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Critiques de Miguel Torga (17)
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Arche

Acquisition lors d'un passage à Toulouse- Librairie Ombres blanches/ 18 septembre 1990---Relecture le 1er novembre 2023





Une relecture jubilatoire et pleine de surprises d'un recueil de nouvelles centré sur les Animaux, permettant toutefois à Miguel Torga de développer ses thèmes de prédilection : l'absurdité de ce monde avec un Dieu bien silencieux, la cruauté des Hommes, la fraternité, l'empathie...la révolte, etc. mettant en relief la sincérité du monde animal !



Torga explique lui-même fort bien les choix pour ce recueil :" ...L'idée d'écrire ce livre m'était venue à l'époque de mon emprisonnement à Aljube lorsque fasciné, je passais des heures interminables à contempler les jeux amoureux des pigeons sur les toits de la cathédrale. En fait la tendresse, comme les autres sentiments, était un patrimoine commun à toute la création..."



Très heureuse de cette " relecture" car, au final j'avais très peu de souvenirs de cette très ancienne lecture, même en reparcourant les passages soulignés. Curieusement, aujourd'hui ces "nouvelles- fables " résonnent plus fortement...



Bien sûr, comme tout recueil de nouvelles, se dégagent toujours des préférences. Pour ma part, mes deux préférées sont la première et la dernière !

Sans oublier Ladino, le moineau , prudent et

" coriace" , ayant retardé au maximum son premier vol, se rattrapant allègrement ensuite, courant même les jupons, sans vergogne...et Tenório, le coq vaniteux et trop zélé...tristement supplanté par " son fiston ", Morgado, l'âne si vaillant, etc.

Quelques rares humains traversent ces fables...se révélant plus cruels que les

animaux !!



La 1ère : " Bambo", le crapaud philosophe, devenant l'ami du fermier du lieu,après une période d'apprivoisement réciproque ...ce gentil crapaud présent mais taiseux va apprendre à notre fermier la Beauté de la nature et de ce qui l'entoure.Le Père Arruda va confier cela à ses concitoyens, qui, inévitablement , vont se moquer de lui.



La dernière :" Vicente" le corbeau rebelle s'enfuit de l'Arche de Noé.Ce dernier se fait tancer par le Seigneur pour que le Rebelle réintègre L Arche...mais Vicente n'en a pas la moindre intention.C'est un duel terrible entre notre corbeau, Vicente et Dieu...Notre " héros " à plumes se révèle " irréductible " et Dieu va devoir céder !



Et la phrase magnifique clôturant cet incroyable livre :" le sens de la vie était indissociablement lié à l'acte d'insubordination".
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Rua



**Découverte de cet écrivain dans les années 80--Relecture août 2019

Un recueil de nouvelles lu il y a fort longtemps... je viens de le relire,

l'empruntant à la médiathèque, pour le faire lire auparavant à un ami

lisboète, pour lui faire découvrir cet écrivain-compatriote, écrivain et

médecin sous le régime de Salazar...

Un recueil exceptionnellement consacré aux petites gens de la ville, alors

qu' habituellement, Torga décrit les paysans, les gens de la terre et des

montagnes... Comme le titre l'indique nous sommes immergés dans

les "Rues" de la cité...La couverture de l'édition de 1988 des éditions

du Tout sur le Tout est dans un accord absolu avec le contenu de ces

nouvelles. Très belle photographie en noir et blanc qui couvre les deux plats,représentant un homme,marchant tête baissée au milieu d'une rue pavée, les rails du tramway, bien apparentes; sur le second plat, une gamine est sur le seuil d'une porte, regardant la "Rue"...

Une petite parenthèse pour présenter cet écrivain -poète..Fils de paysans pauvres, Miguel Torga (1907-1995), de son vrai nom Adolfo Rocha – il a choisi Miguel pour Cervantes, et Torga comme la bruyère sauvage –,

passe par le séminaire, seul lieu d'études possible pour un fils de paysan et,

à l'âge de 13 ans, part pour le Brésil, où il sera garçon de ferme.Revenu au Portugal, Miguel Torga s'inscrit en médecine . Une fois diplômé, il exerce dans les campagnes et observe ses compatriotes ...Il est mal vu par les notables , et les autres médecins, issus de milieux aisés...

Il sera emprisonné, censuré, interdit de publication... Il finira par éditer ses textes à son propre compte....Pour nous, en France, cela sera l'éditeur d'origine corse; José Corti,qui nous le fera découvrir; le fera traduire par Claire Cayron et l'éditera !

Miguel Torga s'est beaucoup inspiré de ses patients, ouvriers, vignerons, paysans, des humbles qu'il a soignés toute sa vie... le quotidien, les attentes, rêves déçus des "vaincus" de la vie !!

Des textes , comme tout recueil de nouvelles avec des densités inégales...

Des récits toujours sensibles... je crois que l'un de mes préférés est celui qui clôt le volume , "Pension centrale"... totalement bouleversante sous une trame apparemment anodine ....

Une veuve , Dona Teresa, tient près de la gare une pension de famille, avec l'aide d'un homme à tout faire , Belmiro, et "rabatteur" de clients , à la gare. Il revient un soir avec un client des plus bizarres, qui ne fait rien comme les autres, impose ses horaires, ses manies..; au grand dam de Dona Teresa..Car cet original va faire fuir les autres pensionnaires, qui le prennent pour un fou; de plus, il ne fait aucun effort pour entrer en contact avec ses congénères !

"- Et alors, qu'est-ce qu'elle vous fait, ma vie ?

