Nelson Algren est un écrivain américain, auteur notamment de « The walk on a wild side » (« La rue chaude » Gallimart 1960) qu’il dédicacera à Simone de Beauvoir et qui inspirera une chanson de Lou Reed. « L’homme au bras d’or » remporte en 1950 le National Book Award.
Dans cet ouvrage il raconte l’histoire de personnages à la dérive, des marginaux qui vivent de larcins, de triches, d’alcool et de drogues. Il dépeint admirablement cette faune qui refuse le système et que le système ignore. Nelson Algren écrit sur le même registre que John Steinbeck, l’Amérique des pauvres et des laisser-pour-comptes, ou qu’Erskine Caldwell, l’Amérique des « White trash », les raclures de blancs. Il use et abuse de la langue de la rue, un argot à peine audible qui traduit bien la simplicité d’esprit de ses protagonistes. Car ils ne sont pas de grands penseurs sans pour autant être des idiots, ils ont l’art de la débrouille, le sens de la survie dans le monde sauvage où la fatalité les a parqués, où ils se sont réfugiés.
C’est dans cette fange, au milieu de cette « basse-cour des miracles » que la poésie de l’auteur irradie de ses feux les plus enchanteurs. Il nous rend ces accidentés de la vie attachants et leur destinée poignante. Ils sont nous, si nous avions été aussi les victimes d’un aveugle fatum.
La lecture n’est pas simple. Entre l’argot des personnages, leur multiplicité, leurs sobriquets, le fil conducteur décousu, l’auteur nous faisant passer d’une scène à une autre sans forcément de lien, on est assourdi par une sorte de cacophonie. On en ressort étourdi, énivré par l’effervescence perpétuelle de cette vie fourmillante. On a l’impression que l’auteur a subitement allumé la lumière et qu’un parterre de cafards grouillent en tous sens.
« L’homme au bras d’or » est un grand roman, un rendez-vous avec la vie qu’il ne faut pas manquer.
Traduction de Boris Vian.
Editions Gallimard, Folio, 534 pages.
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« Et la nuit et le jour ne font qu'un, et le coeur lui-même est une pendule, figée sur une heure morte et froide. »
Je suis tellement contente d'avoir rencontré Frankie Machine dit la Distribe, le Piaf, Zosh, Molly-eu et les autres qui comptent tous autant dans cette histoire, entre deux Noël presque trois juste après la seconde guerre mondiale à Chicago, dans Division Street, un quartier où beaucoup d'immigrés polonais vivent de la débrouille. C'est un roman magnifique, énorme coup de coeur.
« Vivants malchanceux, bientôt malchanceux morts. »
Magnifique parce que tous les personnages sont fouillés dans les plus petits détails de leurs âmes chevrotantes, leurs vies misérables.
Magnifique parce que le décor urbain suit les saisons et clignote d'ombres, même l'été il y fait sombre.
Magnifique parce que ça parle une langue qui peut sembler étrange mais qui m'est familière, ou plutôt m'était. Les arpions avaient pour moi la même valeur que les orteils, qui ont la même valeur que des doigts de pieds pour beaucoup. J'ai été élevée dans cette langue et j'ai eu un tel plaisir à la retrouver, sans jugement de valeur. Je l'avais oubliée parce qu'après l'adolescence, on se rend compte qu'il faut avoir un langage qui exclut l'argot, parce que très vite on vous fait comprendre d'où vous venez, si vous la maniez aisément sans montrer qu'elle est « en-dessous », sans le sourcil qui dit « t'as vu j'utilise un mot d'en-bas^^ ».
Alors ce livre de Nelson Algren traduit par Boris Vian, c'est une plongée dans un univers oublié. Et avec la magie de l'écriture de Vian, j'ai pris en pleine poire ma honte. Jusque récemment encore je repasssais derrière ma mère pour que ses petits enfants comprennent le mot qu'elle venait de dire mais surtout pour qu'ils ne l'utilisent pas. Bien évidemment ma honte se cachait sous les atours de l'éducation « vois-tu ce mot signifie… mais il vaut mieux ne pas l'utiliser… » parce que j'en avais probablement souffert dans le regard des autres, à un moment. Et je transmettais cette honte accrochée à mon passé, à mes enfants. Quelle honte ! oui j'ai honte car c'est mon passé et pas mon passif. C'est une chance d'avoir aussi ce paquetage. Je l'ai tellement compris avec cette lecture.
« Frankie, si on cessait de se crucifier tous les deux ? » Donc si vous n'avez pas ce bagage argotique, vous allez trimez et ouvrir des quinquets, mon Vieux j'vous dis pas. Mais si vous y allez vous serez tellement gagnant car ce roman c'est de la bonne came, et au détour vous y verrez de la poésie qui sourd de ces mots.
« Ce n'était que la vieille femme du vent, de l'autre côté de la vitre, qui s'entortillait dans les feuilles grises de la pluie. »
Et puis ce roman c'est beau. Tout simplement beau. La beauté des déshérités qui se battent pour y croire au flush qui vient, « car les cartes tenaient au large l'éternelle obscurité », qu'une distribe enfin s'annonce au clair de lune empapilloté de milles petites joies et que les gouttes de pluie éclairent les rues d'un scintillement gris-diamant.
Et avec les brèmes c'est l'alcool qui soutient « car tout au fond du faux-cul de verre d'un bon double, tout finirait par aller bien. » Mais de petits turbins qui nourrissent pas, aux larcins y a pas loin, surtout quand la bibine coule, voire même « Mac Gantic le Frénétique » qui se pointe, ça vous enfouraille. En dedans autant qu'en dehors. « Pas de sortie au cul-de-sac de la déveine. Pas d'évasion derrière les barreaux bleu acier de la culpabilité. »
J'ai pas raconté l'histoire ?! mais c'est un drame ! Ciselé, fignolé, rien n'est oublié, tout est dit. Magnifique.
