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Critiques de Nathacha Appanah (1035)
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Rien ne t'appartient

Rentrée littéraire 2021 #23



A chaque fois que je lis un roman de Natacha Appanah, je suis éblouie par sa capacité à dire tant en si peu de pages. Elle a un sens de l'épure absolument remarquable, immergeant totalement le lecteur dans l'intimité de ses personnages juste par la magie des mots. Car la plume ciselée de Natacha Appanah a bien quelque chose de magique, tellement sensorielle et musicale qu'on se retrouve entrainé à l'unisson d'une vie, avec ses ténèbres et sa douceur, ses respirations lentes et ses accélérations dangereuses. Tour est sensation, de la plus physique à la plus éthérée.



« Je me souviens de tout, ça vient comme une envie de vomir, ça me prend aux tripes et ça va rejaillir ici, en grumeaux noirs et gluants, dans cet endroit où j'ai connu la paix. Je me souviens que le prénom que mon père m'avait donné voulait dire «  victoire ». Vijaya. Je me redresse, je regarde le treillis métallique serré et je sais que je n'aurai ni le temps ni la force d'y grimper. Les chiens sont là, la jeune fille hurle, Arrête ! J'ai cette pensée étrange et douce qu'elle me tutoie comme si elle me connaissait mais à quoi bon, je veux que tout meure avec moi, le garçon, Tara et Vijaya. Je me traîne jusqu'à la berge qui n'existe plus tant l'eau est haute, tant le courant a mangé la terre, aplati les herbes. J'essaie de me mettre debout mais il n'y a rien sous mes pieds. Mon corps cède. Je m'étonne de crier comme si c'était une surprise, comme s'il restait encore une infime partie de moi qui refusait ce geste et j'aimerais arracher cette partie, la poser dans ma main, la regarder en face, l'écouter raconter son histoire mais alors l'eau, toute cette eau ... »



Toute la première partie est troublante et insaisissable. Tara vient de perdre son mari. Elle est flou, semble avoir perdu la tête, perturbée par l'apparition spectrale d'un garçon. En fait le choc du deuil agit comme un catalyseur de souvenirs et ce garçon n'est qu'une réminiscence du passé, une vapeur de son enfance déchirée. Tara est comme engloutit par ce passé traumatique dont elle était parvenue à s'extraire. L'infusion est lente pour mener à la deuxième partie dans un pays, jamais nommé tant il pourrait être pluriel ( même s'il ressemble fort au Sri Lanka ) lorsque Tara était une autre et qu'elle a vécu l'enfer. Elle qui a été élevée dans la conscience que tout était possible, et qui va réaliser que ce n'était pas le cas lorsqu'on nait fille, qu'on vous dit que vous êtes une «  fille gâchée » juste par la liberté prise et la sensualité que vous avez à fleur de peau. Que nous reste-t-il lorsque le corps ne nous appartient plus ?



Natacha Appanah s'empare une nouvelle fois des thématiques fortes qui courent dans tous ses romans : l'enfermement, la mémoire, la résistance. Son phrasé est doux, poétique, tout en suggestion, même ou plutôt surtout lorsque la violence surgit. Elle tisse les silences, faisant confiance au lecteur pour les comprendre. Jusqu'aux trois dernières pages qui compose l'épilogue, absolument bouleversantes pour dire, à travers ce superbe portrait de femme, l'éphémère d'une vie traversée de drames et de lumière, et la fragilité de l'identité malgré une résilience qui semblait acquise.





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Le ciel par-dessus le toit

°°° rentrée littéraire 2019 #32 °°°



125 pages seulement.



125 pages d'extraordinaire délicatesse pour raconter une famille cabossée.



125 pages oxymoriques où la noirceur côtoie la poésie, la douleur la poésie. Une douceur ouatée déchirée de rudesse pour plonger dans l'intime d'un triangle familial. Natacha Appanah tisse à partir de lambeaux de vie de chacun un texte incroyablement lumineux qui garde jusqu'au bout une ligne claire, vivante et elliptique.



D'abord il y a la mère, Eliette devenue Phénix, le personnage le plus déchirant : les passages qui éclairent sur les traumatismes vécues durant son enfance m'ont secouée, bruts, crus, d'autant plus terribles qu'ils l'accompagnent adulte puis mère, la déchirent toujours et se transmettent à ses enfants, inéluctablement, irrémédiables dégâts qui s'en suivent.



Paloma, la fille aînée, qui a décidé que pour vivre il fallait qu'elle fuit le plus loin possible de cette mère en souffrance, quitte à abandonner son petit frère et à être torturée par les affres de la culpabilité.



Le fils, le frère, Loup, adolescent étrange et décalé, emmuré dans ses détresses. le choc de son incarcération reconstitue le trio, avec peut-être la résilience au bout, peut-être un horizon moins sombre, peut-être.



