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Critiques de Patrik Ourednik (37)
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Année vingt-quatre

«EN ARRIVANT À L'HEURE AU TRAVAIL, NOUS PORTONS UN COUP FATAL AUX AMÉRICAINS !»[*]



1965 : Début de la mise en place d'une réforme économique majeure voulue par le Parti Communiste Tchécoslovaque (PCT). Patrik Ourednik a alors huit ans.

5 janvier 1968 : le PCT tente d'introduire un "socialisme à visage humain", via le réformateur Alexandre Dubcek.

21 Août 1968 : fin de l'expérience avec l'invasion dans tout le pays des forces du Pacte de Varsovie sur une décision du "grand frère" soviétique russe.

1984 : Patrik Ourednik s'exile à Paris où il réside toujours.

1989 : Fin du PCT et début de la transition démocratique de la Tchécoslovaquie, futures Tchéquie et Slovaquie indépendantes.



Le rire de Patrik Ourednik est énorme et terrible ! À la manière d'un Alfred Jarry (qu'il a d'ailleurs traduit dans sa langue natale, le tchèque, de même que Raymond Queneau, Rabelais, Boris Vian ou encore Samuel Beckett : autant de références auxquelles il est impossible de ne pas rattacher l'oeuvre de l'essayiste), il emporte tout sur son passage, nos certitudes, nos petits arrangements avec l'existence, nos rêves, nos désirs, nos vanités. Mais comme le divin rire de tous ces illustres prédécesseurs, celui, tragique et grotesque à la fois, d'Ourdenik nous oblige à la réflexion, à l'introspection, il nous incite à faire cet indispensable examen de conscience, celui qui sépare l'esprit libre de la pensée dogmatique : c'est ce que nous avions découvert, déjà, à la lecture du saisissant Europeana : Une brève histoire du XXe siècle de même que du faramineux La fin du monde n'aurait pas eu lieu, que confirme, s'il était nécessaire, ce récent (dans notre langue) bien qu'en réalité très antérieur - l'ouvrage date de 1995 dans son édition originale - Année vingt-quatre.



S'inspirant du génial "Je me souviens" de Georges Pérec, lui-même inspiré du méconnu (chez nous) I remember de Joe Brainard (un travail de "collage" de souvenirs personnels aussi intimes que généralement anodins, la plupart intransmissibles, très admiré du romancier américain Paul Auster), le tchèque débute son ouvrage ainsi, juste après l'évocation d'un souvenir familial, par ce tag rageur :



TIENS ! UN RUSKOF EST TOMBÉ DANS LES ÉGOUTS !

C'EST PAS MOI QUI IRAI LE CHERCHER !



Le ton est donné ! Ainsi, au fil des vingt-quatre chapitres de cette mémoire éclatée, qui fait fi d'une chronologie parfaite bien que l'auteur n'ait de cesse de remonter le cours du temps, du plus ancien au plus récent, - d'abord fleuve, puis rivière qui se fait de moins en moins tumultueuse, pour n'être plus que ruisseau avant de s'achever à peine moins mince qu'un simple ru, un filet de souvenirs ténus, anodins, presque incompréhensibles pour qui ne les a vécus - Ourednik dresse le portrait tant intime que public, politique et social de cette vie - ces vies - dans cette Prague d'abord révoltée - mais avec humour, et quel ! - puis de plus en plus passive, distante, indirecte face à la dictature, face à la corruption des esprits, face à ce langage constamment détourné, trahi, déconstruit par la propagande d'état (certains extrait de l'organe de presse officiel "Le Droit Rouge" sont absolument édifiants), cette dépossession du verbe par un mécanisme de substitution des notions, des définition du sens même des mots parfois les plus courants, qui est sans aucun doute l'un des marqueurs les plus forts de toute entreprise totalitaire - George Orwell n'explique pas autre chose avec son fameux "La Guerre c'est la Paix, etc" et sa fameuse novlangue. Ainsi, les moments les plus innocents a priori de la vie quotidienne prennent-ils une tournure terriblement politique - et revancharde parfois - comme ce fut le cas grâce aux exploits sportifs de l'équipe nationale de hockey sur glace qui tint glorieusement tête à l'équipe pourtant jugée bien meilleure de l'Ourse russe. Et le journal officiel de s'en offusquer tout autant que de mettre en garde dans ce style inimitable des organes communistes de l'époque :



«Les matchs opposants les équipes soviétiques et tchécoslovaques ont été récupérées par des éléments contre-révolutionnaires qui se sont efforcés de faire germer une psychose nationaliste et une désorientation politique chez nos concitoyens les plus rétrogrades.»



Passant donc de souvenirs très intimes, familiaux, personnels, des souvenirs d'enfance d'abord, puis d'adolescence et de jeune adulte confronté aux innombrables impossibles de ces temps, à d'autres sans conteste plus importants, plus imposants, mieux connus quant à cette espèce de work in progress historique totalement fou mais que l'auteur ne met pas plus en avant que les siens propres, chacun étant les facettes diverses d'une même individualisation de ces vingt-quatre années, Ourednik nous laisse pénétrer, sans jugement visible, sans parti pris apparent (il faudrait être naïf pour se convaincre qu'il ne peut y en avoir) dans ce monde entre parenthèse, un monde absurde et violent, inutile et mortifère, cynique et borné, que furent ces années de soviétisation des esprits et des corps. Une époque durant laquelle ce verbe désincarné, vidé de sa substance pour en faire un instrument d'asservissement peut nous sembler risible aujourd'hui, tandis qu'il travestissait alors d'intenses moments de drames, des compromissions honteuses, l'enterrement, et pour le temps de toute une génération, de modestes illusions. Il faut dire aussi que la "Charte 77", ce texte signé en 1977 par 242 intellectuels demandant un meilleur respect des Droits de l'Homme, était passée par là, et acheva, sans doute, de désespérer un peuple dans son désir de résistance.



