Citations de Pierre Rosanvallon (64)
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La grande force des populismes est d'avoir compris le rôle central qui est désormais joué par les émotions en politique. Certains l'ont explicitement théorisé.
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La forme la plus insupportable d' inégalité reste en effet liée au sentiment de ne pas être traité comme un être humain , d'être rejeté hors du cercle , considéré comme "un moins que rien".
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Ce rôle moteur du sentiment d'injustice dans les luttes sociales a été aussi observé outre Manche.
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Le mépris d'indifférence est tout simplement là un déni d'existence.
L'incertitude est en effet la plus terrible des formes de domination. Elle limite la possibilité pour l'individu de s'affirmer comme un être- -pour -le-temps, d'avoir un destin propre et de construire une histoire avec d'autres.
Le constat des inégalités peut se lier un certain fatalisme, alors que les injustices suscitent toujours l'indignation.
D'une façon plus générale, que ce soit dans le monde arabe, en Afrique, en Asie ou en Europe, c'est l'arrogance des puissants, la corruption des gouvernements et la négation des droits qui font descendre le plus souvent les hommes et les femmes dans la rue.
Il est des moments où, contraints de nous confronter à ce qui nous fait vivre, nous devons faire la part de l'indispensable et du superflu.
Si dans une nation on voyait comme deux nations, la première remplie de richesses et d'orgueil, la seconde de misères et de murmures, on n'y entendrait pas le mot patrie.
Dans "Olbie", un essai de Jean Baptiste Say, publié en 1799, il s'agissait pour l'essentiel, d'une longue exhortatation à vivre sobrement, à se défier de l'excès des richesses, à veiller à ce que l'amour du travail ne soit pas éxité par le désir du gain.
A Olbie, il n'y avait ni opulence excessive, ni extrême indigence.
Les démons de la grande industrie n'avaient pas encore pris place dans cette représentation du monde...
Le terreau favorable à l'expression de la révolte tient non pas à un état objectif mais bien à une perception de la dégradation de sa condition. (Nicolas Duvoux, pp.186-187)
Une société décente prend comme acteur social principal non pas le sujet rationnel intéressé, mais un sujet plus complexe, réflexif, émotionnellement dépendant du miroir social pour donner sens à soi-même et à ses actions, un sujet qui peut aussi bien être individuel que collectif. (Gloria Origgi, pp.172-173)
Plus les sociétés deviennent égalitaires, justes et libres, plus des conditions d'humiliation ressentie se présentent, car chacun demande à être vu comme il se voit vu. (Gloria Origgi, p.172)
La grande force des populismes est d'avoir compris le rôle central qui est désormais joué par les émotions en politique. (p.145)
Les visions conspirationnistes réordonnent le chaos du monde et proposent une forme de réappropriation de la marche des choses en dénonçant ses maîtres cachés. (p.136)
C'est en terme de reconnaissance que l'on peut appréhender simultanément la question de la construction réflexive des personnes et celle du juste rapport entre l'individuel et le collectif (là où l'uniformité de la règle peut opprimer). (p.111)
L'individu-histoire, nécessairement singulier, s'est ainsi superposé à l'individu-condition, davantage identifié à un groupe. (p.71)
Les injustices sont ressenties comme révoltantes alors que les inégalités ne sont que choquantes. Le constat des inégalités peut se lier à un certain fatalisme, alors que les injustices suscitent toujours l'indignation. (p.66)
Le ressentiment est devenu un des axes majeurs d'une certaine culture politique: celle du populisme. (p.53)
La défense des valeurs traditionnelles, liée à la stigmatisation de la culture "progressiste", est ainsi souvent devenue - partout dans le monde, de l'Amérique trumpiste au Brésil de Bolsonaro ou à la Hongrie d'Orban - un vecteur de reconquête d'une fierté perdue de toute une partie des milieux populaires. (p.33)