Et quelle écriture ! Eblouissante. Il n'y a pas un mot de trop, aucune phrase banale pour meubler. Juste de l'humain qui vibre et bruisse de toute la palette des émotions, comme dans cette scène où la mère et la fille se retrouvent après dix ans sans se voir, pour rendre visite à Loup :



« Il y a ce regard échangé de loin. C'est la mère qui avance vers la fille parce que cette dernière est pétrifiée – par cette beauté, par cette vague d'motions qui l'atteint, par le poids de ces dix années, par la difficulté ) être m'enfant de sa mère – et toujours le coeur qui bat, le ventre qui tourne, l'esprit qui se débat pour trouver les mots qui conviennent, mais en réalité c'est autre chose qui prend le dessus et ça ressemble à un début, à quelque chose qui s'ouvre et qui offre on en sait quoi, on en sait pas encore comment mais on espère que ça ressemblera à de la tendresse et, pour l'instant, ça leur suffit. »



« Il était une fois » commence ce roman, comme un conte atemporel et universel sur la famille, la filiation, l'hérédité de la transmission des traumatismes. « Il était une fois » le conclut de façon puissance et vibrante comme un hymne à la vie, aux possibles.



Bouleversant.
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Rien ne t'appartient

Rien ne t’appartient est un roman assez court, d’une force incroyable.

Nathacha Appanah qui m’avait estomaqué avec Tropique de la violence, confirmant, à un degré moindre avec Le ciel par-dessus le toit, m’a ramené en Asie, dans un pays bouleversé par la guerre et les luttes fratricides dont les femmes sont les premières victimes.

Tara s’exprime dans une première partie très énigmatique qui ne m’emballe pas. Emmanuel, son mari qui avait quinze ans de plus qu’elle, est mort. Il a un fils, Eli, d’un premier mariage. Prof de maths dans un collège, il tente d’aider Tara victime d’hallucinations et très perturbée. Il a beau lui poser des questions, voulant savoir qui est cette Vijaya, prénom qu’il a vu écrit sur des feuilles trainant dans la chambre de Tara mais celle-ci ne répond pas.

Où sommes-nous ? Dans quel pays nous trouvons-nous ? Nathacha Appanah ne le dit pas, s’attachant exclusivement au côté psychologique de sa narratrice mais, lors des Correspondances de Manosque 2021, elle nous avait confié que cela se passe au Sri Lanka. Tara est au plus mal, veut en finir et refuse de raconter ce qu’elle a vécu à Eli qui voudrait tant l’aider. Pourquoi ? Je n’ai pas d’explication sauf cette seconde partie à la fois terrible et passionnante, intitulée Vijaya.

Tout commence par une vie idyllique pour cette fillette vivant dans un décor paradisiaque. Son père est opposant politique, parle à la radio, à la télévision et sa mère a des pouvoirs magiques. Ils sont riches assurément. Ce père souriant devient un tuteur sévère lorsqu’il enseigne à sa fille, Vijaya. Depuis la capitale, vient Rada, professeure de danse qui lui enseigne la bharatanatyam, danse traditionnelle de l’Inde du sud, deux jours par semaine. D’ailleurs, Vijaya danse à ravir lorsqu’une fête lui en donne l’occasion.

Hélas, sa vie va basculer dans l’horreur avec ce qui fait penser à un coup d’État militaire, l’installation d’une dictature qui élimine sans pitié les opposants.

Si Vijaya échappe à la mort, son calvaire est égayé par un garçon qui vient la voir régulièrement et qui partage l’amour avec elle. Cela explique peut-être ce garçon qu’elle voit chez elle dans la première partie puis qui disparaît subitement sans qu’on en sache davantage à son sujet.

La conséquence de ces relations sexuelles si belles transforme Vijaya en « fille gâchée ». C’est là qu’elle se retrouve dans une sorte de pensionnat, de maison de correction pour « filles gâchées » où la tenancière lui assène sans arrêt : Rien ne t’appartient ici.

La vie de Vijaya est celle que d’autres jeunes filles comme elles ont dû subir : privations, punitions, travail très dur, jusqu’au jour où ce tsunami dont nous nous souvenons tous, remet tout en question, juste après Noël, le 26 décembre 2004. Il dévasta une bonne partie des côtes de l’Océan Indien causant énormément de victimes.

Les quelques pages faisant vivre, survivre Vijaya dans ces vagues qui emportent tout, sont terribles. C’est dense, prenant, rythmé, d’un réalisme d’autant plus choquant que l’autrice n’exagère pas.

Rien ne t’appartient me semble un formidable témoignage sur les dégâts psychologiques causés, pendant des siècles d’exploitation et d’oppression de beaucoup de femmes. C’est écrit délicatement, avec un minimum de précisions géographiques et aucune date. Tout est dans les mots, les phrases mettant en place une vie sacrifiée où tant de malheurs, tant de souffrances accumulées sont impossibles à évacuer. Tara et Vijaya, ces deux jeunes femmes cohabitent dans la même personne qui, privée du seul homme venu à son secours, se trouve dans l’impossibilité de communiquer pour se relever et continuer à vivre.


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Tropique de la violence

Voici Mayotte, une île française, nichée dans le canal du Mozambique, oú quand Marie, infirmière venue de la métropole regarde le fond de la mer, elle voit nager des hommes et des femmes dans ce lointain coin de France, oublié de tous, avec des dugongs et des coelacanthes , des rêves accrochés aux algues et des bébés dormir au creux des bénitiers ......

Ce pays ressemble à une poussière incandescente qu'il suffit d'un rien pour qu'il s'embrase.....un jour.

Une île ancienne aux parfums d'hibiscus roses aux coeurs rouges, aux frangipaniers aux fleurs blanches et aux alamandas jaune soleil , une île enchanteresse aux teintes et aux parfums vibrants , chauds , devenant peu à peu cauchemardesque .......