-C'est qu'elle cause beaucoup de dérangement...Vous voyez bien que si les clients ne se lèvent pas à la bonne heure, ne mangent pas à la bonne heure ...

(...)

Mais pour quelle raison les horaires des autres seraient-ils meilleurs que les miens ?

-Monsieur Macedo, pour l'amour du ciel ! Quelqu'un qui déjeune à quatre heures et demie de l'après-midi et qui dîne à onze heures du soir !...

-Et alors quoi ?

- Alors c'est pas comme tout le monde...Les autres vivent le jour et dorment la nuit...Tandis que vous...

- (...) Mais je vous le demande: vous êtes-vous déjà promenée par les rues le matin de bonne heure ?

-Je suis une honnête femme, Monsieur Macedo !

-Donc, c'est non. Alors partez du principe que jusqu'à ce jour vous avez été enterrée vivante et occupée à nettoyer les murs de votre tombe. (...)

-Et c'est dommage, parce que la ville a des aspects bien curieux.

Quand vous le pourrez, une fois le travail fini, au lieu d'aller vous coucher, montez par une ruelle qui prend un peu plus haut, au coin de la rue, et ouvrez les yeux. Juste au bout il y a une grande bâtisse toute illuminée.

C'est la Maternité. Appuyez-vous aux grilles d'un petit jardin qui est juste en face , et attendez une petite demi-heure. C'est merveilleux ! Au début on n'entend qu'un silence complet, qui prépare l'esprit . Puis, ce

sont des cris aigus et désespérés qui semblent trouer le ciel. Ne vous inquiétez pas. Enfin on l'entend. C'est un vagissement plein de fraîcheur, cristallin, qui vous entre dans le coeur comme une caresse. Vous n'imaginez pas la fraîcheur qui émane du premier cri d'un enfant, tombant comme une rosée sur la solitude nocturne ! Il faut l'avoir entendu pour savoir ce que c'est... (p. 127)

Mais il y a également -"La Leonor Bourlinguée" : Une vieille marchande des quatre saisons intrigue par son surnom qui fait rêver; une de ses camarades, plus jeune,travaillant comme boulangère, Julia, insiste pour connaître l'origine de ce surnom si évocateur d'une vie aventureuse... mais quelle ne sera pas sa surprise attristée de découvrir la vie de misère de cette vieille femme, entre le Brésil et son Portugal natal !!

"La Lettre" : histoire d'un facteur compatissant envers une jeune fille aux amours contrariés, guettant les missives de son amoureux...

"Les époux Estrella" : Estrella, la soixantaine passée, le barbier du quartier meurt subitement, son épouse le suivant de peu dans la mort. L'occasion pour les voisins d'évoquer ce couple uni, et leur unique escapade mémorable de trois journées dans la "Grande Lisbonne" !

"Cette douleur-là" : un Portugais après avoir bourlingué, vécu en Amérique, fait les 400 coups au temps de la prohibition, revient au pays, retrouvant une épouse aigrie et maussade. Cet homme meurt avec la seule lumière de son existence de migrant et de baroudeur: une "fille à lui", cachée, laissée en Amérique....

"Le bon Texeira": Monsieur Texeira, un épicier qui a créé sa boutique, vécu pour elle, sans se marier, se trouve alité pendant six mois. Remplacé par son employé, il est contraint à la réclusion dans sa maison, afin de se soigner ! Il est enfin autorisé à sortir de chez lui; la destination de cette première sortie ne peut être que son magasin. Il arrive, mais son employé ne semble pas très content de le voir, ayant pris "possession" mentalement

du petit commerce de son patron ...Désormais, il est de trop...

"Triste journée": La journée d'un médecin de famille, bouleversé par l'agonie d'un pauvre cordonnier, et d'autres misères ! Un début de rayon de lumière, croit-il, avec une jeune accouchée... mais il apprend qu'elle est seule, son compagnon et le père du nouveau-né étant décédé brutalement, peu avant. Décidément "Une triste journée" !

"La retraite" : un vieux policier doit prendre sa retraite après toute une carrière de bons et loyaux services, mais au lieu d'être joyeux, libéré, il se sent dépossédé de sa raison de vivre... Il se sent perdu, comme devenu subitement invisible !

"Musique !" : un jeune organiste ne vit que pour sa musique qu'il joue à

l'église; un jour son chemin croise croise celui d'une très jolie jeune femme, venant régulièrement se recueillir, seule ; il en tombe éperdument amoureux... jusqu'au choc de l'annonce publique de son mariage ! l'organiste sera au désespoir...La musique ne lui sera plus d'aucun secours !...

Chroniques douces-amères, et parfois tragiques de la vie citadine des "classes laborieuses"...avec le regard bienveillant, compatissant du médecin-poète !!

Un auteur dont j'aime depuis longtemps et toujours autant, après relecture... le style, la sensibilité, le Regard !... Je suis d'autant plus "fière" de l'avoir fait découvrir à cet ami lusitanien !!!





***La première édition portugaise de "Rua" date de 1942. La présente traduction a été faite à partir de la cinquième édition (1985)



Voir : https://www.telerama.fr/livre/trois-raisons-de-%28re%29lire...-miguel-torga,-le-medecin-poete,n5623993.php

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Senhor Ventura

Offert par une amie à sa parution en décembre 1991- Librairie Epigramme- rue de la Roquette- Paris



*Gros, gros coup de coeur !





(***..un peu enragée...venant de rédiger une chronique de ce livre, elle a brutalement disparu, avec une coupure brutale de connexion !! Je dois la recomposer une seconde fois..)



