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Citations de Noah Hawley (29)


Quand il avait sept ans, il était fou de sa balançoire. Il poussait sur ses pieds et pointait les talons vers le ciel en criant : « Encore ! Encore ! » C’était un enfant vorace, infatigable et tellement vivant qu’à côté de lui tout le monde paraissait malade, immobile. La nuit, il se couchait sur son lit défait, à moitié habillé, le front plissé, les poings serrés, comme une tornade qui n’aurait plus d’air. Qui était ce petit garçon et comment devint-il un homme jouant avec des balles de pistolet dans une chambre de motel ? Qu’est-ce qui le poussa un jour à plaquer sa vie tranquille pour commettre un acte barbare ? J’ai lu les rapports. J’ai regardé les images. Mais la réponse continue de m’échapper. Plus que tout, je veux savoir.
Car voyez-vous, je suis son père.
C’est mon fils.
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Vingt-huit minutes plus tard, nous nous retrouvions devant une banale tour de bureaux à Stamford, Connecticut. Un garde tenant une mitraillette nous fit signe de franchir un portail. Très vite, nous nous arrêtâmes devant une entrée de service. Des agents armés sortirent des trois crossovers en claquant les portières avec un bruit d’arme à feu. La nuit était chaude. Une odeur de frites imprégnait l’air, venue d’un fast-food de l’autre côté de la route. Au moment d’entrer dans le vestibule, nous croisâmes des hommes en costume cravate équipés de fusils d’assaut. Nous prîmes l’ascenseur en silence, six hommes les yeux rivés sur les voyants des étages qui s’allumaient l’un après l’autre. Arrivés au quatrième, je découvris tout un état-major mécanisé, des hommes et des femmes pendus à des téléphones, penchés sur des claviers d’ordinateur, naviguant sur le Net, collectant des données. Il régnait dans ce lieu une sorte d’affolement maîtrisé. Les hommes marchaient vite, leurs cravates s’agitaient, et les femmes au téléphone fonçaient dans les couloirs, des fax urgents dans les mains.
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Sur l’écran de la télévision, je vis une photo de mon fils. Telle est la vitesse à laquelle va le monde. Avant même que vous ayez le temps de réfléchir, il s’est passé quelque chose. Moins d’une heure s’était écoulée depuis les coups de feu. Où avaient-ils trouvé cette photo ? Je ne la reconnus même pas. Daniel posait debout sur une grande pelouse, vêtu d’un jean et d’un sweat-shirt. Il plissait les yeux face au soleil, la main en abat-jour au-dessus des yeux. Il devait avoir dix-huit ans. Une photo prise à l’université, peut-être. Je me souvins du jour où je l’avais déposé à Vassar, un jeune maigrichon, avec toutes ses affaires dans une malle. Un garçon qui avait voulu se laisser pousser une moustache à quatorze ans mais n’avait réussi qu’à avoir quelques poils follets de part et d’autre de la bouche, comme un chat.
Qu’est-ce que tu as fait ? me dis-je. Je ne savais même pas si la question était adressée à Daniel ou à moi.
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Les familles se définissent par leurs rituels quotidiens.
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Daniel avait grandi dans les voyages. C’était un adolescent itinérant, ballotté entre le Connecticut et la Californie, vivant en partie avec moi, en partie chez sa mère. Par nature, les enfants en garde alternée sont indépendants.
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Dans la famille Allen, le jeudi, c’était soirée pizza. Mon dernier rendez-vous de la journée était fixé à 11 heures, et à 15 heures je prenais le train du retour jusqu’à Westport tout en feuilletant les dossiers des patients et en répondant aux coups de fil. J’aimais voir la ville s’éloigner et les immeubles en briques du Bronx disparaître de part et d’autre des rails. Les arbres arrivaient lentement, et la lumière du soleil surgissait, triomphale, tels des cris de joie à la chute d’une longue dictature. Le canyon devenait une vallée. La vallée devenait un champ. Dans le train, j’avais l’impression de m’épanouir, comme si j’échappais soudain à un sort que je croyais pourtant inévitable. C’était étonnant, pour moi qui avais grandi à New York, vrai fils du béton et de l’asphalte. Mais avec les années j’avais fini par me lasser des angles droits et des sirènes incessantes. Alors, dix ans plus tôt, j’avais emmené ma famille à Westport, Connecticut, où nous étions devenus une vraie famille de banlieusards, avec des rêves et des espoirs de banlieusards.
