Citations de Mikky Sophie (205)
Toutes mes économies seront nécessaires pour honorer sa mémoire. Adieu l’avancée de mon projet. Adieu la possibilité de faire la fine bouche. J’aurais besoin d’un travail ; et vite. Et je ne connais qu’un seul employeur qui pourra me sortir de cette mouise financière. Les frères Connor.
Chaque mort prend une part de moi-même en quittant ce monde. Ils me désintègrent petit à petit. Ils me morcellent et m’affaiblissent. Je ne serais bientôt plus qu’une coquille vide.
Je me sens vide. Pas de tristesse ni de colère, juste vide. J’avance vers elle et glisse ma main dans la sienne. Ses doigts sont encore chauds et je souris inlassablement en reconnaissant le roman sur son cœur. Le policier de monsieur Robert est enfin lu jusqu’à la dernière page. J’aime à penser que son épouse pourra lui relater la fin et lui dévoiler le coupable dans l’autre monde, là où elle le rejoint après toutes ces années de séparation. Je dépose un tendre baiser sur son front et quitte la pièce sans me retourner.
Affronter la vie réelle est bien plus dur. Je grimpe à l’arbre effeuillé pour atteindre le haut du muret et je saute sur le trottoir. Heureusement que les températures se sont adoucies, j’ai failli me casser la figure sur une plaque de verglas, l’autre jour.
Le problème est l’argent, encore, et toujours l’argent. Je n’ai pas réussi à économiser la somme nécessaire à ma tranquillité. Et la perte de mon emploi chez les frères Connor n’est pas à mon avantage. J’ai appelé l’agence de nettoyage qui me fournit des clients pour qu’il me trouve un autre employeur, mais ils n’ont rien à me donner.
– Fais pas de connerie, Ahmik.
Je n’ai fait que des conneries toute ma vie. Une de plus ne changera pas mon sort.
Les paroles de Lusio sont insensées et il n’en est même pas conscient. La chance ? Quelle chance a-t-elle eue ? Elle a subi une agression sexuelle et c’est une chance si elle s’en est sortie ? Voilà où cette vie dans la réserve nous entraîne, à l’aveuglement et à la résignation. Tant de femmes Chippewas se font violer que cela en devient banal. Les femmes de White Earth Nation sont traquées par les blancs. Elles sont belles, vulnérables, la justice américaine ne les protège pas et les prédateurs à l’extérieur en profitent vicieusement. Ma sœur. Ma petite sœur. Je l’ai laissée connaître ce destin de merde. J’étais censé la protéger. Je me le suis promis.
La gêne de Lusio est pratiquement palpable. Il détient une information capitale et n’ose pas me l’avouer, et cela n’est pas de bon augure. Il a peur que je pète un plomb. S’il ne parle pas, c’est tout mon barrage hydraulique qui risque de lâcher.
« Je te retrouverai »
Oui, c’est certain. Je ne la laisserai pas s’en tirer aussi facilement. Je sors de la maison sans que ma colère se soit atténuée. Je déteste être dans le flou. J’ai besoin d’obtenir des réponses, de savoir où je vais. Lusio m’a emmené ici, il est le seul qui puisse m’aider à m’en échapper. Les mots de la voyante m’ont emprisonné dans un brouillard incomparable. Il faut que je lui parle.
Je casse tout ce qui peut être fragile ou précieux. J’ai la haine. Cette femme m’annonce la pire chose au monde et disparaît dans la nature sans donner plus d’explications. Elle jette une bombe dans ma vie et fiche le camp pour me laisser seul, patauger dans ma merde. Je ne peux pas attendre la mort, les bras croisés. Je ne peux pas la laisser décider de mon avenir. La poussière sur la cheminée repose toujours en une couche épaisse. Le chaos que je laisse après mon passage ne suffit pas à lui indiquer mon mécontentement. Je trace des lettres du bout de mon index dans les résidus de saleté et d’abandon.