C'est là que l'auteur situe son beau roman déchirant à plusieurs voix.

Cette polyphonie narrative parfaitement maîtrisée entrelace et dessine le destin de cinq personnes : Stéphane , travailleur humanitaire en ONG blanc, Olivier , policier humaniste qui passe ses nuits au poste dans ce coin de France, Bruce l'indigène écorché vif, chef de bande du quartier défavorisé de kaweni surnommé Gaza , un bidonville , un ghetto, un dépotoir , un gouffre, une favela, un immense camp de clandestins à ciel ouvert.

Bruce dévoré par la violence , tyran, voleur, fumeur de joints et de "chimique ", à l'enfance ravageuse , brûlé par la haine .......

Marie, l'infirmière blanche venue de métropole et abandonnée par son mari, un bel époux noir pour non capacité de procréation......

Marie qui adopte Moïse, personnage central de l'ouvrage, enfant de migrant , rejeté par sa mére car ses yeux vairon sont signe de malheur..........



Recueilli et élevé par Marie avec amour, Moïse se révolte lorsqu'il apprend la vérité sur ses origines et décroche de l'école.

À la mort brutale deMarie, il perd pied .

Il commence un voyage en enfer le jour où elle tombe dans la cuisine pour ne plus se relever.

Il a quinze ans, il se drogue, vole et se bat, tombe sous la coupe de Bruce et de sa bande de voyous issus du ghetto de Mayotte.

Humilié, battu, violé , blessé au coupe coupe , balafré au visage par Bruce....je n'en dirai pas plus , sinon les lecteurs futurs m'en voudraient .........

L'écriture limpide, sensuelle, lumineuse, chaude, puissante , sensible, colorée , évocatrice donne voix avec vigueur aux différents protagonistes qu'ils soient vivants ou morts.

Le lecteur est partie prenante, cet ouvrage est un réquisitoire contre la misère , un appel au secours vibrant pour cette île abîmée, coincée entre pression migratoire et montée infernale de la violence .

Il faut lire ce livre pour comprendre une jeunesse livrée à elle-même , pour ressentir toute la misère que l'homme est capable d'infliger à la beauté pour satisfaire ses appétits, comment à force de misère et de désespoir on se dénature et l'on perd toute notion de vérité ...........

L'auteur démontre là un talent littéraire intense d'une vigueur semblable à celle de sa grande sensibilité .

"Mais c'est la France, ici, quand même........"

Un très bel ouvrage, puissant et déchirant , sensuel et actuel , infiniment émouvant .

Je remercie chaleureusement Masse Critique et les Éditions Gallimard pour l'envoi de ce roman dans le cadre des livres de la rentrée litteraire .
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Tropique de la violence

Marie, jeune infirmière, vit dans une grande ville de France en compagnie de sa mère, dépressive.

A l'hôpital, elle rencontre l'amour de sa vie, Cham, originaire de l'île de Mayotte.

Ils se marient et vont vivre là-bas où elle travaille comme infirmière.

Son mariage et sa vie ne se passent pas comme prévu.

Chaque jour, elle est confrontée à un arrivage de réfugiés venant des îles Comores.

C'est ainsi qu'arrive un bébé rejeté par sa mère car il a les yeux de couleurs différentes. Les croyances locales attribuent cette particularité à un démon ( un djinn) qui habite l'enfant;

Marie recueille l'enfant et l'appelle Moïse.

La vie va les séparer et Moïse va entrer dans l'enfer des enfants de la rue, sans foi ni loi.

Il va vivre totalement démuni, dans une violence inouïe décrite avec un réalisme déroutant, effrayant.

Et pourtant, on sait que cette situation existe.

C'est un roman très noir mais tellement bien écrit, bien détaillé que je suis allée jusqu'au bout de ma lecture.



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La noce d'Anna

Voilà un livre magique qui enveloppe le cœur et le couvre de douceurs...

Juste un cri silencieux d’amour.



Anna se marie, décision prise brusquement après six mois de relation avec Alain, un huissier rencontré en vacances. C’est soudain pour Sonia, maman célibataire. Elle a peur, parce que le mariage emprisonne deux êtres dans la vie et dans la mort. Parce que sa fille est jeune, l’avenir devant elle.

Alors cette maman se souvient. Elle caresse les souvenirs avec sa fille, son premier et seul amour avec le père d’Anna. Elle redessine sa fille de tout l’amour qu’elle lui porte.

Ce livre est plus qu’une petite merveille, c’est un livre-câlin, un livre-soleil qui embrasse les contours, le fond, les côtés de la relation entre une mère et sa fille. C’est beau, doux, profond, intense, sincère, intime.

