Citations de Olivier Descosse (244)
la famille, c’est ce qu’il y a de plus important
La conclusion sonnait comme un constat d’échec. Chloe la regarda quitté la pièce avec un sentiment de tristesse. Sa vie n’était pas un modèle de bonheur mais il y avait toujours pire. Des existences en noir et blanc marquées par le poinçon de la solitude, comme une route sans relief, en attendant de mourir
La culpabilité ressemble à un grand feu, disait le proverbe persan. Il ne suffit pas d’éteindre les flammes pour en anéantir les Braises
dans la cabine, l’ambiance était muy caliente à peine 10 heures du mat et la moitié des passagers étaient bien mûr. Des jeunes pour la plupart, qui allaient s’offrir une semaine à Majorque dans des cages à poules bétonner avec pour seul objectif de tirer un coup et de se bourrer la gueule. Génération 2.0
C’est là, dans ce monde sous-marin, que Jean avait trouvé la paix. Dans l’eau, il n’y avait plus de larmes, de hurlements, de peur ou de souffrance. Seulement le silence. Un silence rassurant dont l’intensité grandissait au fur et à mesure de la descente. Franchie la barre des cent mètres, il se sentait hors de portée du monstre.
Le constat était clair: la cruauté, comme la violence et la perversité, n'a pas de genre. Il n'y avait que des êtres en souffrance, manipulés par leurs pulsions les plus sordides, les plus douloureuses. les psys le savaient, les avocats le plaidaient, les juges en tenaient compte quand ils les condamnaient.
Il continua de palmer, laissant son esprit vagabonder. Les abysses fascinaient, à la façon des contes de fées qui alimentent l'imaginaire humain depuis la nuit des temps. Ils étaient porteurs d'une part de merveilleux, rêve ou cauchemar, mélange subtil de beauté et d'horreur qui avait inspiré de nombreux auteurs. L'Atlantide évoquée par Platon. Vingt Mille Lieues sous les mers de Jules Verne. Aujourd'hui, les blockbusters produits par Hollywood...
On ne refait pas l'histoire. Même s'ils se voyaient, se parlaient, même si elle pardonnait, leurs routes s'étaient disjointes à jamais. Près de trente ans avaient filé. Une vie. Chacun avait vécu la sienne et rien ne pourrait changer cette évidence. Ils avaient fait des choix, des rencontres, noué des liens. Toutes ces pierres amassées le long du chemin avaient construit leur édifice. Des murs qui les définissaient et désormais les séparaient.
Les conservateurs ne valent pas mieux que la masse. Ils s'imaginent que l'art est une denrée de consommation. Une propriété collective. Et ils ont tort. Il n'y a que quelques esprits éclairés qui peuvent en apprécier l'essence.
Contre des criminels un tant soit peu organisés, il fallait s’appeler Sherlock Holmes pour obtenir des résultats.
— Quand est-elle morte ?
— Six semaines. Peut-être huit. L’examen clinique ne permet pas d’être plus précis. D’autant que le séjour en milieu aqueux fausse complètement la donne.
Là aussi, il faudrait attendre les résultats du labo. Grâce au dosage de certains minéraux, notamment le fer, la datation était devenue précise. Chloé se demanda comment faisaient les flics à l’époque où la technologie n’existait pas. Ils ne pouvaient compter que sur leur instinct, un sens aigu de l’observation et une capacité de déduction à toute épreuve.
Chaque coin de Méditerranée avait ses spécificités. Plancton, taux d’hydrocarbures, résidus de déchets urbains ou traces de sédiments dressaient la carte invisible de la géographie côtière. L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer intervenait sur toutes les enquêtes en milieu marin. Il saurait interpréter les données.
— Vous êtes sûr qu’elle s’est noyée ?
— Aucun doute. Les poumons étaient remplis d’eau. De plus, la couleur bleutée du derme est caractéristique de la cyanose. Cela signifie qu’elle était consciente au moment où ça s’est passé. Elle a dû s’essouffler en nageant, faire un malaise et boire la tasse avant de couler à pic. Elle doit avoir une cargaison de diatomées dans les tissus. L’anapath le confirmera.
La probabilité devenait une certitude. Les diatomées, ces algues microscopiques marqueurs d’une mort par submersion, enfonceraient le clou. En attendant, le visage boursouflé, les tissus gonflés et les doigts boudinés attestaient déjà les causes du décès. Le processus de décomposition, pourtant avancé, n’altérait pas cette réalité.
