Citations de Paul Bonhomme (17)
La montagne est un vecteur comme le pinceau du peintre, l'instrument du musicien. Elle nous sert juste à faire les choses sincèrement. Parce que là-haut nous apprenons à ne pas mentir, parce que là-haut si un de nous tombe, c'est la vie qui s'arrête.
En montagne les records ne libèrent pas, au mieux ils s'accumulent, au pire ils assassinent.
Les premiers pas dans la neige, c'est marquer de ses empreintes son existence sur terre. Il n'y a qu'à regarder la vitesse à laquelle la neige s'en va dans les cours de récréation. Tous les gosses du monde n'ont qu'une idée en tête quand il neige : jouer. Et c'est quoi, le jeu, si ce n'est de la création ? La neige crée, ça fait comme une page blanche mais en beaucoup plus drôle, en beaucoup plus grand.
Une page, éphémère, comme la douceur ou la joie.
Comme la planète, la montagne n'est pas dangereuse, c'est ce que nous y faisons qui peut l'être.
L'essentiel n'est pas de réussir mais de vibrer.
Une ligne électrique est tombée sur la route, elle a tué au passage une femme et les deux enfants qu'elle portait dans ses bras. La route ne sera dégagée que demain matin. Merde.
Il faut être honnête jusqu'au bout, la première réaction est toujours égoïste. C'est ensuite qu'on se rend compte que ce qui semble normal ne l'est pas.
« Toutes les manières de voir le monde sont bonnes pourvu qu'on en revienne. »
Nicolas Bouvier, L'usage du monde
Et dans l'instant terrible où le monde s'écroule
Ne subsiste que l'amour ou la guerre.
J'ai choisi d'aimer,
Pour reconstruire c'est plus facile.
Atteindre de nos mots une personne, c'est d'abord lancer des paroles en l'air.
Je voudrais qu'on ne confonde pas montagne et exploit sportif. Je ne me suis jamais senti sportif sur le tour que je viens de vivre, je me suis senti bouquetin, chamois, je me suis senti seul aussi, petit, minuscule et immense, je me suis senti des ailes et de plomb.
Et j'ai aimé tout ce que je sentais.
Le point d'équilibre entre abominable et allégresse s'appelle destinée.
Si nous fuyons le premier, la seconde dépérit.
Et de nos vies ne reste que le vide.
Mon verre à peine fini, le berger me tend à nouveau la théière. Je m'en saisis et soulève doucement le couvercle pour estimer la quantité que je peux prendre. J'observe au fond une croûte brunâtre, un mélange de feuilles de thé et de sucre superposés au fil du temps. Je comprends alors d'où vient le goût exquis qui m'a envahi tout à l'heure : à force de laisser les couches se déposer, le mélange caramélise d'une façon particulière et protège ainsi de l'oxydation. L'eau ne bout que lorsque la chaleur traverse les dépôts successifs.
Le thé se charge en histoire. (...)
J'en suis persuadé à présent, rien ne sert d'essayer d'oublier nos douleurs ou nos drames. Comme le thé de la bergère de Phû, il faudrait au contraire les laisser reposer un moment et les laisser infuser nos vies.
Laisser au fond infuser la douleur pour que le bonheur partout s'exprime.
Changer nos pleurs en cris de joie, nos amertumes en bienveillances, nos regrets en espoirs.
Les événements se sont accélérés comme le temps qui file. Il paraît que c'est normal, que plus on vieillit, plus ça va vite. J'ai dû être vieux jeune : il y a déjà eu tellement de morts.
Mortes les illusions d'abord, celles de croire que je pouvais changer le monde.
Puis celles de l'amour qui, je le pensais, pouvait venir à bout des plus profondes douleurs.
Puis celles de la vie qui, âpre d'avoir saigné, soigne enfin.
Enfin, c'est ce qu'on dit.
En réalité, la vie ne soigne pas, elle pèse. Et le poids se charge et se renforce d'ombres et de gouffres insondables. La vie est un sac qui se charge de l'histoire qui passe : il y en a qui la portent, la majorité la traînent. C'est une question de choix.
Il y a eu les amours, je les ai presque toutes eues. Par chance ou par honnêteté, parce qu'à force d'y croire et d'en rêver, elle ont fini par m'aimer. Parce que je n'ai jamais menti à mon cœur. Mais l'amour est cruel et fini.
Tout finit.
Je me souviens de Christelle, d'Agnès, d'Isabelle, d'Esther... je me souviens d'avoir appris ce que c'était que de mourir de chagrin ou au moins d'avoir voulu mourir de chagrin. Un couteau sur le poignet et le cœur en poings, comme un boxeur.
D'amour au moins avoir voulu mourir.
Comme la feuille qui tombe de l'arbre
Ne raconte ni la fin de l'arbre
Ni de la feuille,
La mort ne raconte la fin ni de la vie
Ni de l'homme qui la porte.
La sueur de l'Himalaya highway
Remplit les puits d'eau saumâtre et tiède
Et ses ornières de sang.
Un enfant qui dessine
Ne cherche pas la vérité, s'imagine.
Il essaye, rate souvent,
Gribouille, bouillonne.
Jamais son dessin ne finit,
Seule la lassitude en a raison.
Si on lui demande un titre, il ne sait pas.
La vie a-t-elle un nom ?
Il y eut des jours et des lunes,
Des soirées lourdes d'écume.
La neige se déposa en révérences,
Et t'attrapant la main,
Je me laissai aller à la danse.