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Citations de Pierre Alféri (27)


La pluie glacée poursuit
chacun dans son impasse
la berge étroite
du flux de tôle
autour des foyers électriques
les grappes de nous
venus nous réchauffer les fesses
ou nous brûler les yeux
sommes
d'animaux rationnels
non-entiers fractions
irréductibles
au dénominateur commun
proche de zéro.
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Ayez du désespoir, cela fait vivre.

Comptez sur vos ennemis. Ils vous font meilleure publicité que vos amis.
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Dédié au repos des membres et d'au moins deux organes - le cœur et le cerveau -, le dimanche donne aussi congé au conteur invisible. La plupart des gens que côtoie Daniela les jours ouvrables sont couverts de récits. Ils traversent la semaine chargés d'anecdotes, de rumeurs et de scénarios. Ils ont en permanence dix histoire à répéter, dix nouvelles à annoncer, qui toutes, vu l'entrain qu'ils mettent à le faire, doivent les toucher de près. Comment font-ils pour affronter tous les sept jours de mutisme du petit barbichu implanté dans leur crâne, quand il n'a plus ni l'entreprise, ni les collègues, ni des journaux dignes de ce nom pour alimenter leur moulin à salive ?
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Pour vouloir dire quelque chose, il faut disposer de la phrase où cette volonté est articulée, où cette chose est nommée. (Il n'y a de "vouloir-dire" qu'après coup).
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pour souffrir le protocole
la panoplie de chasse à courre
les noms risibles
les règles qui compilent
des exceptions, des choix
arbitraires, le ton
le ton surtout esthète
de l’expert embusqué
et le public (ah le public)
qu’est-ce que tu aimes tant
dans les concours hippiques ?
les chevaux ? – les chevaux ?
non, le saut
le saut même, soudain
silence des sabots, apnée
membres en extension, conscience
extatique du temps
appel d’air
où peut se glisser la syncope
qui ne réveille plus
le poète alcoolique et la chute
miroite, fait de l’œil
dans le plan d’eau
le trot savant
de la bête captive
comme anticipation du vol
les yeux fixés dès la première
foulée après l’obstacle
sur le suivant
mais le dernier
me trouble toujours et la fin
me déçoit, le cheval
redevient cheval
rétrograde au pas
et le cavalier, cavalier :
je voudrais qu’ils bondissent
hors de ma vue, se désintègrent
en l’air – étrange idée
quand j’admirais
les coureurs africains de l’est
avec ou sans obstacles
les plongeuses, les perchistes
les sauteurs en longueur et hauteur
je n’ai jamais envisagé
le talon qui atteint le sol
l’entrée des mains tendues
doigts parallèles dans l’eau chlorée
la posture, catastrophe
frôlée, du corps quand il
se rétablit, la réception
(comme on l’appelle)
séparément du saut
elle compte
inscrite dès l’envol
pour beaucoup dans la note
et la tenue des barres
qu’ont effleurées les pattes arrière
comme en poésie le rejet
le membre amputé regreffé
plus tout à fait le même
fait partie de l’enjambement
car sans lui, tant qu’il n’a
pas touché terre, un seul
vers coupé court
n’enjambe rien
de sorte que
(conclut cet ami querelleur)
les derniers pas de ton cheval
ne démentent pas sa nature
de Pégase à mi-temps
au contraire ils prolongent
le dernier saut
l’atterrissage
final où l’élan dure
et fait courir l’homme harnaché
devant le parachute évoque
l’impact et le roulé-boulé
d’une pomme, la contingence
de ce qui touche le cœur :
le coup de frein in extremis
la coda, la pointe, l’envoi
n’ont ni défaut ni privilège
menaçant, une révérence
en forme de pirouette
relie l’instant d’ivresse
dans chacune des embardées
ou des rivières enjambées
à ce suspens indéfini
qu’elle imprima dans la mémoire,
la grâce au risque de l’arrêt.
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C'est en éloignant la langue que l'on peut lui donner une voix. Cette voix est un idiome littéraire, la langue entendue comme écho. Faire des phrases dans cette langue c'est faire reculer la langue. Faire des phrases dans cette langue qui n'en est pas une, mais un certain rapport rétrospectif à la langue, c'est inventer des phrases.
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Et dormir nouvelle de François Bégaudeau : Béatrice a perçu l'ironie de la reprise mot pour mot et le second sourire complice du couple, d'autant plus voyant que dissimulé.

Beate nouvelle de Stéphane Bouquet : Elle est assise sur les toilettes et lit les graffitis. C'est un de ses trucs pour échapper aux obligations de l'amitié. Elle prétend qu'elle est plus ou moins malade et se réfugie ici, la porte verrouillée.

Enchère nouvelle de Pierre Alferi : Daniela fait une caresse machinale, sous l'ourlet de la jupe, à sa cuisse marquée par un souvenir d'enfance cuisant.

Un hold-up nouvelle de Christine Montalbetti : C'est souvent dans le tissu des journées les plus ordinaires que survient l'accroc de l'évènement.