Vingt-quatre "je me souviens" composent donc le premier chapitre de cet exercice mémoriel pas toujours bien sérieux - quoi que toujours aussi exact que possible : les traducteurs veillent au grain ! -, d'un actualité parfois difficilement transcriptible dans une langue tierce (les jeux de mots y sont légions qui expriment la pensée profonde et l'humour terrible des pragois en ces années grises), puis vingt-trois, vingt-deux, jusqu'à ce que l’appétence pour une vie vraie se fonde totalement dans la banalité triste de la fin de l'ère communiste. Où l'on en arrive à ce paradoxe que l'adolescent d'autrefois, à peine formé, est bien plus riche de souvenirs pourtant lointains mais précis et divers que l'individu d'hier : Un univers d'étouffement permanent et accepté, de presque non-vie, de train-train sans attrait, de mots qui (s')échappent, de truisme s'imposant comme absolues vérités. Voilà tout ce qui peut rester au terme de ces vingt-quatre années de drapeaux rouges aux faucilles et marteaux finalement acceptés sans plus vraiment regimber. Jusqu'à cette fin (du verbe, de la pensée, de l'esprit, de l'espoir, de la mémoire) :



Je me souviens de "Cha-la-la-la-lin yeah"



qui constitue l'ultime fulgurant chapitre d'Année vingt-quatre, supposé être celui de la délivrance. Un chapitre intitulé FIN, autant comme conclusion d'une ère parvenue à son terme et comme préfiguration des temps à venir, qui ne seraient plus que refrains onomatopéiques sans signification, sans que cela importe moindrement... Cette fameuse "fin de l'histoire" imaginée par Francis Fukuyama en 1992, et l'avènement pour lui incontestable, irréversible des systèmes politiques libéraux...? Possible : cet essai ne date-t-il pas de 1995, quelques 6 ans après la publication de cet article qui fit couler tant d'encre ?



Le "grand" texte - est-ce encore tout à fait un roman ? - de ces années-là est, sans contestation possible, L'insoutenable légèreté de l'être de Milan Kundera. C'est un roman de la maturité d'un homme ayant suffisamment de recul, ainsi qu'une intelligence hors du commun, au moment des faits pour pouvoir l'évoquer avec toute la subtilité possible par cet écrivain majeur. Certes. Mais l’apport de Patrik Ourednik à cette période sordide de destins gâchés, d'une génération perdue ne peut passer inaperçu. En premier lieu, parce que, malgré une sélection forcément suggestive de souvenir, il documente avec talent une époque que l'on n'a de cesse d'oublier tandis qu'elle n'attend que d'autre apparences pour resurgir. En second lieu, parce qu'elle traduit ce que peut avoir de répétitif, d'absurde, de pathétique et de fadasse ces périodes durant lesquelles des systèmes idéologiques imposent à l'être humain une seule et unique manière d'être, de penser, d'imaginer, de continuer. Enfin, parce qu'au delà de cette grisaille que d'aucuns, par esprit de système et folie nihiliste tâchent d'imposer à leurs contemporains, seul le rire (qui fut bien souvent celui de tout un peuple, malgré la répression, le meurtre légalisé et la chape de plomb), le rire énorme, parfois gras, pantagruélique, ubuesque et inarrêtable demeure non une solution en soi mais le seul moyen de dépassement dans l'attente de jours meilleurs. Une bien belle leçon (qui ne se veut jamais telle) pour un ouvrage, une fois encore chez Ourednik, absolument indispensable ! Ourednik réinvente l'expression : passer des larmes au rire. C'est bénéfique, ô! combien !



[*Propagande du PCT]
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Histoire de France + A notre chère disparue

NOS ANCÊTRES, LES GAULOIS...



La France (probable) d'avant 14 (1914, bien entendu) : Sa belle époque, ses petites femmes de Paris, la fée électricité, ses grand Rois fondateurs, civilisés mais pas trop, modernes, mais sans excès anachroniques - Clovis, Charlemagne -, Dieu, qui n'existe pas mais demeure fort pratique, sa République (la IIIème, donc) et ses fameux hussards noirs, autrement dit, ses zélés instituteurs, les véritables "héros" (hérauts) de cet espèce d'ovni littéraire, envoyés alors aux quatre coins de l'hexagone afin de dispenser l'histoire... enfin, une belle histoire plus exactement, de celles que l'on raconte aux enfants, de celle digne du célèbre (en son temps) tour de France de deux enfants, de l'imagerie d'Épinal, de l'indéboulonnable Ernest Lavisse et de son fameux (fumeux) roman national.



Cette Histoire de France + A notre chère disparue (remarquons qu'il s'agit ici d'une croix commémorative plutôt que du symbole mathématique) serait, à l'en croire son auteur Patrik Ourednik, un «roman didactique en douze chapitres». Concédons-lui l'exactitude du nombre. Mais pour le reste, gageons que cet écrivain-essayiste d'origine tchèque, traducteur et rédacteur d'une décapante «Europeana. Une brève histoire du XXe siècle», proposant de l'histoire un décalage constant, emprunt d'un humour aussi féroce que pince sans rire, et dont ce premier opus rédigé directement en français, dans un style aussi facile d'accès qu'il est d'une élégance sobre que nombre de "natifs" pourraient jalouser, semble tout d'abord issu, comme une scorie improbable. C'est un peu comme s'il avait décidé de se parodier, de faire dans le "à la manière de..." tellement en vogue en ces années-là, en prenant pour cible tous les lieux communs, les pseudo-vérités, les fausses évidences et vraies distorsions du passé que ces fameux enseignants de l'antique communale furent chargés de dispenser auprès des jeunes "têtes blondes" qui n'en pouvaient mais après des générations d'inculture, de pauvreté historiographique, de néant intellectuel, et dont Ourednik, avec un humour qui n'appartient qu'à lui - dont, pour autant, le lecteur se délecte - semble nous faire le condensé, nous réserver l'ultime filtration qu'un de ces élèves devenu adulte aurait pu, à la fin de la fin de l'émulsion positiviste de ses anciennes années d'apprentissage, retenir et délivrerait à un sien camarade autour d'un revigorant picon-bière au café du commerce, tandis que les bigotes sortent de la messe. C'est en quelque sorte l'histoire de tous ces lendemains qui devaient invariablement chanter (c'est l'instit' qui l'a suggéré, et l'instit', c'est tout de même plus sérieux que le curé, du solide), que notre bon français du cru, pas plus bête qu'un autre (surtout allemand), mais pas si malin non plus, se ressasse, nous ressasse, jusqu'à ce que...



