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Citations de Patrick K. Dewdney (290)


Nous étions couchés dans les herbes folles qui poussent sur la colline du verger, et de là, nous voyions tout. L’air était pesant, presque immobile, rempli du bourdon estival des insectes. Autour, il y avait le parfum mêlé des graminées et l’odeur douceâtre des pommes qui mûrissent. Suspendus aux branches chargées de fruits, des charmes d’osselets gravés tintaient mélodieusement pour éloigner les oiseaux et la grêle. Face à nous se dressait Corne-Colline et les murailles sombres de la cité de Corne-Brune, grassement engoncées dans la poussière que soulevaient les charrettes de la route des quais. Enfin, au bout du chemin sale que nous surplombions, derrière le petit port fluvial, la Brune coulait paresseusement. À mes côtés, Cardou croquait à pleines dents dans une pomme encore trop verte, tandis que Merle jouait un air badin sur son pipeau. Et Brindille, dont nous étions tous les trois amoureux, Brindille souriait. Nous avions le ventre plein.
Je devais avoir un peu moins de huit ans. C’est mon premier véritable souvenir.
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Elle me sourit, un vrai sourire sincère et un peu triste. Et moi j'attends. Une explication, de la part de cette tueuse étrange, une explication de son humanité, de son essence, si vivante, alors qu'elle donne la mort
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Aucune vie ne veut s'éteindre et aucune vie ne vaut mieux qu'une autre. C'est la vérité la plus cruelle qu'un homme puisse comprendre et, crois moi, je mesure mes mots. Il n'y a rien de plus cruel que cela.
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Les gens des clans traitent également les sexes, si bien qu'il y a parmi eux guerriers et guerrières, chasseurs et chasseresses. Il n'est pas déshonorant qu'un homme reste à la yourte pour s'occuper des enfants et des tâches ménagères pendant que sa femme part sur la piste du gibier. Dans les Hautes-Terres, le pragmatisme est un art de vivre et, si une jeune fille tire mieux que son frère ou porte mieux l'épée, il est naturel que ce soit elle qui hérite des armes de son père.
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Les gens des clans ne s'occupent pas des enfants abandonnés, car selon leurs croyances il n'est pas sage de consacrer du temps à une descendance qui n'est pas du même sang. Si une lignée doit s'éteindre, c'est qu'une volonté qui échappe aux hommes est à l'œuvre et qu'il est donc futile de s'y opposer. Certains considèrent même qu'il peut être dangereux de changer ainsi le cours du monde.
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Entre ces berges, pouvait-on vraiment exister autrement qu’en passager éternel ? Il me semblait que non. J’avisais la contrebandière, courbée sur ses nœuds et sa peine, et je me demandais comment on pouvait vivre ainsi, en traversant le monde sans jamais en faire partie. Comment on pouvait accepter de franchir frontière après frontière sans jamais rien abolir. Quelle force ou quelle folie il fallait pour ne pas finir en regardant l’eau comme je l’avais regardée moi-même, lorsqu’au cours de l’hiver, j’avais espéré son froid. (p. 121.)
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Croire que l'on sait est ignorant. Savoir que l'on croit ne l'est pas. L'homme sage est capable de discerner les nuances entre ce qu'il sait et ce qu'il croit, parce que la croyance est la plus dangereuse des ignorances.
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Malgré tout, il me faut admettre qu’il y a des avantages à avoir été façonné par le chaos. Durant l’époque tourmentée de ma jeunesse, ma capacité à épouser l’imprévisible a joué en ma faveur plus d’une fois.
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Je n'aimais pas la guerre. Je n'aimais pas la peur et la confusion, et je n'aimais pas les exactions qui ciblaient toujours les mêmes, les faibles et les déshérités. Je n'aimais pas tuer. Et pourtant, en dépit de toutes ces aversions je ressentais une démangeaison intime, un appel pressant à retrouver cet état de paix chaotique qui n'existe que dans le conflit. Le grand calme d'un monde simplifié. Eux ou nous. Vaincre ou mourir. Chaque émotion limpide et forte, une liqueur facile qui départageait les hommes entre ceux que l'on devait craindre, et ceux à qui l'on devait faire confiance. Je me rendais compte qu'il en était allé de même dans les mines d'une certaine manière, les maîtres et les esclaves, et pas grand-chose entre eux. Je n'aspirai pas à la fébrilité du combat, mais à la limpidité qui l'accompagnait.
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"J'en ai croisé beaucoup comme lui. Ils comprennent rien, pour la plupart, à ce que cela signifie, d'être Var. Ils meurent en n'ayant rien compris, en regrettent for et leur dieu-soleil. Mais ils restent, parce qu'ils pensent être libres. Ce sont leurs enfants qui deviennent vraiment Vars. Et qui deviennent vraiment libres. Sais-tu ce que mon père m'a dit, Sleitling? Que le jour où on a lui ramené son vieux à lui, encore crispé sur la faux, il a ri. Il venait de saisir la nuance entre le courage et l'obstination. C'est la liberté. Pour être courageux, il faut être libre. Alors que l'obstination appartient aux esclaves, et à ceux qui ne voient pas leurs propres chaînes. Mon aïeul était courageux lorsqu'il a franchi la Sinde, et obstiné quand il est mort. Enfin. Je me suis dit qu'il fallait que je partage cette pensée avec toi, Sleitling. Plus de courage et moins d'obstination, voilà ce qu'il te faut."
