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Citations de Myriam Benraad (11)


« A l’heure où notre héritage a été bafoué, où nos gloires ont été spoliées et nos modèles remplacés, il est désormais comme un devoir pour nous de replonger dans notre histoire afin d’en tirer les plus belles leçons et de revenir aux sources de notre réussite » (Dar al-Islam 10 : 31).

Une telle revitalisation de l’islam évoque pour de nombreux musulmans la majesté de leur civilisation, incarnée au premier plan par le califat du fait de sa proximité avec la période prophétique :

« Depuis plusieurs siècles, l’oumma n’a jamais vécu la nomination d’un calife digne de ce nom ni l’union d’autant de jamaat (groupes), partout dans le monde, qui se rassemblent sous un seul État, sous une seule bannière, et sous un seul imam » (Dar al-Islam 1 : 7).

La célébration de la grandeur islamique passe assez naturellement par la dégradation symétrique de l’Occident et de ses adversaires, taxés de décadence. Dès le numéro d’ouverture de Dabiq, l’État islamique se pose comme l’héritier et le descendant de la « grande religion d’Abraham », le monothéisme, dont les échos se réverbèrent parmi les musulmans aux quatre coins du monde. Le groupe souligne que le monothéisme s’est éteint dans un Occident dégénéré et méprisable, au niveau moral et culturel. La « canaille » occidentale, composée de détracteurs et de « maquilleurs de l’Histoire » connus pour escamoter la vérité, aurait tenté de s’approprier les gloires des pionniers de la science. Et d’ajouter ici : « Ce ne sont pas les descendants de cette déchéance humaine qui s’octroieront le droit de nous réduire au silence et à l’impuissance » (Dar al-Islam 10 : 34). Voici l’inversion des rapports dominants-dominés par l’État islamique : conjurer la ruine présumée du monde musulman en causant celle de ses ennemis déclarés.

Les thèmes du déclin et de la décadence ne sont pas neufs. Ils ont toujours occupé une position critique dans l ‘imaginaire jihadiste, qui considère que l’affaissement de la civilisation islamique a commencé lorsque les musulmans se sont éloignés de leur religion et que seul un retour vers elle pourra venir à bout de leurs maux. La disgrâce des Occidentaux et de ses alliés et aussi morale, assimilée à l’homosexualité, à la pornographie, à l’individualisme et au matérialisme. Ces questions ne sont d’ailleurs pas spécifiques à l’islam. Le père du jihadisme contemporain, l’Égyptien Sayyid Qutb, évoquait dans les années 1950 son dégoût envers les mœurs occidentales. L’État islamique l’a suivi sur cette voie en soutenant que pour que l’islam renoue avec la gloire, il lui faut « terroriser les mécréants » et « jeter l’effroi dans leur cœur » (Dar al-Islam 9 : 21). (pp. 99-100)
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Parmi les mesures qui devaient permettre la démocratisation de l’Irak figure la débaasification, dont le but était d’éradiquer toute trace de l’ancien régime. Mais celle-ci suscita une importante controverse au sein de la communauté internationale, y compris aux États-Unis où beaucoup la qualifièrent d’anti-démocratique, craignant qu’elle ne conduise au chaos. Or la débaasification fait partie intégrante de la stratégie américaine pour la période d’occupation de l'Irak, élaborée par les stratèges du Pentagone deux mois seulement avant l'invasion militaire.
(…)
En quelques semaines, des milliers d’officiers sont mis à la rue sans solde ni pension, et sans garantie d'un retour quelconque à l'emploi. Cette mesure a pour effet de plonger l'Irak dans un climat d'insécurité totale. De plus, les forces étrangères ne s'interposent pas pour mettre fin aux pillages et actes de vandalisme qui sévissent à travers le pays. Au contraire, elles laissent faire, dans une indifférence déconcertante.