Déontologie nouvelle de Joy Sorman : Quand Béatrice Merkel reçoit un client potentiel qui lui présente des faux papiers, elle refuse d'ouvrir le compte ; elle n'appelle pas non plus la police, alors que c'est ce que lui demande son supérieur hiérarchique mais - "faut pas exagérer".
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Pour éprouver le rythme et pour agir sur lui, il faut tenir la syntaxe en respect. Le langage courant baigne dans l'élément de la syntaxe, il se laisse bercer par son rythme ; il lui suffit donc de reprendre des formes de phrases éculées. À l'opposé, dans la poésie, l'enjambement est l'indice sonore d'une crise syntaxique nécessaire à l'invention des phrases : le vers et la prosodie, unité et rythme non grammaticaux, mettent la syntaxe en crise. [...]
Sans mélanger les genres ni la confondre avec leur pratique respective, on peut définir la littérature par l'inquiétude de la syntaxe

p. 26.
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Lavée par la nuit la ville a
des airs de cour ensoleillée
déserte avec la rumeur
off de l’école —
aucun adulte ne me voit
-- un banc
une barre à entrée multiple
volets fermés, fenêtres closes
sauf au deuxième deux
bulles d’intimité
crevées par l’objectif —
une vieille mise en plis
un jeune épinglé
posent la condition
être c’est être
percé
à jour — un bruit d’obturateur
une pause
ils ont fermé ensemble
sur le premier temps du matin
les hublots d’un convoi
qui démarre.
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Des inconnus ont pris vos places
à la table ronde, leurs mains
déjà tapotent le marbre —
je pense à vous beaucoup
-- le bras d’un chevalier
de l’ordre vulgaire
mouline la neige
tranche et trie les têtes
dans le bruit vidéo
on l’oubliera ce long zapping —
je pense à vous beaucoup
pixellisés parmi les zooms
de la mémoire, vous êtes presque
dans le décor
vos genoux, vos mentons, vos coudes
tendent la toile
des pellicules
puant le ketchup et la cire
vous collent à la peau —
je pense à vous beaucoup
mes regrettés vivant
sur cette chaîne étrangère
dont nous partageons les plages
faute de vie commune.
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Partir toujours, avoir toujours
le sac zippé résume
la fortune faite
par soustraction
la clé de l’appartenance
peut être au fond de ce tiroir avec les autres
sans serrure fixe — il n’y a rien
autour de l’os
du nom de personne
pas une porte de prison
un rien sépare
de l’élément
extrêmement respirable.
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SURVIE
La température moyenne est actuellement de 21° au niveau de la Corolle, avec des variations d’une amplitude de 11°.
Son augmentation annuelle n’est pas préoccupante. Elle reste moins rapide que celle de la température au sol, estimée par la Station Calicienne de Thermosurveillance entre 54° (le long de l’équateur) et 10° (aux pôles), soit 0,5° de plus que l’an passé.
Le taux d’oxygène, de 19 % en moyenne, reste acceptable. Les nacelles sont donc maintenues à 13 350 mètres jusqu’à nouvel ordre.
Grâce aux progrès bienvenus des incendies dans les ex-jungles amazonienne, africaine et thaïlandaise, le taux d’ozone est en augmentation. Le rayonnement ultraviolet est ainsi cantonné entre les indices 7 et 11. Outre le masque à oxygène, le port de lunettes et de gants reste recommandé dans la journée sur les coursives.

CARNET
On déplore le décès soudain et concomitant de douze personnes dans la nacelle 142, soit la totalité de son équipage. Les causes exactes de la mort, survenue pendant l’imprégnation collective, n’ont pas encore été déterminées.
L’Internasse A a pris en charge soixante-quatre candidats au surgel rémissif. La sinistrogyre en compte déjà soixante-dix-sept. Ces patients, souffrant de maladies incurables ou inconnues, seront confiés respectivement aux glacelles nors et sud. Le taux d’occupation de ces dernières avoisine les 80 %, mais les réserves d’azote liquide permettent d’envisager sereinement l’avenir proche.
Légère baisse du nombre de chutes accidentelles : trois cette semaine contre cinq la semaine dernière.

DU NEUF DANS LES NASSES
L’archelle 72 a le plaisir d’annoncer la naissance d’un lynx et de deux autruches. Les places étant comptées, les heureux parents seront prochainement jetés par-dessus bord.
La production de sauterelles, blattes volantes et autres insectes hyperprotéinés a dépassé les prévisions dans la nasserre 26. Le lâcher du surplus est prévu pour demain. L’équipage des nacelles voisines est invité à ne pas ouvrir les fenêtres pendant une semaine.
Marceline Fremdauer, soixante-douze ans, a de nouveau battu son record d’endurance en ski de fond de salon. La Gymnasse offre un bal.
Pénurie de jetons dans la Casinasse après des gains exceptionnels. Les imprimantes tournent à plein.
La Lupanasse signale la mort « quasi volontaire », en un week-end, de trois personnes par apectase et apoptose. Il s’agit respectivement d’un arrêt cardiaque, d’une congestion cérébrale et d’une autostrangulation.
Dans l’ensemble des nasses récréatives, le taux de perte passe à 6 % avec une chute de la Gymnasse et trois chutes – simultanées – de la Casinasse. Les suspects sont respectivement : un stimulant (type MDE) et un hallucinogène (type DOM).
L’internasse A a désormais cinq jours, et donc cinq nacelles, de retard, tandis que la B n’en a pour le moment que trois. Dans leur tour de la Terre annuel, le lieu prévu de leur croisement est donc décalé de deux nacelles vers le nord, et la date encore repoussée de deux jours. (En raison des impondérables du cabotage, il est recommandé de consulter la mise à jour quotidienne du planning.) (Dépêches, L’OffiCiel, janvier de l’an 40, archivé par Clémentine Ray, nacelle 240.)
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C'est le texte de trois pièces - Repète. Coloc. Les Grands - commandées et créées par Fanny de Chaillé

