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Citations de Michel Deguy (99)


Montagnes célestes
le plus loin devient le plus haut
le très loin le très haut

L'en-même temps du haut et bas
égalise le bas le haut de bas en haut:
étapes sages de la montée du Mont

Une passerelle très légère
d'une seule phalange ajointe
les monts très séparés
voisins d'abîme

Les branches les mousses même
font idéogrammes
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Le Golfe



Le long été commence où croît et décroît l’ambition

Je vis au niveau des éruptions stridentes des sauterelles

Et parmi les insectes de papier que disperse le vent

Il y a du seigle sur les genoux de l’écrivain et dans son dos

pleuvent les blés

L’oreille appliquée à la terre entend son sang

Il est le désoeuvré



La roue du paysage tourne sous le triomphe du soleil

Les raies blanches du ciel convergent au-delà de la terre

Les îles s’effilochent, la marée décèle des ruches d’algues couleurs

de débris

Où fermentent des invertébrés

Vois toute la rotation horizontale du golfe,

Le glissement des bocages, le grincement des bornages de genêt,

Rayons verts sur le moyeu de l’horizon !



Si je reprends les chemins profonds – faut-il encore s’en entretenir ?

Je vais lentement aux rendez-vous essentiels

Le vent traverse la presqu’île pliant les blés vers l’Est

Partout la mer m’assaille car le vent du large lui ouvre le passage

entre les haies

Entre les orges entre les châtaigniers

L’Océan épais monte entre les toits



Le vent rapide descend les trois hauts degrés des pins, des genêts et

des blés

Il se rue frôlant les oreilles et passe

Le soleil à reculons fait face Le soleil acrobate descend du chapiteau

Interminable

Parfois des spectateurs repèrent l’exercice Mais beaucoup l’été se

couchent avant la fin



Le vent parle trop fort

Dans les trous du vent se glissent les chiens des fermes éloignées

L’alouette ne cesse de tomber Le vent se fraie un passage

jusqu’aux premiers rangs des champs

Il enjambe violemment la lisière de paille et se jette aux oreilles



Des chiens gardent des chemins sans importance d’où je suis

Les voix qui miment les bêtes pour leur commander

Issues des niches plus hautes où elles veillent sur les biens

Passent par les trous du vent

Hélant pour des travaux sans importance d’où je suis



Promenades en vue de quoi ?

Le corbeau sans couleur

La mouette qui arrête le vent

La lune, cirrus obèse, qui marque où le vent ne souffle plus



Car il manque au pas la constance du vent

Du vent qui sait aux papillons aux fougères aux nuages

Indiquer la direction

Orienter insistant courber repassant diriger rassembler dans

son souffle incliner joindre

- et tout à coup redresser cabrer recourber tordre

Le vent parcourt le site, adjointe et fait communiquer les

lignes du site

Lui de haut de partout les suit

C’est lui qui trace les sillons du site



Tout en moi répond au vent – sauf…

Tout plie sous l’injonction qui assemble :

Les cheveux comme un champ plus dense

Le dos pareil aux troncs, les yeux dessillés sous le sel

Les jambes écroulées dans les pierres

Et la manducation au bruit de charrette ; tout…

Sauf la voix debout qui demande où elle naît ; tout

Sauf la voix étonnée de sa dissemblance !



Le grand vaisseau du matin appareille :

Cris de poulies des mouettes ; cordages du soleil dans

les yeux ; hautes trinquettes des cumulus hissées brassées

drossées ; un équipage d’alouettes qui survole les basses

vergues des frênes ; les corbeaux quartiers-maîtres

Et le grand spinaker de l’orage…



Du Morbihan
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Intimité plus grande avec les astres
Et dans la nuit sondée plus profond
Dans la nuit rapprochée la terre
Débouche sur le soleil cette grande étoile agrandie

Au cœur de la nuit le jour
Nuit de la nuit connaît
Une étoile plus brillante

p.112
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OUÏ DIRE


Le ciel comme un enfant monte en haut des arbres
L’eau devenue senteur
traverse
Les fleurs de Rome s’appellent Danaé dans le lit

Le bruit de Rome dans les cimes
oscillantes
Ivres insectes tonnelles des cris
Et le soleil mis en sacs légers ici
Et là
La peau s’irrite
Beauté d’arbre comme un cheval musclé sur la mare
Plus loin l’école de danse des jeunes pommiers

p.138
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OUÏ DIRE


Les yeux coulent encaissés
Passage de l’âme en ce défilé
Remontant de la perle à fleur d’être
Fontaines comme à Vaucluse
Inattendus paisibles
On les voyait passer tout le jour
Presque sans bruit

p.102

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CARDIOGRAMME
(MAI)


La Seine était verte à ton bras
Plus loin que le pont Mirabeau sous
les collines comme une respiration
La banlieue nous prisait
J'aurais voulu j'aurais
tant besoin que tu penses du bien
Mais le courage maintenant d'
un cœur comme un prisonnier furieux comme un cœur
chassera du lyrique le remords de soi !
L'allongement du jour nous a privé de jours
Le jusant de la nuit nous détoure les nuits
Ô mon amour paradoxal ! Nous nous privions de poésie
Mais le courage sera de priver le poème
du goût de rien sur le goût de tout.
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Samedi 5