Beaucoup des officiers démobilisés et des jeunes hommes abandonnés à leur sort, dont certains ont subi de graves sévices de la part des troupes américaines (mauvais traitements, torture dans des prisons secrètes), ne tardent pas à prendre les armes et à rejoindre le soulèvement. Ceux qui font l'objet d'arrestations, souvent arbitraires, sont incarcérés sur les bases militaires étrangères, les chiffres de la population carcérale dépassant vite plusieurs dizaines de milliers de détenus, majoritairement sunnites.
(…)
On évalue aussi à plus de 200.000 le nombre de fonctionnaires, médecins, enseignants, magistrats et militaires qui ont été contraints de quitter leur profession.
(…)
I.a débaasification a enfin eu de sérieuses conséquences sur l'économie irakienne, déjà affaiblie par des décennies de conflits et de sanctions. Alors qu’elle cherchait à effacer le legs de l’ancien régime pour permettre l’éclosion d'un système démocratique, elle a plongé les Irakiens dans la précarité. (pp. 61-66)
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Mossoul, 10 juin 2014. A l'aube, la nouvelle tombe, fracassante. Un commando d'hommes en armes a pris d'assaut la deuxième plus grande ville de l'Irak, peuplée de deux millions d'habitants.
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En définitive, la problématique de la partition révèle le caractère décousu et improvisé des solutions proposées par les Etats-Unis pour remédier au "chaos créateur" qu'est devenue leur intervention.
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C'est donc avant tout sur un plan religieux que le sunnites se différencient des chiites, sur la question de la succession de Mahomet, mort en 632, et de la direction des croyants. Alors que, selon les chiites, le califat revient de droit à Ali Ibn Abou Talib, fils adoptif et gendre du prophète, et à ses descendants (d'où la formule des partisans de Ali, chi'a 'Ali), l'orthodoxie sunnite considère, au contraire, que celui-ci doit être confié à un fidèle désigné pour ses qualités et par consensus. En l’occurrence le premier calife Abou Bakr al-Siddiq (632-634).
Cette divergence doctrinale n'est pas secondaire : elle a marqué toute l'histoire de l'Islam et celle de l'Irak notamment, tissant la toile de fond de déchirements sanglants.
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Contrairement à une perception courante, les années d'embargo sous contrôle onusien n'ont donc pas affaibli le régime, mais lui ont étonnamment permis de se perpétuer. Les sanctions et leurs effets ont finalement permis à Saddam Hussein de rétablir son aura à l'échelle du monde arabe, en se présentant comme dernier rempart contre l'impérialisme du monde occidental et gardien du panarabisme face aux ambitions impérialistes des États-Unis. Dans le même temps, en ayant délabré son économie et mis à genoux sa population, l'embargo a porté le coup de grâce à l'Irak en tant qu’État. Après maintes déchirures et guerres, il a donné lieu à toutes les formes d'abus et de dérives (contrebande, criminalité, corruption), exacerbant une violence déjà palpable et qui ne demandait qu'à exploser. Cette période, conjuguée à l'histoire plus lointaine de l'Irak, n'est pas étrangère à l'anarchie qui suit immédiatement l'invasion militaire américaine de 2003. Au contraire, elle préfigure nombre des dynamiques du conflit à venir.
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Si certains États s'étaient finalement bien accommodés de la déstabilisation de l'Irak à compter de 2003, leurs calculs se sont vus remis en cause par le monstre jihadiste. L’État Islamique est, en large part, l'enfant de cette guerre d'Irak que l'on croyait refermée mais dont les métastases sont évidentes – du déchaînement des passions communautaires dans la région à l'irrémédiable déclin des États-nations que les puissances européennes avaient arbitrairement formés au XXe siècle, sans oublier la remise au goût du jour d'un jihad global que l'on avait pu croire affaibli depuis les attentats du 11 septembre 2011.
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Le ressentiment de l'Armée islamique envers Al Qaida porte sur la question confessionnelle. L’un de ses chefs, Abou Mohammed al Salmani, déclare en avril 2007 qu‘« Al-Qaïda a tué plus de sunnites irakiens dans la province d’Al-Anbar au cours du dernier mois que les soldats de l’armée d’occupation n’en ont tué au cours des trois derniers ». Après un moment de silence, l'Armée islamique émet un communiqué dans lequel elle s'en prend aux pratiques illicites de l’organisation jihadiste et ne fait pas usage une seule fois de la formule d’État islamique, pour mieux en affirmer le rejet : Al-Qaïda a commis des erreurs graves et surtout mal interprété la jurisprudence et les origines de la foi en répandant le sang des musulmans et en humiliant les moujahidin.

