Citations de Michaïl Lermontov (169)
Le Démon
Extrait2
Errant sans but et sans asile
Dans le Désert de l’infini
Voilà longtemps que le Banni
Voit s’enfuir les siècles stériles
Emportés d’un essor fatal.
Sur notre monde de souffrance,
Sur la Terre, il répand le mal
Sans effort et Sans jouissance.
Mais la servile Obéissance
Des humains enfin laisse En lui
L’ennui du mal, le pire Ennui.
…
Dans les espaces azurés, un des anges de Dieu volait en agitant ses ailes d’or ; et dans ses bras il emportait de la terre une âme pécheresse.
Dans ce cri il y avait de tout, de l’amour, de la dou- leur, un reproche avec une dernière prière, un adieu sans espoir, un adieu en pleine jeunesse !...
Ma douleur à moi est constamment là et comme moi elle ne finira ja- mais et ne trouvera jamais le sommeil de la tombe ! tantôt elle se glisse en moi comme un serpent ; tantôt elle me brûle et luit comme une flamme ; tantôt elle pèse sur ma pensée comme le lourd rocher des passions et des espérances perdues. Mausolée indestructible
Vivre pour soi seul ; être un objet d’ennui pour soi-même ; et traverser cette éternelle lutte sans noblesse et sans espoir de réconciliation. Toujours regretter et ne rien désirer : tout savoir, tout ressentir, tout voir, détester tout ce qui est contraire à mes désirs et tout mépriser dans le monde.
Dès le commencement du monde ton image fut gravée dans mon âme ; elle se montrait à moi dans les immensités désertes de l’espace.
j’ai fièrement arraché de ma tête criminelle ma couronne d’infamie, et j’ai jeté tout le passé dans la pous- sière. Mon paradis et mon enfer sont dans tes yeux ! Je t’aime d’un amour qui n’a rien de terrestre et comme tu ne pourrais aimer toi-même. Je t’aime avec tout l’enivrement et la puissance de la pensée et du rêve immortels.
Je suis celui que tu écoutais dans le calme des nuits ; celui dont la pensée parlait doucement à ton âme ; celui dont tu voyais l’image dans tes songes et dont tu devinais la tristesse avec peine.
On aurait dit un ange descendu ici-bas mystérieusement, qui venait en visiter un autre oublié et qui lui parlait du passé, afin d’adoucir sa souffrance !
Pour elle tout l’univers est couvert d’une teinte sombre, et tout y est pour son âme une cause de souffrance, et la lumière du jour et les ténèbres de la nuit. Aussi, dès que la fraîcheur du soir vient endormir la terre, elle se prosterne devant l’image de son Dieu et fond en larmes.
parfois, quand la nuit des- cendait dans les défilés de la montagne, la lumière de la lampe de la jeune religieuse, passant à travers les fenêtres de sa cellule, venait se jouer au milieu d’eux.
Sous la voûte obscure du temple une image qu’elle connaissait bien glissait de temps à autre sans bruit et sans laisser de trace. Elle rayonnait doucement comme une étoile à tra- vers la fumée transparente de l’encens, lui faisait signe de la main et l’appelait : Mais où ?...
: un nouveau venu sombre et silencieux, res- plendissant d’une beauté immortelle, se penchait vers son chevet et son regard se fixait sur elle avec un tel amour, une telle tristesse, qu’il semblait avoir pitié d’elle. Ce n’était point un ange des cieux, ni son divin gardien
Les rayons tremblants de la lune se jouant parfois tout doucement à travers une atmosphère humide, peuvent à peine être comparés à ce sourire animé comme la vie, comme la jeunesse.
pour eux l’avenir est vide de désirs et le passé sans regret.
Le mal donne naissance au mal ; la première souffrance nous suggère l'idée du plaisir de tourmenter autrui. L'idée du mal ne peut pénétrer dans la tête d'un homme sans qu'aussitôt surgissent en lui le désir de la réaliser.
Chanson
La cloche se plaint
Et la vierge pleure,
Les larmes coulent sur ses joues.
Par la force,
Oui la force,
On la retient loin du monde enfermée,
Là où la vie est sans espoirs, la nuit sans rêves ;
Ainsi va mon cœur
En mon sein troublé,
Il va battant, battant, battant.
Le destin,
Le destin
A voulu que de lui j’arrache mon amour,
Et que j’oublie la bien-aimée, quoi qu’il advienne.
Mort, éternité,
Existence ou perte,
Pour elle et pour mon cœur qu’importe !
En mon cœur
Comme en elle
Il n’est qu’une douleur, il n’est qu’une espérance :
Lui va vers le bonheur, elle vers la lumière
Le monde ne tolère en son sein rien de fort, de vibrant, rien qui puisse dénoncer du caractère et de la volonté : il faut au monde les vaudevilles français et la soumission russe à l'opinion d'autrui.
LA PRINCESSE LIGOVSKOÏ, Chapitre I.
...mais en nous éloignant des conventions sociales et en nous rapprochant de la nature, nous redevenons malgré nous des enfants : tout ce que nous avons acquis se détache de l'âme, et celle-ci redevient telle qu'elle était jadis, telle qu'elle sera un certainement jour.
Aujourd'hui, je me suis levé tard. J'arrivai au puits : il n'y avait plus personne. Il commençait à faire chaud; de petits nuages blancs duveteux fuyaient rapidement les montagnes enneigées, promettant un orage; la tête du Machouk fumait comme un flambeau éteint; autour de lui s'enroulaient et rampaient, comme des serpents, des lambeaux gris de nuages, retenus dans leur élan et comme enchaînés par ses buissons épineux. L'air était chargé d'électricité. Je m'enfonçai dans une allée bordée de vigne qui conduisait à la grotte; j'étais triste. Je pensais à cette jeune femme au grain de beauté sur la joue, dont m'avait parlé le docteur. Pourquoi est-elle ici ? Et est-ce bien elle ? Et pourquoi crois-je que c'est elle ? Pourquoi en suis-je même si sûr ?... y a-t-il si peu de femmes qui aient des grains de beauté sur les joues !