J’ouvre le premier tiroir dans la précipitation et tombe sur une multitude de boîtes de médicaments et autres tubes de crème en tout genre… Sauf que… celui aux couleurs bleues et au nom étrange attire instantanément mon regard. Je me souviens l’avoir déjà vu chez Lusio après qu’il ait forniqué avec une prostituée de la grande ville… atteinte d’herpès génital. Il me faut plus d’une minute pour constater d’autres effets de la cliente permettant de soigner cette infection sexuellement transmissible. Et mon appendice perd aussitôt de son enthousiasme. Beurk ! La garce ! J’empoigne le savon au bord de l’évier et me frotte les mains avec jusqu’à ce qu’elles deviennent rouges. Je rince et recommence.
Je la soulève par les cuisses et la dépose sur la table de sa cuisine. Elle me lèche le lobe de l’oreille, malaxe mes fesses et se frotte à mon entrejambe. Mon sexe durci très vite face à cet assaut. Je n’ai pas baisé depuis la nuit de la voyante et mes pulsions masculines sont au garde-à-vous. Je dégrafe rapidement son soutien-gorge, titille la pointe dressée de ses seins jusqu’à ce qu’elle gémisse et écarte un peu plus les jambes.
Elle est magnifique. Une jupe au ras des miches lui dévoile des jambes interminables, une chemise échancrée laisse deviner aisément son bustier proéminent et une bouche rouge et pulpeuse éveille mon imagination. Elle est aguicheuse, souriante et intentionnelle. Le message qu’elle me transmet à travers son corps et ses sous-entendus sont très clairs.
Je bénis cette époque où tout va trop vite et dans laquelle la plupart des gens font tout dans la précipitation. J’ai besoin d’argent et toutes les têtes en l’air sont une source d’or pour moi. À midi, je m’apprête à déjeuner un sandwich au beurre de cacahuètes quand je reçois l’appel d’une jeune femme qui a claqué sa porte en oubliant ses clés à l’intérieur.
Je prends souvent les choses comme elles viennent et je n’ai pas peur de réussir ou de rater ce que j’entreprends. Sauf quand il s’agit des frères Connor et tout particulièrement du cadet, Mick. Il respire l’arrogance et la cruauté. J’espère qu’il ne sera pas là.
Il n’était pas un homme bien pour les autres. Il l’était juste pour moi et c’est tout ce qui compte. S’il était bon avec tout le monde, ce serait le héros de beaucoup de personnes, pas que le mien. Et puis, ne lui fais pas trop d’éloges, je l’ai sauvé aussi, tu sais. C’est ça le secret de l’amour éternel, ma petite.
Les femmes d’aujourd’hui peuvent se défendre seules, madame Robert. Elles n’attendent pas qu’un homme vienne les secourir. Les secourir de quoi, d’ailleurs ?
Le prince charmant n’existe pas, c’est vrai. Au début peut-être, les hommes font attention. Mais avec le temps, ils ont dû mal à garder les bonnes manières qui feraient d’eux des princes charmants. De toute façon, ils seraient terriblement prévisibles et ennuyeux s’ils l’étaient, affirme-t-elle.
Je n’ai jamais eu de relations sérieuses. Je n’en vois pas l’intérêt. Comment peut-on aimer quelqu’un sans se projeter dans le futur avec l’être aimé à ses côtés ? J’ai déjà essayé de vivre au jour le jour et cela n’a pas été une expérience fructueuse. Le sexe pour le sexe n’a pas été concluant. Je n’ai pas eu de plaisir. Il doit sûrement exister une sorte de connexion entre le plaisir de la femme et les sentiments qu’elle éprouve. A moins que le boulet sur lequel je suis tombé ce jour-là n’avait pas de talent. Je n’en saurais rien.
Elle croit éperdument en l’amour, je n’en ai jamais vu la couleur. Et pourtant, nous nous ressemblons à certains égards. Nos vies ne présentent aucune surprise, des êtres chers nous attendent de l’autre côté et personne ne nous regrettera dans ce monde. Moi, j’ai accepté ce sort qui me colle à la peau depuis longtemps. Je n’ai jamais envisagé qu’il en soit autrement, mais je ne m’en réjouis pas pour autant. Madame Robert, elle, est heureuse. Je ne suis pas certaine de l’avoir déjà été. Enfin si, j’exagère.