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Critiques de Paul Nizan (60)
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La conspiration

S'ils avaient été d'aujourd'hui on aurait pu penser à des bobos. Ils ont à peine passé la vingtaine, sont issus de la bourgeoisie et vivent dans l'entre-deux guerres. Et ils veulent changer le monde. Encore faut-il savoir comment il est le monde, pour le changer : « Ils ne savaient pas encore comme c'est lourd et mou le monde, comme il ressemble peu à un mur qu'on flanque par terre pour en monter un autre beaucoup plus beau, mais plutôt à un amas sans queue ni tête de gélatine, à une espèce de grande méduse avec des organes bien cachés ».

Vint d'abord le temps des idées que « La guerre civile » diffuse, puis le temps de l'action, et même de la conspiration avant la révolution. Un temps où ils ne sont pas encore nés adultes, où ils tentent de le devenir en s'opposant au droit chemin tracé par leurs familles. Leur meneur est plus impatient que naturellement leader, les autres plus désoeuvrés et suiveurs que réellement exaltés par leur cause. C'est donc Rosenthal qui décide la conspiration, l'espionnage de la société, l'industrie ou l'armée, pour mieux s'organiser. Sans vraiment savoir qu'à vingt ans les actes engagent déjà. Sans savoir non plus que l'amour, ou ce qu'on croit en être, peut tout changer. Sans reconnaître encore « la disproportion et les écarts singuliers qu'il y avait toujours eu entre leurs ambitions et ce qu'ils en avaient accompli».



Si on a plus de vingt ans, on peut revoir dans Rosenthal, Laforgue, Pluvinage ou Bloyé des figures que l'on a croisées, que l'on a peut-être même été. Un roman de 1938 aux tonalités philosophiques sur une jeunesse rebelle face à son héritage, à la silhouette intemporelle. Difficile d'en dire autant de l'écriture, un peu marquée du sceau d'une époque m'a-t-il semblé, ce qui ne m'a pas rendu la lecture désagréable pour autant.
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Antoine Bloyé

Antoine Bloyé, c’est vous, c’est moi, c’est tout le monde, c’est personne…Et pourtant, elle raconte tant sur notre monde du vingt-et-unième siècle, cette vie banale, cette vie de travailleur, la vie de cet homme qui, dira-t-on plus tard, a su profiter d’un ascenseur social.



Né dans une famille humble, pourtant déjà mieux lotie que ne l’étaient ses parents, Antoine fait partie de ces quelques élèves « remarqués pour leurs capacités, et que l’on considère dignes de bénéficier d’un enseignement complémentaire un peu plus étoffé que le certificat d’études. Pas par bonté d’âme, mais par pragmatisme : l’industrie est en plein essor et réclame des bras et des cerveaux, et il faut former des travailleurs. C’est ainsi qu’il se retrouve aux Arts et Métiers à Angers. Studieux et compétent, ouvert sur le monde qui éclaire d’un jour neuf l’humilité de ses origines.



Le parcours est sans surprise, diplôme, errance affective jusqu’à ce que des parents soucieux de caser leur fille ne posent une option sur le jeune homme prometteur.



Et c’est la réussite, pour un temps, pour les apparences, comme en témoigne le train de vie.



Trop âgé pour partir au front, c’est tout de même la guerre qui rattrapera notre homme pour une fin de carrière dans la déchéance.



C’est la politique du verre à moitié vide qui se dessine chapitre après chapitre, et on imagine l’exercice qui consisterait à reprendre le même déroulement avec le verre à moitié plein! Il vaut mieux en effet avoir un moral d’acier pour ne pas sombrer dans le désespoir face au constat des manipulations dont nous sommes l’objet, par des êtres eux-aussi manipulés. La question est : qui est le maitre des manipulations?



Le recrutement, la formation des travailleurs résultait d’une vision à court terme, bousculée sans état, d’âme par la guerre, et intégrée dans un plan d’ensemble obscur. Mais si l’on compare à notre situation actuelle, on a bien l’impression qu’il n’y a plus de plan du tout, et que le navire glisse sur des eaux incertaines ayant perdu tout plan de route.





C’est écrit simplement, sans lyrisme, sans effet de manche, est c’est d’autant plus efficace.



Un roman marquant.




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Aden Arabie

Relecture a des annees-lumiere.



Sous le couvert d'une experience autobiographique, c'est un pamphlet. Cela commence par une diatribe contre l’entourage ou il a grandi, ou il remue dans ses annees de jeunesse. Il se voit un avenir insipide, affligeant, dans une societe etriquee, hypocrite, fiere de ses oeilleres, fiere de ses prejuges. C'est l'absence d'horizon. Ecoeure, il abandonne des etudes prometteuses et part. Pour ou? “Pas de voyages en Europe […] C’etait d’elle qu’il etait important de nous debarrasser. Et ailleurs reposaient les autres continents, charges des forces, des vertus, des sagesses absentes de notre province. Tout valait mieux qu’elle, et qu’elle tout entiere. Et en effet l’ombre des cartels allemands, des milices fascistes, des textiles anglais, des bourreaux roumains, des socialistes polonais etait aussi noire et froide que celle du comite des Forges et des usines de Saint-Gobain. […] Franchissons donc les limites de cette presqu’ile limitee par des mers et les poteaux frontieres de la Russie. Condamnons cette taupiniere avec ses tas de scories, les crassiers de ses vieilles mines”. Ce sera donc loin de l'Europe. Aden.