Qui connait un peu l'oeuvre passée ou présente d'Ourednik (que l'on songe à son inquiétant autant qu'indispensable «La fin du monde n'aurait pas eu lieu») comprend (croit comprendre) qu'il se trouve ici de nombreuses anguilles sous roche et que la lecture se doit d'être prise au second, au troisième jusqu'à un x énième degré possible... Mais, et c'est bien là qu'il y a dialectique, dans ce terrible MAIS, le douzième et ultime chapitre (au demeurant aussi bref que la chute de la lame d'une guillotine révolutionnaire) semble devoir mettre tout notre bel édifice conceptuel à bas :



«Dans l'ancien temps on pensait que les malheurs arrivaient en témoignage de l'indignation et de la fureur de Dieu, lequel envoyait des fléaux et des calamités de toute sorte afin que les gens soient plus religieux. Nous savons aujourd'hui que ce ne sont là que balivernes. Mais le destin, lui aussi, peut parfois jouer un mauvais tour. Il arrive dans la vie d'un homme des choses si méchantes et si pitoyables, si cruelles et si inattendues qu'il est impossible de les imaginer. La littérature, la Poésie elle-même ne pourra jamais exprimer toute cette abomination.»



S'il ne peut même demeurer la poésie et les lettres pour "dire" cette histoire impossible des hommes qui, sans cesse, se détruisent, et avec quelle passion dans le grand dérèglement invariable des temps, du destin et du monde (nous sommes dans les premiers temps de la commémoration du premier centenaire de la Grande Boucherie de 14-18)... Alors quoi, aussi désespéré fût-il, l'humour...?
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La fin du monde n'aurait pas eu lieu

COMME UN OURAGAN, L'HUMOUR A TOUT EMPORTÉ...



C'était, parait-il, une sorte de seconde nature, une pure obsession, chez Patrik Ourednik, en tout cas c'est ce qu'affirme son épouse : écrire un livre racontant la fin du monde ! Voilà qui est désormais chose faite, au grand dam de son éditeur nous est-il expliqué dès les premières pages, avec un humour mordant, un cynisme, un sens de la formule que n'aurait certainement pas mésestimé un Oscar Wilde ou un Ambrose Bierce : la fin du monde ? «Un thème éculé !», et de se faire expliquer par le menu tout ce qui peut encore fonctionner dans le monde éditorial actuel. L'auteur d'acquiescer mais de conclure, définitif : «Mon éditeur aurait fait un piètre écrivain. Aussi mauvais que les autres.» Circulez ! Y a rien à voir ! Tout est à l'encan dans cet ouvrage qu'on peine à savoir qualifier, tant il se refuse, avec ravissement, à entrer dans la moindre case : Roman, anti-roman, essai, non essai, pamphlet, aphorismes, projet d'ouvrage plus vaste, carnet de note, etc ? Sans aucun doute un peu de tout cela et rien de tel à la fois. Car, que le lecteur le garde en mémoire une bonne fois pour toute : l'auteur tchèque, francophile, traducteur, essayiste et écrivain Patrik Ourednik ne supporte pas de voir ses ouvrages enfermés dans quelque rangement que ce soit, répertorié, archivé, rayonné comme le demande à l'être l'immense majorité de la production éditoriale (on peine souvent à écrire "littéraire") actuelle. Qu'on ne s'y trompe pas. Si l'auteur du désormais fameux Européana - Une brève histoire du XXème siècle, texte dément, affolant, à la fois très proche dans les intentions mais très éloigné de celui-ci par sa conception.



Mais alors, qu'y trouve-t-on dans cette véritable foire d'empoigne thématique, référentielle, 'pataphysique et décapante ? Puis que nous sommes dans un supposé roman, on y croise, d'une page à l'autre, pas forcément la suivante, un certain Gaspard Boisvert, écrivain raté (un seul roman à son actif, invariablement retourné par les éditeurs), publicitaire de son état - plus exactement créateur de slogans publicitaires tels «buvez avec modération mais buvez ferme !» ou encore «Suze-moi» cependant refusé par la marque - amateur de baignoires-sabot, bref « conseiller auprès du président américain le plus bête de l’histoire du pays » (notons que l'ouvrage fut rédigé avec l'arrivée au pouvoir de Donald Trump) et, surtout, héritier d'un secret de famille d'un poids terrible : son grand-père aurait été le seul enfant d'Adolf "Le Boche" Hitler, ainsi qu'Ourednik le nomme au fil des apparitions, et elles sont nombreuses ! L'histoire de cet infortuné Gaspard - prénom d'un des antiques Rois-Mages de l'histoire sainte -, recherchant de loin en loin à savoir la vérité sur son origine maudite, quand ça ne sera pas la seule recherche de sa mémoire perdue sans motif compréhensible va ainsi servir de fil rouge à l'auteur pour passer en revue tout ce qui va de travers dans ce monde, en remontant un peu dans le temps puisque l'Histoire est aussi l'un de ses sujets favoris. Passent ainsi sous les fourches caudines de l'auteur les religions et les croyants, qu'il affuble du qualificatif de «craignants-dieu», Dieu soi-même et ses mystères/misères, le bombardement de Dresde, les «barbus» fort peu appréciés du «président américain le plus bête de l’histoire du pays», l'âge de l'univers, le langage et son appauvrissement notoire dans notre époque «post-moderne», les écrivains et la lecture, la démocratie et les dictatures, les champions du monde modernes du nombre de victimes tuées à l'heure (Adolf le Boche, sacré champion toute catégories), les hommes politiques, les démocraties occidentales, les végétariens et les végétaliens, une blague juive, une autre, en épisode mais ni queue ni tête, sur deux chinois, la médiocrité universelle, même, pour être parfaitement exact, ce qu'Ourednik estime relever de la pure bêtise, laquelle trouve ses racines, peut-être ses justifications, dans nos langages hyper-policés, totalement sous emprise du politiquement correct et de la bien-pensance, une langue qui galvaude et qui abrutie. N'écrit-il pas, dans un élan d'humour désespéré et noir, «qu'à force d'être pris pour des demeurés, les gens étaient devenus des demeurés ?»



