Citations de Pierre Corneille (1037)
Et le puis-je, Madame ?
Donner ce qu’on adore à ce qu’on veut haïr,
Quel amour jusque-là pût jamais se trahir ?
EURYDICE
Est-ce le mal aimer que de le vouloir le suivre ?
PALMIS
C’est un excès d’amour qui ne fait point revivre,
De quoi lui servira notre mortel ennui ?
De quoi nous servira de mourir après lui ?
Lorsque d’aucun espoir notre ardeur n’est suivie,
Doit-on être fidèle aux dépens de sa vie ?
Qu’il aimait le premier, qu’en dépit de sa flamme
Il cède, aimé qu’il est, ce qu’adore son âme,
Qu’il renonce à l’espoir, dédit sa passion,
Est-il digne de grâce, ou de compassion ?
L’amour dans sa prudence est toujours indiscret,
À force de se taire il trahit son secret,
Le soin de le cacher découvre ce qu’il cache,
Et son silence dit tout ce qu’il craint qu’on sache
Il est si naturel d’estimer ce qu’on aime
Qu’on voudrait que partout on l’estimât de même.
C’est peu que de la main, si le coeur en murmure.
Quand nous avons perdu le jour qui nous éclaire,
Cette sorte de vie est bien imaginaire,
Et le moindre moment d’un bonheur souhaité
Vaut mieux qu’une si froide, et vaine éternité.
Je veux qu’un noir chagrin à pas lents me consume,
Qu’il me fasse à longs traits goûter son amertume,
Je veux, sans que la mort ose me secourir,
Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir.
Je sais ce qu’à mon coeur coûtera votre vue,
Mais qui cherche à mourir doit chercher ce qui tue
Quand on a commencé de se voir malheureuse,
Rien ne s’offre à nos yeux qui ne fasse trembler,
La fausse apparence a droit de nous troubler,
Et tout ce qu’on prévoit, tout ce qu’on s’imagine,
Forme un nouveau poison pour une âme chagrine.
Tu vois ceux que je souffre, apprends ceux que je crains.
« À qui sait bien aimer , il n’est rien d’impossible » …
Et le combat cessa faute de combattants
LE GEOLIER
On nous tient des chevaux en main sûre aux faubourgs
Et je sais un vieux mur qui tombe tous les jours,
Nous pourrons aisément sortir par ces ruines.
ISABELLE
Nous donnons bien souvent de divers noms aux choses,
Des épines pour moi, vous les nommez des roses,
Ce que vous appelez service, affection,
Je l'appelle supplice et persécution.
Chacun dans sa croyance également s'obstine,
Vous pensez m'obliger d'un feu qui m'assassine,
Et la même action à votre sentiment
Mérite récompense, au mien un châtiment.
RODOGUNE
(...)
Pour gagner rodogune il faut venger un père,
Je me donne à ce prix : osez me mériter.
Et voyez qui de vous daignera m'accepter.
Adieu, Princes.
(Acte III - Scène IV)
SELEUCUS
- O haines! ô fureurs dignes d'une Mégère!
O femme, que je n'ose appeler encore mère!
Après que tes forfaits ont régné pleinement,
Ne saurais-tu souffrir qu'on règne innocemment?
Quels attraits penses-tu qu'ait pour nous la couronne,
S'il faut qu'un crime égal par ta main nous la donne?
Et de quelles horreurs nous doit-elle combler,
Si pour monter au trône il te faut ressembler?
ANTIOCHUS
- Gardons plus de respect aux droits de la nature,
Et n'imputons qu'au sort notre triste aventure.
Nous le nommions cruel, mais il nous était doux
Quand il ne nous donnait à combattre que nous.
Confidents tout ensemble et rivaux l'un de l'autre,
Nous ne concevions point de mal pareil au nôtre ;
Cependant à nous voir l'un de l'autre rivaux,
Nous ne concevions pas la moitié de nos maux.
(Acte II - Scène IV)
ANTIOCHUS
- L'amour, l'amour doit vaincre, et la triste amitié
Ne doit être à tous deux qu'un objet de pitié ;
Un grand coeur cède un trône, et le cède avec gloire :
Cet effort de vertu couronne sa mémoire ;
Mais lorsqu'un digne objet a pu nous enflammer,
Qui le cède est un lâche et ne sait pas aimer.
De tous deux Rodogune a charmé le courage,
Cessons par trop d'amour de lui faire un outrage :
Elle doit épouser, non pas vous, non pas moi,
Mais de moi, mais de vous, quiconque sera Roi.
La couronne entre nous flotte encore incertaine,
Mais sans incertitude elle doit être Reine.
(Acte I - Scène III)
LAONICE
- Enfin ce jour pompeux, cet heureux jour nous luit,
Qui d'un trouble si long doit dissiper la nuit,
Ce grand jour, où l'hymen, étouffant la vengeance,
Entre le Parthe et nous remet l'intelligence,
Affranchit sa Princesse, et nous fait pour jamais
Du motif de la guerre un lien de la paix ;
Ce grand jour est venu, mon frère, où notre Reine,
Cessant de plus tenir la couronne incertaine,
Doit rompre aux yeux de tous son silence obstiné,
De deux Princes gémeaux nous déclarer l'aîné ;
Et l'avantage seul d'un moment de naissance,
Dont elle a jusqu'ici caché la connaissance,
Mettant au plus heureux le sceptre dans la main,
Va faire l'un sujet, et l'autre souverain.
(Acte Premier - Scène Première)