Citations de Odile d` Oultremont (147)
Adrien a toujours évité de se poser cette question. Et si Louise n’avait été séduite pas rien chez lui? Peut-être l’a-t-elle aimé pour une raison que si trouve n’en être aucune. Juste parce que l’aimer, c’était pile l’endroit où se trouver, le point entouré sur la carte de Louise, le millimètre carré où s’enfonce la fléchette lancée sur la cible. Ou peut-être l’a-t-elle aimé instinctivement. Sans hiérarchie de pourquoi ou de parce que. À l’animale. On se flaire sans réaliser que, déjà, la chimie opère. La matière de l’un reconnaît celle de l’autre, elles se conviennent à tel point qu’elles veulent fusionner instantanément, lobant par ce système primitif toute forme de réflexion. Ta gueule! Tu penseras plus tard. À l’instant précis du coup de foudre, la dopamine, l’ocytocine, l’adrénaline et la vasopressine insultent copieusement le cerveau.
À l'état pur, la déraison maintient en équilibre sur un fil invisible. Mieux, elle devient une arme d'une puissance inouïe
- A ce jour, on recense 8,7 millions d'espèces sur Terre, de type microbien, animal ou végétal. Ce recensement est, vous l'imaginez bien, variable selon les progrès de la recherche : on est à tout moment susceptible de découvrir qu'en réalisé il y en a beaucoup plus. Je travaille depuis vingt ans à observer les animaux, je tente de comprendre leurs comportements pour les anticiper au mieux. Cela, vous l'aurez compris, dans le but de les protéger. Les dangers, les accidents, les maladies sont certes des évènements qui régulent l'équilibre, et ils sont la plupart du temps paradoxalement la meilleure réponse à la survie des espèces : elles demeurent parce qu'elles meurent. Ca marche pour les antilopes, les poissons-chats, les cigognes. Mais ça n'a pas le moindre sens pour vous. Car vous êtes, Louise Olinger, la seule espère au monde qui n'a qu'un seul représentant, vous. Si vous disparaissez, toutes les classes de votre famille s'éteindront dans le même souffle. Et le vide laissé serait abyssal, rien n'y résisterait, ni la faune, ni la flore, ni même l'humanité. Les prés que vous butiniez dépériraient de ne plus fleurir, la savane se consumerait de ne plus vous sentir la courir, les vastes plaines de la pampa se languiraient de vos sabots sur leurs terres fertiles, les eaux glacées de l'Antarctique ne survivraient pas à votre déperdition, si minuscule étiez-vous. Ce que je vais vous dire là, je ne l'ai dit ni aux élans, ni aux rennes, ni aux lions de Tanzanie, ni aux baleines siamoises : vous n'avez pas d'autre choix, madame Olinger, que de survivre. A votre cancer, A votre mère, à votre père. A votre histoire.
On ne se défait jamais de ses ombres et de ses fantômes, on les entretient pour les prolonger.
Yarol ferme les yeux, sa tête doucement bascule vers l’avant, il acquiesce en silence et, aux parages de l’espoir, en lui, le calme advient. Peut-être en a-t-il assez de compter sur la douleur. Peut-être en a-t-il assez d’être un passant invisible dans l’air du jour.Nour affiche un sourire timide. Furtifs sont les bonheurs mais la voilà soulagée.Les yeux de Ponthus brillent d’une lumière douce et son visage semble à l’affût, quelque chose affleure, il le sent, en lien avec la joie ou le risque de la joie. Mais il se tait. À cet instant précis, dans ses entrailles, il a beau être le plus heureux possible, il s’arroge le droit de ne pas être apte à l’exprimer. Pas encore.Tout ne peut pas être si simple. Les progrès sont comme des poussins, ils forcent la coquille et éclosent en petits miracles, peinant parfois à trouver leur place ensuite. En ce jour de printemps qu’il constate par la fenêtre fendue là-haut de sept barreaux, vient à Yarol la pensée d’une légère victoire.
p 169
A la fin, les poumons de Louise étaient perforés comme le papier qu'on glisse dans les orgues de Barbarie. Leurs petits trous disposés en quinconce laissaient filer l'air pour provoquer ensuite de minuscules étouffements. Louise manquait d'oxygène mais s'efforçait de sourire.