C’est pour toutes les mamans, des mots qui rassurent, qui comprennent, un roman pour elles, pour la mienne qui a tant pleuré elle aussi le jour du grand départ de ses filles.
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La mémoire délavée

Un roman court mais intense en émotion et bouleversant, un livre qui m'a mise dans le questionnement. C'est avec pudeur, sensibilité, subtilité et poésie, que l'auteure ,nous laisse entrer, dans un pan de sa vie, la quête de ses origines. Elle remonte le cours de l'histoire , jusqu' à ses trisaïeux, surnommés les "Déplacés". Ces derniers , ayant quittés l'Inde, vers l'île Maurice pour travailler dans les plantations de cannes à sucre, une main d’œuvre à moindre coup pour les exploitants. Des hommes et des femmes , marqués par un numéro pour pouvoir les identifier, eux qui pensaient retrouver un sens à leur vie, un retour à leur dignité ,

L'auteure voue un amour pour ses grands parents, principalement son grand père, cet homme fort qui a osé se rebeller face à cette situation, un homme qui dégage de l’empathie, L'auteure dévoile , son enfance, sa vie avec parents et ses grands parents, eux seuls pourront trouver, combler les réponses aux questions qu'elle se posait Un livre remarquablement documenté , une partie de l'histoire que je ne connaissais pas, Le début qui commence par le vol d’étourneaux qui migrent comme chaque année, un reflet de l’histoire de l'auteure, à travers la migration de sa famille et également d'autres personnes, Tout est écrit avec une grande délicatesse

A lire de toute urgence.



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Rien ne t'appartient

Onzième roman de l’autrice d’origine mauricienne Nathacha Appanah, « Rien ne t’appartient » dévoile le passé tragique d’une femme qui croyait pourtant l’avoir bien enfoui !



Depuis la mort de son mari Emmanuel, il y a de cela trois mois, Tara ne va pas bien du tout. Outre cet appartement qui ressemble de plus en plus à une décharge et une hygiène de vie qui commence à sérieusement inquiéter son beau-fils Eli, ce sont surtout ses visions qui la troublent le plus. Un jeune garçon qui la fixe en silence, les pas de danse d’une gamine insouciante, de très lointains souvenirs qui viennent subitement fracasser les parois d’une amnésie volontaire, un tsunami d’émotions qui risque bien de tout ravager…même sa nouvelle vie !



___« Elle ne se contente plus d’habiter mes rêves, cette fille. Elle pousse en moi, contre mes flancs, elle veut sortir et je sens que bientôt, je n’aurais plus la force de la retenir tant elle me hante, tant elle est puissante. C’est elle qui envoie le garçon, c’est elle qui me fait oublier les mots, les événements, c’est elle qui me fait danser nue. »



Construit en deux parties, « Rien ne t’appartient » partage deux destins. Tout d’abord celui d’une femme endeuillée, qui vient de perdre son sauveur, celui qui l’avait extirpée des décombres d’une vie antérieure… qui vient brusquement la rattraper. Ensuite, celui d’une fillette pleine de vie, élevée dans la lumière, puis subitement privée de tout… venant éclairer la folie qui s’est emparée de Tara à la mort de son mari.



« Rien ne t’appartient » est l’histoire d’une enfance brisée dans un pays que l’autrice ne nommera pas. Le récit d’une gamine a qui l’on avait d’abord donné des ailes, mais que la bêtise des hommes a privé de tout envol. Peu importe le nom, ils sont encore beaucoup trop nombreux ces pays qui vous privent de tout lorsque vous naissez fille, créant des blessures indélébiles…



« Rien ne t’appartient » c’est surtout une plume délicate, poétique et sensorielle qui fait non seulement danser son personnage principal, mais également les mots, tournant les phrases dans une beauté qui vient envelopper un récit pourtant douloureux et empli de désespoir. Une narration lumineuse venu éclairer la destinée tragique d’une femme endeuillée…



Me voilà fan de la plume de Nathacha Appanah !
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Tropique de la violence

Voilà ce que dit le site du Guide du Routard de l'île de Mayotte :

« Un petit coin de paradis où les routards seraient bien inspirés de faire un tour avant que Mayotte ne rattrape sa grande soeur réunionnaise. Prenez le temps pour découvrir les îlots de sable blanc, faire quelques brasses dans le lagon avec les tortues géantes, aller observer les baleines et leurs petits, assister à un « grand mariage » ou nourrir les makis, friands de bananes… »



Un petit coin de paradis ?



Eh bien comme disait Gainsbourg, le paradis c'est l'enfer et ce n'est pas Natacha Appanah qui le contredira.

Car ce n'est pas du lagon et de sa barrière de corail - véritable havre de paix pour les dauphins et les tortues - dont elle vous parlera ; ce ne sera pas non plus de mangroves, ni de massifs coralliens enchanteurs et encore moins de ces nombreux récifs qui font rêver..

Là où ne devrait être qu'île idyllique pour touristes, Natacha Appanah dévoile toute l'horreur, toute la pauvreté d'une population livrée à elle-même.

Mayotte, terre d'asile où viennent se réfugier les Comoriens, les Malgaches, les Anjouanais, pays « où les rêves sont accrochés aux algues », ce pays là « ressemble à une poussière incandescente » et il « suffira d'un rien pour qu'il s'embrase ».



Ecoutez donc la voix de Marie, l'infirmière au rêve brisé, la voix d'une mère désespérée.

Ecoutez donc la voix de Moïse, son fils, qui aimait tant « L'enfant et la rivière », voix bouleversante, abandonnée, traquée.

Ecoutez donc la voix de Bruce, écorchée, violente, insoutenable.

Ecoutez encore la voix d'Olivier, policier impuissant ou encore celle de Stéphane, bénévole au service d'une ONG, voix lourde de désillusions..