Je débute cette chronique avec les mots de l'écrivain concernant ce texte, qui aurait pu ne pas arriver jusqu'à nous; et cela aurait été franchement dommageable !



"Cher lecteur,



Je ne sais en quels termes te présenter ce livre, même après le remaniement qu' il a subi. Écrit d'une seule traite il y a plus de quarante ans, à l'âge où les audaces tiennent lieu d'arguments, en lui j'ai laissé à nu la fantaisie échevelée et la maladresse d'expression dont impunément dispose la jeunesse.Mais je me suis vu tellement embarrassé, lorsqu'à l'âge mur je l'ai relu, que j'ai fait mon possible pour l'oublier et qu'on l'oublie.Aujourd'hui, pourtant, sur ce versant de la vie où l'on regarde avec lucidité et bienveillance les verdeurs du jeune âge, j'ai résolu de le reprendre. Patiemment, je l'ai nettoyé de ses principales scories, j'ai retouché les situations les plus insensées, tenté enfin de le rendre visible.Je l'ai fait pour lui et pour moi.Pour lui,car, malgré tout, il raconte une histoire vraisemblable pour nous Portugais, qui sommes les errants du monde, capables ici et là du meilleur et du pire."





Poursuivant tris et rangements de ma bibliothèque qui ne cesse de s'étendre, je donne, offre et fait voyager mes livres, pour le plaisir, certes , et dans un même temps, la nécessité de gagner un peu d'espace pour les nouveaux arrivés !



Je me désole toutefois que ce roman picaresque de Torga soit resté, de façon bien inexplicable, aussi longtemps en attente et délaissé, sur mes rayonnages ; d'autant plus que cet écrivain-nouvelliste- diariste- médecin se trouve dans le " peloton de tête " avec Albert Camus, de mon petit Panthéon personnel !



"Senhor Ventura, dit aussi l'homme de Penedono ou l' Alentejano"(...) est un mélange de " picaro" et de Don Quichotte, mais à la portugaise, c'est-à-dire dans la migration et l'écartèlement : aventurier en Orient et redresseur de torts à Penedono, sensuel et sentimental, trafiquant et honnête homme, cupide et généreux, solitaire et solidaire (...)" ( ***Introduction)



Senhor Ventura décide de quitter sa terre natale de

l' Alentejo , ainsi que ses parents, gens de la terre, pour aller courir le monde...Ce qu'il va faire sans réserve: de Macao à la Chine, en passant par la Sibérie....Escroc patenté, marchand d'armes en Chine,responsable d'un restaurant avec son meilleur ami et compagnon de fortune, Pereira, fabricant d' héroïne, directeur d' une société de taxis, puis de réseau de machines à sous, etc. Et la liste n'est pas exhaustive.!!...



Notre Senhor Ventura nous reste, en dépit de ses erreurs, magouilles et escroqueries multiples, sympathique à plus d'un titre: son amitié fidèle pour Pereira, compagnon loyal, trop vite disparu, son amour malheureux pour Tatiana, l'aventurière russe...son adoration pour son fils unique, Sergio, son enracinement mental à sa terre portugaise, en dépit de sa bougeotte incessante, son projet généreux et désintéressé, cette fois, pour ses compatriotes agriculteurs et journaliers, etc.



On s'attache inévitablement à ce personnage complexe et torturé, aventurier, escroc, et homme aussi au grand coeur, n'ayant jamais guéri d'avoir perdu son unique ami, Pereira, cuisinier talentueux, et compagnon bien précieux de bon nombre des premières pérégrinations de notre Homme de Penedono, dit l'Alentejano...



Torga , peu content de ce texte finit par le reprendre et le remanier quarante ans après sa " première bouture", très heureusement , car cette fiction- fable interroge sur l'universelle condition humaine : la quête de sens, la curiosité, la volonté de " dévorer " et de parcourir le monde , la condition de " l'Émigré ", du " Nomade perpétuel ", le goût insatiable de " L' Ailleurs",etc.



Une pépite que ce texte picaresque...où certaines opinions libertaires de Senhor Ventura doivent être en écho avec celles de l'écrivain dont cet éloge du Déserteur... ...



"C'était avec la même tendresse que depuis vingt ans il dessinait ce substantif où il avait mis tous les rêves de sa jeunesse." Déserteur ", lisait-il à la fin, avec à la bouche le goût d'un péché pour lequel il valait le coup de mourir. "

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Bestiaire

La couverture de ce petit livre m'a tout d'abord attirée, puis en lisant la quatrième de couv' je me suis aperçue que c'était une réédition puisque ce recueil de nouvelles a été publié pour la première fois au Portugal en 1940.

Ma curiosité m'a incitée à découvrir ce classique de la littérature portugaise. Et non la curiosité n'est pas un vilain défaut, au contraire ...

Ces 14 nouvelles décrivent avec brio les sentiments que nous ne serions pas, nous les humains, les seuls à avoir. Chien, chat, crapaud, mulet, corbeau et bien d'autres sont au rendez-vous et à travers eux on retrouve des thèmes qui nous sont chers comme la liberté, la loyauté mais aussi d'autres moins glorieux comme la trahison, l'orgueil.

Il m'aura fallu ce bestiaire pour faire connaissance avec Miguel Torga Adolfo Rocha de son vrai nom. Vaut mieux tard que jamais!
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De la peine de mort

Je suis doublement contente de cette très courte lecture. D'abord un hasard heureux ce 22 mai (2014) ,où un ami m'invitait à un concert de musique classique...à Notre-Dame du Liban, rue d'Ulm...près du célèbre Panthéon !!!! m'a fait découvrir une librairie que je souhaitais connaître depuis un moment: La Librairie portugaise et brésilienne...où j'ai été fouiner... avec délectation: offert à cet ami un texte d'un auteur que je découvre actuellement, José Saramago...et de mon côté , j'ai cherché du côté d'"anciennes amours", Miguel Torga...



