Dans la capitale dévastée par la guerre de six jours qui avait opposé Biglov et Sourdinguov, les rumeurs allaient bon train. Les citoyens cependant, accordaient peu de crédit à la nouvelle de la résurrection. Ils adoptèrent, par contre, la version selon laquelle on aurait vendu le corps à l'étranger, pour des devises.
La propagande préjubilaire s'emballait : on vendait du saucisson dans lequel, lorsqu'on le découpait en rondelles, les morceaux de gras dessinaient le chiffre 100, ainsi que des services de vaisselle et des chaussettes arborant les lieux à la mémoire de Lénine. La presse officielle condamnait cette vulgarisation du thème sacro-saint, tandis que dans le peuple on s'esclaffait en racontant une blague où un nouveau lit à trois places pour jeunes mariés etait présenté ainsi : "Lénine est toujours avec nous." (Avant-propos page 11)
Tchernobyl a dissipé l'euphorie des dictateurs soviétiques.
La grande prison des peuples s'est lézardée. Elle menaçait d'ensevelir les puissants sous les décombres. Le démontage a commencé.
Le KGB est sorti renouvelé de ce processus. Libéré de la peau morte du "communisme". Trois groupes d'officiers supérieurs se sont battus pour le pouvoir, et de ce casting mortel, c'est l'équipe de Poutine qui est sortie vainqueur. Ce n'est rien d'autre qu'une junte.
L'Etat soviétique avait son côté sentimental, quand il se faisait appeler "mère patrie" et exigeait des cadeaux. Pour le centenaire de Lénine on construisit de nouveaux tanks, colossaux, et la fonte sortait des usines à jet presque continu.
Vous vous rappelez, dans le roman de Dostoievski, Dmitri Karamazov dit à son frère Alexis que l'âme humaine est un champ de bataille entre le malin et... et... Dieu. C'est peut-être au cours de cette lutte qu'est apparu ce que nous appelons l'art. si l'âme d'un peintre ou d'un écrivain ne connaît pas ce combat... s'il n'est que lumière, il devient un saint. S'il n'y a en lui que des ténèbres, il devient un bandit. Celui qui ne ressent pas avec une force égale les ténèbres et la lumière ne saurait créer une oeuvre chargée de l'énergie de la confrontation. V.K. p 37
Quant à la souffrance... Je refuse complètement de la considérer comme un moyen d'accéder à la lumière. Mais je suis obligé de reconnaître que rien ne peut se réaliser sans douleur. Il y a quelque temps, à New York, j'ai entendu un pianiste russe de dix-neuf ans. Il jouait merveilleusement bien, c'était un véritable feu d'artifice, d'une technicité extraordinaire. Mais c'était vide. Ces sons, absolument parfaits pour ce qui était de la tonalité et du rythme, restaient sans vie. Tant qu'il n'aurait pas ensemencé son jeu de douleur et de pertes, rien de vivant n'y pousserait. Il lui manquait la caisse de résonance de la souffrance humaine.
On va dormir ici, et demain on poussera plus loin. Comme il n'y a plus d'horaires, ni de signaux, on ne sait jamais: on risque la collision à tous les tournants !
Pagaille et corruption, et pas un poil d'ardeur au travail ! S'indigna Vania, mais il se tut.
Elle a peut être pas tord bobonne; je dois trop boire... A présent je vois Lénine!
La femme n'est-elle pas un miracle?
Elle peut se tendre vers l'avenir. s'étendre et délivrer une petite boule de chair vivante.
(p.183)
L'Américain apprécia la question à sa juste valeur (depuis Jésus, qui étonna les prêtres du Temple avec ses questions, ce sont elles qui permettent de juger l’intelligence d'une personne, et non les réponses, qu'on peut apprendre par coeur).
(p.19)