Ces voix vous diront la misère, ces voix vous matraqueront la violence, ces voix vous cracheront le dégoût, ces voix vous jureront la vengeance, ces voix vous remueront les tripes..

Tropique de la violence, c'est loin d'être le paradis, ça j'peux vous l'dire.
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Rien ne t'appartient

Étrange impression que de voir combien nos goûts littéraires peuvent évoluer, s’étioler ou rétrécir, allez savoir.



J’ai pris beaucoup de plaisir dernièrement à lire des romans hautement visuels avec un sens du détail impressionnant. Je pense à San Perdido, Les contreforts ou encore Filles de la mer.



De Natacha Appanah j’avais à l’époque beaucoup aimé La noce d’Ana mais c’était il y a fort longtemps. Ce nouveau roman était l’occasion de la retrouver.

Malheureusement c’est un rendez vous manqué. Faute à la brièveté obscure de cette histoire qui m’a perdue.



Tara vient de perdre son mari Emmanuel. Elle se sent perdue et désorientée dans l’appartement désormais vide. Elle se sent surtout happée par son enfance et la petite fille qu’elle a été.

Son histoire nous ait alors raconté. Une histoire bien triste où la petite essuiera drame sur drame.



« Je suis le dieu et son élue, je suis à la fois toutes les adoratrices et les rejetées, je suis la forêt et le désert, la fleur qui éclôt et la nuit qui dure. »



Rien ne m’a accroché à ce livre beaucoup trop flou et mystérieux. Tout est suggestif et tellement rapide que j’ai manqué d’ancrage et de temps pour m’imprégner de cette histoire.



L’écriture est certes soignée et bien propre mais à l’heure d’aujourd’hui ma soif des livres s’épanchera dans d’autres horizons. J’ai besoin d’être happée ou marquée au fer rouge ou encore d’être déconnectée ou de voyager à travers mes lectures. Si l’émotion n’est pas au rendez-vous, je le déplore et m’en vais voir ailleurs ou se cache la prochaine pépite littéraire.
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Le dernier frère

Une jolie plume pour amener en douceur un épisode douloureux des années 40. Raj est un jeune enfant de neuf vivant sur l’île Maurice, entre pauvreté et violence du père, dans un climat difficile où la nature se montre violente à l’image des hommes de ces années de guerre. Il perdra ses deux frères emportés par un cyclone, et accusera les coups de son ivrogne de père. C’est dans ce contexte qu’il rencontre David un enfant de son âge aux cheveux d’or et qu’une amitié merveilleuse verra le jour.

Raj maintenant âgé se souvient de David et nous relate avec émotions l’amitié qui le liait au jeune garçon.



Ayant eu un véritable coup de cœur pour la noce d’Anna, ce fut difficile de ne pas comparer ces deux romans. Ma préférence se porte vers la noce d’Anna car ici, il m’a manqué les jolies phrases empreintes de douceur et d’amour, j’ai aussi eu un peu de mal à accrocher à l’histoire assez alambiquée.

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Le ciel par-dessus le toit

Nathacha Appanah débute son dixième roman, le ciel par-dessus le toit, titre qui fait référence au poème de Verlaine, comme un conte, par Il était une fois. Et il s'agit en effet d'un conte familial à la fois noir et violent mais qui laisse une porte ouverte à l'espoir.

Loup est un adolescent hyper sensible qui vit seul avec sa mère, traumatisé par le départ de sa soeur Paloma, il y a dix ans. En essayant de la rejoindre, Il va provoquer un accident de voiture et comme, il n'a pas le permis et qu'il tente de s'enfuir à l'arrivée des gendarmes, il va être incarcéré.

Pour chacun des personnages, des souvenirs douloureux vont remonter en surface. On apprend notamment qu'Éliette, la mère, a abandonné son prénom pour Phénix, afin de tenter d'effacer les traumatismes vécus pendant son enfance et son adolescence et ainsi survivre. Pour ne pas retomber dans le même schéma, il lui est difficile d'éduquer ses propres enfants.

Ce n'est qu'après l'emprisonnement de Loup, court mais extrêmement traumatisant, que cette famille brisée par le silence va petit à petit s'épanouir et pouvoir exprimer l'amour retenu jusque-là, et ceci de manière très progressive. En effet, pour venir en aide à Loup, Phénix et Paloma vont devoir renouer des relations.

Les sentiments qu'éprouve cette mère pour ses enfants, Nathacha Appanah va nous les dévoiler avec beaucoup de poésie, de sensibilité et de façon très sobre. Ce roman nous révèle les difficultés que peuvent revêtir les relations parents-enfants mais surtout le besoin d'amour de chacun.

L'auteure décrit très bien, de façon puissante et impitoyable la vie en prison et les traumatismes que peut provoquer l'enfermement, davantage encore chez les êtres sensibles, mais ne le sommes-nous pas tous ?

C'est un roman bref, d'une grande douceur mais aussi d'une grande noirceur qui m'a laissé un petit sentiment d'inachevé.


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Tropique de la violence

Marie est habitée par sa colère, elle est stérile et Cham, son mari qu'elle a suivi à Mayotte, l'a quittée pour une autre. Marie va quand même devenir la mère de Moïse, l'enfant abandonné pour cause d'yeux vairons. Mais après une enfance heureuse, quand Marie meurt brutalement, l'adolescent s'enfonce dans les bas-fonds de l'île et connaît le pire.