Très heureuse de découvrir cette plaquette des éditions "Sables"....

J'ai ainsi appris avec joie que ce pays que j'affectionne, Le Portugal a aboli la peine de mort le 1er juillet 1867, sous le règne du monarque constitutionnel Dom Luis I...et n'a jamais été remise en cause même sous la dictature salazariste...



Ces lignes de Miguel Torga sont le discours inaugural prononcé le 12 septembre 1967, à l'Université de Coimbra, pour le centenaire de l'abolition de la peine de mort, au Portugal.



Ce texte est à l'image de la vie de cet écrivain-médecin... qui s'est battu toute son existence contre tout ce qui abaissait, et déshonorait l'Humain.



" Il y a un siècle, Le Portugal a aboli la peine de mort. Le civisme libéral d'un petit peuple, sans attendre d'autres exemples, c'est avancé courageusement sur la voie de l'esprit et a mis un terme à la noire besogne des balles, de la corde et du couperet. Mis un terme au seul geste absolu que l'être humain puisse faire, et qu'il ne doit faire jamais. Au geste qui le change en une grotesque imitation de Dieu, se foudroyant lui-même lorsqu'il foudroie. (p.26)



Un petit rappel quant à Miguel Torga (1907-1995), diariste, nouvelliste, romancier, poète et médecin, fut un opposant de la première heure au régime de Salazar...



Je reste époustouflée du courage et de l' esprit éclairé des portugais... alors que nous, appartenant à la patrie des "Droits de l'Homme" avons tardé et étions divisés sur la question..dans les années 1980 !!. On se souvient aisément de certains tollés généraux autour de la détermination et aussi du courage de Robert Badinter, pour parvenir à cette abolition de la peine de mort...



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Rua

**Découverte de cet écrivain dans les années 80--Relecture août 2019



Un recueil de nouvelles lu il y a fort longtemps... je viens de le relire,

l'empruntant à la médiathèque, pour le faire lire auparavant à un ami

lisboète, pour lui faire découvrir cet écrivain-compatriote, écrivain et

médecin sous le régime de Salazar...



Un recueil exceptionnellement consacré aux petites gens de la ville, alors

qu' habituellement, Torga décrit les paysans, les gens de la terre et des

montagnes... Comme le titre l'indique nous sommes immergés dans

les "Rues" de la cité...La couverture de l'édition de 1988 des éditions

du Tout sur le Tout est dans un accord absolu avec le contenu de ces

nouvelles. Très belle photographie en noir et blanc qui couvre les deux plats,représentant un homme,marchant tête baissée au milieu d'une rue pavée, les rails du tramway, bien apparentes; sur le second plat, une gamine est sur le seuil d'une porte, regardant la "Rue"...



Une petite parenthèse pour présenter cet écrivain -poète..Fils de paysans pauvres, Miguel Torga (1907-1995), de son vrai nom Adolfo Rocha – il a choisi Miguel pour Cervantes, et Torga comme la bruyère sauvage –,

passe par le séminaire, seul lieu d'études possible pour un fils de paysan et,

à l'âge de 13 ans, part pour le Brésil, où il sera garçon de ferme.Revenu au Portugal, Miguel Torga s'inscrit en médecine . Une fois diplômé, il exerce dans les campagnes et observe ses compatriotes ...Il est mal vu par les notables , et les autres médecins, issus de milieux aisés...



Il sera emprisonné, censuré, interdit de publication... Il finira par éditer ses textes à son propre compte....Pour nous, en France, cela sera l'éditeur d'origine corse; José Corti,qui nous le fera découvrir; le fera traduire par Claire Cayron et l'éditera !



Miguel Torga s'est beaucoup inspiré de ses patients, ouvriers, vignerons, paysans, des humbles qu'il a soignés toute sa vie... le quotidien, les attentes, rêves déçus des "vaincus" de la vie !!

Des textes , comme tout recueil de nouvelles avec des densités inégales...

Des récits toujours sensibles... je crois que l'un de mes préférés est celui qui clôt le volume , "Pension centrale"... totalement bouleversante sous une trame apparemment anodine ....



Une veuve , Dona Teresa, tient près de la gare une pension de famille, avec l'aide d'un homme à tout faire , Belmiro, et "rabatteur" de clients , à la gare. Il revient un soir avec un client des plus bizarres, qui ne fait rien comme les autres, impose ses horaires, ses manies..; au grand dam de Dona Teresa..Car cet original va faire fuir les autres pensionnaires, qui le prennent pour un fou; de plus, il ne fait aucun effort pour entrer en contact avec ses congénères !



"- Et alors, qu'est-ce qu'elle vous fait, ma vie ?

-C'est qu'elle cause beaucoup de dérangement...Vous voyez bien que si les clients ne se lèvent pas à la bonne heure, ne mangent pas à la bonne heure ...

(...)

Mais pour quelle raison les horaires des autres seraient-ils meilleurs que les miens ?

-Monsieur Macedo, pour l'amour du ciel ! Quelqu'un qui déjeune à quatre heures et demie de l'après-midi et qui dîne à onze heures du soir !...

-Et alors quoi ?

- Alors c'est pas comme tout le monde...Les autres vivent le jour et dorment la nuit...Tandis que vous...

