C’est avec un immense plaisir que je découvre le nouveau roman de Nina Bouraoui » Satisfaction « publié le 18 août dernier aux éditions JC Lattès.
Fin des années 1970 – Alger
p. 10 : » Je suis arrivée en Algérie en 1962, après l’Indépendance, pour suivre Brahim que je venais d’épouser. L’Algérie est devenue mon pays. Il sera un jour mon tombeau ; à trente-huit ans, il est déjà celui de ma jeunesse. «
Toute la vie de Michèle Akli tourne autour de son fils Erwan, âgé de dix ans. Un amour inconditionnel et exclusif, au détriment de son couple.
p. 99 : » Erwan a tous les droits, Brahim n’en a plus aucun. «
Ce mariage mixte avec Brahim prive Michèle de toute vie sociale et d’épanouissement.
p. 73 : » Le poids de la terre algérienne sur les épaules des femmes françaises, tunnel sans issue dans lequel nous sommes, courant, nous débattant. «
L’écriture devient alors exutoire. Le carnet unique confident.
p. 21 : » N’ai-je pas toujours été hantée par cette mélancolie que nul pays, nul voyage, nulle évasion ne saurait guérir, soigner ? Cette mélancolie m’aura conduite vers l’Algérie où le passé côtoie le présent, je pense aux vestiges romains qui la parsèment, aux ruines qui scellent le destin des hommes. La terre les attend, les reprendra. «
Quand son fils se lie d’amitié avec Bruce, garçon manqué qui se joue des genres et de l’ambiguïté, Michèle devient mère louve.
p. 157 : » La maternité est un mariage. Les hommes n’y sont pas conviés. «
La force de Bruce face à la fragilité d’Erwan tour à tour s’affrontant puis s’attirant, sous le regard impuissant de Michèle.
La mélancolie devient le théâtre des fantasmes et de la sensualité lorsqu’elle rencontre Catherine, la mère de Bruce.
p. 152 : » Je me fais l’effet d’une tueuse en série, pourtant je suis entrée dans la gueule du loup. «
Cet exil, la narratrice le vit comme l’abandon de ses espérances et la Méditerranée le territoire de toutes les folies.
Dans une Algérie instable et insécuritaire, une femme se noie dans la solitude et l’ennui où l’imagination se confond avec la réalité.
La nature et la mer Méditerranée prennent une place grandissante dans les romans de Nina Bouraoui pour le plus grand plaisir des lecteurs.
Exceptionnellement, j’ai ressenti la nécessité de lire ce roman dans un silence quasi monacal tant l’écriture de Nina Bouraoui stimule par ses mots, dans une explosion sensorielle inédite.
Rares sont les auteurs qui maîtrisent et manient avec autant d’efficacité l’art de la métaphore.
Nina Bouraoui choisit ses mots avec une attention telle que les mots s’enchaînent et dansent pour former une sensuelle chorégraphie poétique.
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