Mais Aden se revele etre une societe encore plus sterile, d'une vacuite pretentieuse, et encore plus rebutante dans les relations entre les diverses populations. “(ils) vivaient par clans, par religions, par couleurs de peau, par nations, par clubs, par maisons de commerce, par regiments. Ils passaient leur temps a inventer des subdivisions, des cloisons, des echelons sur lesquels ces singes montaient et descendaient. […] Dire que ces fous auraient pu aimer des hommes, qu’ils n’etaient faits que pour cela ! les Arabes haissaient les Juifs, les membres de l’Union Club meprisaient ceux de l’international Club qui admettait les ingenieurs italiens des salines, les fabricants grecs de cigarettes dont aucun officier de l’artillerie britannique ne saurait parler sans rire. […] Il y avait un jeu inextricable de distances sociales ou tout ce monde se glissait et se reconnaissait avec une dexterite merveilleuse, des degres hierarchiques au bas desquels se trouvaient sans doute les Juifs humbles et crasseux qui habitent autour de la synagogue ou ils vont se consoler de bien des affronts en priant le dieu des vengeances, les epaules entourees d’un thaless poetique comme la nuit. Au sommet de la pyramide il y avait l’agent de la Peninsular, deux ou trois commerçants puissants dans la mer Rouge, les officiers, le gouverneur, et dans le Crescent, à Steamer Point, la statue assise de la grosse reine Victoria avec ses joues pendantes, ses petits yeux coinces d’ivrognesse”. Il se rend compte que “Aden etait une image fortement concentree de notre mere l’Europe, c’etait un comprime d’Europe. […] Le levant reproduit et commente le ponant”.



Il comprend que tout le globe est contamine par un systeme social qui ne voit en l'homme que l'homo economicus. Et que c'est ce systeme qu'il doit combattre, partout et n'importe ou. “Homo Economicus marche sur les derniers hommes, il est contre les derniers vivants et veut les convertir a sa mort. […] Homo Economicus a son illusion du bonheur : il parle de sa puissance, et il entretient des hommes pour lui fabriquer des illusions : des romanciers, des historiens, des poetes epiques, des philosophes. […] L’heure me presse de detruire et de denuder ces mannequins de peau, d’ossements et de calculs, que je prenais pour d’invincibles demons. C’est le moment de faire la guerre aux causes de la peur”. Il reviendra donc en France, combattre pour une meilleure societe, pour un systeme plus humain. “La fuite ne sert a rien. Je reste ici : si je me bats, la peur s’evanouit. […] Je vais vivre parmi mes ennemis”.



Il y a des annees-lumiere je l'avais lu dans la “petite collection maspero". Un petit livre a couverture verte qu'un de mes amis m'a fauche je ne sais plus quand. Emprunte derriere mon dos. A la relecture aujourd’hui l'ecriture m'impressionne encore, le ton moins. L'age fait que je morde moins a sa rethorique, que je releve de petites chutes qui m'agacent, que j'essaie de dechiffrer, entre les lignes, ce que Nizan n'ecrit pas.



Qui n'a reve de partir sur les traces de Rimbaud? A l'aventure? Aden! Le Harrar! Ou de Gauguin? Les iles d'Outremer! Les Marquises! Nizan a surement reve de les imiter. Mais en fait il part embauche d’avance comme precepteur des enfants d'un riche anglais. Aventure en version restreinte. Matelassee.



A son retour il milite au parti communiste, ce qui a l'epoque etait un vrai engagement de combat pour une societe plus juste, meilleure, mais il continue aussi ses etudes de philosophie, il ecrit des romans, tout comme les intellectuels qu'il avait denigres. Il me faut noter en sa faveur qu'il a rompu avec le parti en 1939, a la suite du pacte que Molotov signe avec les nazis. Et il est mort si jeune qu'on ne peut que conjecturer de son evolution.



Dans le texte meme du livre certains passages m'ont gene. Il meprise les autochtones d'Aden, passifs, fatalistes, croupissant sous le soleil. C’est la plus totale des corruptions. Et il lache quelques remarques fleurant bon l'antisemitisme, du genre: “mais les bourgeois produisent et possedent abstraitement. Comme il y a beau temps qu'ils ont herite d'Israel, ils passent la vie a preter a interet". Avant cela, critiquant les intellectuels francais, il a un mot charmant pour le philosophe Leon Brunschwicg: “Ce petit revendeur de sophismes avait un physique de vieux maitre d’hotel autorise sur le tard a porter ventre et barbe. La ruse sortait du coin de ses yeux, guidait dans l’espace gris les courts mouvements de ses mains doucereuses de marchand juif”.



Mais ces remarques ne sont surement que des broutilles. Il ya quand meme une grande lecon a retenir de ce livre: “J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel age de la vie”. En effet, c'est plutot l'age ou on ecrit des imprecations.

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Antoine Bloyé

Antoine Bloyé est mort… Vive Antoine bloyé ! Car ce livre raconte la vie du défunt.