Avec une langue puissante et belle, Nathacha Appanah décrit l'envers du décor de Mayotte. Loin des images idylliques du magnifique lagon, des jardins d'hibiscus roses, de frangipaniers aux fleurs blanches, de bougainvilliers fuchsia, une partie de l'île n'est que misère, décrépitude et violence. La délinquance, liée surtout à l'arrivée de migrants des autres îles des Comores et de Madagascar, progresse sans cesse. L'île impuissante à contrôler leur flux, des jeunes gens toujours plus nombreux rejoignent les voyous du bidonville de Gaza.



À Mayotte, une situation inextricable et dramatique que j'ai trouvée magnifiquement illustrée par la triste histoire de Marie et de Moïse. Happée par le dialogue des vivants et des morts qui disent leur impossibilité d'échapper à leur destin, j'ai entendu, ébranlée, les défunts suggérer aux vivants que seule la mort peut les délivrer de la malédiction d'être un homme dans ce coin de terre.
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Rien ne t'appartient

Depuis la mort d'Emmanuel, son mari, avec qui elle était mariée depuis quinze ans, Tara est oppressée par le chagrin et la solitude, et de plus elle est hantée par des visions et des fantômes. Une fille s'immisce dans ses rêves et Tara pense que c'est elle qui lui fait oublier les mots, les événements, elle, qui lui envoie ce garçon qu'elle voit sur le fauteuil, elle qui lui fait danser nue la bharatanatyam. Des souvenirs clignotent. Elle sent qu'elle n'aura bientôt plus la force de retenir en elle ce qui gronde et menace de ressurgir, c'est-à-dire la réapparition de celle qu'elle a été avant, une fille avec un autre prénom qui aimait rire et danser, qui croyait en l'éternelle enfance avec un appétit de vie immense comme si elle se doutait que cela n'allait pas durer.

Elle s'accroche tout en pensant à Emmanuel et se disant que « lui seul pouvait me maintenir debout, me garder intacte et préservée de ma vie d'avant, mais il n'existe plus ».

Quand elle apprend que Eli, le fils d'Emmanuel, inquiet pour sa santé, a pris pour elle un rendez-vous chez le neurologue, qu'étant allé dans sa chambre lui chercher une couverture, il revient en lui demandant « C'est qui, Vijaya ? », Tara pense qu'il faut que ça s'arrête et qu'il est temps d'en finir.

Rien ne t'appartient est construit en deux parties. le roman commence par la voix de Tara puis vient ensuite celle de Vijaya, une voix qui vient du passé, celle de cette petite fille à la vie délicieuse et sans entraves, éveillée à la beauté, à la sensualité, à la danse et à la connaissance par ses parents mais à qui « jamais personne n'a expliqué ce que c'est qu'être une fille dans ce pays ».

Aussi tout bascule lorsque des militaires forcent l'entrée de la propriété. Vijaya sera enfermée et comme d'autres fillettes heureuses, transformée en esclave silencieuse. Ce qui signera la fin de son insouciance sera cette phrase que lui jette à la figure la directrice du lieu où elle va être enfermée « Rien ne t'appartient » et fera dire à Vijaya « En vérité, plus rien ne m'appartient, ni ici, ni ailleurs, ni jamais. Mon nom, mon histoire, ma mémoire s'effacent. Je m'endors comme on tombe dans un puits noir ». Ce sera son premier tsunami !

Rien ne t'appartient s'attache à montrer que cette dépossession ne peut être totale pour Vijaya et qu'avec beaucoup de courage, en apprenant à mentir, elle gardera son coeur pour aider ses consoeurs dans la détresse et parviendra à une sorte de renaissance. En allant au bout d'elle-même, elle parvient à garder son intégrité. La perte et la reconquête, la condition féminine de même que le deuil, la mémoire, le corps, le désir et la mort sont les thèmes abordés dans ce magnifique roman.

J'ai été une nouvelle fois émerveillée par l'écriture à la fois tellement sensible, poétique, délicate, élégante, sensuelle et rythmée de Nathacha Appanah, une écriture charnelle, véritable immersion sensorielle dans un monde fait pourtant de tant de douleur, de brutalité et de ténèbres mais aussi de tant de douceur, de beauté et de sensualité et d'où finalement surgit la lumière…

Quel moment sublime lorsque Tara se remémore une séance de danse et se met à l'exécuter ! La description est telle que son souffle m'a enveloppée et que j'ai cru la voir et la sentir danser.

Rien ne t'appartient, ce roman bouleversant tout en sobriété, en suggestions et d'une extrême sensibilité m'a vraiment touchée et enthousiasmée.


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Le ciel par-dessus le toit

Nathacha Appanah reste et restera pour moi le très beau « La noce d’Anna ». Depuis, je me sens larguée dans ses romans et celui-ci ne déroge pas.



Une histoire certes lyrique et onirique à souhait sur une famille monoparentale en décomposition mais qui ne m’a pas séduit. Trop de flashbacks, d’ellipses, de clichés, de va-et-vient temporel, pour une histoire sans grande surprise mais rendue alambiquée faute à un surplus de figures de styles.



