Cet été j'ai poursuivi le travail d'exploration des rayons arrière de ma bibliothèque. J'y ai retrouvé La montagne morte de la vie, de Michel Bernanos, le fils de Georges.
Paru chez Jean Jacques Pauvert en 1967, le roman a été réédité par le Livre de Poche en 1977, dans la collection Fictions dirigée par Michel Demuth et Jean-Baptiste Baronian. Je me souviens encore de ma surprise lorsque j'ai lu le nom Bernanos dans cette collection. Je pensais bien entendu au père, Georges et c'est seulement en rentrant chez moi que je me suis aperçu de ma bourde.
Bizarrement le livre est dédié à l'actrice Maria Mauban (1924-2014), la mère de Jean-Claude Dauphin.
Michel Bernanos s'est suicidé le 27 juillet 1964 dans la forêt de Fontainebleau, il était âgé de 41 ans.
La Montagne morte de la vie est le roman titre d'un cycle de trois oeuvres présentées comme les oeuvres majeures de l'auteur.
Un jeune homme de dix-huit ans, « un soir, après boire, » se retrouve à « signer un engagement d'une année sur un galion. »
En bute aux brimades de l'équipage il trouve refuge auprès de Toine le vieux cuisinier : « Va chercher ton hamac, tu dormiras avec moi à la cuisine. Tu seras toujours mieux qu'avec ces voyous. »
Pour fuir cet environnement hostile, le héros s'isole dans le spectacle immense de la mer :
« le navire (…) et son beaupré donnant l'illusion d'éperonner l'horizon semblait voler. »
« la brise légère (…) me faisait penser aux caresses de ma mère, du temps où je n'étais encore qu'un tout petit enfant. »
« (…) le galion faisant jaillir des gerbes de gouttelettes où se mêlaient de minuscules arcs-en-ciel. »
Il passe ses nuits « (…) à guetter les étoiles nouvelles qui s'élevaient de l'horizon pour s'installer dans la sombre voute céleste sous la garde immobile de la Grand Ourse. »
Le dernier paragraphe du voyage en galion sonne comme une réminiscence du poème de Jose Maria de Heredia, les Conquérants (fatigués de porter leur misère hautaine) :
« Les hommes devenus silencieux étaient pour la plupart allongés sur le pont digérant leurs crimes. Certains fixaient devant eux des yeux hagards, remplis de vide, comme s'ils avaient voulu chercher l'oubli dans le lointain, là où le jour pur marquait l'aurore. »
Pour le héros, le voyage en galion est un parcours initiatique. Il y est seul, sans défense face à un équipage qui veut le plier à ses volontés. Il s'abrite derrière une autorité naturelle, celle d'un vieux cuisinier respecté. Mais ce dernier lui apprends que dans l'adversité, il convient d'oublier les querelles et de faire cause commune y compris avec ses anciens tortionnaires.
« (…) j'appris par la suite à mes dépens que l'homme est vulnérable devant la souffrance, comme devant la joie. »
Le héros et Toine, le cuisinier, se retrouvent seuls, ils abordent sur une terre au relief étrange, dominée par un soleil rouge « Autour de nous, la roche avait cette même couleur rouge (…) »
Commence alors un deuxième parcours initiatique, la progression vers le sommet d'une montagne, progression au sein d'un environnement inconnu, plantes carnivores, forêt vivante, village aux habitants pétrifiés.
Le roman de Bernanos renvoie à notre propre expérience de la vie, à nos peurs, à la recherche de certitudes, à nos déceptions devant l'homme, aux épreuves qui nous font devenir des humains consentants.
En terminant cette deuxième lecture, près de 40 ans après la première, je reste avec la même impression amère quant au sens de la vie et à notre présence sur terre.
A lire, à condition de ne pas sombrer.
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