Fort heureusement, cet ouvrage qui, entre des mains moins habiles, moins distanciées, aurait pu devenir une quelconque entreprise macabre de pompes funèbres de nos temps pas toujours d'une grande fantaisie, il faut bien l'admettre, fait la part belle à cet humour peut-être très "pays de l'est" (on songe aux vagues d'humour souvent glaçant, désespéré, ironique d'un Emil Cioran ou d'un Milan Kundera, le premier roumain, le second tchèque devenu français d'adoption, comme Ourednik). C'est donc souvent drôle et grinçant, provocateur avec juste ce qu'il faut de vérité pour faire passer la pilule, cela fourmille de détails passablement superflus (des vrais faux tableaux supposés apporter un fond de sérieux à l'analyse, des questionnaires parfaitement farfelus, des mises en garde langagières qui ajoute à l'incongruité tragique de nos petits et grands travers de pensée, etc) ; le farfelu côtoie le dramatique, l’irrévérencieux succède au dépit, l'humour très noir et plus mordant que les toutes les gueules de Cerbère réunies vient conclure des prophéties de mauvaises augures dignes d'une Cassandre, sur laquelle il s'arrête d'ailleurs le temps d'un court chapitre... Ça dégomme à tout va, ça balance au fil de l'encre, ça déboulonne du héros, du grand homme, du saint ou du sacré, c'est à la frontière entre le pamphlet (on songe aussi à Léon Bloy, à Octave Mirbeau, tous deux maîtres es-langage dans leur détestation l'un de l'autre ou celle de leurs contemporains) et la sottie, c'est énorme et c'est peut-être un peu vain, cela frôle le vaniteux, le pédant, mais on ne parvient jamais à savoir si l'auteur croit vraiment à tout ce qu'il raconte, sinon en s'agrippant à toutes les branches de passage, tel un époustouflant comique désespéré mais solidaire, à son corps défendant, de ce monde. Dès lors, ce n'est pas la fin DU monde qu'il annonce, mais la fin D'UN monde, et - futur antérieur à l'appui de ce titre à l'incertitude terrible - peut-être en aurait-il été mieux ainsi ?



On ressort essoufflé de ce bizarre, cet inclassable bouquin. Sans prétendre à l'indispensable, sans crier invariablement au génie, celui-ci marque son temps d'une empreinte vive, sidérante, d'une voix vraiment à part, à laquelle il est bien malaisé d'attribuer le moindre qualificatif définitif, que l'on reprendra un peu plus tard sans nul doute - l'ensemble est dense mais plutôt bref -, une fois le premier vent fou passé.
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Europeana : Une brève histoire du XXe siècle

FOLIE QUE DE CE...



Oui ! Folie que ce texte complètement échevelé, pour ainsi dire inclassable, que l'on peine à ranger dans les essais historiques, philosophique, sociologique et autres si nombreux -iques ( hic !) dont ce XXème siècle enterré mais par forcément définitivement mort nous a abreuvé jusqu'à plus soif, jusqu'à la nausée, parfois. Ces -iques et ces -ismes (isthmes/impasses des pensées totalitaires et totalisantes) dont ce siècle fut si gourmand, comme il fut gourmand de morts et de massacres ? Folie d'un texte dont le style, la mise en page, la présence régulière de didascalies, - qui pointent d'ailleurs plus souvent des lieux communs, des absurdités, des détails sans grande importance qu'elles ne résument véritablement le texte en parallèle -, l'apparence de parfait salmigondis textuel et référentiel, les coq-à-l'âne incessants, des rapports volontairement équivoques entre propositions naturellement sans aucun rapports les unes avec les autres, des phrases plus ou moins longues mais d'où est ôtée toute ponctuation autre que celle du point -donnant l'étrange sensation de découvrir la récitation monotone, monocorde d'un élève à la mémoire phénoménale mais incapable de distinguer quelque hiérarchie, lien, sens ou chronologie que ce soit dans ce qu'il réciterait sans jamais pouvoir s'arrêter.



Folie d'un ouvrage qui s'apparente tout autant à un essai de pure littérature qu'à tout autre chose connue dans le domaine de la pensée.



Alors, on se laisse happer, bousculer, étonner, déranger, envoûter par ces espèces de "Je me souviens" extravagants, déments et pourtant vrais de bout en bout. Mais on aurait bien de la peine à retrouver de cette intemporelle tendresse qui donne vie et mesure au texte de Georges Pérec, dont on ressent pourtant un peu le côté rengaine hypnotique et sans logique apparente ainsi qu'il est emprunt d'une grande distanciation. Et de passer de la longueur totale des soldats engagés durant les Ières et IInde Guerre Mondiale, si l'on avait eu le loisir de les coucher, tête à pieds, les uns après les autres, à l'émergence de la psychanalyse ; de l'invention de la bombe atomique à la dramatique histoire de cette jeune violoniste juive ayant survécu à l'horreur parce qu'elle dû jouer des airs de - cynisme absolu - "La veuve joyeuse" à l'arrivée des déportés juifs du camp alsacien de Struthof ; de l'invention de la poupée Barbie à la mise en place des premiers véritables camps de concentration dans les premiers moments de l'encore jeune Russie soviétique... Et de revenir sans cesse - afin de mieux marquer les esprits - sur les horreurs guerrières et politiques de ce XXème siècle macabrement fou à lier, d'insister, salutairement, sur les horreurs morbides des nazis tout autant que sur les aberrations volontaires et mortifères des communistes soviétiques, d'y revenir sans cesse et d'y laisser sourdre des parallèles, des rapprochements sans doute osés puisque décontextualisés mais tellement opérants et sidérants dans leurs horreurs respectives.



