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Citations de Mohamed Mbougar Sarr (1042)


Parade triomphale qu'on acclamait, procession religieuse qu'on prenait en pitié, convoi honteux qu'on injuriait, caravane qu'on raillait, cabinet de curiosités qu'on examinait : le cortège traversait la ville et était tout cela.
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Elle acceptait que je la caresse furtivement, que je la touche à sa surface, mais il suffisait que je veuille y attarder la main, que je désire l’empoigner et en éprouver toute la texture, pour qu’elle m’arrête sèchement. Même lorsque nous dormions ensemble, elle refusait que je touche ses cheveux avec trop d’insistance. Je pouvais les sentir. Je pouvais y poser les lèvres. Mais les tenir fermement, jamais. Naturellement, j’avais déjà essayé de profiter de son sommeil pour découvrir son secret et, peut-être, le voler. Mais comme si cette partie était la plus nerveuse et la plus sensible de son corps, Rama se réveillait en sursaut dès que je touchais sa chevelure ou que j’en approchais les mains. Les seuls moments, en fin de compte, où elle me laissait agripper ses cheveux, c’était lorsque nous faisions l’amour.
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Je ne hais pas ces gens, je ne souhaite pas leur mort, mais je ne veux pas que ce qu’ils font, ce qu’ils sont, soit considéré comme normal dans ce pays. Si c’est ça, être homophobe, j’assume de l’être. Chaque pays a des valeurs sur lesquelles il s’est construit. Nos valeurs ne sont pas celles-là. Tout simplement. On ne peut pas les accepter comme quelque chose de banal, ce serait le début de notre mort, une trahison de nos ancêtres et de nos pères spirituels. Pire : une trahison de Dieu. Pour moi, c’est clair : si une minorité menace la cohésion et l’ordre moral de notre société, elle doit disparaître. Au moins, elle doit être réduite au silence, par tous les moyens. Ça peut te sembler cruel, inhumain, mais il n’y a pas plus humain, Ndéné. Écarter ceux qui gênent, par la violence s’il le faut, pour protéger le plus grand nombre et sauvegarder sa cohésion, il n’y a pas plus humain. C’est presque un instinct de conservation, de survie.
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Le dernier des imbéciles est capable de donner un avis superficiel sur un sujet qui lui est étranger. Or c’est parler des choses qu’il faudrait, je veux dire de l’intérieur des choses, de cet intérieur inconnu, dangereux, qui ne pardonne aucune imprudence, aucune bêtise, comme un terrain miné…
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Ils ne savent pas que ce qui convient aux Blancs là-bas, chez eux, ne peut pas convenir ici, chez nous. On a nos traditions, notre culture… On ne doit pas imiter. Je crois vraiment que c’est une maladie chez la plupart d’entre eux… C’est à l’hôpital qu’il faut les envoyer, ou chez des marabouts…
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Ce n’est pas un subit élan de piété retrouvée, mais un beau regain d’amour filial qui me donna la force d’aller à la mosquée. Voilà bien longtemps que je ne priais plus. Mais pour mon père, j’étais prêt à faire un peu de comédie. Je ne pratique plus, même si je crois encore en Dieu, à supposer qu’Il existe. En public, naturellement, je ne dis pas les choses ainsi. Je ne suis pas le seul. Nous sommes très nombreux dans ce pays à être de formidables comédiens sur la scène religieuse, histrions déguisés, masqués, grimés, dissimulés, virtuoses de l’apparence, jouant si bien que nous arrivons non seulement à duper les autres, mais à nous convaincre nous-mêmes de l’illusion que nous créons.
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Je voulais faire bouger les choses. Je prétendais m’attaquer aux pontes du département, de vieux profs chauves, hypermétropes et gras qui avaient passé leur vie à errer dans les couloirs de la faculté tels des fantômes dans un cimetière, sans autre ambition que garder leur statut de maître de conférences ou de chargé de cours. C’étaient des fossiles, des dinosaures qui n’écrivaient plus (l’avaient-ils jamais fait ?), ne publiaient plus, ne cherchaient plus, ne réfléchissaient plus à leur pratique et encore moins à la littérature. Ils se contentaient de rabâcher les mêmes cours auxquels, au mieux, ils changeaient d’une année à l’autre une ou deux virgules, une ou deux références, un intitulé par-ci, une citation par-là. Pour le reste, ils veillaient à faire du département un formidable mouroir où perdaient rapidement et définitivement leur souffle ceux qui prétendaient encore en avoir.
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De toute évidence, la littérature française du XIXe siècle ne leur disait rien. Je me demande du reste s’ils entendaient quelque chose à la littérature tout court ; cette question en induisait une autre : que foutaient-ils là ? Je n’ai jamais su répondre. Je parie qu’eux non plus.
