AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Michel Bernanos (43)


Le petit port, avec ses quelques maisons sur pilotis et son ponton lui servant de quai, prenait à leurs yeux l'aspect d'une capitale. Des hommes les saluèrent de la main. Ils débarquèrent entourés du respect qu'inspirent les gens venant de loin à ceux qui ne s'éloignent jamais de chez eux.
(page 101)
Commenter  J’apprécie          330
Je venais tout juste d'atteindre mes dix-huit ans, lorsqu'un soir, après boire, la main d'un ami guida la mienne pour signer un engagement d'une année sur un galion.
Mes souvenirs relatifs à ce qui devait être le départ d'une aventure effroyable, sont très vagues, pour ne pas dire nuls. En fait, je ne repris vraiment contact avec la réalité, que le lendemain matin. Ma surprise fut grande, alors, de me retrouver couché de tout mon long sur la dure, accueilli par le bleu du ciel profond.
J'aperçus ensuite des voiles que gonflait doucement un vent léger, puis les petites taches blanches de la mer en mouvement se multipliant jusqu'au bout de l'horizon.
Au comble de l'étonnement, je regardai autour de moi, quantité de cordages s'y trouvaient lovés, des cordages pareils à ceux que j'avais vus si souvent sur les ponts des navires en escale...
(extrait du chapitre premier)
Commenter  J’apprécie          110
La mer était devenue d'huile, le ciel d'une étrange profondeur, et, par-dessus tout, planait un formidable silence. Notre mât observait une immobilité totale. Il se dégageait de cette ambiance quelque chose de maléfique impossible à définir. J'avais, pour ma part, l'impression d'être englouti dans une grotte aux dimensions sans limites, dont les voûtes auraient été parsemées d'énormes vers luisant vitrifiés dans leur vie comme dans leur propre lumière.
Commenter  J’apprécie          100
Je regrette vraiment pour toi, petit, de te voir avec moi dans mon cauchemar d'homme éveillé. Mais il faut bien que tu comprennes que si nous commençons à nous affoler, c'est contre nous que nous travaillons ! Ici, tout est inexplicable. Et ne compte surtout pas trouver la solution. Comme partout, la mort rôde avec la vie. Mais ici, un peu plus qu'ailleurs, c'est tout !
Il me disait cela pour me tranquiliser. Mais tandis qu'il me parlait, je sentais monter en moi la solitude. Toine sans la peur, je le voyais bien, prenait le chemin de l'acceptation. Et je me demandais si l'étonnement que je lisais sur ses traits n'était pas celui de n'être pas mort. Le vieux coeur de mon compagnon était fatigué, et j'étais persuadé qu'il ne continuait à battre que pour son jeune ami.
Commenter  J’apprécie          80
Tu n'avais pas l'impression, toi, qu'on regardait au travers d'un suaire qui aurait enveloppé nos corps morts ?
Commenter  J’apprécie          60
Je m'approchais de l'une de ces fleurs d'espèce inconnue. Elle était blanche, curieusement dentelée de mauve, et son cœur était jaune. À mon approche, elle se referma très lentement. J'acquis soudain la certitude qu'elle s'avançait vers moi. Pris de panique, je reculai précipitamment. Il était temps. Après s'être rouverte brusquement, elle s'inclina vivement, et, comme un filet de pêche, se plaqua au sol à l'endroit même où je me trouvais seulement quelques secondes plus tôt. Il y eut alors un affreux bruit de succion, puis la fleur se referma à nouveau et reprit très lentement sa position première. De l'endroit qu'elle avait un instant couvert de ses pétales, il ne restait rien, que la terre.
Commenter  J’apprécie          60
Vers le milieu de la journée, nous vîmes avec terreur apparaître d'effroyables animaux. Véritablement monstrueux, ils ressemblaient à des méduses, mais avec cette particularité que leur ombrelle était curieusement piquetée de rouge (ce qui contribuait à les rendre encore plus repoussants), et qu'ils atteignaient au moins dix mètres de diamètre, ou encore à des pieuvres aux tentacules de la grosseur d'un tronc d'arbre. Ils se multipliaient d'une façon inquiétante et nageaient entre deux eaux, donnant bientôt, par leur nombre, l'illusion d'un immense drap sanguinolent s'étirant interminablement.
Commenter  J’apprécie          60
L'homme est avant tout un lâche souvent préoccupé de trouver une excuse à sa lâcheté.
Commenter  J’apprécie          60
Et apprends qu’ici y a pas de Monsieur ! Je suis le vieux Toine ; le cuistot. J’ai justement besoin d’un aide. Si ça te chante, je te prends. J’ai ni bon cœur, ni mauvais cœur. Mais, avec moi, tu mangeras toujours à ta faim ; et, dans la vie, manger c’est le principal.
Commenter  J’apprécie          50
Çà et là, des statues surgissaient peu à peu de l'ombre. Il y en avait des quantités, dans des attitudes différentes. Leurs traits étaient effrayants, torturés, remplis d'angoisse. Comme si le sculpteur eût voulu les modeler dans une unique souffrance, ne tolérant à ses grandes mains de maître que la mort hideuse de la peur. Leurs corps étaient saisissants : hommes, femmes, chacune de leurs lignes, qu'elle fut grossière ou élégante, ressortait, donnant l'impression d'avoir été moulée à même la pierre.