La commandante demanda, pour la forme :
— De l’eau de mer ?
— Oui. J’ai prélevé un échantillon et je l’ai adressé à l’Ifremer. Ils devraient pouvoir localiser la zone où elle a été inhalée
— Où en est-on de l’identification ?
— J’espère avoir les résultats de l’empreinte dentaire d’ici soixante-douze heures. Si tout se passe bien. Pour l’ADN, j’ai envoyé les échantillons à l’INPS. Ça prendra minimum une semaine.
— Tant que ça ?
— Le capitaine Agopian est souffrant ?
— Il n’était pas disponible.
— Vous n’étiez pas obligée de vous déplacer. Je vous aurais donné mes conclusions par téléphone.
Comme tous les collaborateurs de la Criminelle, le toubib connaissait les réticences de Chloé. Sans le formuler de façon frontale – trop classe pour ça –, il lui faisait comprendre avec tact qu’elle aurait pu zapper le film d’épouvante.
— Je dois voir le corps. Ça fait partie de mon travail.
Il approuva d’un signe de tête, sans faire de commentaire.
— Suivez-moi. Il est à côté.
Elle se leva d’un bond. Inutile de s’apitoyer. Il était bien trop tard pour ça. Pour l’heure, elle avait une mission à accomplir et une enquête à boucler. La vision de la victime ouverte de part en part la terrorisait d’avance. Elle savait que le visage de Sophie viendrait se plaquer sur celui du cadavre.
Mais pas le choix. Il fallait avancer.
Elle regarda sa montre. 14 heures. L’autopsie devait être terminée et Mengele relisait sans doute son rapport. Il ne lui restait plus qu’à se changer pour aller affronter son cauchemar.
L’acte commis par ce fou avait achevé de la dégoûter des hommes. Dans son esprit, il cristallisait tout ce qu’ils avaient de plus odieux. La certitude de leur puissance, de leur supériorité, le mépris qu’ils nourrissaient à l’égard des femmes, a fortiori quand elles étaient lesbiennes. Certains passaient à l’acte, les agressaient physiquement, quand d’autres se contentaient de les torturer mentalement. Le résultat était finalement le même. Ils étaient des prédateurs et elles des proies. Des proies qu’elle s’était donné pour mission de protéger, quel qu’en soit le prix.
L’acte commis par ce fou avait achevé de la dégoûter des hommes. Dans son esprit, il cristallisait tout ce qu’ils avaient de plus odieux. La certitude de leur puissance, de leur supériorité, le mépris qu’ils nourrissaient à l’égard des femmes, a fortiori quand elles étaient lesbiennes. Certains passaient à l’acte, les agressaient physiquement, quand d’autres se contentaient de les torturer mentalement. Le résultat était finalement le même.
Chloé aurait dû être avocate. Au lieu de ça elle était devenue flic, une réorientation qui lui avait paru naturelle, évidente. Combattre le mal à la racine était le meilleur moyen de tenir sa culpabilité à distance. De réparer sa faute.
Elle décolla ses paupières et fixa le plafond. Au-dessus de sa tête, les boiseries sombres d’un vieil appartement rénové de pied en cap. Le nid qu’elle s’était dégoté sur Internet avant de débarquer à Marseille avait ce qu’on appelle du cachet. Il donnait sur la place de Lenche, haut lieu de la culture marseillaise situé à quelques enjambées du bar où se tournaient les extérieurs de la série Plus belle la vie.
Qui était cette jeune femme ? Comment était-elle morte ? La thèse de la noyade semblait coller, pourtant Belkhir avait soulevé une distorsion intéressante. Les prédateurs s’attaquaient aux cadavres, pas de problème jusqu’ici, mais leurs morsures se concentraient en principe sur les parties molles de leur anatomie.
Chloé n’avait pas fait de master en ichtyologie mais le savait aussi. Là, il y avait eu section d’un pied. Un morceau tendineux, osseux, presque entièrement dépourvu de chair. Aucun intérêt pour un thon, ni même pour un requin. De plus, il aurait fallu qu’il s’acharne un bon moment avant de réussir à sectionner les os. Alors quoi ? Se pouvait-il, en dépit des apparences, que cette amputation ait une cause différente ?