3 étoiles pour le phrasé qui est doux et recherché pour un roman qui à mon sens aurait gagné en qualité avec un peu plus de transparence. Si peu qu’on manque d’attention et de concentration ce roman devient bien trop ardu pour en savourer sa qualité littéraire.
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Rien ne t'appartient

Un roman d’une force et d’une beauté remarquables !



Tara va mal. L’état de son logement en témoigne et elle en prend conscience lorsque le fils de mari défunt lui annonce sa visite. Mais elle n’a pas la force de donner un semblant de décence à son décor. Les confidences viendront, mais les plus lourds secrets ne seront confiés qu’au lecteur.

C’est dans l’enfance qu’il faut rechercher le traumatisme, ce qui a créé une blessure irréparable, la fin d’une parenthèse idéale, malgré le danger perdu comme une menace permanente.

Lorsque le destin s’accomplit, la fillette quitte l’enfance et aux yeux de ses proches, incarne le mal, une fille gâchée, méprisable, tout juste bonne à être enfermée avec ses semblables.



Il faudra un autre drame pour sortir de ce cercle infernal. Mais en sort-on vraiment ?



La plume est époustouflante ! Il y a une justesse dans le phrasé qui dit les choses sans les dire, avec poésie et retenue, sans jamais cependant créer le doute. L’art de dire l’indicible, sans mièvrerie, sans faux-semblants.



C’est court pour un récit aussi dense, mais l’indispensable est là, aucun mot n’est inutile.



L’amour, la mort, Eros et Thanatos s’affrontent en une danse diabolique, qui scellent les destins et détruisent les rêves d’enfance.



Très belle lecture .


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Tropique de la violence (BD)

J'avais tellement apprécié Tropique de la violence, ce roman de Nathacha Appanah qui nous fait découvrir l'île de Mayotte, sa beauté mais surtout la situation intolérable dans laquelle vivent ceux qui viennent y trouver refuge, que, lorsque j'ai vu à ma médiathèque la BD éponyme de Gaël Henry, adaptée du roman, je n'ai pas hésité à l'emprunter !

Malheureusement, j'ai été assez déçue, déçue à la fois par l'histoire à mon goût, trop condensée et beaucoup moins explicite que dans le roman, et surtout par les dessins. Je n'ai pas su apprécier les dessins de Gaël Henry, à commencer par celui de la couverture représentant Moïse adolescent. Moïse est le bébé que Marie, cette infirmière de nuit, en mal d'enfant, a accueilli. C'est une jeune réfugiée des Comores arrivée au Centre hospitalier de Grande-Terre, atterrée, qui le lui remet en s'enfuyant aussitôt. Elle a seulement dit : « Lui bébé du djinn. Lui porter Malheur avec son oeil ». En fait, le bébé est atteint d'hétérochromie, c'est-à-dire d'une différence de couleur entre l'iris des deux yeux. C'est avec ce personnage que nous allons entrer dans un tourbillon de violence incroyable.

Si les dessins des personnages m'ont déplu, j'ai trouvé par contre les couleurs fort belles et l'idée de faire intervenir les fantômes des quatre personnages que sont Marie, Moïse, Bruce et Bosco, le chien apporte une touche de fantastique originale.

J'ai apprécié la carte de l'île de Mayotte placée en début d'ouvrage qui permet de mieux se situer sur ce département français aux plages et cocotiers de rêve mais rongé par la violence et le chômage.

Ce roman graphique, fidèle au livre de Nathacha Appanah, à la dimension politique forte, est un récit puissant et une véritable plongée dans l'enfer d'une jeunesse livrée à elle-même.


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Tropique de la violence

J'ai lu cet ouvrage car l'auteure est invitée aux Correspondances de Manosque, célèbre festival qui se déroule non loin de chez moi et que je voulais apprendre un peu à la connaître à travers le livre pour lequel elle vient avant de la rencontrer. Je ne pense pas que l'on puisse juger d'un auteur en ne lisant qu'un seul de ses écrits mais, disons, que cela donne au moins, une petite idée et j'avoue que cette première lecture, n'a fait que me désorienter encore plus. Il s'agit en effet d'un ouvrage très dur et peut-être aurais-je dû commencer par des lectures plus légères. Peut-être n'étais-je pas prête à ce que l'on me crache de telles vérités aussi affreuses soient-elles, à la figure mais d'un autre côté, il faut que j'arrête de me voiler la face et me dire, que, malheureusement, cela existe.



Ici, le lecteur fait la connaissance de Marie, jeune et brillante infirmière, qui, pour suivre l'homme qu'elle aime, s'exile à Mayotte. Là-bas, elle y fait la connaissance de la misère, de la détresse humaine mais aussi de l'amour ; non pas de l'homme qu'elle a suivi mais d'un petit garçon qu'une jeune femme lui remet dans les bras en le lui donnant. Celui-ci lui fait peur et elle n'en veut pas. Persuadée qu'il a été frappé par la main du démon, le djinn en personne car ce petit être tout de chair et de sans a en effet une particularité : il possède un oeil noir tandis que l'autre est d'un vert étincelant. Marie aimera et élèvera celui qu'elle appellera Moïse comme son fils, mais à la manière d'une femme blanche, ce qui est mal vu dans un quartier tel que "Gaza" (celui de Mayotte et non pas la ville) où il fait bon de savoir ce qu'est la misère, les petits larcins et autres méfaits de ce genre. Tout cela, Moïse, enfant, ne l'a pas connu mais c'est lorsqu'il fera la connaissance de Bruce , "le roi de Gaza", qu'il le découvrira...et ce, pour e meilleur comme pour le pire. je dirais d'ailleurs qu'il s'agit exclusivement du pire. Apprendre à obéir aux règles, bouffer, baiser, se pieuter là où on peut après être défoncé et apprendre à fermer sa gueule. Voilà en quelque sorte les quelques éléments auxquels Moïse (surnommé Mo) devra dorénavant s'accoutumer. La misère, la violence, l'injustice, tels sont les thèmes principaux de cet ouvrage et je surenchérirais même en rajoutant encore plus de misère et encore plus de violence.



