AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Nicole Krauss (115)


Se tromper - même se tromper toute sa vie - était une chose, mais ce qu'il ne pouvait pas supporter, ce qui l'emplissait d'un réel dégoût, c'était l'idée de se faire duper. La croyance, avec sa confiance passive, exigeait que l'on s'en remette à autrui, ce qui vous exposait à la pire sorte de traîtrise.
Commenter  J’apprécie          00
Au fil des rues, je revoyais tout ce qui faisait le monde israélien - les mâchoires, les postures, les immeubles, les arbres - comme si l'étrange climat de résilience propre à ce petit coin du Levant produisait une certaine homogénéité : l'aspect dur, déterminé, de ce qui vit et grandit de façon conflictuelle.
Commenter  J’apprécie          00
Penser en mer, ce n’était pas la même chose que penser sur terre. Ce qu’il voulait, c’était dépasser les vagues déferlantes afin de pouvoir réfléchir comme on ne peut le faire que bercé par la mer. On est toujours sous l’emprise du monde, sans toutefois l’éprouver physiquement, sans s’en expliquer l’effet. On ne tire aucun réconfort de l’emprise du monde, qui donne l’impression d’un vide indifférent. Mais la mer, elle, on la sent. On y est parfaitement entouré, si fermement soutenu, si doucement bercé - structuré de façon si différente - que les pensées se présentent sous une autre forme. Lâchées en toute liberté dans l’abstrait. "
Commenter  J’apprécie          00
La veille du premier anniversaire du décès de ses parents, Epstein décida deux choses : prendre un crédit hypothécaire de deux millions de dollars sur son appartement de la Cinquième Avenue et partir pour Israël. Emprunter était nouveau pour lui, mais Israël était un lieu qu’il avait souvent visité au fil des années, attiré là-bas par tout un réseau d’allégeances. Il s’installait rituellement dans le grand salon du quinzième étage du Hilton, où il recevait la visite d’une cohorte d’amis, de parents et d’associés, intervenant dans tout, distribuant de l’argent, des opinions, des conseils, résolvant de vieux conflits et en créant de nouveaux. Cette fois, cependant, il donna l’ordre à son assistante de ne pas remplir son planning ainsi qu’elle en avait l’habitude mais de prendre des rendez-vous avec les bureaux du développement du centre médical Hadassa, l’institut Weizmann et l’université Ben-Gourion, afin d’explorer les possibilités d’une donation au nom de ses parents. Le reste de son temps devait demeurer libre, lui dit Epstein. Peut-être louerait-il une voiture pour visiter des régions où il n’avait pas mis les pieds depuis longtemps, comme il l’avait souvent envisagé sans jamais le faire, trop occupé qu’il était à se disputer, à s’impliquer outrageusement, à ne jamais s’arrêter. Il voulait revoir le lac de Tibériade, le Néguev et les collines rocheuses de Judée. Le bleu minéral de la Mer Morte.
Commenter  J’apprécie          00
D’un geste lent, Epstein déboutonna le pardessus qui n’était pas le sien, puis le veston de flanelle grise, qui l’était. Il ouvrit la poche doublée de soie où il gardait toujours le petit livre vert et se pencha en avant sur la pointe des pieds pour montrer à l’homme qu’elle était vide. Tout cela était si absurde qu’il en aurait ri s’il n’avait pas eu un couteau si près de la gorge. Peut-être pouvait-il tuer, après tout. Baissant les yeux, il se vit allongé par terre dans une mare de sang, incapable d’appeler à l’aide. Une question se présenta à lui, qui traînait depuis quelques semaines dans son esprit et il la testa, comme pour en vérifier la pertinence : le bras de Dieu l’avait-il désigné ? Mais pourquoi lui ? Lorsqu’il releva les yeux, le couteau n’était plus là et l’homme s’enfuyait. ...
Commenter  J’apprécie          00
À l’époque de sa disparition, Epstein habitait depuis trois mois à Tel-Aviv. Personne n’avait vu son appartement. Sa fille Lucie lui avait rendu visite avec ses enfants, mais Epstein les avait installés au Hilton et les y rejoignait au moment des somptueux petits déjeuners où il se contentait d’avaler quelques gorgées de thé. Lorsque Lucie lui avait demandé s’ils pouvaient aller chez lui, il s’était dérobé, prétextant la petitesse et la modestie des lieux, peu dignes, lui avait-il dit, de recevoir des invités. Encore mal remise du récent divorce de ses parents, elle l’avait regardé en plissant les yeux – rien, chez Epstein, n’avait jamais été petit ni modeste –, mais, malgré ses doutes, elle avait dû accepter, comme elle avait accepté tous les changements intervenus dans la vie de son père. Pour finir, ce furent les policiers qui firent entrer Lucie, Jonah et Maya dans