Les attaques portées par l’Armée islamique contre l’État islamique causent d’importants remous dans la communauté des jihadistes. Qu’un groupe armé puisse taxer Al-Qaïda d'arrogance et lui reprocher d'encourager une guerre fratricide suscite, en effet, l’incompréhension de ceux qui. dans le monde arabe et au-delà, soutiennent le jihad anti-américain et la cause des sunnites. Al-Baghdadi tente alors d’apaiser la situation en s’adressant à ses adversaires dans des termes plus conciliants :

« Ô frères des armées des Partisans de la tradition et des moujahidin, l'amitié qui nous unit est si profonde […] Ô fils de l’Armée islamique d'Irak, sachez que mon sang roulera pour le vôtre et que, par Dieu, vous n’entendrez et ne verrez que de bonnes choses nous concernant. Soyez rassurés et apaisés, ce qui nous unit est plus tort que ce que certains pensent (...) Nous jurons par Dieu que nous ne verserons pas volontairement le sang d'un fidèle tant qu'il suivra nos prières, nos orientations et mangera notre viande. »

Contrant l’accusation d’unilatéralisme qui le vise, Abou Bakr Al-Baghdadi ajoute :

« Lorsque nous avons proclamé l’État islamique, il ne s'agissait pas d'une tentative de cueillir le fruit avant qu’il ne soit mur Ce fruit est tombé de lui-même et nous l’avons ramassé et place entre des mains sûres et saines, pour qu'il ne finisse pas dans la boue. Regardez ce qui s'est produit après l'effondrement de l'Union soviétique et après que les nations musulmanes se sont éloignées du communisme. Elles sont devenues des proies faciles pour les idéologies séculières. Que s’est-il passé après que les moujahidin ont atteint la capitale serbe pendant la guerre de Bosnie ? Ils ont été arrêtés en chemin par les accords de paix de Dayton. Que s'est-il passé après que le fruit est tombé en Afghanistan, et que l'ennemi a été défait par les factions armées ? Il n’y a eu que meurtres, ruines et pillages. Ô nation musulmane, nous sommes déterminés à ne pas répéter cette tragédie et à ne pas abîmer le fruit une fois encore. » (pp. 154-155)
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Personnage entouré de mystère, Al-Baghdadi vient d'une famille arabe et sunnite qui se réclame d’une affiliation directe avec Mahomet. À partir de 2006, il s'impose comme l'un des chefs de file d'Al-Qaïda en Irak ; on suppose qu’il a rejoint la mouvance salafiste au milieu des années 1980, avant de quitter le pays en 1999 pour gagner l'Afghanistan où il s'est lié d’amitié avec Al-Zarqawi. Présent au Kurdistan en 1002, il ne rend public son retour qu’au cours de l’année 2004 et participe activement aux batailles de Fallouja en supervisant la rédaction des fatwas et les prises d’otages. Ses actes guerriers et sa connaissance intime du Coran seraient à l’origine de sa nomination comme prince du nouvel État islamique. Al-Baghdadi a signé plusieurs essais de propagande, parmi lesquels Pourquoi nous battons-nous, et contre qui et La Constitution des apostats, documents qui en disent long sur sa haine de l'Amérique et des chiites.