- (...) Mais je vous le demande: vous êtes-vous déjà promenée par les rues le matin de bonne heure ?

-Je suis une honnête femme, Monsieur Macedo !

-Donc, c'est non. Alors partez du principe que jusqu'à ce jour vous avez été enterrée vivante et occupée à nettoyer les murs de votre tombe. (...)

-Et c'est dommage, parce que la ville a des aspects bien curieux.

Quand vous le pourrez, une fois le travail fini, au lieu d'aller vous coucher, montez par une ruelle qui prend un peu plus haut, au coin de la rue, et ouvrez les yeux. Juste au bout il y a une grande bâtisse toute illuminée.

C'est la Maternité. Appuyez-vous aux grilles d'un petit jardin qui est juste en face , et attendez une petite demi-heure. C'est merveilleux ! Au début on n'entend qu'un silence complet, qui prépare l'esprit . Puis, ce

sont des cris aigus et désespérés qui semblent trouer le ciel. Ne vous inquiétez pas. Enfin on l'entend. C'est un vagissement plein de fraîcheur, cristallin, qui vous entre dans le coeur comme une caresse. Vous n'imaginez pas la fraîcheur qui émane du premier cri d'un enfant, tombant comme une rosée sur la solitude nocturne ! Il faut l'avoir entendu pour savoir ce que c'est... (p. 127)



Mais il y a également -"La Leonor Bourlinguée" : Une vieille marchande des quatre saisons intrigue par son surnom qui fait rêver; une de ses camarades, plus jeune,travaillant comme boulangère, Julia, insiste pour connaître l'origine de ce surnom si évocateur d'une vie aventureuse... mais quelle ne sera pas sa surprise attristée de découvrir la vie de misère de cette vieille femme, entre le Brésil et son Portugal natal !!



"La Lettre" : histoire d'un facteur compatissant envers une jeune fille aux amours contrariés, guettant les missives de son amoureux...



"Les époux Estrella" : Estrella, la soixantaine passée, le barbier du quartier meurt subitement, son épouse le suivant de peu dans la mort. L'occasion pour les voisins d'évoquer ce couple uni, et leur unique escapade mémorable de trois journées dans la "Grande Lisbonne" !



"Cette douleur-là" : un Portugais après avoir bourlingué, vécu en Amérique, fait les 400 coups au temps de la prohibition, revient au pays, retrouvant une épouse aigrie et maussade. Cet homme meurt avec la seule lumière de son existence de migrant et de baroudeur: une "fille à lui", cachée, laissée en Amérique....



"Le bon Texeira": Monsieur Texeira, un épicier qui a créé sa boutique, vécu pour elle, sans se marier, se trouve alité pendant six mois. Remplacé par son employé, il est contraint à la réclusion dans sa maison, afin de se soigner ! Il est enfin autorisé à sortir de chez lui; la destination de cette première sortie ne peut être que son magasin. Il arrive, mais son employé ne semble pas très content de le voir, ayant pris "possession" mentalement

du petit commerce de son patron ...Désormais, il est de trop...



"Triste journée": La journée d'un médecin de famille, bouleversé par l'agonie d'un pauvre cordonnier, et d'autres misères ! Un début de rayon de lumière, croit-il, avec une jeune accouchée... mais il apprend qu'elle est seule, son compagnon et le père du nouveau-né étant décédé brutalement, peu avant. Décidément "Une triste journée" !



"La retraite" : un vieux policier doit prendre sa retraite après toute une carrière de bons et loyaux services, mais au lieu d'être joyeux, libéré, il se sent dépossédé de sa raison de vivre... Il se sent perdu, comme devenu subitement invisible !



"Musique !" : un jeune organiste ne vit que pour sa musique qu'il joue à

l'église; un jour son chemin croise croise celui d'une très jolie jeune femme, venant régulièrement se recueillir, seule ; il en tombe éperdument amoureux... jusqu'au choc de l'annonce publique de son mariage ! l'organiste sera au désespoir...La musique ne lui sera plus d'aucun secours !...



Chroniques douces-amères, et parfois tragiques de la vie citadine des "classes laborieuses"...avec le regard bienveillant, compatissant du médecin-poète !!



Un auteur dont j'aime depuis longtemps et toujours autant, après relecture... le style, la sensibilité, le Regard !... Je suis d'autant plus "fière" de l'avoir fait découvrir à cet ami lusitanien !!!









***La première édition portugaise de "Rua" date de 1942. La présente traduction a été faite à partir de la cinquième édition (1985)





Voir : https://www.telerama.fr/livre/trois-raisons-de-%28re%29lire...-miguel-torga,-le-medecin-poete,n5623993.php







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Contes et nouveaux contes de la montagne

Miguel Torga était un auteur portugais, plus contemporain qu'on aurait tendance à le penser, puisqu'il est mort en 1995. Comme le dit sa traductrice, c'était donc un classique de son vivant. Il est, comme d'autres, assez étrangement méconnu en France, ce d'autant plus que sa femme, Andrée Crabbé était belge et a été décorée de l'ordre national du mérite en France. Sa fille a enseigné à la Sorbonne. Un francophile de plus et des liens avec la montagne, puisque son nom est celui d'une plante montagnarde. Pour la suite de cette analogie, cela devient plus nébuleux : Torga était médecin, a beaucoup publié à compte d'auteur, a vécu au Brésil, a participé de près à la reconstruction du Portugal immédiatement après 1975, avait un cabinet à Coimbra, a été proposé pour le Nobel. Ces contes, ce qu'il y a de plus connu de lui en France, ont été écrits dans les années 40, et Dieu sait qu'il était prolifique !