l’appartement de leur père, situé dans un immeuble délabré près de l’ancien port de Jaffa. La peinture s’écaillait et la douche se déversait directement dans les toilettes. Un cafard traversa fièrement le sol carrelé. Ce n’est que lorsque le policier l’écrasa sous son pied que Maya, la plus jeune et la plus intelligente des enfants d’Epstein, s’avisa qu’il était peut-être le dernier à avoir vu son père. Si Epstein avait vraiment vécu ici – les seules choses qui semblaient l’indiquer étaient des livres gondolés par l’air humide entrant par une fenêtre ouverte et un flacon de comprimés de Coumadine qu’il prenait depuis la découverte, cinq ans plus tôt, d’une fibrillation auriculaire. On ne pouvait dire que le logement fût sordide, mais il était pourtant plus proche des taudis de Calcutta que des appartements dans lesquels ses enfants et lui avaient résidé sur la côte amalfitaine ou au cap d’Antibes. Encore que, comme eux, celui-ci avait vue sur la mer.
Commenter  J’apprécie          00
 Kafka n’approuvait jamais rien. Rien ne lui était aussi étranger que l’approbation. La survie de son œuvre l’aurait rendu malade. Mais aucun de ceux qui l’ont lue ne pense qu’il fallait souscrire à ses volontés.
Commenter  J’apprécie          00
Certains archéologues affirmaient que c’était la cité biblique de Shaarayim et que les ruines du palais du roi David se trouvaient peut-être là. Un endroit tranquille, avec des fleurs poussant à travers les pierres et de l’eau de pluie dans d’anciennes baignoires où se reflétaient les nuages qui passaient en silence. Ils poursuivraient sans fin leurs argumentations, dit Friedman, mais les murs écroulés et les fragments de poterie, la lumière et le vent dans les arbres – cela suffisait. Le reste ne relèverait toujours que de la technique. Les archéologues n’avaient jamais trouvé la moindre preuve matérielle d’un royaume. Mais si le palais de David était le rêve de l’écrivain du livre de Samuel, comme l’était son génial aperçu de la puissance politique, quelle importance cela avait-il dans le grand ordre de l’univers ?
Commenter  J’apprécie          00
Pour projeter quelque chose, on doit pouvoir imaginer un futur qui prolonge le présent, or il me semblait que cela ne faisait plus partie de mon imaginaire – soit par incapacité, soit par manque de désir, j’étais bien en peine de le dire.
Commenter  J’apprécie          00
Et si la vie, qui semble se situer dans d’innombrables longs couloirs, salles d’attente, villes étrangères, terrasses, hôpitaux et jardins, chambres meublées et trains bondés, se trouvait en réalité en un seul endroit, un emplacement unique d’où nous rêvons de ces autres lieux ?
Commenter  J’apprécie          00
L’âme est une mer dans laquelle nous nageons. Elle n’a pas de rive de ce côté-ci et ce n’est que très loin, de l’autre côté, qu’il y a un rivage, et ce rivage est Dieu.
Commenter  J’apprécie          00
Il avait toujours été au sommet en tout. S’il ne possédait pas les capacités naturelles, il dépassait ses limites par la seule force de la volonté. Jeune homme, par exemple, il n’avait rien d’un orateur car il zézayait. Il n’était pas non plus d’une nature sportive. Mais, avec le temps, il avait fini par exceller dans ces deux disciplines. Il vainquit son zézaiement. Ce n’était qu’en tendant l’oreille au maximum que l’on parvenait à détecter un défaut d’articulation, là où il avait effectué l’opération nécessaire.
Commenter  J’apprécie          00
Lorsqu’il n’y avait pas de cadavre, un témoin du décès était considéré comme suffisant. Et même sans cadavre ni témoin, on pouvait se contenter de signaler que la personne avait été tuée par des voleurs, noyée, ou emportée par une bête sauvage. Mais dans le cas présent, il n’y avait ni cadavre, ni témoin, ni signalement. Pour autant que l’on sache, aucun voleur ni aucune bête sauvage. Seulement une inexplicable absence, là où s’était autrefois trouvé leur père.
Commenter  J’apprécie          00
Nous sommes en quête de schémas,voyez-vous,et tout ce que nous trouvons,c'est l'endroit où ils se brisent.Or,c'est là,dans cette anfractuosité,que nous plantons la tente et attendons.
Commenter  J’apprécie          00
Dans son travail,l'écrivain est dégagé de toute loi.Mais dans la vie,Votre Honneur,il ne l'est pas.
Commenter  J’apprécie          00



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Nicole Krauss (953)Voir plus

Quiz Voir plus

Des écrivains aux prénoms rares

Première question, facile: quel était le prénom de l’immense romancier Balzac ?

Eustache
Honoré
Maximilien

20 questions
60 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}