Une vie qui passe comme un rêve, La vie d’un personnage qui suit sa route, bon élève, employé modèle, cadre compréhensif capable d’entendre les récriminations des ouvriers. Un homme qui semble s’exprimer peu et qui avance dans sa vie comme un train suit ses rails sans paraître se poser de question.



C’est du moins le ressenti que l’auteur, Paul Nizan, offre au lecteur. Un récit sans émotions : on se marie, on progresse dans l’échelle sociale, on a des enfants, on vit de terribles deuils et malgré tout cela, aucun état d’esprit ne se fait sentir. Ce fait est sans aucun doute lié à la troisième personne du singulier, employée par l’auteur qui se place en témoin passif de cette vie.





Cependant si l’on s’intéresse aux événements qui ont constitué cette vie, ce roman ne manque pas d’intérêt. Né en 1864 , Antoine Bloyé sera témoin du second empire, acteur dans la révolution industrielle et pour lequel aucun train ni aucune motrice n’aura de secret, il observera de loin la commune de Paris, se fera le témoin du mécontentement ouvrier et verra naître l’internationale, subira les effets de la première guerre mondiale, personnage principal d’un roman historiquement passionnant.





Un livre long à lire en raison d’une infinité de détails de la vie quotidienne, de considérations techniques pas toujours très compréhensibles, ce qui n’empêche pas la lecture, de réflexions quasi philosophiques sur l’être humain, détails qui ne sont pas précisés par hasard, il faut y voir une critique de la bourgeoisie par l’observation d’un individu issu d’une famille de « prolétaires » arrivé par son mariage et son ascension, dans un milieu bourgeois. On peut d'ailleurs qualifier ce récit d’autobiographique car il trouve son origine dans la vie du père de l’auteur qui connut un chemin de vie similaire, qui progressa sur l’échelle sociale parallèlement à l’évolution technique pour décliner en même temps que le XIXème siècle et s’effondrer avec le XXème siècle naissant.





En lisant ce récit, je n’ai pu m’empêcher de me rappeler les romans d’Emile Zola dans lesquels les différences sociales sont fortement marquées, qui se situent à la même période et qu’il serait intéressant de lire après ce livre, particulièrement la bête humaine qui aborde un sujet commun avec Antoine Bloyé, celui du début des chemins de fer et de l’apparition du syndicalisme.





Ce roman publié en 1933 mérite d’être lu par le plus grand nombre.


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Antoine Bloyé

Grandeur et décadence d’Antoine Bloyé



Avec Antoine Bloyé, Paul Nizan a écrit le roman de la trahison. Mais aussi un traité sur la lutte des classes, un essai sur la relation père-fils et un cri de révolte qui n’a rien perdu de son actualité.



La mort, omniprésente de ce livre et dans l’œuvre de Paul Nizan, se devait d’accueillir le lecteur dès les premières pages du livre. C’est donc sous la forme d’un faire-part de décès que nous faisons connaissance de l’homme qui sera au cœur de ce roman: « Dans les journaux de la ville, dans Le Populaire, dans Le Phare, on lisait: ont la douleur de vous faire part de la perte cruelle qu'ils viennent d'éprouver dans la personne de leur fils, mari, père, décédé dans sa soixante-troisième année.

Monsieur Antoine Bloyé, Ancien Ingénieur aux Chemins de fer d'Orléans,

Officier de l'Instruction Publique. Les obsèques auront lieu le jeudi 15 courant, à l'église Saint-Similien, sa paroisse. On se réunira à la maison mortuaire, 19, rue George-Sand, à 15 heures. »

Pour accompagner le défunt à sa dernière demeure, on trouve au premier rang son épouse Anne et son fils Pierre, témoins et héritiers d’une histoire qui aurait pu être belle, si le tragique ne l’avait rattrapée en chemin. Car Antoine a grimpé les échelons les uns après les autres, fils de prolo, il a travaillé et réussi un beau parcours scolaire, même si dès la première année de collège, il a compris qu’il ne faisait pas partie du même monde que les enfants de notable qu’il côtoyait alors, comme le fils du commandant Dalignac. À partir de ce moment, il est confronté à un terrible dilemme. Plus il va grimper et plus il va sentir qu’il passe d’une autre – mauvais – côté. Qu’il trahit les «siens». Un malaise qui ne va cesser de grandir et qui va entraîner Antoine vers une douloureuse remise en cause lors de déambulations solitaires.

Ce que décrit très bien le roman trouvera plus tard une traduction politique tranchante faite par Nizan lui-même: «la culture bourgeoise est une barrière. Un luxe. Une corruption de l'homme. Une production de l'oisiveté. Une contrefaçon de l'homme. Une machine de guerre.»

Dans son éclairante préface, Anne Mathieu, co-fondatrice du Groupe Interdisciplinaire d'Études Nizaniennes, appuie où cela fait mal: «en nous faisant partager ses espoirs, ses doutes, ses regrets, en décrivant les moindres méandres de ses pensées, Nizan donne au problème de l'héritage culturel prolétarien et de l'oppression culturelle bourgeoise une prégnance rude, froide, quasi physique, dans laquelle le lecteur est entraîné avec malaise.» Avant d’ajouter que ce roman terriblement noir «appelle à la révolte. Contre la mort, contre la bourgeoisie, contre cette société où l'on ne promet que le conformisme des machines, contre ce monde du scandale où l'homme se perd.»