Commenter  J’apprécie          40
Le galion était irrésistiblement attiré par le centre du gouffre. Il tournait de plus en plus vite, et nous dûmes nous étendre sur le dos. Bientôt la force centrifuge devint telle, du fait de la vitesse constamment croissante de la rotation, que nous nous retrouvâmes littéralement collés au pont. Et celui-ci se tenant pour ainsi dire à la verticale, nous avions l'effroyable impression d'assister à notre supplice debout, au garde-à-vous. Le ciel, au-dessus de nos têtes, ne nous apparaissait guère plus large qu'une paire de mains.
Commenter  J’apprécie          40
Au bout d’un long moment de pénible descente. Nous sentîmes sous nos pieds le contact d’un rocher. Il était énorme, et avançait assez loin dans le vide. Nous nous mimes a plat ventre et rampâmes jusqu’à ce que nos regards puissent plonger dans l’abime. Nous pûmes cette fois en apprécier la profondeur extraordinaire, grâce a plusieurs feux allumes qui en éclairaient le fond.
« Avez-vous une idée de ce que cela peut vouloir dire ? » demandai-je à Toine.
Commenter  J’apprécie          30
Aussitôt, le vin coula à flots, faisant grossir les rires et s'accentuer les traits, tandis que les mains d'abord timidement caressantes se faisaient plus pressantes. Lorsque l'horizon eut rejoint le soleil, les femmes à demi-nues se pâmaient de désir. Les hommes, saoulés à mort, le vin leur dégoulinant sur le menton entreprirent de les calmer à même les longues tables d'olivier, et leurs ardeurs décuplées par l'alcool montèrent la joie de leurs compagnes jusqu'aux cimes douloureuses de la jouissance.
Commenter  J’apprécie          30
Bien sûr, mon angoisse était loin de m'avoir quitté, mais j'avais fini par m'habituer à elle, et je pense que c'est cela le courage.
Commenter  J’apprécie          30
Je m’étais endormi, comme il m’arrivait souvent, sans m’en rendre compte, et il me semblait entendre Toine frapper du pied à mes côtés et grincer des dents d’impatience, sans doute parce que je ne m’éveillais pas assez vite à son gré. Mi-furieux, je me soulevai enfin sur un coude et grognai :
– Ça va, ça va, je me lève.
Mais ma colère s’évanouit lorsque je vis Toine, ou plutôt son ombre, se pencher sur moi en chuchotant :
– Tais-toi, petit, et regarde !
L’intonation qu’il employa – celle qu’on ne trouve que pour les belles choses qui vous intimident – me fit plus d’effet qu’un coup de pied lancé dans mes reins, car ce n’était pas précisément le genre de Toine de se pâmer d’admiration devant quoi que ce soit. Je me mis donc debout, chuchotant à mon tour :
– Qu’est-ce qu’il y a ?
En même temps, je fixai mon regard droit devant moi. Ne voyant que la forêt sous la couleur argentée de l’aurore blême, je me retournai vers Toine :
– Ben quoi, ce n’est que le jour qui se lève !
– En pleine nuit ? Tu as déjà vu, toi, petit, le jour se lever la nuit ? En plus, dans cet endroit où y a jamais de lune ? Et puis tu sais bien que le jour, ici, est rouge !
C’était vrai, comment avais-je pu l’oublier ! Mais alors, qu’allait-il encore se passer ? Je sentis mon sang se glacer lorsque le bruit que j’avais pris dans mon sommeil pour Toine frappant du pied avec colère se fit de nouveau entendre. Je m’accrochai au bras de mon compagnon.
– Vous entendez ? fis-je à voix basse.
– Oui, petit, me répondit-il d’un ton étrangement calme. On dirait qu’un cœur de géant bat sous nos pieds.
Commenter  J’apprécie          30
Juste à cet instant, il y eut un cri effroyable. Nous nous précipitâmes sur nos hublots, et nous assistâmes alors à la scène la plus hallucinante qu'il soit donné de voir. Des hommes surexcités, à l'aspect d'outre-tombe, se tenaient face à face, leurs couteaux en main. Bien que tout juste portés par leurs jambes, ils tentaient avec des gestes maladroits de s'entr'égorger. Animalisés, ils ne songeaient plus qu'à tuer après avoir pleurer pour vivre.
Commenter  J’apprécie          30
Et, le premier, il franchit l'orée du bois. Quel ne fut pas alors notre saisissement de voir les fleurs fuire à notre approche, avec l'élégance et la légèreté des biches. Devant cette chose surprenante digne d'une optique de fou, nous nous arrêtâmes net. Les fleurs s'arrêtèrent aussi .
Commenter  J’apprécie          20
Tu n'avais pas l'impression, toi, qu'on regardait au travers d'un suaire qui aurait enveloppé nos corps morts ?
Commenter  J’apprécie          20
Le seul souvenir qu'il me reste, depuis des siècles que je vis dans la pierre, est le doux contact des larmes sur un visage d'homme.
Commenter  J’apprécie          20
Le seul souvenir qui me reste, depuis des siècles que je vis dans la pierre, est le doux contact de larmes sur un visage d'homme.

(p.567)
Commenter  J’apprécie          20



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Michel Bernanos (145)Voir plus

Quiz Voir plus

L'Odyssée

Comment s'appelle l'île sur laquelle vit Ulysse?

Calypso
Ithaque
Ilion
Péloponnèse

10 questions
2546 lecteurs ont répondu
Thème : L'Odyssée de HomèreCréer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..