A l'occasion des Imaginales 2021, Noémie Wiorek nous parle de son roman, Les chats des neiges ne sont plus blancs en hiver (HSN).
Lourdes, trop lourdes, les masses blanches s’écrasèrent dans un fracas de chair et d’os qui fit trembler jusqu’aux épines des sapins, tristes témoins muets de leur déchéance. Leur rugissement de douleur fit un instant flancher le vent, devenu muet. Un silence consterné, dégoûté, s’éleva alors, de la part des harfangs, des renards. Des choses venaient de pénétrer sur leur territoire.
Ce n’étaient pas des flocons.
Ce n’étaient pas des oiseaux.
La dernière frontière du monde n’est qu’une immense plaque de glace grise, silencieuse, où poussent des plantes dures comme la pierre. Le vent siffle près de la neige, l’épousant au cœur de falaises abruptes, lèche le lichen et les mousses sur les roches, torture les arbres rachitiques, arrache leur chaleur aux autres créatures si péniblement dressées dans l’immensité immaculée. Liberté et cruauté, les devises du nord, frappées dans le cœur de tous les êtres y survivant.
Dans ce royaume où la férocité est reine, les ours foulent la neige sans crainte, monarque des terres mortes. Leurs gueules dégoulinent du sang des proies fraîchement éventrées, et ils promènent, goguenards, leurs yeux le long d’une ligne d’horizon qu’un soleil pâle parvient à peine à faire rougeoyer. L’astre n’arrache aucune larme à la neige éternelle.
Je hais cette réalité. Il n’y a aucun espoir, dans ce monde. Les seuls endroits où nous pouvons nous réfugier sont le passé et les étoiles.