" qui visait à bien faire savoir que non seulement Maurice Dekobra n'avait pas continué son travail durant les années sombres comme si de rien n'était, mais qu'en mettant un océan entre sa terre natale et lui-même, il se désolidarisait de Baudinière, son éditeur historique qui, pendant tout ce temps, s'était compromis avec des publications antisémites.
S'il est plus certain que Maurice Dekobra a bien passé les années d'Occupation en Amérique, il est également plus que probable que tous les articles de ce recueil n'ont pas été toujours été rédigés sur le moment, et l'on repère facilement des articles bien plus longs, écrits d'une plume bien plus ferme, se réclamant visionnaires sur la situation politique de la France sous l'Occupation, et qui n'ont aucun mal à l'être, dans le sens où ils ont sûrement été rédigés postérieurement à la Libération. Toutefois, comme on le verra un peu plus bas, Dekobra se fait une idée somme toute assez lucide sur ce que va être le "monde d'après".
"Sept Ans Chez Les Hommes Libres" prend volontiers la forme d'un journal non intime, même si les entrées sont généralement mensuelles, et que des coupures non justifiées de plusieurs mois en altèrent le suivi. On regrette que Dekobra n'aie pas tenu une sorte de journal de voyage, témoignant de sa découverte progressive de la société américaine. Mais pour tout dire, Maurice Dekobra ne semble pas tant que cela intrigué par les Etats-Unis, ou du moins, il ne tient que modérément à partager son enthousiasme. Il se montre avant tout critique. Les premiers articles sont brefs et factuels, mais au fil des années, le journaliste soucieux de rigueur laisse la place à l'écrivain excédé de ne pas pouvoir publier, et plein de doutes sur son avenir.
Si Dekobra évolue d'un thème - ou d'un groupe de thèmes - à un autre de manière linéaire, il ne semble pas y avoir eu de plan préconçu. Ses choix sont arbitraires et pas toujours très représentatifs. Dans un premier temps, Dekobra se passionne pour des thèmes qui voisinent un minimum avec ses propres activités. La littérature populaire, d'abord, dont il découvre un peu effrayé une industrie parfaitement rodée qui ne craint ni le ridicule ni le mauvais goût, mais on note également un article extrêmement instructif sur la conception des feuilletons radiophoniques, qui en ce temps-là passionnent la fameuse ménagère de moins de 50 ans, devenue depuis la référence absolue en matière de création populaire.
Déjà, dans les années 40, ce type de fiction est l'objet de nombreux brainstormings et de sondages d'opinion, pour affiner les programmes aux goûts - ou aux bas-instincts - de l'auditoire. Ces anecdotes, au sujet d'un type de fiction totalement révolu de nos jours, semblent d'une surprenante modernité, tant on ne devine que trop bien qu'elles président encore sous une forme semblable à l'actuelle industrie des séries télévisées.
Dekobra consacre également un bon tiers de son recueil à Hollywood, où il semble avoir été bien introduit auprès des studios de cinéma, mais aussi auprès d'un certain nombre de stars vieillissantes du cinéma muet : Theda Bara, Betty Blythe, Constance Bennet, Janet Gaynor, Claire Windsor et, seule exception masculine au sein de ce gynécée, le tragédien John Barrymore. Dekobra consacre aussi un assez long article à une personnalité totalement oubliée, Barbara Woolworth Hutton, "la pauvre petite fille riche", multimillionaire par héritage à seulement 6 ans, et qui fut toute sa vie une mondaine triste, morose et exagérément courtisée. Elle fut également un temps mariée au célèbre acteur Cary Grant, qui put mesurer tout l'ennui qu'il y avait à être l'époux de la femme la plus riche du monde.
Bien qu'il prétende avoir rencontré en personne toutes ces célébrités, il est à peu près certain que Maurice Dekobra a glané beaucoup d'anecdotes les concernant dans le "Who's Who" ou dans la presse people. Il faut néanmoins reconnaître à l'auteur une déontologie remarquable : même les anecdotes les plus privées ou les informations les plus secrètes se sont révélées authentiques. Un peu affabulateur quant à ses propres mondanités, mais bien renseigné tout de même, l'ami Maurice... Il est vrai qu'un certain nombre de ses articles sont inspirés ou paraphrasés d'articles de la presse américaine, et Dekobra n'en fait pas mystère. Il adapte ces articles, les enrichit d'anecdotes biographiques pour présenter à ces lecteurs des personnalités publiques américaines qui ne leur sont pas familières, et y ajoute des commentaires de son crû.
Tout cela fait de "Sept Ans Chez Les Hommes Libres" un témoignage très copieux sur la société américaine des années 40, et permet aussi de réaliser à quel point, dans certains domaines, elle a fort peu évolué. Si la qualité de ces anecdotes est inégale, tout comme l'inspiration de Maurice Dekobra, dont on peut mesurer au fil des mois le changement d'humeur et de motivation, cela reste quand même un ouvrage instructif et dépaysant qui intéressera certainement tous les nostalgiques de cette période de l'histoire américaine.
"Sept Ans Chez Les Hommes Libres" aurait certainement beaucoup gagné en s'attardant d'avantage sur la vie quotidienne de l'Amérique de la première moitié des années 40, mais c'était apparemment le choix de l'auteur, sans doute pour fuir ses propres idées noires en tant qu'exilé, de s'en tenir à une sorte de bottin mondain un peu ironique.
Le morceau de roi de cet ouvrage tient néanmoins surtout dans ses dernières pages. Alors qu'en mai 1946, il s'apprête enfin à reprendre le paquebot pour rentrer en France, Maurice Dekobra s'interroge sur le devenir de l'Europe après la chute du Nazisme, et se projette dans une utopie étonnamment visionnaire sur les futurs Etats-Unis d'Europe, seul remède selon lui pour écraser les nationalismes et les velléités de guerre fratricide ou de solution finale. En dehors de toute idéologie politique, ce qui est remarquable chez Maurice Dekobra, c'est qu'il mesure pleinement la nécessité pour ces futurs Etats-Unis d'Europe de s'aligner entre eux sur le plan économique et libéral. S'il ne peut bien évidemment pas imaginer l'avènement d'une monnaie unique (avant la création de l'euro, la plupart des citoyens des pays d'Europe avaient un rapport affectif, identitaire et historique très fort avec leurs monnaies nationales), il milite ouvertement pour l'ouverture des frontières et la suppression des douanes, afin de faciliter les imports-exports et les voyages internationaux.
C'est dans ce rêve finalement très réaliste et très sage de lendemains qui chantent - et qui chantent en choeur - que l'on mesure tout l'impact du traumatisme qu'a pu être la Seconde Guerre Mondiale pour cet écrivain bien loin de chez lui, et qui fut longtemps un élitiste et un hédoniste qui méprisait les existences modestes des petites gens. La transfiguration du dandy de ces dames, créateur du "roman cosmopolite" colonial, en citoyen européen convaincu et humaniste, c'est sans doute la preuve la plus flagrante que Maurice Dekobra, malgré son exil, a beaucoup été changé par les évènements et qu'il a puisé, lors de son long séjour en Amérique, des idées nouvelles d'unité sociale qui étaient à cent lieues de ses préoccupations de jeunesse. Posant un regard curieux mais lucide sur la jeune société américaine, il en a finalement retenu que ce qui en était remarquable, progressiste et applicable à l'Europe. Quel dommage que nous n'ayons pas su, aussi bien que Maurice Dekobra, faire preuve d'autant de discernement afin de séparer le bon grain de l'ivraie !...
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Si l'exactitude est la politesse des rois, l'ingratitude est la bassesse des peuples.
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