Je me suis souvent interrogé si l’enseignement actuel des lettres étrangères en général, françaises en particulier, dans nos universités était une bonne idée. Nous peinions déjà à susciter l’intérêt des étudiants pour nos propres écrivains, supposés avoir parlé de notre société, de ses aspirations, de ses angoisses, de sa nature profonde. Alors vouloir leur transmettre la passion pour une littérature d’un autre pays, issue d’un siècle passé, écrite dans une langue illisible même pour la plupart des Français d’aujourd’hui… Plutôt apprendre aux morts à ressusciter.
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Éprouver une terreur sacrée devant un fait, en être profondément bouleversé, puis s’adonner au plaisir peu après en oubliant le drame : il n’y a qu’un homme pour être ainsi, pour être tour à tour, ou à la fois, le frère du monstre et la sœur de l’ange. Aucune vraie décence ne dure. Ou alors c’est seulement moi qui suis comme ça.
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Les Barbares. Les Tartares. Les Syrtes. Le vote des bêtes sauvages. Dieu seul savait qui. J’avais l’impression que chaque fois que l’un d’eux riait il envoyait en l’air quelque chose, une balise de détresse qui explosait là-haut. Certains trouvent ça admirable : voyez-les donc, ces braves gens ! Ils rient malgré tout ! Ils défient la mort par leur foi en la vie ! L’honneur dans la pauvreté, etc. ! Et on s’émeut. On élève au grade de. On leur dresse de majestueux et nobles bustes. Je dis, moi, qu’on n’érige de statues qu’aux morts, aux héros ou aux tyrans
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Ils parlaient, si on peut ainsi appeler ces phrases sans origine ni but, ces monologues inachevés, ces dialogues infinis, ces murmures inaudibles, ces exclamations sonores, ces interjections invraisemblables, ces onomatopées géniales, ces emmerdants prêches nocturnes, ces déclarations d’amour minables, ces jurons obscènes. Parler. Non, décidément non, ils bavaient les phrases comme des sauces trop grasses ; et elles coulaient, sans égard, du reste, à quelque sens, seulement préoccupées de sortir et de conjurer ce qui, autrement, leur aurait tenu lieu de mort : le silence, l’effroyable silence qui aurait obligé chacun d’eux à se regarder tel qu’il était vraiment. Ils buvaient du thé, jouaient aux cartes, s’enfonçaient dans l’ennui et l’oisiveté, mais avec un semblant de classe, avec cette hypocrite élégance qui faisait passer l’impuissance pour un choix que d’aucuns, noblement, nommaient dignité.
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La mort n'a qu'un seul terrain de chasse : la vie; il faut l'y rejoindre et là, au cœur même de l'existence, par la lutte dans le présent et la lutte par la mémoire, l'affronter.
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La mort n’est jamais repue. Elle est toujours en manque de vivants, c’est sa raison d’être, dit Pietro d’une voix désabusée.
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Ils disent ne pas vouloir de nous chez eux. Nous ont-ils demandé la permission lorsqu’ils s’installèrent chez nous ?
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Il avait un léger handicap : il lui manquait trois doigts à la main droite : l’auriculaire, le pouce et l’annulaire. On les lui avait coupé dans le désert lybien, où les trafiquants d’esclaves arabes l’avaient capturé. Ils lui demandaient une rançon qu’il ne pouvait donner en échange de sa libération. Ils prirent ses doigts pour le décider à appeler sa famille et leur demander de l’argent. Thialky refusa. On l’abandonna alors dans le désert – ce qui était un châtiment pire que l’exécution sommaire.
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Mon erreur est que je cherchais un coupable. Ne vous demandez pas qui est coupable. Tout le monde l’est dans cette affaire. D’abord, leurs pays d’origine. Ensuite, nos pays. Eux. Nous. L’histoire. Le système. Les passeurs. La géopolitique. Le capitalisme mondial. La colonisation. Tout cela a sa part de vérité et sa part de culpabilité.
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Ça peut pas être ça, l’Europe ! Pas possible ! Pas possible que ce soit pour ça que j’ai joué ma vie dans le Sahara puis dans la mer. On nous cache quelque chose. Pourquoi m’a-t-on mis ici ? Même Kayes est mieux que ce foutu village ! Où est le luxe ? Où est l’argent ? On nous cache à Altino. On nous garde ici pour nous empêcher de voir la vraie Europe.
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Migrant est un diplôme qui se mérite, avec différentes mentions dont la plus prestigieuse est : « a failli mourir pour de vrai ! ».
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La première fois que j’ai bu le café italien, je l’ai recraché. C’est impossible à boire sans sucre. Quand je vois les Italiens le boire d’un coup comme ça, je me demande comment ils font. Leur langue doit être sucrée.
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Depuis qu’ils ont accepté de louer à Jogoy le petit appartement qui était au fond de la cour, ils considéraient que leur rôle d’humanistes était rempli avec générosité et qu’ils pouvaient désormais se désintéresser provisoirement, sans honte, de la situation qui les entourait. Jogoy était leur bonne conscience, le blanc-seing qui leur était tendu et sur lequel ils validaient leur diplôme de charité pour l’Autre, celui qui souffre le Tiers-Monde.
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