Si la minutie des descriptions peu ennuyer un lecteur d’aujourd’hui, la force du message n’a elle rien perdu de son actualité, plus de 150 ans après. Le combat pour faire de la devise de notre République une réalité trouve – surtout en période de crise – un écho immédiat. Si les rêves des communistes se sont effondrés avec la chute des régime si prétendaient les incarner, l’envie de davantage de liberté, d’égalité et de fraternité persiste.




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Aden Arabie

Ce livre, resté célèbre par son incipit ( "J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie." ), est d’un bout à l’autre un cri avant même d’être un pamphlet. L’auteur s’en prend d’abord au milieu où il a grandi, à la France de l’après-guerre (il a vingt ans en 1925), à son intelligentsia, à l’absence de perspectives, d’avenir, d’horizon. Il décide donc de partir, loin de la vieille Europe. Ce sera Aden. Pourquoi Aden ? Le lecteur n’en saura rien, probablement par hasard. D’ailleurs un élément remarquable de ce récit autobiographique est l’absence quasi totale d’éléments autobiographiques concrets. Un peu imbu de lui-même et probablement dépressif, il prend donc le large. A Aden il travaille en fait comme précepteur chez un riche homme d’affaire. Loin d’un univers d’aventures à la Rimbaud ou à la Gauguin, il tombe dans un milieu étriqué où même tous les colons blancs ne se fréquentent pas, de même que les arabes ne fréquentent pas les juifs. Aden est en pleine expansion, en pleine occidentalisation, économique du moins, parce que côté culture, il n’y a rien. Du coup le voilà encore plus désabusé, désenchanté, et, tel Ulysse, il finit par rentrer au bercail où... il adhère au Parti Communiste.

Paul Nizan a été un écrivain très connu jusqu’à sa mort (au front en 1940), mais à partir d’août 1939, il subit des attaques nombreuses et virulentes de la part du Parti Communiste avec lequel il est en rupture suite à la signature du pacte germano-soviétique. Comme l’explique Jean-Paul Sartre dans sa très longue préface « L'anéantissement de Nizan fut décidé. Une balle explosive l'avait, entretemps, frappé derrière la nuque, mais cette liquidation ne satisfit personne : il ne suffisait pas qu'il eût cessé de vivre, il fallait qu'il n'eût pas du tout existé. On persuada les témoins de sa vie qu'ils ne l'avaient pas connu pour de vrai : c'était un traître, un vendu. » Cette longue préface, pas toujours limpide, a failli m’arrêter et finalement je ne l’ai lu qu’après. Elle était nécessaire en 1960 pour des lecteurs qui n’avaient aucun élément pour comprendre Aden Arabie, mais à l’heure actuelle j’ai eu l’impression que c’était la préface qui avait besoin, et de notes, et d’explications, en tout cas pour moi ! Sartre était frappé en 1960 par l’actualité du texte, et, franchement, le cri du jeune Nizan dans ses conclusions n’a guère pris de rides ! Et quelle belle plume, riche, travaillée et en même temps pleine de pointes d’ironie ( « Je suis arrivé, il n'y a pas de quoi être fier » « Vous pouvez uriner librement dans la mer : nommerez-vous ces actes la liberté ? » ) entre de grandes envolées philosophiques et des métaphores parfois devenues énigmatiques. Maintenant que je l’ai découverte, cette plume, il ne me reste plus qu’à me plonger dedans, à découvrir ses romans (j’ai encore quatre autres livres de Nizan), et à méditer sur les dégâts de toute forme de cancel culture !
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Aden Arabie

Paul Nizan a vingt ans quand il s'embarque pour Aden, au Yémen, alors sous la domination de l'empire britannique; pourquoi partir? Parce qu'il étouffe dans ce monde bourgeois, parce qu'il est jeune, révolté tout autant que déprimé par la vieille Europe, parce qu'il fuit sa vie comme on ôterait sa peau au sortir de l'enfance.

Mais pourquoi Aden, précisément, et non l'Amérique, ou encore l'une des colonies françaises. Nizan ne justifie pas ce choix, mais cette ville si particulière le révèlera à la réalité du monde moderne.

Aden est alors en pleine expansion, passant de 6000 habitants au début du dix-neuvième siècle à 35000 50 ans plus tard. Grand port stratégique, elle abrite une population très diversifiée, dont de nombreux Européens qui y reproduisent leur mode de vie occidental, la culture en moins. Pas de théâtre, de cinéma, de musique, uniquement un intérêt pour le commerce, l'économie, une vie exploitée par les entreprises en expansion, et le rêve pour cette population du retour au pays. Rêve illusoire selon Nizan et signe de soumission. La vie ne se rêve pas, elle se vit.

Dans l'écriture de ce court texte autobiographique, on devine un jeune homme à la fois révolté et désabusé, en proie à la dépression (confirmée par sa biographie) ; le monde qu'il décrit est désenchanté, terne, la vie qui y est menée semble inutile et mécanique.