Sur ces contes maintenant, je passe rapidement sur les questions de texte et de traduction, je ne parle pas portugais. Dans l'ensemble, ils sont revêches comme la montagne, qui s'acharne souvent sur ses habitants, abandonnés de Dieu : jusqu'aux prêtres qui manquent souvent de foi ou finissent défaits. L'auteur évolue un peu entre la misanthropie et l'humour, avec un côté anti-académique, où l'on sent la volonté de ne pas enjoliver entre autres le langage des habitants, sans parler bien entendu des actes. Je me souviens aussi d'un court métrage inspiré de ces contes, de Daisy Lamothe vu au festival du court métrage de Clermont-Ferrand (2000 ou 2001 ?) et qui m'avait paru s'apparenter à une forme d'exorcisme (usage brillant du décor naturel, si je me souviens, c'est tourné en Corse), un peu comme si la lecture de ces contes devait nous protéger de les reproduire. Un paradoxe, pour un auteur agnostique, Dieu étant d'ailleurs plutôt absent dans ces contes.

La rudesse est néanmoins équilibrée par l'humour, qui marque aussi un certain nombre de nouvelles (celle sur Gabriel et son troupeau de voleurs par exemple). C'est en quelque sorte : si tu veux espérer parvenir à la paix, sache que d'autres sont en guerre et qu'il te faudra tirer ton épingle du jeu.
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Senhor Ventura

Ce récit est le plus portugais des récits de Miguel Torga. Une réponse en creux au célèbre aphorisme d'Alphonse Allais : « Ce n'est pas parce que les Malais sont laids, les Portugais gais, les Colombiens biens, que les Espagnols sont gnols.»

Le lecteur méfiant, hésitant à s'engager dans la lecture de Senhor Ventura, relancera la vieille polémique entre les deux idiomes ibériques : comment se fait-il que le nh de senhor ait la même fonction que le ñ de señor ? Vaste débat sur lequel des générations de linguistes se sont fait les dents, à défaut de les avoir affutées sur un chorizo sec et dur comme de la pierre, sur lequel le Ribeira de Duero ou le Rioja ne font que ruisseler, ce qui rapproche les deux nations.

Nous ne rentrerons pas dans ces considérations transpyrénéennes et préférerons nous rendre à l'avis de deux éminents critiques figurant sur la 4ème de couverture.

Pour Antoine Gaudemar de Libération, le récit est mené à un train d'enfer, ce que je confirme volontiers, alors que pour Patrick Kéchichian de le monde, il est vif et enlevé, ce que je confirme une fois de plus et encore volontiers.

L'histoire du jeune Ventura, un garçon de la bourgade de Penedono, dans la plaine portugaise de l'Alentejo, nous est conté par un narrateur (Torga lui-même ?) qui affirme à l'évocation de ce personnage : « Dans sa personne, je mets la réalité de ce que je suis et la nostalgie de ce que j'aurais pu être ».

Nous voilà embarqué dans la lecture de 85 tableaux de 12 lignes à quatre pages chacun, (Dans la préface, Claire Cayron, la traductrice, parle de séquences), qui donnent sa couleur au livre : une palette démesurée de nuances toutes plus chatoyantes les unes que les autres ; son rythme (le train d'enfer vif et enlevé du tandem Gaudemar-Kéchichian), et sa dimension picaresque. Ventura se joue des vicissitudes de la vie comme un fabuleux prestidigitateur.

Le roman paru en 1943, connaîtra la censure du régime de Salazar, et ne sera exhumé par Torga lui-même qu'en 1985, avec de nombreux avertissements de l'auteur sur ce « péché de jeunesse » dont il dit dans le prologue qu'il écrivit à Coimbra :

« J'ai fini par m'apercevoir qu'au lieu de couvrir d'anathèmes certaines erreurs, il vaut mieux les comprendre dans leur contingence et tenter de les atténuer. »

Une sagesse rétrospective que n'aurait pas reniée Senhor ventura !

Ce jeune berger devenu laboureur va quitter son village de Penedono pour Lisbonne où l'appelle son devoir de citoyen « les yeux comme des sangsues posées sur toutes choses, Senhor Ventura, trouvait le chemin de la caserne.»

Devenu le matricule 158, il s'impose très vite comme un «prodige» : « lorsque se présentait un cas difficile à résoudre, un câble de TSF à fixer sur le toit, une mitrailleuse à dégripper, la corvée la plus dure à faire, quel nom venait aussitôt à l'esprit ? Celui de Senhor Ventura.»

Hélas, au Portugal, comme ailleurs, si l'on encense les prodiges on sait aussi leur attribuer toutes les misères du monde.

Ventura exilé à Macao, à défaut de se voir condamné pour le délit suprême, va se retrouver «marin à bord d'un bateau qui faisait du cabotage sur la mer de Chine. Un rude travail, c'était, mais qui avait ses charmes.»

Après cinq ans passées en mer, et la disparition d'un douanier britannique dans des circonstances non élucidées, « L'obscurité était tombée sur le navire comme un manteau complice et silencieux », Ventura se retrouve « employé dans un garage Ford, à Pékin.»

La rencontre avec Pereira, un autre exilé portugais qui «savait faire la cuisine» ravive en Ventura la nostalgie du pays et des affaires. «La gargote» qu'ils ouvrent dans «un quartier mal famé» s'emplit très vite «d'un fumet si appétissant que quiconque n'était pas séduit par les nids d'hirondelles et le riz chow-chow fermait les yeux et entrait.»