Folie ! Folie partout et dans tous les domaines de la pensée, de l'intelligence, de la recherche que Patrik Ourednik suggère - sans jamais apporter le moindre jugement moral, éthique, métaphysique ou philosophique explicite, ce qui ouvre la porte à des réflexions sans fin, possiblement sans réponse unique, mais indispensables - impossible à rassasier, explorant ainsi des mondes méconnus de la science, de l'épistémologie, des sciences prétendument "humaines", ou encore des avancées techniques parfois parfaitement innocentes, dans un premier temps, et que l'humanité s'est pourtant acharnée à détourner pour subvertir le bien en mal. Alors, on dévore, on dévore encore et encore cette espèce d'inventaire monstrueux et joyeusement dépressif - parce qu'il submerge un état de bouffonnerie monstrueusement désespérée et grinçante au sein même des évocations et des souvenirs du pire que ce siècle tout juste achevé, mais toujours ancré, a délivré à la postérité.



De ce texte démesurément fou - et pourtant si gravement exact - on ressort lessivé mais, paradoxalement, plein d'une énergie étrange, presque écœurante et sombre. Car on ne peut s'extraire de Europeana, une brève histoire du XXe siècle comme on y est d'abord entré. De ces textes aussi rapides qu'ils sont indispensables. Et même si l'idée de "devoir de mémoire" nous semble toujours sujette à toutes les cautions possibles, même si l'histoire immédiate ou encore trop fraîche draine souvent plus de problèmes que d'éventuelles solutions, on ne peut s'empêcher de songer que ce XXème siècle fut celui de toutes les Folies Majeures, de la mort industrielle, des idéologies pestilentielles, de la Démocratie malmenée, du Capitalisme odieusement triomphant, des Grands Crimes Planifiés, et de nous rappeler, en une sorte de dernier rictus de clown dément que, même si "en 1989 un politologue américain inventa une théorie de la fin de l'histoire selon laquelle l'histoire avait pris fin [...]", il se trouvait malgré tout encore "beaucoup de gens [qui] ne connaissaient pas cette théorie et continuaient à faire de l'histoire comme si de rien n'était."



Mais sans doute Patrik Ourednik, dont il nous tarde désormais de mieux connaitre l'oeuvre, et tout particulièrement son dernier titre paru aux -toujours incomparables et magistrales - éditions Allia, intitulé, comme un nouveau pied de nez, "La fin du monde n'aurait pas eu lieu", au titre si savamment intrigant, sans doute cet auteur tchèque résidant en France depuis une vingtaine d'années, romancier, essayiste, praticien de l'imposture littéraire, écrivain non-conventionnel s'il en est, et traducteur, entre autres, de Samuel Beckett s'est-il inspiré de ce texte poétique déroutant du grand dramaturge d'origine irlandaise, traitant à sa manière de cette folie des temps, intitulé "Comment dire ?" :



Folie -

Folie que de -

que de -

Comment dire ? -

Folie que de ce -



[etc]



Oui ! Folie que ces cents années récemment passées... Mais que dire déjà de celles en cours...?
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Histoire de France + A notre chère disparue

"L'usage de la lumière électrique, surtout dans les campagnes, sera le meilleur garant de la civilisation. Car que faut-il à un homme qui ne demande qu'à s'élever ? Qu'il voie plus de gaieté autour de lui ! Or la lumière électrique y contribue puissamment, en hiver surtout. Davantage de rires dans la famille, plus de gaieté dans le village !"



Le sous-titre de ce très court texte est "roman didactique en douze chapitres". Il a des allures de manifeste républicain un brin déjanté. Je ne sais si Patrik Ourednik s'est inspiré de manuels réellement publiés au tournant du XX° siècle, mais il y a comme un flottement, un décalage, dans ces évidences issues d'un temps où l'idée d'un progrès de l'humanité était une croyance largement partagée.



Il ne faut pas s'attendre à rire à gorge déployée à chaque remarque faite d'un ton pince-sans-rire par un narrateur inconnu, mais qui pourrait être un adolescent de cette époque qui chercherait à démontrer qu'il a bien retenu ses leçons. Les affirmations abruptes se succèdent sans ordre et nous font sourire, ce qui n'est déjà pas si mal !



Je suis resté un peu sur ma faim avec ce livre trop concis.
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Classé sans suite

« Les tronches abruties des élus sur les panneaux municipaux lui rappelèrent les élections proches. (…) Lebeda allait voter régulièrement, considérant que l’exercice du droit de vote conditionne une citoyenneté pleine et entière. Mais d’année en année le choix devenait plus difficile, les tronches abruties étaient de plus en plus bornées et la fatigue de Lebeda de plus en plus grande. (…) Monsieur Prazak avait raison au moins sur un point : l’idiotie humaine était la seule chose sur terre qui puisse donner une idée de l’infini. »



Drôle de roman policier truqué que ce texte intelligent, qui est plein de verve, de non-sens et de dérision. Il est Impossible de résumer l’intrigue, qui part dans de nombreuses directions et donne seulement au lecteur une fugitive impression que tout cela, quelque part, pourrait trouver une résolution.