Nizan reviendra en France tel Ulysse après un long voyage, et prêt à s'engager pour le communisme.

J'ai peu apprécié les premières pages dans lesquelles la bouderie et l'arrogance du jeune homme se faisait un peu trop sentir, mais j'ai ensuite suivi le regard qu'il porte sur le microcosme de cette colonie avec intérêt. Cet essai est bien ancré dans l'entre-deux-guerres et préfigure les Sartre et compagnie à venir.
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Les Chiens de garde

L'œuvre de Paul Nizan, qui comprend sept ouvrages

majeurs, est soulignée par Les chiens de garde (de la bourgeoisie).

Il s'agit d'un pamphlet écrit en 1932 et qui vise les philosophes

universitaires. Le texte présente en gros sa définition des fondements

philosophiques, de même que sa vision de la pratique

philosophique. Mais c'est surtout une tentative de provocation

qui affiche un credo, partisan d'une logique léniniste.

À l'heure de la déconfiture de la pratique militante léniniste,

soulignée récemment au Québec par les dissolutions

successives de l'organisation EN LUTTE ! et du Parti Communiste

Ouvrier, il est d'augure de reprendre l'argumentation de Paul

Nizan pour l'exposer à la lumière des multiples recherches sociologiques

qui se sont inscrites depuis lors sur les problèmes organisationnels

et ceux de la pratique militante.



https://www.erudit.org
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Antoine Bloyé

***



Antoine Bloyé vient de mourir. Allongé sur son lit, il est veillé par sa femme et son fils. Chacun dans sa peine, dans sa douleur, ils assistent à une vie de labeur qui s'éteint. Antoine Bloyé est un homme simple, balloté au gré des rêves, des envies et des nécessités des uns et des autres. Sans jamais se retourner, ni regretter, il a suivi son chemin...



Dans le cadre de notre sélection anniversaire, les 68 premières fois ont choisi de nous faire découvrir l'un des premiers romans de Paul Nizan.

Terriblement d'actualité, cette histoire est le singulier et triste parcours d'un homme sans grande ambition. Alors qu'il s'élève dans la bourgeoisie, Antoine Bloyé ne semble pas véritablement maître de ce qui lui arrive. Il suit le chemin qu'on trace devant lui, il accepte les décisions qu'on prend pour son avenir, et il finira malgré cela dans une déchéance rapide et brutale.



L'écriture de Paul Nizan est plutôt agréable. il faut aimer les grandes descriptions, les ambiances à la Zola, où la lutte des classes et l'ascenseur social est le fond de l'histoire.



J'ai apprécié cette découverte, sans pour autant qu'elle soit une pépite pour ma part...
Lien : https://lire-et-vous.fr/2020..
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La conspiration

Nous sommes dans la période entre les deux guerres mondiales, une période qui n'a pas seulement vu Paris vibrer de mille couleurs avec les années folles mais aussi la montée en flèche d'une jeune génération de philosophes qui vont faire de Karl Max leur leader de la pensée, et bien évidemment adopter le communisme comme la meilleure gouvernance en politique. Un nouveau vent envahit la jeunesse, la révolution, il faut la faire à tous les niveaux. La conspiration nous parle de cinq jeunes ambitieux sortis de l'étude de philosophie à l'université qui vont la faire, cette révolution. Ils créent avant tout une revue révolutionnaire qu'ils nomment Guerre Civile, comme si les mots ne suffisaient pas à faire la révolution, par la vigueur de leur âme, de leur pensée et de leur corps, les jeunes gens veulent booster les choses en s'engageant dans une action de grande envergure, la conspiration. Ils se lancent dans un projet de voler un plan militaire, une mission dite suicide du parti communiste, mais une action demande plus de bravoure que de la compréhension des choses comme en philosophie, on serait tenter de dire laisser aux philosophes la conception et aux militaires l'action...



Ca se lit bien le livre, le seul bémol, les dialogues éloignent plus les personnages du lecteur au lieu de les rapprocher et l'excès des adjectifs alourdit certaines phrases...
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Aden Arabie

Ce qui m'a conduit à lire ce livre, c'est le fameux « J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie ». Je voulais connaître ce qui se cachait exactement derrière ce célèbre incipit. Eh bien, ce n'est pas du tout ce que j'avais imaginé.

Le tout jeune Paul Nizan nous conte ici sa Révolte avec un grand R, comme dans Rejet.

Rejet de la France, de la bourgeoisie... de la société qui est conventionnelle, factice et lâche... enfin insupportable, quoi !

Il fuit ce monde pourri et part pour Aden (pas Eden). Il commence par apprécier le dépaysement et l'exotisme, mais se rend finalement compte (quelle désillusion!) que l'herbe n'y est pas plus verte qu'en France, et qu'il y retrouve les mêmes travers.

Alors… sur le fond, il n'a pas tort!

Sa révolte est justifiée, le monde ne tourne pas rond.