«...la morue à la Gomes de Sa, le chispe, les haricots à l'oreille de porc, la chanfana, la meia desfeita et autres délices du palais figurèrent aux menus...»

Ce bonheur commercial et culinaire est de courte durée, mis à mal par des marins américains de passage, grossiers et sûrs de leur bon droit. Une nouvelle fois, c'est l'exil. le malheur, venu des USA, apporte son lot de consolation, montrant ainsi les contradictions paradoxales qui caractérisent ce pays souvent présenté, à juste titre, comme un Eldorado : « Or, précisément, Ford avait vendu deux cents camions au gouvernement chinois sous condition de les livrer au front, et de monter des stations-service dans le désert de Gobi. Donc...»

«La traversée de la Chine par des chemins où le Christ n'est jamais passé ; puis le désert, immense, brûlant, épuisant l'eau, et jusqu'au sang de qui imprudemment s'y abandonnait.»

« l'ambiance de coups de feu et de risque avait enivré l'Alentejano »

Fin de la première partie.

Le narrateur se manifeste à nouveau :

« Je sais bien que chez nous il n'est pas d'exploit sans la marque fatidique du sexe et que, telle étant notre condition, il est bien qu'il en soit ainsi.»

S'il est un prodige en mécanique, TSF, juments, mitrailleuse grippée, corvées, affaires, trafics en tous genres, Ventura n'a jamais fait preuve des mêmes dispositions géniales en matière d'amour et de sentiments :

« A ces mots, la voix de Senhor Ventura trembla. Et sa compagne (Tatiana) observa que ce chêne brûlé par le soleil pouvait frémir comme un arbuste.»

«La chair que sa volupté dévorait sentait tout à la fois la femme et le danger.»

Alors qu'il n'avait jamais nommé «danger» les tribulations dont il s'était toujours sorti avec brio, Ventura le sent dans le corps de cette femme, mais ne s'en défie pas.

Autant ses aventures le menèrent de sommets en sommets, de Lisbonne à Macao à Pékin en Mongolie, autant ses tentatives pour fonder un foyer avec Tatiana, et une famille, le tirent irrémédiablement vers des abîmes qu'il ignorait.

« Elle était froide et tragique cette séparation. Froide et tragique mais sans remède. Elle la voyait comme un soulagement ; lui l'éprouvait comme un cauchemar.»

Fin de la deuxième partie.

«L'Alentejano s'en revient tout droit à Penedono.» « Ce n'est pas visiblement notre célèbre saudade qui l'a poussé de l'orient vers l'occident, et il ne paraît pas non plus avoir conscience d'une indestructible solidarité entre la pierre qui roule et le rocher dont elle s'est détachée.»

« A présent, donc, qu'il était redevenu paysan, Tatiana avait pris pour lui une signification nouvelle. L'épanouissement de sa propre humanité l'avait faite, elle aussi, plus humaine.»



De ce roman, écrit selon Torga, « à l'âge où les audaces tiennent lieu d'arguments.» nous retiendrons cette morale que nous livre le narrateur :

« Maintenant arrivé en l'urbaine Europe, et en route pour sa maison, Senhor Ventura est-il rien d'autre que l'effet irrémédiable d'un tropisme coulant dans notre sang et nous rappelant de n'importe quelle partie du monde vers cette pauvre étable lyrique et inconfortable, tellement absurde et tellement humaine à la fois ? Ah ! je crois bien que cette fidélité inconsciente au granit, au clair de lune et aux bruyères, renferme une grande leçon de vitalité et de singularité.»



Lisez Senhor Ventura !









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Portugal

Il y a du Giono dans ces textes de Torga sur le Portugal, une série de photographies animées par son amour du pays, la chaleur de la terre malgré son aridité, sa "pauvreté artistique", le fleuve Douro fait "de chair et de sang", comparé à un drame "tellurique et fluvial"

Les mots sont justes, réels, tangibles, palpables, et le voyageur curieux du Portugal, s'il s'y déplace, n'aura aucun mal à retrouver sur les routes de l'Alentejo ou de l'Algarve, à Sagres ou Coimbra, dans le Ribatejo, la littérature chaste et chantante de Torga, sa force sereine et sa certitude campagnarde, à voir défiler derrière les vitres de sa voiture ces images qu'il aura pris le temps de lire et de relire pour se persuader qu'elles sont bien réelles.
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Rua

Rua, c'est la rue en portugais. Et cette rue, ces rues populaires, Miguel Torga romancier et poète, en prend le pouls, nous livre leurs âmes.

Rua, c'est un recueil de treize nouvelles au registre émotionnel riche et aux formules poétiques foisonnantes (ex:"ils souriaient comme s'ils avaient volé à la vie un grain de sable magique, une minute d'or).

Une porte s'ouvre et le lecteur pénètre dans l'intimité de son propriétaire dont le destin va tourner ou tourne au drame, un drame presque toujours lié à une trop grande crédulité, des désillusions ou l'amour.

N'allez pas plus loin démontre qu'il y a un seuil à ne pas dépasser dans des relations et qu'un pauvre employé ne peut frayer avec son patron humiliant même si ce dernier est le parrain de son fils.

La lettre évoque l'implication d'un facteur "messager du destin" dans une correspondance amoureuse.

Les époux Estrela sont complices jusqu'à la mort.

Cette douleur là est la douleur d'un ex-taulard qui a payé sa dette mais porte un lourd secret qui le mine.

Le bon Texeira est un épicier convalescent comprenant que sa place est prise.

Triste journée relate la rude journée d'un médecin entre doutes,scrupules et confidences.