Pourtant le narrateur prévient clairement qu’il ne faudra pas s’y attendre…



Deux personnages principaux sont à la manœuvre. D’abord Viktor Dyk, un vieil homme misanthrope qui vit dans son quartier de Prague depuis plus de cinquante-cinq ans. Il est peut-être mêlé à un meurtre ancien et à des suicides récents, des personnes âgées qu’il côtoie. Face à lui, l’inspecteur de police Vilem Lebeda, une sorte de Maigret placide et, semble-t-il, peu pressé d’arriver à une conclusion des affaires sur lesquelles il travaille.



J’ai beaucoup aimé ce roman, avec ses impasses et ses spéculations diverses et variées. La fin est effectivement abrupte. Mais lui succède une intrigante postface, signée d’un certain Jean Montenot, intitulée « Libre suite à Classé sans suite », qui a toutes les apparences d’un travail universitaire sur le texte qu’on vient de lire.



Franchement je n’ai pas pu démêler si c’était un palier supplémentaire d’incertitude dans le roman ou bien un authentique essai, qui a le mérite de récapituler toutes les pistes et d’en éclairer quelques aspects cryptés. Ce qui annule l’effet de fin brutale du roman. Un complément idéal, donc.

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Europeana : Une brève histoire du XXe siècle

« Les Américains qui ont débarqué en 1944 en Normandie étaient de vrais gaillards et mesuraient en moyenne 1m73 et si on avait pu les ranger bout à bout plante des pieds contre crâne ils auraient mesuré 38 kilomètres. » Ainsi débute cet OLNI à la jolie couverture rouge du sang de nos guerres inutiles.



Je le feuillette et vois des petites phrases en marge du texte, tiens, étonnant. En lisant, je découvre qu’elles servent de repères et, pour une relecture, très pratique. Quant au texte lui-même, j’ai froncé les sourcils ; drôles de longues phrases, souvent sans virgule, avec beaucoup de « et »… comme lorsque les enfants s’amusent et disent et puis on ferait ça et on serait ci….. D’abord étonnée par cette construction, je me suis laissée prendre à cette litanie. Patrik Ourednik mélange tout, passe d’une guerre à l’autre, d’un fait à l’autre sans d’autres liens apparents que sa mémoire, par association d’idées, comme dans une conversation. Le sujet qu’il a effleuré dans un chapitre, revient beaucoup plus détaillé 3 chapitres suivants et tout ceci fonctionne, car, sous ses airs de Candide, de fausse ingénuité Patrik Ourednik sait très bien de quoi il parle et comment il en parle. Peu de dates, c’est plutôt le livre de sa mémoire. De temps à autre, l’on sent la colère de Patrik Ourednick, à d’autres moments il persifle, raille, ironise…. Bref ce n’est pas de tout repos. Ce XXème siècle non plus ne fut pas de tout repos. On y trouve le pire et le moins pire, je n’ose dire le meilleur !!!





Un OLNI à garder sous le coude pour des piqûres de rappel. Une brève histoire du XXe siècle longue des maux de notre société.



Quelqu’un qui traduit, en Tchèque, Rabelais, Jarry ou Queneau ne peut que me tenter et je vais essayer de trouver son autre livre : « le silence aussi »



Allia nous offre de petits bijoux d’une belle qualité d’imprimerie et d’une grande qualité littéraire.


Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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Europeana : Une brève histoire du XXe siècle

J'ai lu ce livre en quelques heures, d'une seule traite. Déconcertant au début, l'auteur nous relate l'histoire du vingtième siècle de manière distanciée et caricaturale avec beaucoup d'humour et de cynisme. Les deux guerres mondiales sont traitées en juxtaposition avec l'anecdotique et le social. En nivelant de cette manière tous l'évènementiel, l'auteur nous amène au côté dérisoire de l'évolution de l'humanité qui confine à l'absurde. Tout se vaut, tout se répète. L'Homme ne retient pas les leçons du passé.

Le style, quasiment sans ponctuation, avec des phrases très longues accentue cette absurdité.

Ce livre d'histoire est un petit bijoux qui nous oblige à nous repenser dans une perspective sociale et collective.
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Classé sans suite

Voilà un drôle de petit livre ! Très original. J’ai eu le sourire figé aux lèvres pendant toute sa lecture. Je me suis amusée, je n’ai pas tout compris… car l'auteur aime perdre son lecteur, mais certains passages étaient jubilatoires. Il y a notamment des dialogues tout à fait extraordinaires, cocasses et qui révèlent la vacuité des échanges entre les gens.



Un ton décalé, de l’ironie, une intrigue (ou plusieurs) mais qui ne se démêle pas vraiment, et ce n’est pas grave, car dans ce livre, l’histoire n’a pas grand intérêt, seul compte la forme. D’ailleurs ce vrai faux thriller n’est-il pas là aussi pour nous inciter à nous poser des questions sur notre propre fonction de lecteur ?



Un narrateur facétieux intervient parfois pour embrouiller davantage le lecteur ou pour s’en moquer.



C’est une expérience de lecture intéressante, unique en ce qui me concerne. Elle m’a séduite mais je n’aurais pas aimé qu’elle s’éternise. L’auteur a heureusement fait court (150 pages).



Un livre à découvrir pour les curieux.
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La fin du monde n'aurait pas eu lieu

C'est marrant, je viens de constater que Vladimir Orlov s'appelle chez Amazon - où il nous livre exactement, au mot près, la même appréciation du livre d'Ourednik - Sébastien Grandpierre.

Vladimir-Sébastien Orlov-Grandpierre semble avoir une dent contre Ourednik.

Pour moi La Fin du Monde est aussi géniale que Europeana (un chef d'oeuvre) ou Classé sans suite du même auteur. 111 petits chapitres, 111 éclats de rire et 111 sujets à réflexion. Lisez l'original plutôt que les commentaires d'Orlov-Grandpierre!

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Europeana : Une brève histoire du XXe siècle

Imaginez-vous vos arrières-petits-enfants (ou plus loin encore !) qui seraient curieux de connaître les grandes lignes de l’histoire du XXe siècle. Avec Patrik Ourednik et son Europeana, une brève histoire du XXe siècle, ils auront matière à nourrir leur curiosité et à découvrir différentes facettes de 100 ans qui ont vu naître les pires atrocités.