Pour parler donc de plein de chose comme tous les jours

Mais aussi se parler à distance, transcrit, trahi
Être parlé.e.s ventriloqué.e.s
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La drague sur internet ou la mort : Daniela Trip hésite.
(...)
Dans son genre, une assez jolie jeune femme.
(...)
Redoute que les hommes n'aiment (...) que son derrière
(...)
omniopathe : cela fait plus malade que médecin
(...)
PAK : Parti Anti Kiwi
(...)
Est-il possible qu'une chose aussi absurde (...) existe ?
(...)
Le PAK n'est même pas unique en son genre, puisque l'existence d'un parti anti-lichi semble avérée (...) que des illuminés luttent par un biais aussi biaisé contre l'idéologie libérale, c'est leur affaire.
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Le Kitsch national : croyance largement partagée en une religion assortie de "valeurs" auxquelles, en s'appuyant sur la récente restauration politique, il faidrait "revenir". Les plus grandes inventions formelles, héroïquement arrachées aux convenances et à la bienséance de la représentation littéraire, sont oubliées ou reniées au profit du conformisme figuratif. Le récit comme "histoire" linéaire est ainsi érigé en valeur fondamentale, mais aussi l'authenticité de la langue, le retour à une "simplicité" perdue (heureux les simple d'esprit), associés bien sûr à des descriptions terriennes et authentiques, garantes d'une "vraie" littérature. Genre particulièrement vivace, et sous diverses formes, en France mais aussi en Angleterre (la recherche de l'Englishness ou de la "francité" perdue...) Cf. Peter Ackroyd, La Mélodie d'Albion ; Richard Millet, Le sentiment de la langue.
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La phrase instaure un rythme qui lui est propre, mais qui ne se réduit pas à sa construction : une syntaxe plus riche que sa grammaire. Tout ce qui est balancement, vitesse, syncope relève de la syntaxe. Ainsi entendue la syntaxe est bien plus que le squelette de la phrase, c'est son système circulatoire : ce qu'il y a de rythmique dans le sens.
p. 25
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Comme on sait peu (comme on s’en fout)
trois pièces dans la fontaine
tes lèvres volontiers
je tiens le monde à un fil
-- la musique de l’été dure
les robes ont des membres
autonomes ou des animaux
gentiment agités
les cernent mystère
de la formule poids/volume
-- les amis du jour se nomment
lumière au-dessus de la toile d’araignée
taureau debout, papier dans la main
des grappes se balancent
de tulle périlleux, s’il lâche
il y aura mort en coulisse
-- c’est vrai, tout est vrai
flotte autour de la ligne
quand tu n’entends plus l’on se dit
ce qu’on se dit quand on se parle dans le vide.
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Tout à coup tout le monde
est vieux, dans l’air
un parfum déférent
entête, une suée
ou la note du variateur
quand la lumière baisse —
tu te rappelles : murmur
and music thin of sudden breeze
à quel âge as-tu contracté
la haine de l’innocence ?
-- le quart d’heure public passé
inaperçu sous l’avalanche
du stroboscope on se retrouve
ni mieux ni pire, au bar —
quelque chose a enflé, quelque chose
s’est creusé chez toi
mais quoi ? — mais non
c’est la lumière
aujourd’hui mon œil s’en repaît.
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Repassant dans les interstices
de tes détails indiscutables
ma veste à battre le pavé
j’ai trouvé le vert blanc
qui n’est pas tout à fait le glauque
d’une lumière de la ville
où un visage aspire
-- avant je n’ai parlé que trop
bas ou trop fort
au risque de rompre le fil
alors sonnez dehors trompettes
l’œil de l’écran fermé
dans le sac où j’ai plus d’un trou —
voici la fraîche réelle
sa densité soudain
en douleur, sa durable
dureté de mine éboulée
voici le taxi affligé d’un tic respiratoire
en mesure avec le compteur
il n’y a rien d’autre
il n’y a que ça.
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Si petites les bulles, si vite
écloses, l’eau si lisse
et le monstre marin
venu fouir dans la vase au pied
de notre embarcadère
certainement si formidable —
comme nous ne l’attendions plus
ne pas le voir nous va, le voir
ne nous troublerait pas
mais son moteur, la queue
musclée nous bat le sang.
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