Michael Christie

Mais pourquoi attendons nous de nos enfants qu'ils mettent un terme à la déforestation et à l'extinction des espèces, qu'ils sauvent la planète demain, quand c'est nous qui, aujourd'hui, en orchestrons la destruction ?

En s'écoutant parler, elle se demande s'il est cruel de décrire l'imminence de la fin du monde à un homme qui vient juste de le retrouver après une aussi longue absence.

De nos jours, on parle beaucoup d'arbres généalogiques, de racines, de liens du sang, etc., comme si les familles existaient de toute éterníté et que leurs ramifications remontaient sans discontinuer jusqu'à des temps immémoriaux. Mais la vérité, c'est que toute lignée familiale, de la plus noble à la plus humble, commence un jour quelque part. Même les arbres les plus majestueux ont d'abord été de pauvres graines ballottées par le vent, puis de modestes arbrisseaux sortant à peine de terre.
Nous le savons avec certitude parce que, la nuit du 29 avril 1908, une famille a pris racine sous nos yeux.

Au lieu de l'anéantir, l'echec de son mariage lui apprit qu'il était insensé d'attelé sa vie entière au cheval d'un seul homme.

Un arbre entièrement scié qui ne tombe pas est l’une des choses les plus dangereuses qui soient.

Bon sang, ça m'avait manqué, dit Silas quand ils se retrouvent de nouveau côte à côte sur le sentier élargi. Le soleil, l'oxygène, la terre, l'eau..Les matières premières de la vie.

Ce que l'expérience lui a appris, c'est que plus les temps sont durs, plus nous nous comportons mal les uns envers les autres. Et ce que nous avons de pire à offrir, nous le réservons à notre famille.

Même lorsqu’un arbre est au plus fort de sa croissance, seulement dix pour cent de ses tissus – les cernes externes, ou aubier – peuvent être qualifiés de vivants. Tous les cernes du duramen, eux, sont morts : de la cellulose doublée de lignine qui s’est accumulée, année après année, couche après couche, pendant les sécheresses comme pendant les orages, les maladies et les agressions – tout ce que l’arbre a vécu, préservé et consigné dans son propre corps. Chaque arbre est tenu par son histoire, par l’ossature de ses ancêtres. Et depuis que le journal est parvenu jusqu’à elle, Jake comprend que sa propre vie est étayée par des couches invisibles, structurée par les vies qui l’ont précédée. Et par une série de crimes et de miracles, d’accidents, de décisions, de sacrifices et d’erreurs auxquels elle doit d’habiter ce corps et cette époque-ci.

Rien ne dispose plus au calme qu’un vieil arbre. Il inspire la déférence, comme un funambule fige le public sous lui tout en bas, comme une église apaise jusqu’aux non-croyants qui s’y aventurent.

Pourquoi les gens sont-ils programmés pour vivre juste assez longtemps pour accumuler les erreurs, mais pas pour les réparer ? Si seulement nous étions comme les arbres, se dit-elle en passant les grilles de la demeure de son père pour la dernière fois, le bébé bien attaché sur le siège passager à côté d’elle. Si seulement nous avions des siècles devant nous. Peut-être alors pourrions-nous redresser tous les torts que nous avons causés.

Dans l’absolu, Jake est libre de mentionner les orages de poussières endémiques, mais la politique de la Cathédrale est de ne jamais en évoquer la cause : le Grand Dépérissement – la vague d’épidémies fongiques et d’invasions d’insectes qui s’est abattue sur les forêts du monde entier dix ans plutôt, ravageant hectare après hectare.

Elle a déjà entendu parler de l'agriculture comme d'une activité paisible, alors que, dès le départ, elle-même a fait la guerre à sa terre. Elle l'a retournée, déchirée, aplatie. Et la terre lui a appris des choses que la bienséance ne tolérerait pas qu'on répète. Notamment ceci : le véritable objectif de Dame Nature est de nous renvoyer à la poussière dont nous sommes issus, aussi vite que possible.

Jack prend le carnet, la poitrine parcourue d'un picotis de ravissement, et l'ouvre. De la couverture reliée, craquelée par endroits et mouchetée de mauve, monte une odeur de gibier. Des fragments d'herbe et une très fine poussière tombent des pages noircies de suie quand elle les tourne, révélant paragraphe après paragraphe une écriture soignée- visiblement un journal intime, malgré l'absence de dates. Le papier lui-même a la couleur des amandes grillées. Il s'en dégage une robustesse qui date d'un temps où les arbres, en nombre illimité, étaient une ressource inépuisable. Un temps où l'on épongeait ce qu'on venait de renverser avec un rouleau entier d'essuie-tout et où l'on imprimait l'entièreté de sa thèse sur les seuls rectos d'une grosse pile de papier blanc comme neige.

Il est nimbé d'une tristesse grise et ses yeux sont si profondément creusés qu'une chouette pourrait s'y nicher. P481

Willow se demande bien comment, aujourd'hui, on peut encore croire au changement politique à l'ancienne.

Quand le président des États-Unis ment éhontément, quand la pluie attaque la peau, quand la nourriture est empoisonnée, quand les guerres n'en finissent jamais et que les êtres vivants les plus anciens de la planète sont abattus pour être transformés en bâtonnets de glace.

"Ce vieux système est à l'agonie, Harris. Et si tu veux mon avis, ceux qui tiennent les rênes du pouvoir méritent de tomber les premiers avec lui."

-Les pluies acides, l’inflation galopante, les violences policières contre les étudiants, l’abrutissante conformité, l’effondrement économique imminent, la surpopulation, la banlieusardisation, l’extinction des espèces, la déforestation aveugle – ce monde n’a pas besoin qu’un vampire de plus vienne contribuer à sa destruction.

A mesure que succombent et disparaissent les forêts primaires partout sur le globe, le sol se dessèche faute d’arbres pour protéger la terre des rayons du soleil implacables, ce qui entraine la formation de nuages de poussière assassins, dont les particules extrêmement fines étouffent la terre – exactement comme dans les années 30 lors de cet épisode de grande sécheresse.

Le meilleur moment pour planter un arbre, c’était il y a 20 ans. À défaut de quoi c’est maintenant.

Que sont les familles, sinon des fictions ? Des histoires qu'on raconte sur certaines personnes pour certaines raisons ? Comme toutes les histoires, les familles ne naissent pas, elles sont inventées, bricolées avec de l'amour et des mensonges et rien d'autre.

Si vulnérable que soit un bébé, il est aussi un genre d'armure : elle voudrait avoir son fils dans les bras, ne serait-ce que pour mettre quelque chose de substantiel entre elle et cet homme qui jauge les vêtements qu'elle porte et l'écart entre la réussite du père et l'échec de la fille.