Citations de Mazarine Pingeot (322)
La petite fille restera désormais muette. Elle se méfiera de tout enthousiasme, de la fierté en général, de l'exhibition. On lui a appris d'une pierre deux coups à ne pas se revendiquer de son père et à ne pas se mettre en avant.
Ce que vous protégez, c'est la petite fille que vous avez tuée, votre trésor, votre secret. Vous êtes sa sépulture. Vous n'oubliez jamais les fleurs : vous êtes un champ fleuri où les insectes butinent, où les oiseaux batifolent, vous sentez bon, mais le terreau dans lequel poussent les roses est putréfaction.
L'idée ne vous a jamais traversée qu'un secret n'avait d'intérêt qu'à être partagé, sans quoi celui qui le détenait se transformait en tombe. Vous étiez devenue une tombe.
C'est en voyageant qu'on apprend, qu'on s'enrichit. Au lieu de vous enrichir, vous vous êtes vidée.
On évolue dans des milieux d'argent, on a soif d'argent. On veut faire oublier son physique, sa petite taille, on oublie d'être jeune, on oublie de vivre, on se dit qu'on se rattrapera plus tard, que toutes les filles seront à vos pieds quand vous serez puissant. Et on a raison. On se maltraite, on s'oublie, on intrigue, on veut être aimé. La politique devient une gestalt thérapie pour guérir des failles narcissiques, une affaire qui se passe entre soi et soi-même, par défaut d'existence.
L'argent est tabou, on en a suffisamment pour n'en point parler, on n'en cherche pas davantage.
On a fini par oublier que la langue pouvait être un vecteur d'enthousiasme – elle est devenue soit technique (les experts), soit communicante (le parler vrai ou le politiquement correct). Il a fait de la destruction du langage un style, comme la vulgarité peut être un style.
Une mère n'apprécie peut-être pas de voir son enfant grandir ?
La philosophie, ça sert à rien et aucun philosophe ne porte de Rolex, à part peut-être Michel Onfray et Luc Ferry qui pourraient se l'offrir, mais qui a dit que c'étaient des philosophes (à part eux-mêmes) ?
On n'a pas le droit de détester son père quand il revient. On n'a pas le droit de détester son père. Vous finissiez par vous persuader que vous n'aviez pas de cœur ; l'hypothèse est plus rationnelle que celle du fantôme qui s'incarne.
On doit être heureux quand son père revient. Mais vous étiez indigne de lui ; parfois, vous ne croyiez même plus en son existence.
Vous viviez un peu comme les agents de la DST ou des services secrets anglais que vous voyiez dans les films : vous aviez plusieurs identités et deviez passer de l'une à l'autre sans vous tromper. Ce métier qui en fait fantasmer plus d'un vous semble le pire cauchemar éveillé. Vous savez, vous, qu'une telle vie rend schizophrène, ou fou, ou paranoïaque.
Les rares fois où vous vous êtes retrouvée à ses côtés, dans l'« espace public », vous partagiez des regards de connivence, qui protégeaient votre secret, mais il demeurait le Président, et il vous était interdit de lui sauter dans les bras. À l'école, il appartenait à tout le monde, on pouvait commenter ses faits et gestes. Vous n'aviez pas de longueur d'avance sur les autres, vous étiez à leur niveau. Quand vous entendiez quelqu'un le critiquer, néanmoins, vous souffriez plus que les autres. C'était votre seul privilège.
Dans cette bataille qui s'engage, mon véritable adversaire n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c'est le monde de la finance
Elle s'appellera Esther ? Non, Madeleine, c'est plus sûr".
Tu n'es pas masochiste,mais tu ne peux plus vivre depuis que tu sais.
Est-ce par arrogance que tu désires la faire tienne cette souffrance qui écrase l'humanité entière en même temps que toi même?
Tu te demandes si le statut de victime à une si grande échelle a changé quelque chose à l'espèce humaine.
Tu as cru que la pensée pouvait beaucoup,comme atténuer,calmer,soulager, et accepter peut-être.
Tu comprends que l'ascète est un jouisseur pervers,qu'il a fait du plaisir le but de sa vie et qu'il y a ajouté la satisfaction du contrôle.