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Citations de Niels Labuzan (67)


Elle eut à peine le temps de descendre de voiture qu’un des rangers lui apprit que des pièges avaient été découverts dans la nuit.
« C’est déjà la deuxième fois ce mois-ci.
— Je sais, pourtant… Vous les avez trouvés où ?
— Au nord, près de la frontière namibienne. »
Les braconniers s’aventuraient de plus en plus loin et ce n’était pas bon signe. Pour ces hommes, Erin n’avait aucune pitié. Elle était d’accord avec la règle qui s’appliquait ici : tirer pour tuer. Avait-elle déjà eu à le faire ? Non, mais elle était certaine que si c’était le cas, elle n’hésiterait pas.
« L’Anti-Poaching Unit a été prévenue, reprit le ranger. Vous voulez qu’on intervienne aussi ?
— Envoie une patrouille, qu’ils restent sur place quelques jours… S’il y a quoi que ce soit, je veux être la première avertie. » Elle était responsable de tout ce qui se passait ici, une réserve qu’elle avait séparée du reste du monde, 40 000 hectares qu’elle avait fait siens.
Elle passa une main dans ses cheveux, qu’elle avait sales, elle n’avait pas eu le temps de les laver, et se rendit dans un des hangars en tôle. Elle resta enfermée dans son bureau jusqu’à l’heure du déjeuner où on vint la prévenir que Felix Masilo cherchait à la joindre.
Elle eut un geste d’énervement.
Ce n’était pas son idée de l’avoir inclus dans son projet, mais elle ne pouvait plus reculer. Depuis des mois, elle montait une opération afin d’exposer une filière liée au trafic d’ivoire. Elle composa le numéro, sortit. À l’époque où elle se rendait encore à Gaborone, elle l’avait rencontré plusieurs fois.
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INCIPIT
Ils sont l’époque à laquelle ils vivent. L’endroit où ils se trouvent. Ils sont un groupe qui tait leur individualité. Quand l’un tombe, d’autres viennent grossir les rangs. Ils partagent les mêmes tâches, les mêmes cieux, le même avenir. Pour ne pas s’éteindre, ils sont dans un mouvement perpétuel. Aujourd’hui, ils sillonnent le parc de la Garamba, en RDC, demain, ils l’ignorent encore.
La chaleur du matin fait chauffer le métal de leurs armes. Conscients du moindre bruit, ils traversent des rivières en file indienne. Il arrive qu’ils soient obligés de s’encorder au risque de se perdre. Les arbres enchevêtrés, les racines, la succession de savanes ; pas un paysage qu’ils ne connaissent.
Dans la soirée, ils repèrent un troupeau. Ils avancent contre le vent, camouflant leur présence. Parfois, ils s’approchent si près qu’ils n’auraient qu’à tendre la main pour les toucher. Pour sentir que sous cette peau c’est bien la vie qui glisse, aussi.
On leur a donné quinze jours. Quinze jours et une certaine quantité d’ivoire à rapporter. Les éléphants connaissent la raison de leur présence, combien de fois ils les ont vus dissimuler leurs défenses dans la broussaille ? Mais que ces animaux se déplacent la nuit s’ils le veulent, qu’ils modifient leur comportement, leurs habitudes, ce n’est pas ça qui va les empêcher de les pister et de les trouver.
Le vent tourne.
Ils s’agrippent à leurs fusils. Ils en portent la tenue, c’est vrai, ça ne veut pas dire pour autant qu’ils sont militaires, ou alors une armée créée à partir de rien. Leurs armes viennent d’Europe de l’Est. Parties d’Ukraine ou de Moldavie après l’éclatement du bloc soviétique. Certaines ont transité par l’Asie avant d’être échangées contre des pointes d’ivoire. Les douilles de 7.62 étalées sur le sol rappellent une époque révolue.
La matriarche tombe. Pour être sûrs de leur coup, ils tirent au cœur et à l’arrière de l’oreille. C’est devenu banal d’entendre ici des décharges d’armes automatiques. Le reste du troupeau se disperse. Les plus jeunes se retrouvent livrés à eux-mêmes, leur mémoire aura des trous qui ne seront jamais remplis.
Une fois l’éléphant allongé sur cette terre, encore robuste, c’est un autre travail qui commence. Plus délicat. C’est qu’il faut avoir la main pour sortir les défenses. Pas question de les arracher, de les abîmer, elles perdraient trop de valeur. Lorsque la trompe a été sectionnée, le plus simple est de découper la tête à la hache puis, à l’aide d’une machette spéciale, il faut dégager la chair, rentrer à l’intérieur et, comme on déchausse une dent, sortir la défense intacte, la séparer de la mâchoire supérieure.
La récolte a commencé. Ils essuient leurs visages transpirants. Ces garçons liés à des individus qui mènent une guerre qu’ils ne comprennent pas toujours. Les opportunités regrettables.
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À Londres, il y a un an, une quarantaine de nations s’étaient engagées et avaient reconnu le trafic d’espèces sauvages comme un crime grave, au même titre que le trafic de drogue, d’armes, d’êtres humains ; à Kasane, il s’agissait de voir où en étaient les mesures prises et d’en amorcer de nouvelles. Ce n’était pas tout de s’engager, il fallait mettre en place ces engagements, vaincre la lenteur administrative.
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Seretse avait cherché à en savoir plus, il n’aimait pas les secrets, les non-dits, il n’avait rien appris d’autre. Les enjeux étaient tels que les informations, souvent, n’étaient délivrées qu’au dernier moment. On lui apporta une assiette fumante de seswaa. Il but une gorgée de soda.