Marcus est intrigué, chausse ses jumelles et fixe longuement le troupeau lumineux. En point de mire, hommes et femmes, une quarantaine, portant à la main lanternes et bouquets de fleurs, une étrange procession qui progresse lentement en direction de la mer. Il imagine de tout là-haut une litanie portée par un champ triste, des mots psalmodiés sur une mélodie aussi paresseuse qu’un poème. Il se rappelle ces cortèges hindous bardés de couleurs et d’ornements qu’il a vus à la télé. A la jumelle, des profils moins exotiques, une idée de la Bretagne saine et robuste, des marins pour ouvrir la marche drapés dans leurs cirés poisseux, des jeunes et quelques femmes dont une, soutenue par des bras solidaires, jolie d’ailleurs, dont Marcus se demande bien qui elle peut bien être.
Aux côtés de Louise, il avait appris à pousser sur des boutons inédits, maîtrisait à présent un clavier neuf dont il avait remplacé les touches les unes après les autres. Des fonctions inattendues étaient même apparues. La possibilité de la créativité, c'était un peu son innovation technologique, initiée par une Louise Gates aux commandes pour l'encourager à revoir son parc inventif. Par son entremise, Adrien avait appris à rêver.
On lui dit souvent que les grutiers sont des asociaux, bourrus, farouches, lui pense, au contraire, que la plus belle façon d'honorer l'espèce humaine, c'est de prendre le temps et le recul de l'observer.
« Elle est retrouvée.
Quoi ? —-
L’ÉTERNITÉ .
C’est la mer allée
Avec le Soleil . »
« L’éternité » Arthur Rimbaud .
J'accepte la grande aventure d'être moi.
Simone de Beauvoir, Cahiers de jeunesse
Marcus est intrigué, chausse ses jumelles et fixe longuement le troupeau lumineux. En point de mire, hommes et femmes, une quarantaine, portant à la main lanternes et bouquets de fleurs, une étrange procession qui progresse lentement en direction de la mer. Il imagine de tout là-haut une litanie portée par un champ triste, des mots psalmodiés sur une mélodie aussi paresseuse qu’un poème. Il se rappelle ces cortèges hindous bardés de couleurs et d’ornements qu’il a vus à la télé. A la jumelle, des profils moins exotiques, une idée de la Bretagne saine et robuste, des marins pour ouvrir la marche drapés dans leurs cirés poisseux, des jeunes et quelques femmes dont une, soutenue par des bras solidaires, jolie d’ailleurs, dont Marcus se demande bien qui elle peut bien être.
On ne crache pas, personne ne crache, sur l’espoir.
Elle avait déplacé le centre de gravité des évènements, leur avait ôté leur foutu côté obscur. Ne restaient que des bulles de savon sur lesquelles elle soufflait avec une puérilité assumée. Il n’y avait qu’elle pour transformer ainsi le gravier en guimauve.
Il faut bien s'acquitter du quotidien. En réalité, elle se sent broyée sous le poids d'une charge démesurée, elle est épuisée, constate jour après jour une fielleuse lassitude grandir en elle, malgré les mises en garde de ceux et celles qui n'ont cessé de lui répéter qu’il fallait qu'elle se repose. Mais de quoi? D'avoir été le vecteur accidentel de l'expression de la malchance? Ou d'être un monstre? p. 66
Louise posa son regard tourmenté un peu partout autour d'Adrien, elle se soucia de son souci, lui tendit la main comme elle put, les doigts de l'un combinés à ceux de l'autre , pleine vie et mort prochaine dans une étonnante analogie. Tout entier recourbé sur Louise, en arc de cercle, à peu près la forme d'un parapluie, Adrien tente de la ramener tout contre lui, de la coller à sa peau comme un nouveau-né, peu importait après tout qu'il soit la mère ou le mari à cet instant précis.
Il avait beau s'adresser les plus éclairées des harangues, sa foi s'écoulait en un menu filet comme des grains de sable dans un poing fermé. Il les serrait de toutes ses forces , c'était sa façon de résister à sa mise en exil, mais, draconiennes, les particules se faisaient la malle et, dans les mains d'Adrien, bientôt, il ne resta plus rien.
... , l'amour est la langue secrète d'une minuscule communauté où l'on réside seul la plus part du temps.
-Allez… lui souffla-t-elle. Vois ça comme un truc nouveau qui nous arrive. Un truc? – Louise rit encore. Malgré le marasme absolu, le désastre annoncé, elle parvenait à troubler la surface affligée de l’existence. – C’est pas un « truc », Louise, c’est pas un « truc ». – C’est quoi, alors? Un drame? ça changerait quoi de dire « drame » plutôt que « truc »?
Même si je le voulais, je ne saurais pas où aller chercher les larmes. Je pleure pour les autres. Pour moi, j’invente.