Mais la solution qu'il envisage passe par la haine et le combat, et là, j'ai du mal à adhérer.
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Aden Arabie

Il est difficile de donner une étiquette précise à cet ouvrage puisqu'il est à la fois pamphlet, récit de voyages et récit autobiographiques. J'ai découvert Paul Nizan tout à fait par hasard lorsque j'étais à l'université et qu'en cours, nous étudions Jean-Paul Sartre. C'est donc l'un de mes professeurs de littérature qui m'a poussé à aller découvrir cet auteur, qu'il m'a décrit comme un grand ami de Sartre.



Lors de ma lecture à l'époque, je n'ai pas compris toute la puissance de cet ouvrage et ce n'est que des années plus tard, en me remémorant cette lecture et, au vu de ce qui se passe en ce moment dans le monde, que j'en comprends la signification. L'auteur a énormément voyagé, d'où le titre du livre mais pour se rendre finalement compte que le monde n'est pas forcément meilleur ailleurs. Dans cet ouvrage, Paul Nizan ne cache pas ses mots en émettant une virulente critique contre la bourgeoisie avec tout son confort et plus que tout, l'aliénation de l'homme par l'homme. Ce livre a été publié en 1931, à vous de voir si vous trouvez que le monde a beaucoup changé depuis ...En tous cas, moi, je ne le pense malheureusement pas !
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Antoine Bloyé

Antoine Bloyé est le premier roman de Paul Nizan. A la mort du héros, son fils, Pierre, repense à qui était son père et, sous forme de flash-back, nous vivons au fil des 300 pages de cet ouvrage, la vie d’Antoine.

L’écriture est épurée, sobre et précise. Le style est construit, bien qu’assez neutre, il donne de la puissance à cette vie qui n’en a pas.

Antoine Bloyé, fils d’un ouvrier et d’une femme de ménage, gravira les échelons de la hiérarchie sociale pour finir cadre, petit bourgeois, au sein d’une compagnie de chemin de fer dans la France des années folles.

Paul Nizan touche. Il touche en tous cas ceux qui ont une « revanche sociale » à prendre. Il parle à tous ceux qui veulent, ont voulu ou voudront s’élever socialement: faire mieux, faire plus que son milieu d’origine, s’en sortir.

Il touche aussi tous ceux qui donnent à l’effort, au travail, à la volonté, la force d’être la clé d’une réussite.

Il ébranle tous ceux qui, comme Antoine, bien que réussissant, ne se sentent pas intégrés dans leur nouvel environnement et traîtres à leur monde originel.

Il bouleverse enfin par une description cruelle de vérité sur la vacuité des vies construites de la sorte, sur l’habitude, sur la peur des choix vrais, sur le renoncement à vivre pleinement pour, au mieux, vivre petitement.

Antoine Bloyé est un miroir et au final, plus qu’un plaidoyer, une invitation à mesurer ce que nous sommes et à ne pas nous tourner le dos.

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Antoine Bloyé

Un fils juge son père, et le résultat est d'une redoutable lucidité.

Paul Nizan dresse le portrait de son père (appelé ici Antoine Bloyé), depuis son enfance prolétaire jusqu'à l'embourgeoisement qui a fait de lui un "traître à sa classe". Pourtant, sa réussite professionnelle est méritée, au regard du sérieux qu'il a consacré à ses études. Mais son insertion sociale dans le milieu bourgeois du début du XXème siècle nécessite une autre forme de sacrifice.

Paul Nizan, communiste, philosophe et journaliste, use d'un style sec et profond pour raconter ce parcours et décrire sans compassion la "névrose de classe" qui étouffe son protagoniste. Antoine Bloyé a choisi le camp des patrons sur celui des ouvriers, alors qu'entendre "L'Internationale" l'émeut au plus profond de lui. Nizan raconte la vie d'un homme seul, qui a tout raté en croyant tout réussir. Bien que datant de 1933, cet ouvrage est d'une cruelle actualité.

(message personnel : merci à Sociolitte de m'avoir suffisamment intriguée avec sa liste des 6 livres, pour me donner envie de lire celui-ci).
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Aden Arabie

Autant j'ai beaucoup apprécié La conspiration, autant Aden Arabie n'a pas provoqué grand chose dans les méandres de mon esprit littéraire. J'ai essayé de trouver ce voyage où l'auteur s'évoque lui-même, mais malheureusement, je n'ai pas été suffisamment transportée. Paul Nizan avait un réel potentiel en tant qu'écrivain, et je n'en douterai jamais là-dessus. Je mets trois étoiles car ce récit contient tout de même quelques beaux passages.
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La conspiration

Paul-Yves Nizan est né le 7 février 1905 à Tours et tué le 23 mai 1940 à Audruicq (Pas-de-Calais) lors de l'offensive allemande contre Dunkerque. Romancier, essayiste, journaliste, traducteur et philosophe, la publication en 1931 de son premier ouvrage Aden Arabie (qui débute par les phrases devenues célèbres : « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. ») lui permet de se faire un nom dans le milieu littéraire et intellectuel. C’est en 1938 que paraît La conspiration qui sera couronnée du prix Interallié.