Et en effet, Patrik Ourednik revient sur les évènements tragiques de l’Histoire, avec un ton assez neutre, presque détaché, didactique. Peu de thèmes abordés, mais en profondeur, avec notamment la Première Guerre Mondiale, la Seconde Guerre Mondiale (il parle d’ailleurs de « Deuxième » : imagine-t-il une troisième à venir ?), l’avènement des sectes comme la Scientologie, mais aussi l’ère de la consommation de masse et la société de l’information.

Sans aucun chapitre, l’auteur exprime ses idées en vrac, séparées seulement par des changements de paragraphes. Ce qui pourrait paraître indigeste est au contraire très léger, puisque chaque paragraphe reste relativement court. Bien que j’ai apprécié la mise en forme, je n’ai pas saisi l’utilité d’écrire un texte sur la Première Guerre Mondiale, pour ensuite aborder le sujet des Amishes et revenir sur la Première Guerre Mondiale, puis le génocide des arméniens, etc. Ce qui est sûr c’est qu’un paragraphe peut débuter avec un thème pour finir sur un sujet complètement différent, en procédant par association d’idées. Ce concept est intéressant mais pas forcément compréhensible par tous les lecteurs.



Quoiqu’il en soit, vous en apprendrez beaucoup en lisant ce petit manifeste d’Histoire sur le XXe siècle, qui fut un moment de grands changements sociétaux :

- Les femmes prennent une place de plus en plus importante dans la société dès la fin de la Première Guerre Mondiale où leur participation à l’effort de guerre ne peut être niée. Et, conjointement, la liberté sexuelle fait son apparition et modifie les rapports hommes-femmes et parents-enfants.

- La façon de faire la guerre se modifie avec l’apparition de nouvelles armes de destruction. De plus, les moyens de locomotions se perfectionnant et rapprochant les Etats, les conflits peuvent désormais se dérouler à l’échelle mondiale.

- La science évolue de manière significative, avec des découvertes toujours importantes, des innovations toujours plus folles et futuristes.

- Le monde se trouve connecté avec Internet et les nouvelles technologies de l’information.



Bref, tout un florilège de nouveautés qui fait du XXe siècle une période charnière dans l’histoire de l’humanité. Et c’est peut-être précisément ce qu’à chercher à montrer Patrik Ourednik à travers cet ouvrage.
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Europeana : Une brève histoire du XXe siècle

Voilà un livre d'histoire totalement hors norme ! Déstabilisant par son contenu comme par sa forme, cette brève histoire est parfois noire, parfois révélatrice, toujours incisive, toujours écrite avec une plume déroutante. Est-ce un essai ? Un pamphlet ? On ne peut concevoir le rayon sur lequel devrait être déposé cet ouvrage. Depuis la première phrase jusqu'aux toutes dernières, les anecdotes et les faits s'entrecroisent avec les concepts, les généralisations et les théories. Les inventions s'interposent avec les moments de guerre, les clichés et les raccourcis. C'est, en quelque sorte, une apposition d'éléments divers tirés du XXe siècle, livrés dans un style qui, dans un premier temps, déconcerte, mais qui, par la force des choses, en vient à donner au texte un rythme hallucinant. On est littéralement plongé dans un amas de faits, d'incidents, de circonstances dont l'organisation nous échappe alors que, saisis de façon globale, on a là un portrait d'une certaine réalité du siècle même si elle peut paraître éclatée. Voilà donc l'histoire racontée d'une telle façon qu'elle impose en mémoire des images fortes et un regard social troublant.
Lien : https://rivesderives.blogspo..
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Classé sans suite

"Le handicap habituel des écrivains tchèques est de se prendre trop au sérieux." Manifestement, ce n'est pas le cas de Patrik Ourednik, qui publie toujours dans sa langue d'origine alors qu'il vit depuis longtemps en France. "J'écris sur la bêtise tchèque parce qu'elle m'est plus compréhensible que d'autres', se justifie t-il. La bêtise, la grandiloquence des abrutis, Ourednik l'attrape au vol dans les dialogues virtuoses et hilarants de Classé sans suite, un polar biaisé qui ne mène nulle part, parce que son auteur en a décidé ainsi. Ecrire sur rien, c'est l'une de ses ambitions mais, osons le contredire, il y a beaucoup plus dans ce rien que dans bien des romans remplis jusqu'à la gueule de péripéties en tous genres. L'écrivain se moque de tout avec une belle santé, du peuple tchèque, de l'Europe qui méprise son petit pays et enfin, et surtout, aux romans traditionnels, qui font croire au gogo lecteur que la vérité se trouve dans leurs pages plus que dans le monde réel. Le lecteur, justement, est l'une des cibles d'Ourednik, quand il l'apostrophe au coeur de Classé sans suite. Il lui dit en substance que s'il ne comprend rien à son livre c'est parce que 1, l'auteur (c'est à dire lui) est un idiot ; 2, le lecteur est un imbécile. C'est du 50/50. Voilà, c'est cela, Classé sans suite, un jeu littéraire, un petit monument d'insolence tapi sous plusieurs couches d'intrigues, avec des personnages on ne peut plus incarnés, bien qu'énigmatiques, dans une Prague à moitié imaginaire. Céder aux maléfices de ce livre manipulateur est pur délice. On en redemande et la postface, signée d'un certain Jean Montenot, en donnant quelques clés avec malice, sans pour autant en dire trop, ajoute encore au bonheur de lecture. Au passage, un grand coup de chapeau à la traductrice, qui fait des merveilles, et à l'éditeur, qui vend l'ouvrage moins de dix euros. Ce n'est pas cher pour un bijou pareil.
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Europeana : Une brève histoire du XXe siècle

"Les Américains qui ont débarqué en 1944 en Normandie

étaient de vrais gaillards et mesuraient en moyenne 1m73

et si on avait pu les ranger bout à bout plante des pieds contre crâne

ils auraient mesuré 38 kilomètres"



Avouez que le quart de couverture est particulièrement attractif.