Dès l’annonce de sa proclamation, l'État islamique suscite l'incrédulité de la coalition étrangère. Les experts américains décrivent le Conseil des moujahidin comme une simple fiction, une organisation artificielle prétendant avoir remis la conduite du jihad à des irakiens mais qui reste sous le contrôle des étrangers. Al-Baghdadi est qualifié de pantin adoubé par Al-Zarqawi dans l’objectif d’entretenir l’illusion d’une lutte irakienne. En juillet 2007, une conférence de presse est organisée par le commandement militaire américain au cours de laquelle l'État islamique est présenté comme une instance virtuelle, pure chimère d’Al-Qaïda. D’après le général de brigade Kevin Bergner, l’Égyptien Al Mouhajir a même inventé l'existence d’Al-Baghdadi pour qu’Al-Qaïda cesse d’être perçue comme une structure étrangère ; les «ministères» et l'implantation géographique dont se réclame l'État islamique ne seraient qu'une illusion, à laquelle ne croient d’ailleurs pas les populations civiles. (pp. 151-152)
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Si le baasisme a souvent été qualifié d’idéologie séculière, il a aussi toujours reconnu l’islam en tant que religion majoritaire des Arabes et fondement spirituel de leur civilisation. Le fondateur du baasisme. Michel Aflaq fut le premier à évoquer la place de Mahomet dans l’héritage arabe et à souligner la centralité de l’islam dans la construction du nationalisme. L’islam, écrivait-il, se devait d’être admiré comme « un mouvement spirituel inséparable de l’histoire arabe et ayant permis sa renaissance ». Aflaq insistait sur l’opposition du baasisme à l’athéisme (ilhad). Dans le cas de l’Irak, nationalisme et islam (sunnite) sont demeurés étroitement imbriqués, y compris sous le règne du Baas. Après leur prise du pouvoir, les baasistes ont promu une idéologie laïque tout en se préservant d’une révolte par la reconnaissance de l’islam comme religion d’État. Puis le régime a nationalisé les commémorations religieuses en tenant ses propres rassemblements sur l’islam, autour des membres du parti, des oulémas sunnites et des chefs de tribus. Peu à peu, les restrictions imposées à la pratique religieuse ont été allégées pour ne pas aliéner les milieux traditionalistes.

Face à la montée de la République islamique chiite. Saddam Hussein lui-même avait adopté dès 1979 un discours religieux alors qu’il s’était auparavant fait le chantre de la laïcité en dénonçant tout ce qu’il percevait comme une atteinte à la modernisation de l’Irak. Au début de la guerre contre l’Iran, il n’avait pas hésité à se présenter comme le pieux héritier de Mahomet et comme le Saladin des temps modernes. En 1989, le régime annonçait la disparition d’Aflaq, inhumé à Bagdad, en soulignant qu’avant sa mort le père du baasisme s’était converti à l’islam et que ce choix devait alimenter une réflexion politique. Usé par des années de guerre, Saddam Hussein opérait un revirement idéologique encore plus net en se tournant vers l’islam pour en faire une source alternative d'autorité. Parallèlement, une réislamisation de la société s’enclenchait par le bas, suscitée par le repli des Irakiens sur la foi et savamment exploitée par le régime.

En 2003, Saddam Hussein considère que les Arabes et l'islam sont en crise et que Dieu a choisi l’Irak comme point de départ de leur réforme et de leur résurrection. Dans un discours prononcé le 6 septembre 1990, il a défini sa mission sacrée en ces termes :

« Les Arabe sont actuellement corrompus sur tous les plans, social, culturel, idéologique, politique et économique II n'y a pas de place pour pareille corruption. Si nous étions de vrais croyants, nous essaierions de réformer le peuple avec l'aide de Dieu afin de lui rendre un cœur bon et fidèle, servant l’islam jusqu’à ce qu’il renaisse et inonde l'humanité de sa lumière. » (pp. 89-90)
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les sunnites n'ont jamais été une communauté homogène. D'importants clivages les opposent en effet, qu'ils soient géographiques, sociaux, économiques, tribaux ou idéologiques. Il est souvent difficile de savoir lequel influence le plus la définition de leur appartenance. Ce constat vaut par ailleurs pour les autres composantes sociales irakiennes et plus particulièrement pour les chiites qui n'ont jamais constitué un groupe unifié, le chiisme irakien recouvrant une grande diversité.
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