Roman en trois parties distinctes, qui esquisse le portrait d’une génération de jeunes gens. Cinq étudiants en philosophie dans le Paris des années 1920/1930 fondent une revue révolutionnaire sous l’impulsion de Bernard Rosenthal, leur leader, un jeune homme issu de la bourgeoisie. Exalté, ou du moins animé de cette fougue naïve propre à la jeunesse, Bernard entraîne ses amis, Laforgue, Jurien, Pluvinage et Boyé, dans ce qu’il considère être un acte héroïque, une conspiration visant à voler un plan militaire pour le compte du Parti Communiste. L’idée lancée, la réalisation en sera beaucoup moins grandiose et finira par capoter lamentablement.

La seconde partie expose l’éducation sentimentale de Bernard Rosenthal. Exalté comme je l’ai dit, en réaction contre son milieu, une riche famille bourgeoise des beaux quartiers, il s’est lancé dans la révolution pour le côté cour, pour le côté cœur là aussi, ses sentiments pour sa belle-sœur le poussent à la contraindre à quitter son mari pour venir vivre avec lui, d’amour et d’eau fraîche mais libre. Bien entendu, entre le rêve et la réalité il y a un fossé que Bernard, aveuglé par son romantisme révolutionnaire ne peut voir, contrairement à sa belle qui finit par lui écrire « Votre terrible orgueil vous perd, vous qui ne valez pas plus que tous les autres, qui n’êtes qu’un peu différent. » Seul contre tous, Bernard se suicidera.

Enfin, la dernière partie est une confession de Pluvinage, qui explique son parcours et sa trahison. Ses origines modestes, ses complexes vis-à-vis de ses amis plus fortunés, son engagement au Parti Communisme, dans un geste de reconnaissance sociale, et ce qui l’a amené à dénoncer à la police, un dirigeant du Parti.

Nizan écrit un roman intemporel, chronique d’une génération. Ou comment passer de la jeunesse à l’âge adulte, sans renier ses idéaux d’adolescence. Quadrature du cercle, renouvelée sans cesse quand les beaux sentiments s’affrontent aux dures lois de la réalité. Certains tentent le passage en force comme Bernard Rosenthal et y laissent la vie, d’autres plus nombreux passent en louvoyant au prix de compromis plus ou moins honorables, il en est majoritairement ( ?) qui abandonnent avec le temps, jeunesse et idéaux, comme le serpent sa vieille peau au bord du chemin.

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Les Chiens de garde

Pamphlet tonitruant contre les intellectuels idéalistes contemporains, contre la servilité des intellectuels face au pouvoir des financiers et à leur idéologie. D'une actualité stupéfiante !

"L'actualité des Chiens de garde, nous aurions préféré ne pas en éprouver la robuste fraîcheur. Nous aurions aimé qu'un même côté de la barricade cessât de réunir penseurs de métier et bâtisseurs de ruines. Nous aurions voulu que la dissidence fût devenue à ce point contagieuse que l'invocation de Nizan au sursaut et à la résistance en parût presque inutile. Car nous continuons à vouloir un autre monde." Serge Hamili Extrait de la préface.
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Le cheval de Troie

Une page d’histoire ou du moins de qu’elle aurait pu être dans une petite ville de province des années 30, quand prenaient forme ces idéologies qui ont marqué le siècle. Le tout écrit avant même que cette fin ne soit connue. Un concentré d’engagement militant, de la violence qu’il entraine, du courage que l’on se félicite d’avoir eu, de la priorité donnée à la mort sur la vie, à l’engagement sur la réflexion politique, au viscéral sur le coeur ou la raison. Un livre visionnaire, troublant et inquiétant.
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Les Chiens de garde

Malgré ses soixante-dix ans d’âge, l’essai de Paul Nizan, communiste et révolutionnaire, trouve une résonnance aujourd’hui : la révolution du « prolétariat » se fait attendre. Si les chiens de garde ne sont plus seulement les philosophes, ils sont toujours là pour revendiquer les bienfaits de l’argent, du libéralisme et du capitalisme.



Pour Paul Nizan, les chiens de garde sont les philosophes. Soi-disant intemporels, Kant, Spinoza et Aristote planent bien au-dessus des hommes en tergiversant sur les Idées de la vérité, de la vie, de la vertu et de l’homme. Soi-disant objectifs et désintéressés, ils évoluent loin des réalités matérielles des hommes.



Les philosophes, comme tous les hommes, ne peuvent échapper à leur subjectivité. Leurs pensées, inapplicables et inutilisables par les hommes en proie aux difficultés terrestres, sont stériles, décalées par rapport à la réalité et dangereuses.



Pour Paul Nizan, les philosophes sont des chiens de garde parce qu’ils se sont rangés du côté des bourgeois. Eux-mêmes bourgeois de naissance, ils répandent une philosophie conformiste, simplifiée, arrangée qui laisse croire aux hommes qu’elle leur apporte les solutions à leurs problèmes... Il est certainement plus facile de s’allier aux oppresseurs qu’aux opprimés.



La suite de la critique sur mon blog :

http://www.bibliolingus.fr/les-chiens-de-garde-paul-nizan-a80136706
Lien : http://www.bibliolingus.fr/l..
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Aden Arabie

"J'avais vingt ans. Je ne laisserais personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. "



Vous avez déjà surement entendu cette citation célèbre : il s'agit de l'incipit du texte de Paul Nizan, Aden Arabie, paru en 1931 et beaucoup moins connu.