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Quand il avait sept ans, il était fou de sa balançoire. Il poussait sur ses pieds et pointait les talons vers le ciel en criant : « Encore ! Encore ! » C’était un enfant vorace, infatigable, et tellement vivant qu’à côté de lui tout le monde paraissait malade, immobile. La nuit, il se couchait sur son lit défait, à moitié habillé, le front plissé, les poings serrés, comme une tornade qui n’aurait plus d’air. Qui était ce petit garçon et comment devint-il un homme jouant avec des balles de pistolet dans une chambre de motel ? Qu’est-ce qui le poussa un jour à plaquer sa vie tranquille pour commettre un acte barbare ? J’ai lu les rapports. J’ai regardé les images. Mais la réponse continue de m’échapper. Plus que tout, je veux savoir.
Car voyez-vous, je suis son père.
C’est mon fils.
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Cela faisait alors plus d’un an qu’il vadrouillait. Un hobo sur roues, perdu dans le grand vide américain. Quelque part en cours de route, il changea son nom. Il commença à se faire appeler Carter Allen Cash. Il trouvait que c’était joli, que ça claquait bien sur la langue. Son vrai nom était Daniel Allen. Il avait vingt ans. Enfant, il n’avait jamais été attiré par la violence gratuite sur les autres. Il ne collectionnait pas les armes en plastique et ne transformait pas tout ce qu’il touchait en arme. Il sauvait les oiseaux tombés de leur nid. Il aimait partager. Et pourtant il se retrouverait un jour, en plein Texas, à tirer à l’arme automatique dans un petit club de tir au sol jonché de mégots de cigarettes.
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Encore aujourd’hui, plusieurs mois après, il reste des trous, des journées, parfois même des semaines entières, que l’on n’arrive pas à expliquer. On sait qu’il a fait du bénévolat à Austin, Texas, en août, l’année précédant l’événement. Les organisateurs se souviennent d’un gamin brillant, bosseur. Dix mois plus tard, il travaillait comme couvreur à Los Angeles, les ongles noirs de goudron, tout maigre, perché sur des toits de schiste, inhalant l’air enfumé.
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Comme tout événement que l’on peut qualifier d’historique, il subsiste dans les détails un mystère impénétrable. Des éclairs lumineux. Un écho inexpliqué.
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Juste après le premier coup de feu, les journalistes cherchaient déjà désespérément à comprendre, visionnaient les images, analysaient les angles et les trajectoires. En quelques heures, ils obtinrent un nom, des photos. Un jeune homme à l’œil vif et à la peau laiteuse en train de grimacer face au soleil. Rien d’aussi accablant que Lee Harvey Oswald brandissant son fusil mais, observées à travers le prisme de ce qui s’était passé, les photos semblaient prophétiques, comme les portraits de Hitler bébé. Une lueur folle dans le regard. Et pourtant comment y voir quelque chose de définitif ? Ce n’était qu’une photo, après tout. Plus vous vous rapprochiez, plus le grain en était épais.
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Le Trojan faisait partie des trois armes à feu qu’il avait achetées dans les mois qui précédèrent l’événement. Il les gardait dans le coffre de sa voiture, une vieille Honda jaune que la police retrouverait plus tard sur un parking près du Staples Center, à Downtown Los Angeles. Le compteur afficherait 337 000 kilomètres. Depuis quinze mois qu’il avait quitté l’université, il avait beaucoup roulé. Il lui arrivait de faire des petits boulots pour gagner deux ou trois sous : des jobs à la journée, dans des fast-foods, sur des chantiers. Il restait en marge. Tout le monde disait la même chose : il était discret, réservé, un peu sensible. Mais ça, ce serait plus tard, après les nombreuses enquêtes, les chronologies illustrées de son périple, la reconstitution fastidieuse de chaque étape. Aujourd’hui il y a des graphiques, des livres en cours d’écriture. Mais dans les heures qui suivirent l’événement, personne ne savait rien. Qui était ce jeune homme ? D’où venait-il ? On dit que la nature a horreur du vide, mais CNN encore plus.
