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Citations de Max Blecher (119)


Max Blecher
L’idéal de l’écriture serait pour moi la transposition dans la littérature de la haute tension qui se dégage de la peinture de Salvador Dali. Voilà ce que je veux réaliser – cette démence parfaitement lisible et essentielle. Que les explosions se produisent à l’intérieur des murs de la chambre, et non pas loin entre des continents chimériques et abstraits.
(lettre à Sașa Pană)
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Je ne peux rester insensible aux pitreries car au plus profond de moi-même je trouve toujours un clown et je voudrais intituler ma vie entière «Entrée comique» (tenez, beau titre de roman !) et je voudrais que tous les hommes autour de moi envoient au diable leurs «personnages» pour nous avouer sincèrement qu'ils sont aussi des clowns, qu'ils ne se prendront plus au sérieux, qu'ils iront danser dans les rues tout nus en agitant le «gugusse d'amour». Vive le cirque de tous les jours ! Et puis voici notre instant de repos, le pauvre, celui qui pèse au clown et dont rien ne paraît recommencer. […] je passe pour un type un peu piqué mais amusant [...].
(p. 50-51)
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Poem (Poème)


I

Une auge ton regard porte à l'intérieur puis me la renvoie
chargée du velours des yeux noirs et de diamants
minuscules de combien de rêves ou d'abîmes hier au couchant
un ange s'est pendu dans un instant de bonheur
et ses ailes déchues grincent sous tes pieds sur la
neige tant de fleurs tant de branches tant de doigts.


II

Robe marine dans la coquille du saphir tu t'avances ou tu glisses
embarcation ou acrobate, toi, fleuve vertical au diadème de chevelure bleue, cataracte de fougères ou de cris
et voici qu'une vitre s'incline, ta transparence tu modifies
et tu es une femme morte, un fantôme à la robe marine
dans la coquille du saphir, le palmier tend le bras pour te
saluer, les bateaux font voyager ton sillage et les nuages
transportent vers le crépuscule ta beauté.


*Dédicace spéciale pour mon ami Jipi (jaygatsby).
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– Que me voulez-vous ? demanda Ernest avec beaucoup de calme.
– Vous me demandez ce que je veux ? Vous buvez, vous vous enivrez – vous tirez au fusil… C’est quoi ici, un sanatorium ou un bistrot ?
– Bordel, s’exclama, imperturbable, Ernest. Et de crier à son tour :
– Que voulez-vous ? Qui vous envoie ? Qui a tiré au fusil ? Avez-vous perdu l’esprit ? Vous voyez bien que je viens à peine de me réveiller à cause des coups de fusil, quelqu’un a tiré dans la rue… C’est à moi de jouer aux gendarmes ? Renseignez-vous sur qui a tiré et laissez-moi en paix !
Dans la pièce d’à côté, on cogna au mur pour que cesse le scandale.
– Les coups de fusil venaient d’ici, s’acharnait à nouveau la voix stridente du dehors. Je vais appeler le directeur…
Ernest déverrouilla la porte et, d’un mouvement brusque, l’ouvrit largement.
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Juste en face, sur le banc, de jeunes parents qui emmenaient leur enfant au sanatorium. C’était un garçonnet chétif et pâle, qui portait des habits de marin, et dont la jambe était bandée. Ses bras fins et fatigués pendaient comme ceux d’une poupée de chiffon. Sa mère le tenait dans ses bras. L’enfant promenait du regard une intense expression d’incompréhension à travers la voiture et examinait avec curiosité tous ces inconnus.
La voisine d’Emmanuel, une petite vieille qui portait le deuil, l’interpella soudainement :
– Tu vas à Berck ? demanda-t-elle. Tu es malade ?
Elle criait très fort pour couvrir le double bruit du train et de la conversation généralisée :
– Où est-ce que tu as mal ? Ici ?… Là ?
Elle montra les lombes, ensuite le dos.
– Oui, ici, dans le dos, répondit Emmanuel.
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Max Blecher
[pour un instant]

pour un instant. pour un seul instant l’existence du monde s’arrête et se déroule dans le passé comme au cinéma un film qui est projeté de la fin vers son début. la fumée rentre dans les cheminées. les hauteurs retombent. mes pas me portent à rebours. des regards naissants font demi-tour à l’instar des doigts d’un gant retourné. le noyau du fruit se simplifie s’aplatit se pétalise. le fruit redevient fleur. mon cœur décroît vers la nuit du fœtus et se transforme en sexe.

*

[pentru o clipă]

pentru o clipă. pentru o singură clipă existența lumii se oprește și se desfășoară în trecut ca un film de cinematograf rulat de la sfârșit spre început. fumul reintră în coșuri. înaltul cade. pașii mă poartă înapoi. priviri care porneau se întorc ca degetele manușii răsucite pe dos. miezul fructului se simplifică se turtește se petalizează. fructul redevine floare. inima mea scade spre noaptea fătului și se preface în sex.

