Je connaissais très peu le poète portugais Nuno Júdice , né en 1949. Et son univers a été pour moi une très belle découverte.
Il a été longtemps critique littéraire, et a dirigé une revue poétique à Lisbonne. L'édition Gallimard réunit ici deux recueils , " Un chant dans l'épaisseur du temps" publié en 1992 ( magnifique titre...) et " Méditation sur les ruines" de 1994.
Dans l'introduction, on retrouve le double aspect du théoricien et de l'auteur car il s'interroge sur la conception du poème. Il analyse de façon fort intéressante le langage poétique. Pour lui, le poème permet de " retrouver la langue natale".
Cela se ressent à travers les textes, à la fois novateurs et nostalgiques. Le poète expérimente, écrit des textes fort variés, d'ailleurs les titres reviennent, " Poème " ou " Image"," Quotidien", comme s'il voulait creuser un peu plus dans les mots, il utilise d'ailleurs l' expression" travail d'archéologue", par analogie.
Mais la saudade est présente aussi, une mélancolie plane, les souvenirs imprègnent sa poésie. Dans l'émouvant texte" Enfance", il écrit:
" Je me rappelle que (...)
le ciel de septembre apportait l'automne quand le
plomb des nuages descendait tant que nous pouvions presque
le toucher; "
C'est une oeuvre riche, profonde, qui demande à être lue progressivement, attentivement.
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Le Nom de l’amour est une Anthologie
1975-2015, de Nuno Júdice, composée
par sa femme Manuela Júdice, et traduite
du portugais par Max de Carvalho.
L'érotisme, l'érotisme et encore l'érotisme.
L'amour, l'amour et toujours l'amour.
Ce recueil est en outre émaillé de réflexions
sur la poésie, le poème, l'art poétique.
Nuno Júdice s'interroge également sur ce Dieu
qui " n'a pas besoin de temps pour exister " à la
différence de nous autres les humains.
Ainsi :
" SOUDAIN IL SURGIT, ET IL A TON VISAGE
Le paradis terrestre est une fleur verte.
Les arbres se fendent par le milieu.
Ce qui est successif se perd.
Si le temps change les êtres et les choses,
je remarque la différence et je me consume.
Le soleil est une faute de grammaire, les lueurs de l'aube
une feuille blanche à la transparence des lampes.
Alors les bruit retentissent. Ils résonnent
dans les fenêtres,
à l'intérieur des boîtes depuis longtemps fermées,
du fond des tasses de café à demi pleines.
C'est tout et, plus
que tout, c'est toi,
entourée d'arbres et de matin,
dans l'éclat des yeux,
dans ce seul éclat d'un clair regard.
p.8
" AMOUR
Un poème, dis-tu, où
l'amour se déclare,
résumant tout en mots.
Mais ce qui fut vécu,
les mots, qu'en
gardent-ils ?
Une poussière de syllabes,
une pauvre cadence
grammaticale, sans rime ni raison…
p.15
" STROPHE
Ta chevelure me ramène à
une notion de réalité. Je la touche,
comme si tu naissais d'elle ‒ vénus
végétale d'une souterraine mythologie ‒
ou comme si à l'intérieur de tes phrases
une fenêtre s'ouvrait. Et j'épie
l'autre côté, où le paysage
s'éclaire des formes de ton corps
- vallées et collines qu'arrosent
les rivières invisibles de l'amour.
p.22
" ART POÉTIQUE AVEC UNE CITATION DE HÖDERLIN
…
J'ai cueilli ce poème. Je l'ai mis dans l'eau,
comme la rose, pour qu'il soit emporté sur un long fleuve
de strophes. Son corps, nu comme celui de cette femme
obscurément aimée en rêve, a bu à la sève
des lacs, aux veines souterraines d'ancestrales
humidité, pour s'ouvrir comme le ventre de
la fleur elle-même. Emportant dans son sillage mes yeux,
au creux d'une barque aussi profonde que sa
mort.
p.25
" L'AMOUR
Dieu – il gît peut-être ici, dans cette
part de moi-même et de toi, tout en ce qui
subsiste de toi ? Il est sur tes
lèvres, dans ta voix, tes yeux,
peut-être marche-t-il parme ces
fils abstraits de tes cheveux que j'effeuille,
entre les doigts du souvenir, lorsque je les
évoque.
Il existe : voilà ce que je sais lorsque
je me souviens de toi.
…
Ici, un dieu ne vit pas tout seul,
lorsque l'amour nous réunit. Il descend des confins
de l'éternité, quitte son plus lointain
infini, pour s'asseoir au pied du lit comme
un chien et écouter la musique de la nuit.
p.41-42
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L'auteur est né durant la dictature de Salazar qui prend fin en 1974 à la révolution des Œillets.
"Un chant dans l'épaisseur du temps" date de 1992.
J'ai pris plaisir à lire ce recueil qui est tout en rondeur. C'est une fenêtre ouverte sur les saisons, la nature, les villes et leurs mystères. L'auteur est fixé sur l'autre côté des choses, à la frontière de plusieurs mondes.
Le sacré et l'absolue sont une musique avec ses secrets et ses rites silencieux.
La nuit exerce son art vers des destinations secrètes.
Le temps s'étire entre intérieur et extérieur.
La poésie de l'auteur a un rythme, un mouvement, une sorte de respiration. Et la lumière aussi. Les couleurs sont chaudes. Plusieurs thèmes se dégagent : la nature, la femme et la mort.
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Saudade.
Gallimard assemble puis édite dans sa collection de poche Poésie en 1996 deux œuvres du poète lusitanien Nuno Júdice publiés séparément au Portugal en 1992 et 1994. L’écriture limpide imprégnée de nostalgie rend la lecture prenante, parfois poignante ainsi du poème intitulé « Photographie » ouvrant le recueil : « C’était bien ses paroles. Un mouvement qui parcourait la surface des rizières, qui ridait l’échine des dunes, qui repoussait les mouettes vers l’estuaire. Cependant, les vieux le comprenait ; et quelques innocents, dont l’esprit se confondait à la transparence de l’eau, répétaient ce qu’il disait en un murmure de ruisseau ». Le sentiment de la nostalgie se loge dans le regret des temps révolus et des lieux inatteignables lié souvent à un désir insatisfait. Le Portugal, ouvert aux dépressions atlantiques, à la monotonie des terrains vagues de l’océan, semble être un épicentre d’où luit la lumière sombre de la langueur. Toutefois, l’œuvre de Nuno Júdice n’est pas réductible à la saudade même si elle en est imprégnée. Le poète accorde son attention aux menus faits du quotidien et leur insuffle une vigueur que les métaphores légères aiguisent encore. Bien que référencée avec l’évocation de Pessoa, Camoens, William Blake ou James Joyce, Nuno Júdice produit une œuvre originale, moderne qui ne renie pas le passé littéraire et historique mais l’assimile. Parfois le surréalisme est convoqué brièvement, tout comme la poésie japonaise. Les frontières entre les genres littéraires, entre le rêve et la réalité deviennent poreuses. Le poète fait feu de tout et derrière une apparente simplicité, atteint les profondeurs de l’âme.
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Je n'ai pas pu terminer ce livre. L'auteur ne fait que raconter toujours la même histoire en ajoutant que quelques détails à chaque fois. Ce fut une véritable horreur à lire. Je me suis forcée, car je n'aime pas laisser des livres sans les avoir fini, mais là c'était vraiment plus fort que moi.
Je n'ai pas pu continuer.
Il y a une première fois à tout.
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