Sonia, mère célibataire de quarante-deux ans, marie sa fille unique Anna de vingt-trois ans. Tout oppose des deux femmes : Sonia, d’origine mauricienne , mère fantasque et solitaire, est écrivaine. La fille Anna mathématicienne, est posée, règle sa vie par la gestion de ses agendas, et a trouvé son bonheur auprès de son premier amour, Alain, huissier de son métier.
Alors que Sonia ronge son frein pour ne pas souffler à Anna de prendre son temps, elle assiste à la naissance de cet amour, puis à la noce rondement programmée six mois plus tard. Mais pour elle, c’est l’occasion de faire le point de sa vie : elle se revoit jeune femme de dix-huit ans passionnément amoureuse d’Andrew, le père « caché » d’Anna, choisissant ensuite d’assumer seule la naissance et l’éducation de sa fille, puis mère souvent absente et imparfaite. A quarante-deux ans, le jour de la noce d’Anna, Sonia se sent vieille, mais pourtant restent encore des désirs de femme longtemps enfouis.
Je ne suis pas surprise que ce livre plaise tant aux blogueuses (j’aurai bien aimé trouvé un avis masculin, tiens !). C’est un formidable livre sur la relation mère-fille, évoquant toutes les barrières qu’un amour maternel – ou filial – peut contourner (sans pour autant les faire tomber), grâce à l’acceptation de l’autre tel qu’il est ,simplement parce que l’autre est notre enfant, ou bien notre parent. Pour autant, Sonia nous prouve que la crainte de perdre son enfant peut être surmontée.
Le personnage de Sonia fait preuve de beaucoup d ‘humour et de dérision dans la première partie de ce court roman. La deuxième partie – le jour de la noce- sonne plus grave, et s’accorde donc magnifiquement avec la solennité du moment.
Une lecture que je conseille donc vivement.
Quelques extraits :
Page 13 :
Ma fille Anna, elle, ne fume pas. Je suis content de cela, je la félicite de sa volonté, de sa droiture, de sa constance en tout comme elle a toujours su faire, mais parfois je donnerais n’importe quoi pour partager une clope avec elle, dans le silence, nous deux ensemble noyées dans les volutes. On partagerait quelque chose d’interdit qui nous aurait rapprochées mais ce n’est pas convenable de penser à ces choses-là. Une mère ne fait pas cela. Une mère est une sainte, tout le monde le sait. Elle donne des conseils avisés, dit les bonnes choses au bon moment, est pleine de douceur et d’amour, cuisine de bons petits plats dont, plus tard, elle donnera les recettes dans un cahier jauni à spirale et avec sa jolie écriture (forcément, une mère çà écrit bien, propre, déliés, attachés, courbés, liés, les mots comme des gestes d’une infinie tendresse), elle intitulera les recettes, donnera les ingrédients exacts, des tuyaux pour ne pas rater telle sauce, les petits trucs qui feront que ce serait une recette tenue d’une mère.
Page 174 :
J’ai passé ma vie à avoir peur de ma fille, à avoir peur de ne pas savoir l’élever, peur qu’elle passe son temps à me critiquer, peur qu’elle soit trop différente de moi, peur qu’elle me ressemble trop, peur d’être trop moi-même, peur de décevoir, peur de ne plus aimer, de ne plus savoir aimer, de ne plus être aimée. Je crois que si un jour on me demandait de résumer ma maternité, ce serait par ce sentiment-là : la crainte. Tant de responsabilités, une vie entre vos mains, se rend-on vraiment compte quand on donne la vie, pense-t-on un instant à cela : le poids d’une vie accompagnée de ses succès, de ses échecs, de ses actes manqués, une vie que l’on ajoute à la nôtre, comme si notre vie propre, cette chienne de vie, ne suffisait pas.
Clara a été bouleversée par cette lecture où elle s'est intensément identifiée, Keisha y voit "une évocation réussie de l'amour entre cette mère et cette fille" (je m'aperçois que nous avons choisi le même extrait page 174 !)
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