Musique est l'amour inavoué d'un organiste émerveillé.

La retraite soulève le problème de la mise à pied d'un agent de police pour lequel son métier était sa vie et qui de simple matricule se retrouve rien de rien.

La Leonor Bourlinguée dénonce les illusions d'une trop jolie jeune fille incapable de résister au "diable".

Senhor Cosme relate l'histoire cruelle (qui tourne à la folie) d'un mariage arrangé entre un employé timide et la fille (enceinte d'un autre) de son patron qui le méprise.

Un combat se joue entre un médecin ulcéré et son patient, colonel et diabétique réfractaire à tout traitement.

Le charlatan vend son "talisman du bonheur" en racontant ses malheurs. Vérités ou mensonges?

Pension Centrale évoque l'arrivée d'un client bizarre, noctambule,irrespectueux des horaires qui provoque la fuite de la clientèle dérangée dans ses règles de vie.

Que de drames se jouent dans une rue populaire!

Que de vies se perdent pour de mauvaises raisons ou par manque de discernement.

Et pourtant ce n'est pas triste, ce sont des tranches de vies!

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Lapidaires

Est-il encore besoin de dire combien Torga a su mener, tout en restant fidèle à sa thématique et à son esprit, l'art de la nouvelle à une juste perfection ?
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La création du monde

La Création du monde en tant que création littéraire est également une création de soi. L'écriture chez Torga, vitale et nécessaire, aidera l'écrivain à se réaliser, et à découvrir son soi. Un soi qui, finalement semble aspirer ardemment à l'universel.
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Vendange

Roman paru en 1945, Vendange emmène le lecteur sur les rives du Douro, au nord du Portugal, où est récolté le raisin qui donnera le vin de Porto. Les vendanges approchent : nous sommes en septembre. Le senhor Lopes, ancien ouvrier devenu patron d'une florissante exploitation, accueille les vendangeurs venus des villages voisins. C'est le temps du travail de la terre qui exige patience et force ; c'est aussi un temps particulier, hors des habituelles règles de vie du village. C'est le temps des drames, domestiques - un ouvrier a la main broyée - et sentimentaux. C'est le temps des rivalités silencieuses entre les Lopes, parvenus et riches, et les Meneses, ancienne famille puissante dont l'exploitation périclite.

Les passions sont violentes mais silencieuses : on aime sans se le dire, on se donne sans y croire. Les enfants des Lopes et des Meneses rêvent d'autres choses que de l'exploitation familiale : Alberto Lopes est un jeune homme au pessimisme inquiétant et Catarina, sa cousine, est une poétesse mystérieuse, indifférente au monde qui l'entoure. Il y a enfin deux personnages comme deux intrus : le docteur Bruno, aux manières élégantes mais aux pratiques hypocrites, et le Rouquin, rival de Lopes par lequel il a été humilié et qui apporte une aide financière aux Meneses, alors même que ceux-ci étaient prêts à donner leur fille aux Lopes pour recevoir de l'argent.

L'écriture simple de Miguel Torga rend hommage au pays du Douro. C'est un pays de montagnes rudes et de vignes heureuses. Le travail du vin est mis en avant : récolte, foulage ... C'est aussi une histoire de paysans qui partagent la même vie et qui ne s'en plaignent pas. Le roman répond ainsi parfaitement à la définition que donnait Torga à la littérature : "l'universel, c'est le local sans les murs".
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Vendange

C'est avec cet ouvrage que je découvre Miguel Torga. C'est le temps des vendanges dans la vallée du Douro, au Portugal (sans doute vers le milieu du XXème siècle, le roman étant paru en 1945).

Patrons et paysans vendangeurs, anciens notables et nouveaux riches, cyniques et rêveurs, réalistes et poètes : dans la fournaise de la fin de l'été et la violence d'un orage se jouent le désir et les traditions, les amours et l'honneur, la vie et la mort.

Un roman social où se développent de subtiles analyses psychologiques. Et un style d'écriture qui joue entre la simplicité et le baroque des images et des métaphores sur lesquelles on s'attarde avec un réel plaisir.

Une belle découverte.
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En franchise intérieure

Chaque nation possède ses héros, se reconnaît dans des figures qui l'incarnent. Avec Miguel Torga, le Portugal a perdu l'écrivain qui, dans l'époque moderne, s'était le mieux, le plus profondément, identifié à lui.
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Contes de la montagne

Lorsque l'on redescend de cette montagne, où l'on a croisé le destin de tant d'hommes et de femmes, où l'on a plongé dans leur âme, vécu leurs petits et grands bonheurs, partagé leurs tourments, leurs souffrances, leurs doutes et leurs détresses, assisté à leurs bassesses et à leurs actes de bravoure, vu des êtres pour certains lumineux et pour d'autres emplis de noirceur, on se retourne une dernière fois pour admirer les sommets atteints par l'écriture de cet immense conteur qu'est Miguel Torga et l'on souhaite que de nombreux lecteurs prennent, à leur tour, le chemin de la montagne.
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La création du monde

Respect pour cet homme respectable, mais le style est lourd, très lourd, les récits sont fastidieux, ennuyants même parfois.

Bon, il s'agit d'une espèce de journal intime, une sorte d'autobiographie reconstituée au fil de sa vie, et on ne lui demandera donc peut-être pas le romanesque.

Quelques passages, surtout dans les deux derniers jours, seront tout de même historiquement intéressants: son passage en prison sous la dictature portugaise de Salazar, la révolution des œillets, les décolonisations tardives,... et la suite...
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