Ce petit livre rouge (J'étais alors dans une frénésie de bouquins à couverture rouge. Il m'arrive de subir des frénésies acquisitives inexpliquées, parfois se focalisant sur un pays, d'autres fois se centrant sur une esthétique ou une couleur de couverture) est successivement intrigant, amusant, insolite, eclectique, déconcertant.

Une première prise de contact amène votre regard à errer dans les marges, qui contiennent comme autant de petits repères elliptiques hors contexte sous forme de mots et bribes de phrases comme autant de petites intrigues et provocations



(...)

http://lelabo.blogspot.com/2007/10/patrik-ourednik-europeana.html
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La fin du monde n'aurait pas eu lieu

Ce texte, si réjouissant, pourrait être une suite d'aphorismes, d'observations très variées, voire décousues, sur la folie de l'époque. Mais deux personnages donnent corps à un solide, quoi qu'en apparence ténu, arrière-plan romanesque... Il y a de la drôlerie, de l'ironie sans complexe de supériorité et un léger désespoir souriant. Du grand art.
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Classé sans suite

Pour moi, c'est un chef d'oeuvre, un roman noir oulipien bluffant, un faux polar où l'on se marre, où l'on enquête, où l'on se pose des questions! Ah oui, Patrik Ourednik se joue de nous, et j'ai pris un immense plaisir à lire ce livre.

C'est assez rapide à lire mais très déstabilisant pour ceux qui souhaiteraient une narration bien linéaire. Le style est impeccable, les personnages sont bien campés dans leur psychologie, on sent l'ambiance lourde, et les dialogues sont ciselés à merveille.

A lire!
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Classé sans suite

Chef d’œuvre en vue. J’ai été aspiré par le style et l’histoire. Attention n’attendez pas un roman policier conventionnel car l’enquête n’est que secondaire au sein de cet ouvrage. N’attendez pas non plus de comprendre par vous-mêmes c’est impossible.

Patrik Ourednik nous sème dans les méandres d’une histoire rassemblant des relations complexes entre les personnages au sein d’un Prague mi-réel mi-imaginaire où seuls les connaisseurs de la ville sauront faire la différence.

Au-delà du roman policier il y’a une vraie analyse anthropologique de la mentalité tchèque et de son rapport à l’histoire de son pays. Les mentalités sont critiques, les comportements visés avec beaucoup d’humour, enjoué parfois mais souvent cynique.

Il n’y a pas de hiérarchie d’importance entre les personnages, car selon l’aspect qui vous intéresse, alors chaque personnage a une importance plus ou moins affirmée. C’est là toute la richesse du récit : il mélange pratiquement tous les genres du roman moderne avec beaucoup d’influences d’auteurs passés. Pour le style j’y ai reconnu un peu de Hasek, un peu de Hrabal.

Pour l’humour un peu de Ionesco, un peu de Kundera et moi en tant que lecteur je me suis cru Joseph K. perdu dans une histoire que je ne peux comprendre. Et j’ai adoré cela.

Les personnalités sont riches et pourtant aucun événement ne nous montre que ces personnages s’affirment, on le ressent à travers les dialogues mais jamais à travers leurs actes. C’est un autre aspect intéressant, nous ne pouvons que ressentir ce que nous ne comprenons pas sans jamais réussir à « tomber dessus ».

Un petit mot pour les dialogues qui sont somptueux. On dit souvent qu’on reconnaît un bon écrivain à l’importance que ses dialogues apportent au récit. Eh bien si tel est le cas Ourednik est un très grand écrivain. Ses dialogues sont d’une qualité similaire à celle que l’on trouve dans les pièces de Ionesco : rythme rapide, beaucoup d’humour et souvent un peu d’absurde.

Les dialogues s’enchaînent et notre lecture s’accélère tant on est pris par la conversation et par son rythme.

Ceci ne pourrait être le cas sans un vocabulaire riche et soigné.



Je ne sais pas si cet ouvrage plaira à beaucoup de monde mais il m’a conquis.

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Instant propice, 1855

L'humour tchèque n'est pas mort. La preuve.
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Europeana : Une brève histoire du XXe siècle

Tout savoir sur le XXéme siècle en 150 pages ! En plus des faits connus, vous apprendrez tout un tas d'anecdotes surprenantes. Il est bien sûr impossible de résumer le siècle en si peu de page. L'auteur nous raconte donc une multitude d'anecdotes, toutes plus étonnantes les unes que les autres, qui mises bout à bout finissent par dresser un tableau étonnant du XXéme siècle. Il prend l'histoire par le petit bout de la lorgnette et avec son esprit d'escalier il nous entraine dans les méandres de sa pensée. Car ce livre est très documenté, et même si l'auteur fait beaucoup de raccourcis ou de synthèses improbables, tout est vrai dans ce livre. Patrik Ourednik a dû digérer une quantité impressionnante de documentation pour faire ce livre. Il nous restitue cela de façon très personnelle avec un style particulier : il y a très peu de ponctuation et cela donne au texte une impression de logorrhée sans fin. Et portant c'est un grand plaisir à lire.
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Europeana : Une brève histoire du XXe siècle

C’est un livre assez étonnant: comme le titre l’indique, un résumé d’histoire du XXe siècle, mais raconté sur un ton faussement naïf, comme si l’auteur assumait que le lecteur ne connaissait rien de cette histoire.



On pourrait aussi dire que c’est l’histoire du XXe siècle racontée par un simple d’esprit. Pas de cause ni d’effet logique, tout est dit d’un même souffle, sans la moindre virgule!



Autre impression: celle d’être dans un rêve fou où les événements s’enchaînent de façon plus ou moins cohérente, et où certains passages se répètent.



J’ai lu ce livre très rapidement, captivé.
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