[
Françoise Rey]
Entretien avec
Françoise REY à propos de son livre "
En toutes lettres" (aux éditions Ramsay).Elle parle de l'histoire de son livre, de sa manière d'écrire, du
langage et des
romans érotiques.
Maintenant je vais l’aimer aussi parce qu’il dort, et que son sommeil est encore plus attendrissant que tout le reste !… Tu vois, je venais de toucher le fond de la pornographie, de l’horreur, de l’indicible…
Au-dessus de moi, il voyage toujours, lent et régulier comme un voilier qu'un souffle égal emmène. Il a mis un pied à terre pour stabiliser notre vaisseau, son autre jambe repliée sous lui me sert d'appui. Ses deux mains à mes hanches guident notre périple, je monte et je descends sur son mât au gré d'une croisière paisible, il vient à ma rencontre et recule toujours sur la même cadence... Je voudrais hâter le pas, cavaler au port, aboutir enfin, et je n'ose, de peur de le bousculer, et je me laisse envahir par une allégresse géante qui arrive à un exaspérant train de promenade...
Au bout d'un instant, Marc se tourne vers moi.
— Et toi, alors ?
—Moi, c'est Vick, ou Vicky.
Tristan rit encore. Il attrape une poignée de mes cheveux courts et raides, qui doivent flamboyer dans l'ombre.
— Vick, pour Viking ? demande-t-il.
— Non, pour Véronique. C'est mon père qui m'appelait comme ça.
—Ça te va bien, Véronique, commente Marc. C'est joli. J'avais une poupée qui s'appelait comme ça, quand j'étais mouflet.
—Moi, je préfère Vick, affirme Tristan. Quand j'avais le rhume, ma mère me frictionnait avec de la pommade Vicks.
Non, en quelques secondes tu as abandonné ta lutte. Tu as soulevé les reins et fermé les yeux. À ce moment-là j'ai été si fière que j'ai oublié de mettre mon doigt sur mon clitoris...
Alors pourquoi ?
Pourquoi quoi ?
Pourquoi vous êtes restés ?
Ils échangèrent un long regard.
Moi, finit par avouer le blond, dans un élan de sincérité sans forfanterie, moi j'aurais bien envie de te faire l'amour pour de bon, à ma façon, au moins une fois.
Elle se tourna vers le brun.
Moi, murmura-t-il pour répondre à sa question tacite, personne ne m'attend ailleurs. Et puis, il désigna le blond d'un mouvement de menton, j'aimerais bien lui faire plaisir !
Tu me fais marrer, dit amèrement Joséphine. Tu crois que les gens qui couchent ensemble échangent ? Ils restent la plupart du temps chacun dans leur tête, ils se servent de l'autre comme d'un objet qui les excite et les assouvit. ils se passent des films à l'intérieur, et finalement, ils sont tout seuls. La jouissance, c'est une affaire perso. Ca se partage pas.
Ce que j'ai donné ce soir-là, et redonné encore à ce jeune homme blond, autant qu'il me l'a demandé, ce que j'ai reçu aussi, le don de sa confiance, de son éblouissement, le don de ses mains sur ma peau, de sa bouche, avide d'un pouvoir à partager, le don de son espoir, tout cela me restera toujours infiniment précieux, comme un moment d'ineffable, d'inoubliable grâce...
Si j'étais danseur, je travaillerais avec mon corps, je gagnerais ma vie en l'exhibant dans ses performances. Je tiendrai des femmes dans mes bras.....très intimement serrés...tout le monde trouverait ça naturel...où est la différence ?
-La différence c'est le cul, quand même !
-Ce n'est pas ma faute si on en fait un tabou ....
-Alors vous n'avez pas de tabou ?
-En ce qui concerne mon art, non. Je ne me compromettrai jamais à des choses cruelles ou dégrandantes. Mais, pour le reste, pas de tabou.
Ni tabou, ni honte, ni regret.
Déjà mon dos ondule sous ses doigts comme une mer ou courent les alizés chauds,
ma poitrine monte à la rencontre de ses phalanges de magicien.
Quel goût avais-je ce soir là ? Étais-je sous ta bouche assez salée, assez fruitée, assez sauvage, assez épicée ?