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Aucun pays ne s’en était sorti comme le sien, aucun pays n’était parti de si bas pour accomplir ce qu’ils avaient fait. L’éducation, la démocratie, l’apaisement ; bien sûr, ça ne voulait pas dire pour autant que tout était parfait.
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Avant, tout avait un sens différent. Tout vivait, les arbres menaient leur propre existence, ils étaient les personnages de ses jeux, la ville entière était un cadre pour ses histoires, celles que ses frères imaginaient et qu’il reprenait à son compte. À l’époque, ils avaient quelque chose d’irréel ces frères, comme s’ils flottaient au-dessus de la rivière sans jamais se poser, porteurs de tant d’avenirs possibles. Il cherchait à attirer leur attention par n’importe quel moyen.
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Avant la découverte des diamants, le pays s’était construit sur le bœuf et tout le monde savait ce que valait un homme sans bétail. Face au silence insistant, Seretse comprit qu’ils n’avaient plus rien. Les décisions importantes avaient toujours été prises sans le consulter. Il se demanda comment ils vivaient. Chaque mois, il envoyait un peu d’argent à sa mère, sa contribution, pas de quoi faire tourner toute la maison.
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Derrière la présence de ces garçons dans le bush, il y avait des familles à nourrir, ceux qui étaient envoyés en première ligne étaient les sacrifiés de l’histoire dont le seul autre choix était la perdition des leurs et d’eux-mêmes. Une pauvreté qu’elle ne pouvait imaginer, où le mot possession ne signifiait rien, pas celle aperçue à travers les vitres noires d’une grosse voiture, protégée par sa naissance, celle des territoires délaissés, invisible à la vue du plus grand nombre.
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Le monde en suspens. Chaque année, sur le continent, une centaine de rangers payaient de leur vie ce combat. Des anonymes qui disparaissaient sans que le monde connaisse leur sacrifice. Des gardes qui nous défendaient tous sans qu’on en ait même conscience.
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C’est pour éviter ça qu’ils agissaient. La vie de ces animaux devait parfois se faire aux dépens de celle d’un homme, elle pensait y être disposée.
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Niels Labuzan
Quand il y a de l’ivoire et de l’argent en jeu, rien n’est jamais fiable, mais si vous voulez éviter les voies officielles, c’est le meilleur moyen.
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La corne, là-bas, avait des vertus particulières. Cancers, rhumatismes, allergies, elle affirmait une virilité absente, faisait bander les morts, disait-on, et tout ce folklore, tout cet abus, avait été alimenté par un haut fonctionnaire qui avait clamé partout qu’après avoir consommé cette poudre il était entré en rémission, que son cancer s’en était allé comme un mauvais nuage de printemps.
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Ils sont l’époque à laquelle ils vivent. L’endroit où ils se trouvent. Ils sont un groupe qui tait leur individualité. Quand l’un tombe, d’autres viennent grossir les rangs. Ils partagent les mêmes tâches, les mêmes cieux, le même avenir. Pour ne pas s’éteindre, ils sont dans un mouvement perpétuel. Aujourd’hui, ils sillonnent le parc de la Garamba, en RDC, demain, ils l’ignorent encore.
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Moi, le cinéma, je n’aime pas ça. Quand j’étais enfant, un idiot m’a dit que les meurtres étaient réels. Chaque coup de mitraillette, chaque pendaison, chaque lame sous la gorge, avaient lieu en vrai. Certains acteurs avaient le droit de ne jamais mourir, le reste, on en abusait comme on voulait. De la chair à canon, une image bien trouvée.
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Il avait une chose, banale, anodine, qu’elle ne posséderait jamais. Née au mauvais endroit, dans un monde trop jeune. Comment consoler ça quand on est un enfant… Elle méritait autre chose. Elle aurait dû naître maintenant, en 2004, non, plus tard encore, en 2024, ou 2084, à supposer qu’il y ait encore une terre.
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Chaque chose à sa place.
Il y avait de la joie, de l’entraide, un peu de violence, parfois.
Et l’isolement, mais les règles comprises, on met tout dans des cases.
Quand on est enfant, on ne se rend pas forcément compte. On sait qu’il y a une injustice, mais on ne peut pas mettre un nom dessus. On sait qu’il y a des endroits où on ne peut pas aller, mais dans un pays si sauvage, c’est normal, se dit-on.
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Souvent, il avait entendu des colons parler des maltraitances qu’ils infligeaient aux indigènes. Il les assimilait à des bêtes, comme on le lui répétait sans cesse, mais il était forcé d’admettre, face à Hendrik Witbooi, qu’il s’était trompé. Ces Noirs, ils étaient bien humains. Ils souffraient eux aussi. Ce qu’on leur faisait subir avait un impact. Sur leurs désirs, sur leurs familles, sur leurs rêves.
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Tuer un homme n’est pas une chose si affreuse, ce n’était même pas un Blanc.
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Un mélange qui change une vie quand on est né en Namibie. Aujourd’hui, c’est une fierté pour certains, à mon époque, c’était autre chose. On se frottait la peau avec du savon, pensant que ça ferait disparaître la couleur. J’avais un copain, Moses, on se retrouvait en fin de journée et, pendant une heure, on essayait de devenir blancs.
La connaissance de son passé…
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Il y a ce que l’on devine, ce que l’on apprend dans les livres, ce que l’on imagine et ce soir, peut-être, il y aura enfin ce que je sais avec certitude.
J’ai étudié l’histoire de ce pays, j’ai interrogé chaque personne que j’ai rencontrée, et là, devant moi, il y a ce témoignage. Un souvenir qui prend forme.
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