Paul Nizan est né en 1905 et fait la connaissance de Sartre au lycée Henri IV. En 1926, il part à Aden, au Yémen pour devenir précepteur. A son retour, en 1927, il adhère au parti communiste. En 1939, à la suite du pacte germano-soviétique qu'il voit comme une alliance entre nazis et communistes, il rompt avec le parti. C'est en 1940 qu'il tombera à la guerre.

Si je vous raconte tout ça, c'est parce que, suite à sa rupture avec le PCF, s'est ensuivit une campagne discriminatoire sur sa personne et qu'il fut peu à peu oublié. C'est la réédition de l'ouvrage en 1960, préfacé par Sartre, qui permettra de le réhabiliter aux yeux du grand public. Et c'est cette même édition qu'on trouve encore aujourd'hui.



La préface de Sartre fait quand même une cinquantaine de pages que j'ai allègrement sauté après les premières !

Je dois dire qu'il va m'être très difficile de parler de ce livre que je n'ai pas complètement compris...



Nizan y relate son voyage à Aden mais on ne se trouve pas face à un récit de voyage...

Il commence tout d'abord par dresser un portrait particulièrement dur sur ses contemporains occidentaux et n'hésite à donner des sentences sans appel sur la fameuse Ecole Normale.



" Il ne resta plus que l'Ecole Normale, objet comique et plus souvent odieux, présidée par un petit vieillard patriote, hypocrite et puissant qui respectait les militaires."



" On y dresse une partie de cette troupe orgueilleuse de magiciens que ceux qui apeint pour la former nomment l'Elite et qui a pour mission de maintenir le peuple dans le chemin de la complaisance et du respect, vertus qui sont le Bien. "



Il décide de partir pour Aden pour fuir la petite bourgeoisie, son confort et son conformisme qu'il abhore au plus haut point. Une fuite qui peu à peu se changera en révolte contre le devoir et la patrie. Nizan fait partie de la génération de l'après-première guerre mondiale qui reprochera à ses ainés de n'avoir pu empêcher une telle guerre. Une époque faite de vide qui verra les débuts d'une industrialisation galopante. Nizan rêve aux voyages de ses prédécesseurs, Rimbaud, Gauguin et autres artistes. Il attend de l'aventure.

Mais sa désillusion va être grande : Aden est sous protectorat britannique et

Il y retrouvera les vendeurs de pétrole et de café et les hommes d'affaires qu'il exècre. Comme en Europe, c'est la loi du profit qui règne. Le portrait d'un certain Mr C. est, à ce titre, édifiant :



" Le passé dont il tirait une excessive fierté se réduisait au nombre de lakhs de roupies dont pouvait le créditer la National Bank of India "



L'argent fait la loi et conditionne la vie des locaux qui vivent sous l'influence coloniale

C'est écoeuré qu'il rentre à Paris et complètement désabusé sur l'utilité des voyages.



" Avais-je besoin d’aller déterrer des vérités si ordinaires dans les déserts tropicaux et chercher à Aden les secrets de Paris ".



Il conclut en déclarant qu'il faut combattre le capitalisme et l'esprit petit-bourgeois, à sa source même.

Il oppose le monde des producteurs et des ouvriers à celui des capitalistes et condammne " l'Homo Economicus".



Vu comme ça, le texte parait facile. Sachez qu'il n'en est rien !

Nizan part dans de grandes envolées philosophiques et utilise de nombreuses métaphores qui perde complètement le lecteur non préparé à un tel texte et au contexte historique dans lequel il a été écrit.

On y trouvera aussi de très beaux passages pleins de poésie mais parfaitement obscurs.



On ne s'étonnera pas non plus d'y trouver une ou deux remarques, quelque peu antisémite, époque oblige.

" Mais les bourgeois produisent et possèdent abstraitement. Comme il y a beau temps qu’ils ont hérité d’Israël, ils passent la vie à prêter à intérêt . "



Je dois dire que ma lecture a été très très pénible et que j'ai failli abandonner en cours de route.

Mal préparée et ne m'attendant pas à un tel pamphlet, je n'ai absolument pas adhéré à son écriture que j'ai trouvé confuse, décousue et très abstraite.

Malgré tout, il faut reconnaitre que c'est un livre fort pour l'époque et dans lequel on pourrait tirer certaines sentences encore valables aujourd'hui. Pourtant le texte a vieilli et est devenu difficile d'accès pour les lecteurs d'aujourd'hui.



Aden Arabie reste pourtant le cri d'un homme révolté contre un monde dans lequel il ne se reconnait pas, un monde dirigé par les enjeux économiques et les intérêts coloniaux. Symbole d'une jeunesse désanchanté, Nizan déteste le monde sur lequel il porte un regard très pessimiste.



" Il n'existe que deux espèces humaines qui n'ont que la haine pour lien. Celle qui écrase et celle qui ne consent pas à être écrasée. "



On pourra constater qu'il se rapproche un tant soit peu de Rimbaud dont le parccours offre quelques similitudes.



Contente de l'avoir lu mais je ne le recommande pas tant sa lecture est laborieuse...
Lien : http://legrenierdechoco.over..
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