Citations de Monica Hesse (62)
L'absence de souffrance n'est pas la même chose que la présence de bonheur.
- […] Il y a une différence entre aimer quelqu’un et aimer le souvenir qu’on en a. Ou entre aimer ce qu’est une personne et aimer ce qu’on voudrait qu’elle soit.
L’absence de souffrance n’est pas la même chose que la présence de bonheur.
Quelle est la frontière entre la somme d’intimations qui mène à espérer et celle qui conduit au désespoir ?
Choisirais-je le confort de l’illusion ? Ou choisirais-je la véritable souffrance ?
- Je ne sais pas comment répondre à ta question. Parce qu’en réalité je ne me souviens pas de la dernière fois que j’ai vu Abek. J’ai essayé pourtant. J’ai vraiment essayé. C’est comme si mon cerveau me l’interdisait. Je me souviens d’au revoir, mais je ne suis pas certaine que ce soient les bons. En rêve, je revois toutes sortes d’au revoir. Je n’arrête pas d’en inventer de nouveaux. Il y a un blocage, un grand mur derrière lequel ce souvenir doit se trouver.
- Qu’est-ce qui te fait croire qu’il existe un blocage ? Dans ta mémoire, qu’est-ce qui te fait croire que ça existe ?
Je déglutis. Mes mains se remettent à trembler.
- Lorsque nous sommes arrivés au camp, les cheminées étaient droit devant nous. La mort était là, devant nous. Tu comprends ? J’ai vu un soldat arracher un bébé des bras de sa mère et l’écraser contre un camion parce qu’il n’arrêtait pas de pleurer. Il est devenu tout mou et chiffonné tel un petit bout de dentelle. Je crois que je ne peux pas me rappeler avoir dit au revoir à Abek parce que je ne supporte pas de me rappeler ce jour. Je ne supporte pas de me rappeler la moindre seconde de ce jour.
Aujourd'hui nous sommes censés vivre aux côtés de gens qui ont soit souhaité notre mort, soit regardé ailleurs quand ça s'est produit.
La gare de Birkenau est la plaque de verglas sur laquelle je dérape, le monstre noir assoupi qui garde la porte de ma mémoire. Remuez-le un peu trop fort et il se réveillera. S’il se réveille, il me dévorera. Je marche sur un fil, à la lisière de ma mémoire. Même la lisière, c’est l’enfer.
J'ai laissé des parties de moi dans ce wagon. J'y ai laissé des parties que je ne retrouverai jamais plus. Je les ai laissées malgré moi, tandis que mon esprit s'obligeait à étouffer ces impossibles, impossibles instants. Je les ai laissées exprès pour me protéger, parce que me rappeler cette histoire aurait annihilé en moi toute raison de survivre.
Et contre toute raison, contre toute explication valable, j'ai quand même eu envie de survivre.
Nous étions entraînés par des événements qui nous dépassaient. Nous ne savions pas. Nous ne l'avions pas voulue, cette guerre. Nous n'y étions pour rien.
"L'absence de souffrance n'est pas la même chose que la présence de bonheur"
"l'absence de vérité n'est pas pour autant la présence d'un mensonge"
J’ai laissé des parties de moi dans ce wagon. J’y ai laissé des parties que je ne retrouverais jamais plus. Je les ai laissées malgré moi, tandis que mon esprit s’obligeait à épouser ces impossibles, impossibles instants. Je les ai laissées exprès pour me protéger, parce que me rappeler cette histoire aurait annihilé en moi toute raison de survivre.
Et, contre toute raison, contre toute explication valable, j’ai eu envie de survivre.
Je pensais tout savoir à l'époque. Je pensais que le monde était noir et blanc. Hitler était le méchant, on devait donc lui résister. Les nazis étaient des êtres sans foi ni loi, ils ne tarderaient donc pas à perdre. Si j'avais fait véritablement attention à tout ça, j'aurais pu comprendre que notre minuscule pays n'avait aucune chance de se défendre, quand des pays plus grands, tels que la Pologne, étaient déjà tombés. J'aurais dû me douter que, lorsque Hitler a annoncé à la radio de notre pays qu'il n'avait pas l'intention de l'envahir et que nous n'avions rien à craindre, ses soldats étaient déjà en train de plier leurs parachutes et que nous avions tout à craindre. S'engager n'était pas une prise de position symbolique. C'était une mission perdue d'avance.
Au début de l'Occupation, il y a deux ans et demi, les Allemands ont bombardé Rotterdam, à soixante-quinze kilomètres au sud, faisant neuf cents victimes civiles et détruisant tous les beaux édifices de la ville. Deux jours plus tard, ils entraient à pied dans Amsterdam. Aujourd'hui, nous sommes obligés de subir leur présence (...)
Dieu a créé le monde et les Néerlandais ont créé les Pays-Bas.
Je n'ai pas de ticket de rationnement pour remplacer un enfant mort.
Soeur Thérèse ferme les yeux et porte son chapelet à ses lèvres. Je suis ébranlée par ce geste de dévotion en public, qui me rappelle que certaines personnes ont traversé la guerre en étant capables de croire que Dieu veillait toujours sur le monde.
[p179]
- Aujourd'hui, je choisis d'aimer la personne que j'ai là, devant moi ! Tu comprends ? Parce qu'il est ici, parce que je suis ici et que nous sommes prêts à ne pas être seuls ensemble.
[p140]
Le Zyklon B était un pesticide. Il arrivait en granulés, qui se transformaient en gaz. Il paraît qu'à l'origine, il était destiné à exterminer les rongeurs. A Birkenau, je déchargeais ces bonbonnes, et ensuite les gardes les emportaient vers les bâtiments qu'ils appelaient " les douches ". Ils entassaient des centaines de gens à l'intérieur et lâchaient du Zyklon B. Ça marchait aussi sur les gens.
[p100]
Les filles amoureuses sont capables de choses désespérées et très imaginatives.