(poème en prose posthume, traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
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« – Que ferais-je encore d’une vie ordinaire? Que pourrait-elle encore avoir d’inouï pour moi? Brossage de dents, déjeuner, café au lait le soir, et ça tous les jours, peu importe si dans la journée une catastrophe ferroviaire s’est produite quelque part ou si un membre de ma famille est mort. Plus je me brosserai les dents, plus je prendrai des repas, plus je serai moi-même. Comprends-tu ? Comprends-tu quel animal effroyablement monotone je deviendrai?»
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« L’éréthisme d’un tel homme ne pourrait être autrement que rigoureusement organisé », songea encore Emmanuel avec une infinie tristesse. Une manière comme une autre d’éprouver de l’amour-propre.
(p. 27)
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Promenade marine

(à I. Ludo)

Rouge, le sang marin circule dans les coraux
Le cœur profond des eaux siffle dans mes oreilles
Je suis au fond du cercle de vagues
Dans le cellier des eaux profondes
Dans la lumière assassinée de la funeste bouteille
De petits poissons, jouets de platine
Parcourent ma chevelure flottante
De grands poissons, troupeaux de chiens
Aspirent en vitesse les eaux. Je suis seul
Je lève la main et constate son poids liquide
Je songe à une roue dentée, à un palmier
En vain je tente de siffler
On dirait que je traverse la masse d’une mélancolie
Et qu’il en a toujours été ainsi
Mi-beauté, mi-tristesse.
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Ce qui m’a le plus étonné (absurdement, bien sûr) à Paris, c’est de n’avoir aperçu aucun carrosse avec un malade à l’intérieur. J’ai découvert un jour au coin d’une rue un invalide dans un chariot mécanique et j’ai voulu lui foncer dedans, l’embrasser et le serrer dans mes bras comme si ç’avait été un frère. Mais tu ne sais que trop bien que, dans la vie, précisément les gestes les plus sensés sont interdits.
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C'est donc sans surprise qu'en plein cœur d'une réflexion sur le salut en ce lieu nommé sanatorium, on trouve mentionné pour la première fois le nom de Blecher dans un carnet de Minet : « À Berck, divers moyens de se sauver. Et d'abord, se sauver de quoi ? - De l'ambiance, de l'ample promiscuité. Il me semble que la première perte que l'on fait en arrivant ici est celle de soi-même. Du moins rapidement a-t-on [en marge : ou moi, Blecher, d'autres sûrement] le sens de s'être perdu, de ne se retrouver plus. Après (après que l'on s'est assimilé l'ambiance) l'on s'efforce de se retrouver, justement. On sent que le salut est en soi. D'où la recherche de ce "soi", difficile et trop violemment poussée pour être constante. »
(p. 92-93)
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Pensée

Tes mains sur le piano tels deux chevaux
Aux sabots de marbre
Tes mains sur les vertèbres tels deux chevaux
Aux sabots de roses
Tes mains dans l'azur comme deux oiseaux
Aux ailes de soie
Tes mains sur ma tête
Telles deux pierres pour une seule tombe...

[Gând

Mâinile tale pe piano ca doi cai
Cu copita de marmură
Mâinile tale pe vertebre ca doi cai
Cu copita de trandafiri
Mâinile tale în azur ca două păsări
Cu aripi de mătase
Mâinile tale pe capul meu
Ca două pietre pe un singur mormânt...]
p. 22
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En vain je tente de siffler
On dirait que je traverse la masse d’une mélancolie
Et qu’il en a toujours été ainsi
Mi-beauté, mi-tristesse.
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Amour : phalène
à Geo Bogza
Amour, des noirs ports la phalène
Lumière parfumée des vastes tropiques
Pensée longue et douce de rayon, martyrisant comme la mer
Et l’horizon enflammé, piège hermétique

Amour urbain d’ombres dans des rues à réverbères
Aux secrètes paroles dans la mort ensevelies
Aux pages lentement tournées dans d’inutiles albums
Amour d’après-midi dans de vagues pièces closes

Amour à l’âpre odeur de glaise et de semence sous l’herbe haute
Comme un cheval, de la saison estivale engrossée par les graines
Amour dans des mouchoirs pleuré ou lent, qu’on rit au soleil
À la fine peau blanche ou aux mains vieillies

Amour, réseau du monde dans lequel les gens pris
Dansent : pantins sérieux et fous.
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« – Celle-là appartient à l’équipe de consolateurs professionnels de Berck, dit Isa dès que la porte se referma. C’est une espèce extrêmement abjecte de personnes qui n’ont absolument rien à faire de leur journée et viennent offrir aux malades quantité de charité bon marché. Je bois un thé par-ci, je mange un casse-croûte par-là. Puis elle revient chez elle, rassasiée, la panse remplie et la conscience satisfaite d’avoir accompli une bonne action…»
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Toujours allant de l’avant les ombres de mes pas meurent
Comme la trajectoire d’une comète d’obscurité
Et derrière moi l’asphalte supprime
Ensemble ce que je fus et ce que j’ai songé
Comme un prestidigitateur
Censé escamoter ma vie.
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En bord de mer
Voici ce qu’à la mer tu verras
Les bateaux : des têtes de noyés la cigarette au bec
Rêveurs ils fument et flottent vers Istanbul
En bord de mer les gens : des suicidaires rescapés
Rêveurs ils fument et flânent à la nuit tombée.
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Emmanuel jeta un dernier coup d’œil derrière lui à la petite gare blanche et aux glycines roses aux fenêtres. Quelqu'un tira alors le rideau, faisant ainsi disparaître le paysage, comme si on l'avait coupé aux ciseaux.
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Matérialisations

Puisse le jour me déposer une pierre dans une boîte
Et un papillon en or vitrail sur une fenêtre
Puisse la nuit me laisser une poignée de cristaux
Glaçons de fièvre, poupée pétrie de rêves
Puis-je avoir des objets au cœur empli de vie
Et dans la soie des idées et dans le verre des souvenirs
De tes visites, de sanglants bracelets je voudrais
d’un sourire le collier et l’alliance d’un instant.
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Et puis je crois que les passions sont seules à nous donner une CHANCE d'harmonie, dont vous rêvez tant et dont la notion me pénètre chaque jour davantage, comme un accomplissement et aussi comme une perfection de la reconnaissance amicale que je vous porte pour sa révélation.
(p. 46)
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