Déjà nous ne sommes plus dans le mois de sa mort.
J'ai beaucoup de peine.
J'ai énormément de chagrin, il faut que je l'écrive à quelqu'un, cet après-midi. Donc à moi. Une peine "infinie"-qui déborde ses causes, qui ne pleure pas seulement sur la vie de M., ni sur "moi" esseulé, ni sur notre vie, que j'essaierai de décrire une autre fois; et sur "notre" monde; mais sur tout, sur le tout, sur le monde. Un déluge, de larmes, qui passerait par mes yeux, noyant. "Répétition", sans doute, du moment évangélique, quand il pleure sur les siens, sur le monde, sur l'univers. Occasion de pleurer sur. (...)
S'écrire des lettres, est-ce une destination; est-ce possible, parce qu'on est seul ?
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La poésie ce sont les mots ; la philosophie ce sont les idées. Les mots si on a la chance de savoir les employer, font tout… Ils font même les idées. Tandis que les idées ne font pas les mots.
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PARCOURS BRETON


LA FORÊT

Dans ces chemins de vent, dans ces tranchées du ciel,
 le cheval écartait les fougères de tous les temps ;
Dans ces chemins de vent, parmi les fougères immé-
 moriales,
Cherchant à me souvenir…

p.42
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Fragment du cadastre
PARCOURS EN BEAUVAIS


LA FENÊTRE

La fenêtre spacieuse assez pour y convoquer les
 saisons.
Huissiers en guenilles le mélèze
Et l'acacia qui se dépouille tard
Guidaient le ciel à ma fenêtre ;
Sabre au clair les balcons du soleil
Et la terrasse militaire
Escortaient le printemps.
En hiver
L'ancienne cheminée accélérait le vent.
                            De Beauvais.

p.56

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Visage comme il sort des broussailles
Dédoré végétal
Paré de lichens laid de terre
Terrestre un paysage avec jachère
Du chaume ça pousse
Ainsi la peau c'est le sol

p.101
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L'EFFACEMENT


Ton visage redevient chat ; tout se décompose et
remonte le millénaire. Tes dents se lèvent comme aube
boréale, et ta face un grand décor originel.
De si près – indéchiffrable autant que l'ensemble, un
étrange moment durant, évanouie dans la tardive beauté.

Lionne à la crinière de saule, lionne
La vie se dissipe.
Nus sous le grand igloo

p.54
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OUÏ DIRE


Alluvion des cris Minerai d'hirondelles
Dans le delta du vent les plissements du vent
La trembleraie bleuit
Le pouls de l'étang bat
Toutes les trois heures un poème
Devient nouveau puis se ternit
Sous la lecture Recroît dans le silence

p.119
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OUÏ DIRE


Il est besoin d’un lecteur d’un geste d’un papier
D’un miroir Tu es visage ma feuille mon échancrure
Je suis le tissu pour que tu sois mon vide La surface
Pour que froisse la main L’ aber où l’eau s’aiguise
Racine où le sol tressaille Ton blanc mon noir
Le creux pour ma difficulté le blanc pour que je sois
Ce dessin que je ne serais pas Tu es peau pour
Mon alphabet J’étais l’air pour que tu n’engorges
Alvéole pour que tu fusses arcade

p.158
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Le corps lent qui fraye les rideaux de vide
Enfoncé jusqu’aux hanches en oubli
Une cagoule mince sur les yeux

Le corps phylogénétique le corps
Magdalénien médiéval corps fidjien romantique
Corps moderne géant analogue
Poème ô vocatif proportionnel
À cette enfouie distance : la perte qui sourd sum
La voici eau qui me parle d’abîme
Méandres son argent qui me parlent du centre et
Le feu de la nuit et les fleurs à côté
Femme au visage posé sur le sanglot
Ô terre remise du chaos le poème
Parque pour sa tresse glane les brins
Que lui tendent des muses méconnaissables

p.151
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FIGURATIONS

BELLES EMPHASES


L'eau n'aime que le ciel
Ne veut voir Se renverse
À toute pause Que lui
Ne cherche d'autre preuve

Combien de morts combien de vivants
Dans leur trou dans leur geôle
Ont désiré désirent ce qui est là
Le resserrement spacieux des Trois
Où l'arbre est le précurseur sombre

Comme les bords d'une onde d'onde ainsi
Nous les proches d'une fille une amante et de même
Qu'il y a science de cette onde labile de même
Qu'il y a science de cette onde labile de même
Analyse de l'âme notre vide Qu'arrive-t-il
Au cri poussé depuis mille secondes mille ans…

p.218
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OUÏ DIRE


Moraine bleue dans le glacier du soir

La vigne rentre sous le vert, le bleu reprend le ciel, le
sol s'efface dans la terre, le rouge s'exhausse et absorbe
en lui les champs de Crau. Les couleurs s'affranchissent
des choses et retrouvent leur règne épais et libre avant
les choses, pareilles à la glaise qui précédait Adam

Le saurien terre émerge et lève mâchoire vers la lune,
les années rêveuses sortent des grottes et rôdent
tendrement autour de la peau épaisse Falaise se redresse,
Victoire reprend son âge pour la nuit. Les nuages même
s'écartent, les laissant

En hâte quittée cette terre qui tremble ils se sont
regroupés dans la ville, bardée de portes.

p.134
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AIDE-
MÉMOIRE


Ce qui a lieu d'être
Ne va pas sans dire

Ce qu'on ne peut pas dire…
Il faut l'écrire

La partie donne sur le tout
Qui donne la partie

Savoir à quoi ça ressemble
C'est notre savoir — non absolu

Il faut de la semblance
Pour faire de la contiguïté

Le poème est des choses prochaines
Qu'il faut aller chercher.
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Écrire demande un tempérament autoritaire.
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Il ne sera pas enlevé mais il s'enfoncera
Lui qui rêve de monter, dans la terre il prendra taille d'un corps

Quand le soleil sera moins large, l'hiver moins digne, le vent moins pressant, le pain moins léger, midi moins sûr, la maison moins connue

Il rentre alors vers son humble figure
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