‘tain, il est bon Algren. Vraiment mérité son National Book Award pour L'homme au bras d'or. Quand je pense qu'il est mort dans l'oubli et sans tune…
« Il rit encore du rire le plus gai et le plus argentin pour voiler l'énorme désespoir gris du monde. » J'voudrais bien moi aussi…
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Comment arriver à être quelqu’un, à faire de l’argent alors que Dove ne sait pas lire et vient d’un milieu pauvre ? Nous sommes en 1930 au Texas. Un beau matin, il part de chez lui. Ses pas l’emmèneront en Louisane après bien des déboires, des magouilles et des rencontres. Alcool, bordel, trafic, prison.
Beaucoup de personnages au début, des situations pas toujours faciles à comprendre, des dialogues amusants. Un bon roman détente dans le contexte de l’Amérique de l’époque.
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Je n'ai pas lu ce livre mais, grâce à la lecture des lettres de Simone de Beauvoir à Algren, je peux affirmer que la traduction française n'est pas réellement de Guyonnet. La trouvant extrêmement mauvaise, Beauvoir l'a traduite avec Bost. Ils ont en outre décidé de laisser le nom de Guyonnet sur l'édition française. "Il n'y a pas un mot de moi là-dedans", avouait-il lorsqu'on le félicitait.
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Un national book award écrit par l’amant de Simone de Beauvoir et pour finir traduit par Boris Vian, en le commandant, je m’en léchais les babines. Le sujet un ancien GI’s, croupier dans des bouges est accro à la drogue et n’arrive pas à s’en sortir. Entre alcool, jeu, femmes et drogue, je n’en pouvais plus d’attendre. J’ai vite ravalé ma salive, c’est illisible. Boris Vian utilise pour la traduction de l’argot totalement incompréhensible pour moi. Une grande déception.
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Francis Majcinek alias Franckie Machine, est l'Homme au bras d'or. Comme il aime à le rappeler, c'est tout dans le poignet, au billard, aux dés et même à la batterie, mais en pôle, surtout quand il s'agit de distribuer les brêmes aux caves : là, c'est sérieux, c'est son taf à Machine, il est donneur. Pas moyen d'avoir le bras qui tremble ou la main moite, et tant pis pour les verres bus ou à boire et le manque qui taraude son homme. Faut dire que Frankie roule pas que pour cézigue, il a "charge de famille" : sa rombière, une lourdingue, moitié hystérique, en fauteuil roulant depuis un soir où la Machine a pris le volant fin cuit. Du coup il l'a à la remorque, et sans l'aimer, remarquez, et çà le bouffe. Total : une vie de combinard dans le Chicago d'après-guerre pour Franckie le démobilisé, avec son acolyte Saltkin-le-Piaf, truand à la petite semaine, rabatteur de pigeons à la porte du tripot où Machine fait la distribe.
L'Homme au bras d'or est l'œuvre culte de Nelson Algren; c'est une manière de roman noir mâtiné d'existentialisme, avec une bonne dose d'humour pince-sans-rire. IL a reçu une double consécration : le National Book Award de 1950 et une adaptation au cinéma en 1955 avec Sinatra dans le rôle titre, de quoi vous poser un livre. L'auteur a eu ses entrées dans le milieu germanopratin des années 40, il dédiera son roman la Rue Chaude à Simone de Beauvoir avec qui il aura une liaison prolongée par des échanges épistolaires; elle est d'ailleurs enterrée avec l'anneau de Nelson Algren à son doigt. De plus et comme pour boucler la boucle, la présente édition chez Folio est la traduction de 1956 du roman par Boris Vian. Cela étant dit ce roman coup de poing mériterait peut être une édition revue et corrigée : la traduction est un brin poussiéreuse, les termes argotiques sont désuets, la transcription en français de la langue vernaculaire du milieu de Chicago difficile à appréhender pour le lecteur, il y a un certain moment de latence pour ce dernier, qui doit s'y reprendre à plusieurs fois pour saisir le rythme et goûter tout le sel d'un roman qui vaut la peine vraiment d'être lu malgré le lourd tribut payé à la présente traduction.
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Une histoire de drogue, de jeu, d'amour et de mort dans le Chicago des années 50, magnifiée par la traduction/transcription de Boris Vian. Plus noir que ça, tu meurs... Mais attention : connaissance de l'argot indispensable. Petit exercice : les "brèmes", ça vous dit quoi ? Si ça ne vous dit rien, pas la peine de le lire, mais si vous "entravez", alors là quel régal !!
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C'est en prison, à Chicago, que nous lions connaissance avec les deux héros de ce roman, Frankie Machine, dit la Distribe, et le Piaf, dit le Voyou. La Distribe est donneur de cartes dans un tripot clandestin ; il a le coup de poignet facile, il est l'homme au bras d'or. Ancien G.I., il vit dans un hôtel minable avec sa femme, clouée dans une petite voiture à la suite d'un accident d'auto. Frankie, responsable de l'accident, se sent l'obligation morale de subvenir aux besoins de l'infirme, alors qu'il ne l'aime plus. Il ne s'aime pas non plus lui-même ; il n'aime pas sa vie ; et cherche l'oubli et la délivrance dans la drogue. Plusieurs fois, il croit avoir triomphé de son vice, mais il y revient toujours, et la drogue finira par le perdre...
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