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Lorsque je ne discutais pas avec l’un ou l’autre de mes compagnons, ce qui arrivait souvent, je laissais mon regard s’abreuver des paysages somptueux qui se succédaient de part et d’autre de notre esquif. La lente venue du printemps était le héraut de notre voyage, et avec l’approche de la belle saison, la nature se sublimait. En Haute-Brune, le fleuve était saisi entre la Forêt de Pierres à l’ouest, et la forêt de Vaux à l’est. De fait, les arbres étaient nos compagnons permanents, spectateurs interminables de notre progression. Je crois bien en avoir vu mille variations, des pins colossaux aux délicats noisetiers, l’austérité des grands peupliers et la rondeur joviale des saules. Nous assistâmes à la naissance de feuilles de toutes les formes, de toutes les nuances imaginables. L’éclosion fragile des bourgeons fut suivie par celle des fleurs. Le monde se constella progressivement de touches de couleur. Il y avait là un foisonnement de vie, de scènes paisibles ou stupéfiantes, et je crois que de m’être éloigné de la dévastation de Vaux m’avait fait au moins autant de bien que d’avoir retrouvé une perspective d’avenir.
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A vivre sur cette brèche imposée, j’en venais à glisser sur le fil de la réalité. Surgissaient en moi de faibles instincts contradictoires, de fuite et de combat, mais je n’avais plus la force pour l’un, et j’échouais pitoyablement à l’autre. A peine pouvais-je nourrir les braises froides de mon désespoir avec un combustible obscur de reconnaissance et de haine mêlées. (p. 347-348.)
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Là-bas, j'ai entendu dire que ce serait à cause d'un enfant qui l'aurait tué, ou d'un sorcier qui l'aurait trahi. Mais un homme m'a aussi raconté que par devoir il avait brisé son propre cœur.
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Dans l’obscurité, je m’émerveillais du fait que ces survivants déracinés trouvaient encore la force de célébrer quoi que ce soit. Leurs terres étaient brûlées, leurs familles mortes ou déchirées, et ils parvenaient à puiser dans la nuit quelque chose d’autre que des larmes et des lamentations. Je comprenais leurs refrains, qui trouvaient souvent prise en moi. Il s’y tapissait en substance ce qui avait hanté les regards de Seu-Lanthé, et aussi les murmures des esclaves d’Iphos. Je crois, avec le recul, que tous les hommes chantent l’espoir pour ne pas l’oublier. Même quand il a abandonné la chair depuis longtemps, on ne désespère jamais de conjurer son écho.
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Soudain, l’astre surgit.
Tout fut éclipsé. La mer n’avait pas disparu, mais il m’était désormais impossible d’en discerner quoi que ce soit. J’étais terrifié. Je n’avais pas oublié cette présence – comme l’aurais-je pu –, mais de me trouver à nouveau face à ce que le pérégrin nommait Déesse fut une épreuve terrible. J’étais un chien à l’échine courbée. J’étais un gibier acculé. Je n’étais rien. J’eus l’impression de fixer le soleil, sans pouvoir m’en détourner. Ses premières modulations crépitèrent, me surchargeant d’un émoi si gigantesque que je doutais pouvoir l’accueillir. J’eus peur de mourir d’amour. Les salves tonitruantes me secouaient, me ballottaient comme un fétu. Elle m’aimait. Elle m’aimait d’une puissance qui aurait ravagé le monde entier. Elle me voulait.
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Ici, seul l’esprit existait. Les tangibilités relevaient de l’émotion, et elles s’affinaient au point d’en devenir concrètes. On ne voyait pas, on n’entendait pas, il n’y avait rien à toucher, pas davantage à goûter. Il n’y avait pas vraiment d’espace, mais puisqu’il faut bien en dire quelque chose, alors il y avait moi, et il y avait une mer d’étoiles.
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Tout à coup, l’homme sauta avec légèreté depuis le haut de la butte, pour atterrir sans un bruit sur l’humus en contrebas. La pluie avait cessé, et les limbes s’épaississaient de plus belle, pourléchant les contours de sa cape. […] « Et pour ta gouverne je n’ai jamais été pérégrin. Pas même avant que je ne foule ces bois. Je suis Trasca, le roi des Ormes. » Sur ces mots, l’homme me tourna les talons et fut avalé par la brume.
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Je voulais me livrer volontairement à la douleur, et les vociférations retombèrent peu à peu pour laisser place à un silence expectatif. Lorsque les Carmides m’avaient entaillé le visage, je n’avais pas cillé. Il en fut de même ce soir-là, quand ma chair grésilla autour du fer brûlant. On me regarda différemment par la suite.
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Thurle avait eu raison à propos de l’espoir. Il me semblait que chaque homme, chaque femme et chaque enfant de Seu-Lanthé avait souffert d’une grande soif. Lorsque la rumeur du renouveau s’était déversée, chacun s’était précipité à même les pierres pour y lécher la moindre goutte.
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Je savais qu’il me faudrait tôt ou tard accepter de prendre la mesure de tout ce qui ne reviendrait pas. Mes souvenirs d’enfance, que j’avais étreints à bras le corps durant ma captivité, s’étaient cristallisés au point d’en devenir fragiles. Il me semble que j’avais mieux su me préserver de la contagion du néant que la plupart, sans doute parce que j’avais eu la chance de connaître d’autres vies et d’avoir accès aux mots, au combustible intellectuel pour y résister.
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