Un ouvrage à plusieurs voix, où chaque protagoniste donne son point de vu de l'histoire et qui en fait un ouvrage extrêmement poignant, certes, vraiment très bien écrit (peut-être un peu trop pour moi car certaines descriptions m'ont presque données la nausée) mais qui ne laisse certainement pas indemne. Que l'on aime ou que l'on déteste, c'est certainement pas un ouvrage que l'on peut oublier du jour au lendemain, et, en ce sens, je suis persuadée que l'auteure a réussi son pari : "Tropique de la violence" est un roman-témoignage bouleversant, choquant dont je me souviendrai longtemps. A découvrir ! Attention, âmes sensibles, s'abstenir !
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Tropique de la violence

Waouh... Mais comment un livre aussi violent peut-il être aussi poétique ?!!

C'est tout le talent de Nathacha Appanah qui nous plonge dans cette île d'outremer. L'enfer au paradis.

Pour beaucoup, les îles d'outremers sont synonymes de paradis. Le soleil, la mer bleu, les lagons, les palmiers... Ici, l'auteur nous décrit l'enfer, la descente aux enfers pour bon nombre d'habitants, pour des adolescents à peine sortis de l'enfance et qui se sentent déjà adultes. Le malheur, la pauvreté, la violence font partie de leur vie quotidienne. Le destin tragique est inévitable.

Nathacha Appanah n'émet aucune critique, aucun conseil, aucun jugement. Ce livre, c'est la constatation navrante d'une île oubliée, un bout de France qui n'en fait pas vraiment partie, même si politiquement elle y est rattachée.

Ce livre, c'est le malheur de toute une population à l'autre bout de chez nous. Personne ne s'en soucie.

Merci à l 'auteur pour ce constat, cette alerte, cette image non pas paradisiaque, mais relatée comme le négatif d'une photo.

Que dire ? Une lecture qui secoue et dérange, mais en même temps qui s'avère certainement nécessaire.
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Le ciel par-dessus le toit

Roman très spécial, Le ciel par-dessus le toit, titre emprunté à Verlaine, prouve, s’il était nécessaire, tout le talent, toute la beauté de l’écriture de Nathacha Appanah, une écrivaine que j’avais beaucoup aimée en lisant Tropique de la violence.



Pour ce nouveau roman, elle s’appuie sur ce que l’on nomme habituellement un fait divers : un accident qui aurait pu être dramatique. Un jeune homme de dix-sept ans, Loup, a conduit la voiture de sa mère sur l’autoroute, pris une bretelle à contresens, causé un carambolage et pris la fuite à l’arrivée des gendarmes.

Voilà que ce garçon, arrêté, est mis en détention par un juge. La prison comme unique solution ! Je m’interroge sur les dégâts irréversibles causés sur un être humain en pleine formation : enfermement, quartier mineurs, du bruit tout le temps, la promiscuité… traumatisé à vie.

Il est évident que Loup a besoin d’amour, de l’amour de sa mère et surtout de celui de Paloma, sa sœur, partie du foyer depuis dix ans, qu’il n’a plus revue et qu’il tentait justement de rejoindre en voiture.

L’auteur prend alors le temps de présenter la mère de Loup, Phénix, qui s’appelait, enfant, Éliette, sorte de petite fille modèle, élevée comme un poupée, mise en avant, exhibée alors qu’elle souffre de cette enfance qu’on lui vole. À onze ans, elle a brisé ce carcan, vécu sa vie mais que de dégâts irréversibles !

Nathacha Appanah a le mérite de montrer tout cela par petites touches, avec une écriture pleine de sensibilité, faisant mouche si nécessaire ou créant tout simplement une ambiance qui en dit plus long que tous les grands discours. Elle a même su, parfois, écrire le silence. Quelques passages sont d’une haute qualité, très beaux comme la scène de l’accouchement de Phénix ou quand le grand-père attend sa petite-fille à la gare.

Bref roman, Le ciel par-dessus le toit a été, pour moi, un moment émouvant de lecture, bouleversant parfois. J’avais écouté Nathacha Appanah parler de son nouveau roman aux Correspondances de Manosque et j’ai été très heureux de pouvoir le lire, roman qui montre les fossés pouvant se creuser entre les générations, les écarts entre la mémoire d’un père et celle de sa fille. Quand Phénix, Paloma et Loup, à des époques différentes, n’ont qu’une solution, partir, il faut se poser beaucoup de questions et tout faire pour tenter de recoller les morceaux de vies brisées par trop comme par manque d’amour.




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