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l avait acheté le pistolet à Long Beach, chez un prêteur sur gages, une boutique qui s’appelait Lucky’s. C’était un STI Trojan 9 mm. Tout ça est expliqué dans le rapport de police. Comme le mécanisme de la détente était rouillé, il le remplaça à l’aide d’un kit acheté sur Internet. On était en mai. Il vivait toujours à Sacramento, garçon au regard fuyant et aux lèvres gercées qui passait ses journées à la bibliothèque publique pour y lire des livres sur les crimes célèbres. Avant ça, il avait vécu au Texas, dans le Montana et dans l’Iowa. Jamais plus de quatre mois au même endroit. Parfois, il dormait dans sa voiture. Il était parti pour un périple. Chaque kilomètre parcouru le rapprochait d’un but.
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L'Atlantique est un gigantesque échangeur autoroutier, un carrefour de rocades à multiples niveaux. Et au milieu de tout cela, semblable à un atome sur une petite tache au dos d'une puce, Scott Burroughs se démène, l'épaule en miettes.
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Le monde est rempli de gamins de vingt ans qui en ont trop dans le caleçon et pas assez dans la tête. C'est à ça que servent les jeunes hommes. La révolution et le meurtre. Vous ne pouvez pas les laisser traîner.
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Ici, à Los Angeles, commenta Murray, le sentiment ordinaire, c'est le désespoir. Cette impression que quelque part, quelqu'un d'autre est en train d'avoir la réussite que tu méritais.
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Si je pouvais seulement m'organiser, [...]. Si je pouvais seulement avoir un coup de bol. Si je pouvais seulement perdre 5 kilos et arrêter de sortir avec des salauds.
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J'étais fasciné de voir à quel point l'animal humain pouvait, avec le temps, en arriver à considérer n'importe quelle situation, si monstrueuse fût-elle, comme normale.
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Dix ans après que deux lycéens eurent abattu trente-trois de leurs camarades à Columbine, Susan Klebold, la mère d'un des deux tueurs, rompit son silence. Elle écrivit : "Pendant toute cette affaire, j'ai ressenti une humiliation absolue. Pendant des mois, j'ai refusé de prononcer mon nom de famille en public. J'évitais de croiser les regards quand je marchais dans la rue. Dylan était le fruit de ma chair, mais ses derniers actes laissaient entendre qu'on ne lui avait jamais enseigné les notions fondamentales du bien et du mal". Elle ajouta avec le recul : "Avais-je été trop stricte ? Pas assez stricte ? [...] "Dylan a bouleversé toutes mes conceptions autour de Dieu, de moi, de la famille et de l'amour".
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« Il ouvre les paupières, prend une grande inspiration.
Au moment où il entame le premier mouvement, une sorte de hululement fluctuant parvient à ses oreilles. Il pense d'abord aux mouettes, mais lorsqu'une vague le hisse un peu plus haut sur la ligne d'horizon, il reconnaît de son.
Un pleur.
Quelque part un enfant sanglote. Il fait volte-face, tente de localiser le survivant, mais la houle irrégulière crée de la réverbération, le désoriente.
« Hé ! Appelle-t-il. Je suis là ! » Les pleurs cessent.
Scott insiste, se débat contre le courant. « Ohé ! Où êtes-vous ? »
Il cherche des débris susceptibles de lui donner un point de repère, mais les morceaux qui n'ont pas coulé ont dérivé dans toutes les directions. Scott tend l'oreille. Nouvelle tentative : « Hé, par ici ! Je suis là ! »
L'unique réponse provient des vagues. Le naufragé commence à croire qu'il a effectivement entendu des mouettes lorsque, soudain, une voix enfantine retentit tout près de lui.
« Au secours ! »
Scott se dirige vers le miraculé. Il n'est plus seul et le poids écrasant de la lutte pour sa propre survie disparaît. Il a désormais la charge d'une autre existence que la sienne.
Le peintre ne peut s'empêcher de songer à sa sœur, qui a péri noyé dans le lac Michigan lorsqu'elle avait seize ans.
L'enfant n'est qu'à une dizaine de mètres de lui. Il s'accroche à un gilet de sauvetage. C'est le garçon, constate Scott. Il n'a pas plus de quatre ans. »
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