C’est peut-être à cette époque bénie que penserait James quand, devenu un vieil homme brisé et amer, il écrirait cette phrase poignante : - Les jeunes espèrent davantage qu’ils ne craignent, et les vieux craignent davantage qu’ils n’espèrent –
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Ce n’est que plusieurs mois plus tard que l’ambassade découvrit qu’elle avait bien reçu l’argent qui m’était destiné mais qu’il se trouvait oublié dans un tiroir. Je dois dire que je fus très sensible au tact avec lequel ils me firent parvenir une invitation à la réception donnée pour l’anniversaire de la reine, que je reçus une semaine après la célébration. Au dos du carton, quelqu’un avait griffonné : « L’ambassadeur comprendra qu’il vous soit difficile de vous déplacer. »
Quand une population perd son identité propre, les anthropologues regrettent surtout la perte de sa vision unique du monde, résultat de milliers d'années de pensée et d'interactions. De ce fait, l'étendue des cultures humaines diminue. L'importance anthropologique d'une population n'a rien à voir avec son importance démographique.
Sortir un camion de la boue est un sujet sur lequel chacun à sa théorie…
Alors que tout espoir semblait perdu, un homme passa sans se presser avec un énorme buffle conduit par un garçon minuscule… Il nous sortit de la boue avec une facilité méprisante …
- Je croyais que les Torojas ne faisaient jamais travailler les buffles, dis-je à Johannis
- Celui-là, déclara-t-il, est un buffle esclave. Regarde sa couleur
Les anthropologues sont nourris de livres sur les Nuers, peuple du Soudan obsédés par le bétail et à développé un vocabulaire complexe de couleurs et de motifs pour décrire les bêtes. Je venais de prendre ma première leçon sur une monomanie similaire des Torajas, une série illimitée de termes indiquant la taille, la couleur et les taches des buffles, les formes de leurs cornes.
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Tous ceux que j'avais consulté m'avaient fortement recommandé les Dowayo de la plaine. Ils étaient de commerce agréable ; je m'y approvisionnerais plus facilement ; beaucoup parlent le français ; et je pourrais me rendre à l'église aisément. Les Dowayo de la montagne étaient cruels, sauvages ; ils ne me parleraient pas ; ils vouaient un culte au diable.
En ma qualité d'anthropologue, je n'avais pas le choix : j'optai pour la montagne .

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Le temple bouddhiste de Borobudur est l’une de rares merveilles du monde qui ne déçoive pas quand on la connait mieux ….. Une javanaise âgée, toute petite m’accosta en me poussant impérieusement du bout de son parapluie en batik, choisi avec soin pour aller avec sa robe.
- Vous, dit-elle, Aidez nous ici (Elle indiqua un bouddha enfermé dans une niche à claire voie de pierre. ) Je n’arrive pas à atteindre sa main pour recevoir sa sakti, sa force divine). Vous avez de long bras. Passez-en un à l’intérieur pour moi, et touchez sa paume pendant que je tiens votre autre main. La sakti c’est comme l’électricité : elle coulera jusqu’à moi.
- - Non, rectifia un homme âgé, probablement son mari. Le sakti va vers le bas. Tu dois te tenir plus bas que lui, même si tu es vieille. Il se sert de sa main droite, Tu prends la gauche.
On se plaça à la queue-leu-leu comme des enfants traversant la rue. Lukas s’empara de l’autre main du mari et se joignit à nous en riant. Je touchai la main du Bouddha, mais je ne senti aucune démangeaison confirmant que ça marchait, aucun éclair de sakti divine.
- Merci dit la vieille dame d’une voix retentissante.
Puis se penchant pour murmurer :
- En fait, c’est pour lui, pour mon mari. C’est bon pour son asthme.
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Ali avait planté un rosier sur le tertre mortuaire.
Ils n’avaient pas pu lui (Le révérend) donner un enterrement chrétien, mais c’était sans importance. Seul l’endroit comptait. Pour plus de sécurité, Ali avait lu sur sa tombe des passages du Coran qu’il savait être dans le livre chrétien. John Bull s’était joint à lui pour certaines parties. Il connaissait déjà fort bien les prières
Les funérailles torajas sont des manifestations joyeuses par nature, du moins à leur dernier stade, quand le chagrin est oublié. Le corps peut très bien avoir été conservé pendant plusieurs années, tandis qu'on mobilise les ressources et qu'on convoque les gens partis à l'étranger. L'émigration est depuis longtemps la réponse à la dureté de la vie dans les montagnes. Mais les Torajas reviennent toujours au pays, en particulier pour les fêtes de ce genre.
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Le réveil, le matin, est toujours un moment où la tolérance est soumise à rude épreuve. Nous sommes tous xénophobes à cette heure-là. C'est alors que les préjugés prennent toute leur force et que les sensibilités s'exacerbent. La vision de gens en train d'engloutir de grandes quantités d'ail et de riz en guise de petit déjeuner est toujours difficile à supporter. La générosité joyeuse avec laquelle ils offrent de les partager avec le voyageur étranger serait attachante en toute autre circonstance. A cette heure-là, elle vous rend ronchon et désagréable.
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- D'où est ce que je venais?
Les Anglaises sont frigides alors qu'elles couchant avec tout le monde ?
Ah, je crois que je vois un requin. Ah non! Quel dommage, pas de spectacle pour l'instant, avec tous ces gosses dans l'eau !
Les noix de coco terminées, je jugeai opportun de lui donner cent roupies pour les avoir ouvertes. Son corps tout entier se transforma en une machine à exprimer la joie. C'est agréable de pouvoir procurer autant de bonheur à quelqu'un pour... 7 pence!
Un anthropologue éprouve un grand plaisir à faire naître un sourire sur le visage d'autrui et c'est une joie d'autant plus grande qu'on peut se l'offrir à très bas prix... Et que l'argent vous a été fourni par quelqu'un d'autre!