"Comment sait-on que faire ? Sait-on jamais ?
- On ne sait pas. Moi je ne sais pas. On demande des indices à la vie, je suppose, on n'en reçoit pas et on prend tel ou tel parti. Tout peut arriver. Tout est hasard.
C'est ainsi que les jours d'après la mort de mon père se changèrent en semaines et en mois, avec cette cruauté impitoyable et familière du temps, qui nous emporte toujours vers l'avant alors même que nous demeurons immobiles. Le temps ne passe pas ; c'est la douleur qui croît.
Au milieu de tous ces gens, je suis seul dans le vieux cimetière, mais je ne me rappelle plus comment pleurer.
L'automne avance. A présent, la pluie est incessante et pourtant on dirait qu'elle tombe à peine, douce et grise, drapée comme un suaire sur toute la région à l'Ouest du Shannon.
Le ciel, tel un verre qui explose à la chaleur, laissait chaque jour tomber ses cristaux, éclats obliques d'un hiver qui s’éternisait.
Les origines de la famille disparaissent dans les pages perdues de l'histoire de l'Irlande.
Des brins de paille et de foin passaient sur les ailes du vent, l'âcre odeur que dégageait un tel concours d'hommes et de bêtes était partout répandue par les rafales incessantes.
Sans un mot, réduits à l'état d'impalpables ombres par l’absence de lune, ils s'agitaient près des braises rougeoyantes, avec autant de lenteur que de soin.
La pluie qui menaçait sans cesse ne tombait jamais, elle se retenait en d’énormes continents pales de nuages, lentes formes mouvantes qui se fondaient les unes dans les autres au-dessus de ma tète pendant mes siestes, confluaient au fil de l’après-midi au point que le ciel n'était plus qu'une immensité blanche trouée par des pépites de bleu aussi hautes et inaccessibles que le paradis même.
Le temps n’est pas une courbe lisse mais une série de cahots, de bonds et de pauses.