Peter Sís: 2015 National Book Festival
En dépit de nos ricanements devant les cargaisons de cochonneries (nous semblait-il) qu’il rapportait fréquemment à bord, lui et son serviteur redoublèrent d’ardeur avec leurs pioches, et rapportèrent ce qui a été prouvé depuis comme étant les vestiges les plus intéressants et les plus précieux d’espèces éteintes.
De Fitz-Roy, le commandant du Beagle, à propos de Darwin.
Je retraverse le pont. Le chat me précède. Nous flottons dans le brouillard qui monte du fleuve.
Je me souviens des printemps si clairs, des premières feuilles, des œufs de Pâques, du gâteau en forme d’agneau, de l’arbre de mai et du ciel bleu, si bleu.
Je ressens la présence de tous ceux qui, comme moi, ont passé ce pont et de tous ceux qui le traverseront un jour.
Passagers du temps, figés, pour une seconde d’éternité en commun.
Les animaux étaient gentils: nous sommes devenus amis.
Aussi loin que remontaient ses souvenirs, il avait toujours aimé dessiner.
Il avait commencé par dessiner des formes. Ensuite, il se mit à dessiner des gens. A la maison, il dessinait tout ce qu’il voulait. A l’école, il se mit à dessiner ce qu’on lui disait de dessiner. Il dessina des tanks. Il dessina des guerres.
Il ne remettait pas en question ce qu’on lui disait. Ensuite, il découvrit qu’il y avait des choses qu’on ne lui disait pas. Il commença lentement à remettre les choses en question. Il peignit ce qu’il voulait – en cachette. Il entra dans un groupe de rock et se mit à peindre de la musique. Tout paraissait possible…
Ce fut le Printemps de Prague de 1968.
Je cours à la poursuite du chat. Les rues ont encore changé. Elles me rappellent les vents d’automne, l’odeur des pommes, l’allumeur de réverbères et sa longue perche, la gelée blanche.
Nous traversons le pont. Personne. Les cerfs-volants de jadis disparaissent dans la brume. Nous sculptions des poupées miniatures dans les marrons. Des chevaux fumants tiraient la voiture postale. Réveil dans le noir les jours d’école… Le chat court toujours en tête !
Je n'étais pas un héros, dit Nicky.
Je n'ai fait face à aucun danger, contrairement aux vrais héros.
J'ai juste fait ce qu'il fallait faire.
« Tu es né à New-York, dans le Nouveau Monde, et un jour, tu te demanderas certainement d'où venait ton père. Ce livre est là pour te l'expliquer. Il se peut que tu ne parles jamais tchèque. Tu préféreras peut-être d'autres parties de cette belle planète : les bleus océans, les îles vertes, les bruyantes métropoles. Tu en as la liberté. Pourtant, un jour, tu entreras dans Prague, la ville où j'ai grandi, dans tes pantoufles aussi douces et silencieuses que des pattes de chat, et tu chercheras peut-être les clés. Si par hasard tu les trouves, ne t'empresse surtout pas de dévoiler son mystère trop brusquement. »
« Il repensait à son enfance, aux endroits qu'il avait vus, aux choses qu'il avait faites et aux personnes qu'il avait rencontrées. Il acheta une petite boîte d'aquarelle et se mit à travailler à un livre illustré qui racontait l'histoire d'un petit garçon aux cheveux dorés. Le Petit Prince parut pour la première fois en avril 1943, aux Etats-Unis. Dans ce livre, il décrivait une planète plus innocente que la sienne et un petit garçon qui s'aventurait loin de chez lui, en quête de réponses sur le fonctionnement des choses. »
Ça tournait, tournait...
J'étais perdu.
Je dérivais.
De sa cabine, à bord de la Santa Maria, Christophe Colomb consignait ses observations sur le journal de bord. En réalité, il en avait deux, et sur l'un, il raccourcissait les distances pour rassurer l'équipage apeuré.