Depuis la Révolution et son culte de la liberté pour lutter contre la tyrannie des rois, l’héroïsation touche les plus humbles citoyens. Exit la seule gloire réservée aux maréchaux, aux généraux, aux nobles, la nation doit être reconnaissante à tous ceux qui ont pris les armes pour lutter contre l’oppression, héros de ces nouveaux temps.
La Révolution et les guerres qui ont suivi, n’inventent pas vraiment le héros, mais elles le massifient. Cette massification et sa représentation ne se fait pas sans arrière-pensée, et est source d’engagement aussi. Lesquels sont-ils ? Et comment depuis la Révolution les discours ont évolué ? Car si les combats sont toujours source de souffrance, la prise en compte des héros, à, elle changeait.
La figure du héros :
Mais tout d’abord avant d’aller plus loin, il convient de s’interroger sur qu’est-ce qu’un héros ?
Pour la Révolution, c’est ce soldat qui a pris les armes contre l’oppression des rois des diverses monarchies d’Europe, et qui n’a pas hésité a exalté son amour de la patrie et de la liberté malgré les blessures qui l’ont touché : « j’ai un bras de moins, mes amis, mais ce n’est rien, vive la République. ». Pour la Révolution, c’est aussi celui qui a donné sa vie, et sacrifié ses intérêts pour le plus grand nombre.
En ce qui concerne la grande guerre (14-18), les auteurs vont nous montrer que ce n’est pas franchement différent, mise à part que l’ennemi a changé. En effet, le patriotisme qui triomphe depuis le 19ème siècle historien (on va dire que ça commence à la Révolution même si d'autres le font commencer en 1815), n’a pas vraiment changé durant ce siècle et il arrive en 1914 aussi puissant qu’il était alors, puisque l’enseignement l’inculquait dès le plus jeune âge. Et à cette époque comme avant, on n’apprécie toujours autant ce soldat héroïque qui ne demande qu’à combattre l’ennemi malgré ses douleurs et ses membres arrachés.
"L’École républicaine, laïque, gratuite et obligatoire depuis 1881, est par ailleurs un pilier de la culture patriotique devenue la religion commune de la France au-delà des divergences sur le régime. Les cours d'histoire axés sur les conquêtes napoléoniennes et de grandes figures militaires républicaines [...], les lectures mettant en scène des héros d'un autre temps (mythe gaulois de Vercingétorix [...]), l'exercice physique et militaire, la création de bataillons scolaires dans les écoles primaires de garçons (1882) ont contribué à fonder l'imaginaire de l'héroïsme martial. On distribue aux petits écoliers des carabines en bois et des exercices de tir réels sont pratiqués sous les préaux des écoles. [...] L'Ecole défend une vision patriotique et humaniste, exalte le soldat héroïque, fustige l'ennemi à partir de 1915, mais n'encourage pas la guerre, ni la violence. Plus que tout elle participe au deuil collectif que vit la France. Dès 1916, l'hymne de Victor Hugo, "Aux morts pour la patrie", résonne unanimement dans les écoles de France comme une nouvelle Marseillaise." P. 31-32
Cette figure du héros qui va combattre par amour pour la patrie, les images du héros, les légendes qui vont avec – même si on n’ignore pas l’exagération de certaines histoires – sont appréciées avec ferveur à toutes les époques et servent la propagandes, mais quid de la réalité derrière cette image ?
On s’en doute déjà, cela n’a rien à voir, mais on va en apprendre un peu plus surtout si, comme nos auteurs, on compare les époques pour mieux voir l'évolution.
En effet, on peut déjà noter une nette différence sur l’appel à combattre entre la Révolution et 1914. Fruit d’une longue élaboration, la circonscription fonctionne bien mieux en 1914 que lors de la période révolutionnaire, par conséquent en 1914 les volontaires sont bien moins nombreux que lors des guerres révolutionnaires, et peu partent avec enthousiasme. Même s’il existe pour 14-18 des exemples de soldats qui se sont engagés bien volontairement et avec toute la fougue de leur jeunesse pour défendre la patrie, comme le plus jeune soldat français Corentin Jean Carré.
On peut ensuite souligner, que pour ces martyrs de la sauvagerie, la légende du héros est douloureusement teintée de réalisme et donc loin de la propagande. Non, le héros ne demande pas à retourner au combat, il redoute au contraire d’y « retourner se faire casser la gueule » comme l’écrit une main anonyme sur un journal de l’époque. Non, il n’est pas souriant à l’extrême comme l’indique plusieurs illustrations, acceptant son sort avec sourire. Le retour est en effet particulièrement douloureux, même s’il existe chez certaine personne une fierté de montrer sa blessure. Du moins de ne pas la cacher. Et non, les images de propagande de l’époque, ne représentent pas la réalité du soldat.
Rien de nouveau pour ce dernier point je vous l’accorde, mais ce qui a été intéressant à découvrir c’est de voir l’évolution dans le temps de la représentation du soldat. Car en effet, les diverses représentations n’ont pas toujours été « propre », par exemple, à l’époque révolutionnaire les mutilés sont exposés avec gloire. Certes pour valoriser le discours révolutionnaire, mais ils ne sont pas cachés et on les valorise même lors des assemblées. Néanmoins, avec le temps, déjà avec les guerres napoléoniennes, les auteurs vont souligner que la représentation de la réalité va changer peu à peu d’objectif ou de modèle.
Avec la Première Guerre mondiale, on peut représenter des morts, mais seulement des morts allemands ; on peut représenter des blessés pour mettre en avant la prise en charge médicale ou se moquer des ennemis qui ne savent pas tirer, mais on ne peut pas représenter la désintégration des corps pour la réalité, car la guerre exige beaucoup de mensonge, un moral d’acier et une unité. Notons que se rejet des mutilés va aussi s'exprimer sur les monument aux morts.
"A travers le thème de la blessure, la presse insite surtout, sur la modernité des structures sanitaires au début de la guerre, les abulances et les trains. Plutôt que de montrer le drame humain, on préfère illustrer le conflit sous un jour pittoresque (la vie dans la tranchées par exemple), louer les chefs militaires, saluer les actes héroïques des poilus. Tout ce qui a trait à la souffrance est atténué, caché, au point de livrer des images quasi mensongères." P.116
Toutefois certains peintres, comme le peintre allemand Otto Dix, vont les représenter eux et leurs misères. Par ailleurs, il est intéressant de noter que les mutilés de guerre ne sont pas absents des cérémonies du souvenir et sont présents « comme les représentants du pacifisme » selon l’historien V. Auzas. Même si ceux présents lors du traité de Versailles, représentent clairement un sentiment anti-allemand et le prix de la victoire justifiant le sacrifice et les réparations.
Et après la guerre ? :
Nous avons vu la propagande et ce qu’elle cachait autour des soldats lors des conflits. Nous avons vu la réalité derrière la propagande. La paix revenue, que faire maintenant de ces corps et esprits mutilés ? La prise en charge du soldat ne date pas de la Révolution, l’Hôtel des Invalides mis en place par Louis XIV le prouve. Mais la Révolution abolissant l’Ancien Régime, que reste-t-il de cette aide ? Comment s’exprime sa bienfaisance ?
(Suite blog)
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